Critique : Arcade Fire – « Reflektor »

arcade-fire-reflektorOh, ce qu’on avait hâte d’entendre le successeur de The Suburbs, ce disque qui a propulsé le collectif montréalais Arcade Fire dans la stratosphère du rock. Les attentes étaient stratosphériques et le rouleau compresseur marketing qui a précédé la sortie de l’album en a énervé plus d’un.

Bon, vous l’avez sûrement lu quelque part, James Murphy, du très dansant LCD Soundsystem, a coréalisé l’album. De plus, vous avez sûrement entendu parler des voyages du groupe en Haïti, autant sur le plan humanitaire que culturel. Ce genre d’association influence son homme, on savait donc que le groupe avait évolué et qu’on n’aurait pas droit à un Suburbs, deuxième partie.

Si vous avez entendu le premier extrait, Reflektor, vous avez déjà une petite idée de l’orientation qu’ont pris les membres du collectif. Mais vraiment, une toune de huit minutes ne rend pas justice à cet album double de 76 minutes qui passe allègrement d’un genre à l’autre tout en gardant un fil conducteur (la légende d’Orphée).

L’album s’ouvre avec la pièce titre, Reflektor, longue, langoureuse, dansante à souhait. Après une We Exist qui respecte une forme plus traditionnelle se succèdent Flashbulb Eyes et Here Comes the Night Time, deux chansons irrésistiblement inspirées des Caraïbes. Dans Normal Person, Win Butler se prend à la fois pour Elvis et Mick Jagger. You Already Know est probablement la plus suburbienne des pièces de Reflektor, mais elle prépare bien la petite bombe Joan of Arc où Régine Chassagne rend Jeanne d’Arc sexy. C’est sur cette note que se termine le disque 1.

Le deuxième disque s’ouvre sur une reprise de Here Comes the Night Time toute en douceur, qui prépare bien le duo Awful Sound (Oh Eurydice) et It’s Never Over (Oh Orpheus). Vous aurez compris que des chansons qui semblent plus faibles à première vue ont leur utilité : elles mettent la table à de petites bombes qui explosent dans nos oreilles au grand plaisir de l’auditeur. Celle d’Awful Sound est de loin ma préférée. Les guitares sont sublimes, ça tape sur les tambours avec frénésie, Butler chante doucement et tout à coup, PAF! Refrain incroyablement accrocheur, mélodie beatlesque et deuxième couplet au mur du son qui rappelle A Day in the Life. À la fin, on dirait même que George est revenu d’entre les morts pour jouer de la guitare pendant des na na na (qui ne durent qu’une trentaine de secondes, tout de même…). Les Beatles rencontrent Edward Sharpe? Ouais!

Porno, qui suit ce duo, a ce petit côté ballade sombre des années 1980 qui devrait plaire aux gens de ma génération, surtout qu’elle permet à Win Butler de se la jouer un peu crooner, avant de retomber dans l’ambiance carnavalesque avec une Afterlife qui va faire danser bien des gens lors de la prochaine saison des festivals. L’album se termine avec une Supersymmetry en guise de bonne nuit et de générique de fin.

On pourra reprocher bien des choses à Arcade Fire, dont le côté un peu inégal de cette offrande, qui, outre le fait que certaines chansons ne semblent servir qu’à mettre la table pour les suivantes, comporte tout de même quelques longueurs. Neuf chansons sur treize dépassent les cinq minutes. Dans un monde où on s’est vraiment habitué aux chansons de moins de quatre minutes, c’est beaucoup.

Par contre, ça a permis aux membres du groupe d’expérimenter. De prendre leur temps. D’installer leurs personnages, leurs histoires. Jouer avec les rythmes comme d’autres jouent avec les émotions. Si The Suburbs était un album cérébral qui s’adressait à la tête, Reflektor est un album animal qui s’adresse à l’ensemble du corps.

Même si ce n’est pas l’album de l’année, ni même le meilleur album d’Arcade Fire, il s’agit d’un quatrième excellent album pour le groupe de Montréal. Une belle évolution pour un groupe qui refuse de faire du surplace. Les autres albums ont bien vieilli, celui-ci devrait également être meilleur avec le temps.

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Ma note : offset_8