[ALBUM] Action Bronson – « Mr. Wonderful »

 

Action Bronson - Mr. Wonderful (Atlantic Records)
Action Bronson – Mr. Wonderful (Atlantic Records)

Action Bronson, connu pour ses frasques lors de ses concerts, lance son premier album issu d’une compagnie de disque majeure. Attendu depuis quelques années maintenant, Mr. Wonderful est enfin chez les disquaires. Pour comprendre l’univers de Bronson, il faut connaitre les archives du rappeur. Ancien chef cuisinier de renom, il se transforme en rappeur au début de la décennie. Il se démarque spécialement sur scène. Chaque concert est différent, et il y a toujours des surprises. Une de ses frasques les plus célèbres s’est déroulée près d’ici, au RBC Ottawa Bluesfest en 2014Le rappeur s’était éclipsé de la scène pour aller aux toilettes… sans arrêter de chanter. La scène est rapidement devenu virale sur les réseaux sociaux. Cet univers excentrique se retrouve dans les 13 pièces de Mr.Wonderful, totalisant près de 50 minutes.

C’est avec la pièce Brand New Car que monsieur Bronson nous fait découvrir son univers très chaotique. On a ici une chanson décousue, qui ressemble à un démo.. Et c’est voulu. Pourquoi? Parce que c’est du Bronson. Il n’a rien de structuré avec ce rappeur. Tout est improvisé, selon ces envies… pour le meilleur et pour le pire. Les rythmes jazzés de Brand New Car sont excellent et c’est une excellente entré en matière.

Cette admiration pour Mr. Wonderful ne sera pas d’une très longue durée. Nous enchainons avec The Rising. Une pièce inutilement vulgaire, ce qui, soit dit en passant, sera très récurrent tout au long de l’album. Alcool, drogue, sex et argent seront au rendez-vous tout au long de notre écoute. Tous les clichés que nous sommes habitués d’entendre sur le milieu du rap sont tous au rendez-vous, et ce, en très grands nombres. C’est dommage, car de nombreux rappeurs (Jay Z, Kendrick Lamar, Macklemore) font tout en leur possible pour nous faire oublier ces mauvaises langues, mais Action Bronson vient gâcher leur travail.

Mis à part l’écart de langage du chanteur, les rythmes de l’album sont plutôt réussis. La pièce Actin’ Crazy est bien rythmée et la voix de Bronson est plutôt agressive. C’est aux antipodes du ton indifférent du rappeur sur la grande majorité des 13 pièces de l’album.  On enchaine avec la sublime Flaconry, en duo avec Meyhem Lauren. On assiste a du rap beaucoup plus classique, dans la même veine que ce que le Wu Tang Clan ont su nous livrer il y a de sa quelques décennies.

On quitte le rap pour un interlude, Thug Love Story 2017, de plus de deux minutes qui est composée d’une conversion entre Bronson et un inconnu. Ils sont à l’extérieur et Bronson se met à chanter a capella. J’ai bien dit chanter. Nous ne sommes plus dans le rap. C’est très intéressant, car ça vient brasser les cartes du rythme plutôt fade de l’album. Nous délaissons brusquement l’interlude pour la magnifique City Boy Blues. Les rythmes et harmonies de cette pièce sont tout simplement incroyables. Plusieurs instruments s’enchaînent. Action Bronson est dans une forme herculéenne. Nous ne sommes pas vraiment dans le rap, nous sommes définitivement dans du blues. Oui, du blues chanté par Action Bronson en personne! La production est à son meilleur. Nous écoutons, sans le savoir à ce moment-là, une des meilleures pièces de l’album.

L’effet de contraste se fait ressentir. Les prochaines pièces sont beaucoup plus difficiles à apprécier maintenant que nous avons vu le plein potentiel de l’artiste. Par contre, il s’en tire bien, car il nous présente deux fortes chansons. A Light In The Addict, pièce très sombre et mystérieuse suit. L’atmosphère est très réussie. La pluie qui tombe, les sirènes en arrière-plan, le piano très présent. Nous entendons très peu, voire moins d’une minute, la voix de Bronson. Nous sommes dans du bon vieux rap mélodique du Queens. Chance The Rapper vient pointé son nez sur Baby Blue. Il était très attendu. Rappeur très en vogue, il a modifié le rap avec son Acid Rap en 2013. Il est donc l’invité principal de Mr. Wonderful. Baby Blue est donc bien ficelée, très rythmée et sérieuse. Nous avons ici de belles paroles, une belle plume de la part des deux rappeurs. Les voix s’harmonisent à merveille et nous voyons de quoi est capable Bronson.

Nous continuons avec une pièce très américaine, voire patriotique par moment, avec Only In America. La guitare est présente pour nous jouer en boucles les mêmes 3 notes. Nous flirtons entre le rap et le rock. C’est une expérience douteuse, peu réussie. Nous retrouvons le ton peu sympathique et indifférent du chanteur. Il y a clairement un manque de cohésion. Bronson nous a donné du rap, du jazz, du blues, de l’expérimental, de l’a capella et maintenant du rock. C’est trop en 50 minutes.

Nous passons maintenant avec la pièce The Passage tirée d’un concert à Prague. Étrange moment sur cet album, car nous n’entendons absolument aucun mot de la bouche de Bronson. Nous ne comprenons rien, le groupe qui l’accompagne est beaucoup trop fort, quoique très talentueux. La foule est en délire, ce qui est douteux, car nous, sur l’album, nous sommes plutôt confus. Je le disais plus tôt, Action Bronson est délirant sur scène. Par contre, il faut le voir pour le croire… l’entendre ne suffit pas. Cette pièce dite live est un raté de A à Z.

Revenons sur les paroles de Bronson. Malgré qu’elles soient vulgaires inutilement, ce qui colle au personnage qu’est Bronson, elles ont un côté positif. Je parle ici de l’humour du rappeur. En effet, encore encré dans son personnage, Action Bronson nous fait rire sur chaque pièce. Parfois dans l’humour traditionnel, parfois avec de savoureuses références culturelles, il maitrise l’art de faire sourire son auditoire. C’est ce qui nous devons retenir de cet album, l’humour. Il faut tout prendre à la légère avec un recul et avec de l’autodérision.

Nous terminons (enfin) notre écoute avec Easy Rider. Nous avons une pièce violente, avec une trop grande production. Les bruits sont sur l’avant-plan et ils sont trop présents… c’est très irritant. Nous sommes contents que l’écoute soit terminée.

En conclusion, après plus de 50 minutes, je ne sais pas quoi pensé de cet album. Les rythmes sont parfois excellents, parfois plutôt fades. L’humour du rappeur est à son meilleure, mais la vulgarité inutile vient gâcher le tout. Le rythme de la voix de Bronson est trop souvent sur l’autopilote. Il y a un je-m’en-foutisme très récurrent dans sa voix. À l’opposé, dans certaines pièces, le rythme déchainé du rappeur vient brouiller les cartes.  Il est tout un personnage ce Mr.Wonderful. Il a tout fait pour transposer ça sur un album, mais je ne suis pas convaincu du résultat. En spectacle, sur le web, sur vidéo, Bronson est un personnage très divertissant et talentueux. Par contre, cette transposition sur album n’est pas à la hauteur des attentes. Mr.Wonderful fait partie des albums qui s’écoutent à la pièce. Il manque tellement de cohésion qu’il faut seulement écouter quelques pièces pour apprécier…

Action Bronson sera en spectacle au festival Osheaga présenté du 30 juillet au 2 août 2015 au parc Jean-Drapeau à Montréal. Les laissez-passez sont disponible ici