[SPECTACLE] Lancement de «Garder la tension», 5 for Trio (+Nicolas Grynzspan)

S’il y avait un spectacle de jazz parfait autant pour initier des gens au genre que pour surprendre les plus habitués, c’était bien celui qui a eu lieu samedi dernier au Cercle. Ce soir-là, c’était le lancement du troisième album de 5 for Trio : Garder la tension. Mais dans les faits, c’était bien plus que ça.

 

La première partie, assurée par le quartette de Nicolas Grynszpan (aussi membre du groupe vocal The Rainbows), en a tout d’abord mis plein la vue. Composé de Kenton Mail à la batterie, d’Alexandre Le Blanc à la contrebasse, de Guillaume Martel-Simard à la guitare et de Grynzspan lui-même au chant, le groupe a fait preuve non seulement de prouesses techniques, mais aussi de son lot de créativité. La première pièce, plus traditionnelle, préparait le terrain tout en douceur. On pouvait déjà y noter le scat tout à fait particulier de Grynzspan, qui semblait chanter comme on joue de la guitare ou du violon, ce qu’il nous a fait sentir en adoptant les poses de ces musiciens pendant sa prestation. Après une brève introduction et une reprise tout en jazz d’Englishman in New York de Sting, le groupe a joué une composition du guitariste intitulée Alex Dreams Dreams. C’est à partir de cette pièce que le public put savoir à quoi s’en tenir avec le quartette du jeune parisien. Sur un accompagnement humble et langoureux de ses musiciens, Grynzspan a entamé un solo vocal imitant la trompette. Mais ici, lorsqu’on dit «imiter», le mot n’est pas assez fort. C’est en tout cas ce que vous dirait sans doute le public alors visiblement impressionné par cette prestation, pendant laquelle le trompettiste improvisé passa à travers la gamme de styles de jeu de trompettes imaginables. Ce fut une performance d’autant plus notable qu’elle eut lieu un peu plus de 24h après les évènements tragiques arrivés la veille à Paris.
A suivi une composition du chanteur lui-même, pendant laquelle sa voix contrefit, à l’aide de quelques effets sans doute, la guitare électrique, voire le synthétiseur. Puis, en guise de pièce finale, on eut droit à une reprise de (croyez-le ou non) Toxic (oui oui !) de Britney Spears aussi entraînante que les autres pièces étaient captivantes. Cela va sans dire que le public applaudit chaleureusement le quartette qui a su réchauffer solidement les planches pour la prestation de 5 for Trio. Il faut mentionner, d’ailleurs, que malgré le talent et l’inventivité notables du chanteur, ce dernier ne faisait pas d’ombre à ses excellents musiciens, dont le guitariste semble être celui qui a le plus impressionné le public. Pour ma part, je crois qu’il ne manquait au tout qu’un solo de batterie pour compléter le tout.

 

Même avec une performance aussi solide de la part du quartette, 5 for Trio n’ont rien eu à envier à leur première partie. Tous deux des spécialistes dans leur style, ces groupes abordent le jazz d’une façon très différente. En effet, si Nicolas Grynzspan fait du jazz avec autre chose (comme avec des pièces pop ou rock), 5 for Trio font autre chose avec du jazz. En effet, malgré leurs standards et leur instrumentation purement jazz, la musique du trio se rapproche bien plus souvent du progressif ou même du rock. Webster, invité à monter sur scène pour rapper sur As de trèfle, explique très bien le sentiment que j’avais notamment à l’égard du rythme de leur musique : alors qu’on est souvent habitué à de la musique en quatre temps, 5 for Trio nous sort de notre zone de confort avec de la musique «en cinq en trois en sept, en on ne sait plus quel temps». Et c’est toujours appelé à changer, même au sein d’une de leurs pièces, qui sont aussi changeantes sur plusieurs autres niveaux.

5 for Trio ont joué leur album d’un bout à l’autre, dans l’ordre, avec la participation de Webster, comme on l’a mentionné, ainsi que celle d’une violoniste et d’une violoncelliste pour la première pièce. On peut relever l’aisance du trio (Sylvain Saint-Onge, Guitare ; Mathieu Rancourt, Contrebasse ; Jean-François Gingras, Batterie) à s’adresser à son public, qui était, avouons-le, très nombreux pour une soirée jazz et très attentif pour un spectacle au Cercle, en plus d’être enthousiaste. Les chansons, variées et intenses, ont été rendues avec un sens du timing im
pressionnant et avec une belle énergie. J’ai particulièrement apprécié Captations clandestines avec ses teintes orientales et psychédéliques. Pour ceux qui étaient au festival OFF, ça m’a rappelé quelques instants la performance monstre de Yonatan Gat. Pour bien terminer la soirée après leurs quelques remerciements et des applaudissements à n’en plus finir, le groupe a fini avec Prevision suivie de Inner Revision, des pièces-suite de leur album précédent, Witness & reactions, personnellement mes préférées de ce disque.

 

Crédit photo: Ludvig Germain-Auclair