[ALBUM] Karim Ouellet – « Trente »

Trente par Karim Ouellet (Coyote Records)

C’est en 2014, dans la foulée de son album Fox, que le chanteur de Québec Karim Ouellet a atteint la trentaine. Fidèle à son habitude de s’inspirer de sa vie pour composer ses pièces, il nous propose son troisième opus Trente abordant, entre autres, l’amour, la rupture et la trentaine. En entrevue récemment avec le magazine Elle Québec, Karim affirmait : «Je me satisfais de moins en moins de mon travail. Je veux toujours faire mieux. Selon moi, les chansons de Trente sont les meilleures que j’ai composées jusqu’à présent». Est-ce vrai ?

D’un point de vue strictement lyrique, Karim Ouellet nous offre son œuvre la plus réussie de sa discographie. Les thèmes abordés, les métaphores et la poésie des textes sont évoquants et parfois émouvants. Nous ressentons la peine, voire une interrogation profonde sur l’amour en général, de sa plus récente rupture sur Cœur gros. Paradoxalement, sur Cœur de pierre, le chanteur espère qu’une fille « brisera son cœur de pierre » tout en s’aventurant par la suite sur un récit sexuel.

Malgré la force des textes, le mélange de genre et quelques prouesses audacieuses de la réalisation de Claude Bégin peuvent parfois être agressants. En effet, le mois dernier, les quelques centaines de spectateurs des spectacles Karim Symphonique présentés à Laval et Québec en collaboration avec Alain Trudel et l’Orchestre Symphonique de Québec ont pu entendre quelques pièces de Trente, interprétées de façon intime et pratiquement acoustique. Nous pouvions entendre la musique et les paroles d’une façon très simple (voix + guitare). Avec la réalisation de Trente, nous perdons parfois cette simplicité qui était présente sur Fox. L’émotion véhiculée des textes est parfois perdue dans une réalisation et des effets trop présents. Le meilleur exemple est probablement la pièce La mer à boire. La distorsion (?) de la voix de Karim Ouellet et les rythmes électroniques viennent nous éloigner de ce que nous avions vécu lors des deux spectacles symphoniques.

Outre cela, Karim Ouellet assume cette tournure électronique, parfois même reggae, visiblement inspirée de son complice King Abid, qui risque d’apporter un effet rafraîchissant à la version concert de cet album. Parlant de concert, les habitués des spectacles de Ouellet souriront au début de la magnifique comptine Il était une fois. Je n’en dirai pas plus, mais cette pièce plaira certainement aux amateurs du premier album du chanteur.

En résumé, pièce par pièce…

Prélude : Ouverture calme et tout en douceur avec les imperfections volontaires de la guitare pour nous ramener à la simplicité de la musique de Ouellet. Cette chanson aurait pu facilement être sur Fox, elle est dans le même esprit que son deuxième opus.

Oh ! Non : Magnifique chanson, qui risque fort d’être un des prochains simples de l’album. La mélodie reste ancrée en nous longtemps, avec la petite chorale en arrière-plan. Je vois déjà Karim se dandiner devant son pied de micro, guitare à la main et sourire aux lèvres en fredonnant le refrain.

Cœur gros : Cette pièce est très émotive dans ses textes, mais le produit fini peut laisser perplexe. Les répétitions des textes et la réalisation sont peut-être un peu grosses, mais il sera difficile de ne pas apprécier cette chanson quand même, car la voix de Karim est très juste et les textes sont magnifiques.

Il était une fois : Cette comptine est très agréable à l’écoute et nous présente un Karim Ouellet seul avec sa guitare nous récitant un poème de son cru et philosophant un peu sur la vie et sur les rêves. Les accords de guitare sont doux et en harmonie avec la voix du chanteur.

La mer à boire : Pièce rythmée et forte de l’album. C’est sans contredit la plus électronique du lot. Malgré le fait que je la considère trop complexe dans les arrangements et beaucoup trop grande dans la réalisation, j’ai bien hâte de voir quelles versions le chanteur choisira en concert. La version acoustique ? La version de l’album ? Un hybride entre les deux ? Je pencherais pour la dernière option, car elle a un potentiel monstre, cette Mer à boire.

Karim et le loup : Premier simple paru il y a quelques mois. Suivant le thème du renard de Fox, un animal se devait d’être présent dans Trente. C’est le loup qui est privilégié cette fois. Le mélange d’une chanson plutôt traditionnelle du registre de Karim et d’une chorale nous donne un petit bijou. Le refrain est un vers d’oreille sans fin.

Dans la nuit qui tombe : Nous avons ici une pièce qui plaira certainement aux amateurs de Fox. Nous sommes dans le même registre que le précédent album. La mélodie répétitive peut être agaçante par contre après quelques écoutes…

Trente : Pièce titre de l’album abordant évidemment le thème de la trentaine. Le chanteur ne voit pas cela d’un œil négatif du tout, mais plutôt comme une brève rétrospective de sa vie, et il y aborde son sujet préféré : l’amour. En prime, voici une version acoustique présentée par Ici Musique où on le voit dans son nouveau costume qui semble le suivre dans toute la promo de cet album. Est-ce le futur du masque de renard?

https://www.youtube.com/watch?v=MMJuomzNkPY

La course : Bonjour King Abid! Une pièce reggae très agréable qui nous rappelle que l’été approche à grands pas.

Cœur de pierre : Karim s’aventure dans un récit sensuel entre un homme et une femme qui s’aiment et qui vont faire tomber les inhibitions. Le refrain est très accrocheur et rempli d’espoir et de joie.

Les roses : Nous avons ici la pièce la plus dansante de l’album qui nous laisse sur une note bien joyeuse en fin d’album.

En conclusion, ce troisième opus de Karim Ouellet intitulé Trente comprend des petits bijoux qui se grefferont très bien à sa discographie. C’est encore une fois très réussi pour le chanteur qui risque de tourner beaucoup dans les prochains mois. Karim Ouellet s’aventure sur un terrain beaucoup plus rythmé et dansant qu’il nous a habitués au préalable. Il sera très intéressant de voir le résultat sur scène! D’ailleurs, seulement une date figure au calendrier du chanteur : le 17 juin prochain au Métropolis de Montréal dans le cadre des Francofolies avec son complice Claude Bégin.