C’est devant son troupeau assoiffé de rock et d’intensité que Keith Kouna est monté sur la scène de La Taverne de St-Casimir passé les 22 heures le 26 janvier dernier. Avec le ventre plein et la gorge bien hydratée grâce aux incroyables bières de la microbrasserie Les Grands Bois, le public était plus que prêt pour commencer un spectacle de Keith Kouna comme il se doit.
Toutes les fois où j’ai vu Keith Kouna en spectacle, il était seulement accompagné d’un clavier ou de sa guitare, alors je n’avais aucune idée à quoi m’attendre avec une formule full band.
C’est avec la pièce Vaches, tirée de son plus récent album Bonsoir shérif, qu’il a commencé son épique performance. Je pense qu’avant même qu’il ne prononce un mot, un moshpit géant s’était déjà formé en avant de la scène. La soirée s’annonçait déjà très bien, alors je me suis levée de mon siège, j’ai enlevé mes coudes accotés au bar et j’ai suivi la parade en dansant.
Keith a enchaîné avec sa voix de rockstar avec la pièce Bonsoir shérif sous les gros stroboscopes qui se faisaient aller pendant qu’il chantait accroupi sur la caisse de son devant lui.
Après un court moment plus sombre et lent, la fête a continué avec les chansons de l’album Du plaisir et des bombescomme Pas de panique, Comme un macaque et La fille. La madame était contente : c’est vraiment l’un de mes albums favoris à vie! J’ai même vu le propriétaire, Dan, du haut de ses sept pieds (j’exagère un peu), lever les bras en l’air et fouler le plancher de danse le temps de la chanson Tic Tac.
Après quelques chansons et après que la boule disco se soit fait aller le pompon, Keith Kouna a laissé la folie retomber pour nous faire chanter Anna. On avait l’air de réciter une prière, heureux et vidés de toute notre énergie à force de s’époumoner et de se déhancher depuis une heure déjà.
Ma nouvelle chanson préférée est clairement Marie, que j’ai mieux connue en spectacle et dont je suis vraiment tombée en amour en la réécoutant par la suite.
Je dois vous avouer, et je pense qu’il y avait consensus dans la salle, que ses plus vieilles chansons vont toujours rester des classiques. On s’est tous arraché les amygdales sur Le tape, mais encore plus sur Labrador, qu’il avait gardée pour le dessert.
Vers la fin, il était seul sur scène et nous a gâtés avec Crabe de poche de son groupe Les Goules, que tout le monde connaissait, évidemment. Et il ne pouvait partir sans faire Batiscan, on s’en doutait bien trop.
Avec le bodysurfing, les ballades rock, les moshpits et les genoux en feu, on peut dire que l’année 2018 a commencé plus fort que prévu grâce à ce petit bout d’homme et sa bande!
Pour une soirée intime, on ne peut demander mieux qu’une introspection aux confins des univers aériens de Margaux Sauvé et Camille Poliquin. Initialement prévu au Cercle, ce rendez-vous électro-pop était donc déplacé trois portes plus loin, à l’Impérial Bell. Moment immersif et touchant qui ne laisse personne indifférent!
Ghostly Kisses
D’une douceur apaisante, une voix éthérée a plongé l’audience dans une obscurité sonore, celle de Margaux Sauvé. Difficile et quasi impossible d’être passif envers une voix si envoûtante. Le trio complété par Antoine Angers (guitare, voix) et Louis-Étienne Santais (clavier) a su captiver l’attention des impérialistes présents.
Générant une foulée de lents hochements de têtes, le trio a enchaîné les pièces du EP What You See. Suite à la relaxante Gardens, Sauvé y est allée d’une première et courte intervention, mentionnant l’honneur d’ouvrir pour KROY. Continuant l’hypnose ambient, elle a repris avec brio Running To The Sea de Susanne Sundfør et de la formation norvégienne Röyksopp. Devant une audience quelque peu évasée, Ghostly Kisses a poursuivi avec Such Words, particulièrement frissonnante. Chaque note jouée de celle-ci saisissait et la tristesse romantique des paroles donnait froid dans le dos. Sans compter les passages au violon qui amplifient le vertige.
I felt this instant of desire Before I went back to my head And then I crawl back Into your arms
Que dire de ce dénouement alors que Sauvé, émue, nous a raconté l’admiration qu’elle avait pour Dolorès O’Riordan avant de nous offrir une reprise downtempo de Zombie. Un hommage touchant qui clôturait une heure planante signée Ghostly Kisses.
KROY
«On aime Québec, on voudrait que tout les shows soient comme ceux à Québec.» Comment ne pas aimer Camille Poliquin, alias KROY? La Montréalaise et moitié de Milk & Bonea conquis les néophytes et comblé les initiés. Ses ambiances trip-hop combinées aux couches synthétisées ont fait vibrer l’Impérial. Pour l’occasion, elle s’est entourée de Guillaume Guilbault aux claviers et de Charles Blondeau à la batterie électronique.
Elle est entrée en scène avec Hull, titre initial de son album Scavenger. La table était bien mise! Tapant de plein fouet sur son « Drum Pad Machine » elle a continué avec Learn, morceau semi-langoureux et dansant où elle propulse sa voix très haute. Alternant les pièces de son opus, elle s’est aussi gâtée en déconstruisant In my mind des Killers.
La force de sa performance réside certainement dans les contrastes de styles qui s’agencent drôlement bien. Elle peut nous enlacer avec une mélodie dream pop pour finalement casser le rythme avec des sons trance accélérés. En plus de mélanger les sonorités, elle nous amène parfois à rêver ou planer, à travers des nuages analogiques (non ce spectacle n’est pas en VR).
Un des moments forts du concert est l’exécution de Monstrosity, cette pièce phare de son album. Sur cette dernière, Poliquin nous récite carrément un conte d’amour sur une ambiance électronique. Vous comprenez déjà, ou comprendrez à l’écoute audio, mais l’entendre de vive-voix est une expérience en soi.
Jeudi soir dernier, le 25 janvier, avait lieu le lancement de la programmation et de toutes les festivités entourant le 25e anniversaire de Plein Sud, qui diffuse des spectacles dans le Moulin Michel de Gentilly à Bécancour.
Bien que le milieu des salles de spectacle n’est pas à son plus fort par les temps qui court, le Moulin Michel, lui, fait sa place depuis 25 ans et continue de présenter des programmations riches et de remplir plus souvent qu’autrement tout ses sièges pour la majorité des spectacles.
La programmation pour 2018 est particulièrement intéressante pour nous puisqu’on y retrouvera, en plus des gros noms comme Dan Bigras, Robert Charlebois et Marie-Élaine Thibert, les artistes suivants:
J’étais au lancement avec notre photographe Joé « weller » Lacerte et on a eu droit à des prestations de Jason Bajada et Cindy Bédard, entre autres, pour nous donner un aperçu de leurs spectacles. Le cachet intime de la salle, ses gigantesques poutres ancestrales et la superbe programmation feront sans doute de cette 25e année d’existence, une année historique. Je vous mets au défi d’aller voir au moins un spectacle et je vous garanti que vous voudrez y retourner !
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Cindy Bédard. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
Jason Bajada. Photo: Joé Weller. Lancement Plein Sud
La deuxième artiste à fouler les planches du District St-Joseph pour la deuxième vague des Apéros FEQ est Lou-Adriane Cassidy.
La native de Québec a attiré une foule nombreuse pour l’écouter. Cassidy, que nous avions déjà vue dans plusieurs festivals, était accompagnée par Simon Pedneault et nous a présenté ses compositions en version full band. En plus de Pedneault, les claviers étaient assurés par Vincent Gagnon, la basse par Jessy Caron et la batterie par Pierre-Emmanuel Beaudoin.
La voix chaude et ronde de Lou-Adriane Cassidy a bercé le District dans plusieurs moments forts, comme lors de la chanson Grande Respiration ou encore celle des Soeurs Boulay, que j’avais entendue au Grand Théâtre lors d’une précédente prestation. Cette interprétation a gagné en profondeur avec les musiciens qui accompagnaient Lou-Adriane. Chacun d’eux a eu son moment sur scène et leurs talents s’unissaient à merveille.
Lou-Adriane en a aussi profité pour reprendre la pièce de Leonard Cohen The Partisan, que la chanteuse a livré avec brio et qui lui collait à la peau. La chanson Il pleut s’est aussi montrée plus riche en émotions, ponctuée du piano joué par la jeune auteure-compositrice-interprète.
Elle a terminé son tour de chant avec Ça va, ça va, que plusieurs connaissaient déjà. Lou-Adriane Cassidy a le vent dans les voiles, et c’est tant mieux. L’avenir nous dira assez vite si elle sait tirer son épingle du jeu. À mon humble avis, je crois qu’elle a réussi et j’attends avec impatience son album complet.
On annonçait hier la programmation de la 31e Bourse Rideau qui aura lieu à Québec du 11 au 15 février prochain. Ce sont plus de 1 000 acteurs de la scène culturelle du Québec, du Canada et d’ailleurs qui se rencontreront, question de faire découvrir aux diffuseurs des artistes renommés ou émergents.
Même si la majeure partie des activités sont destinées aux délégués et fermées au public, de nombreuses vitrines seront accessibles (gratuitement) au commun des mortels (il vous faudra toutefois commander des billets auprès des salles participantes).
Ainsi, on pourra voir et entendre Elisapie, Keith Kouna, Dany Placard et plusieurs autres dans des endroits comme le Palais Montcalm, l’Impérial Bell, L’Air du Temps et le Bar Le Détour (du Grand Théâtre).
En plus, de nombreuses autres vitrines, souvent ouvertes au public, seront organisées en marge de l’événement dans plusieurs lieux de diffusion de Québec.
Messe Basse est un événement organisé en marge de la Bourse Rideau par lepointdevente.com en collaboration avec Le Trou du diable – Microbrasserie, Boutique et Salon et Le Phoque OFF. Au menu : des échanges professionnels destinés aux acteurs des scènes alternatives. On imagine que si vous êtes ici, c’est parce que vous avez un certain intérêt pour la scène locale et indépendante… On n’a donc aucun mal à imaginer que ça vous titille autant que nous.
La gent estudiantine a répondu en grand nombre à l’appel que lui faisait la CADEUL mercredi dernier à l’occasion du Show de la Rentrée de la session d’hiver. Il faut dire que le savant dosage de la programmation devait y être pour quelque chose. Combinant les rythmes irrésistibles de Le Couleur au succès incontesté de l’artiste local Karim Ouellet, le spectacle a pourtant débuté avec une incursion dans la scène émergente de la Vieille-Capitale grâce au sombre velours musical que tisse Fria Moeras.
Fria Moeras
Fria Moeras – Photo : Jacques Boivin
Ceux qui fréquentent assidûment la scène du Pantoum avaient eu la chance d’entendre Fria Moeras il y a à peine quelques mois. Or, dans le cas de la majorité des spectateurs, ça m’avait tout l’air d’une première rencontre. Pour l’occasion, l’artiste avait invité trois comparses bélugas à l’accompagner à la guitare (Simon Provencher), à la basse (Mathieu Michaud) et à la batterie (Jérémy Boudreau-Côté). Leur présence donnait une force rock à l’indie-pop mélancolique de la chanteuse.
Musicalement, l’univers de Fria Moeras impressionne par son exhaustivité : exploitant autant les graves suaves que des aiguës éphémères, elle raconte des histoires de cœur, d’aéroport ou de fièvre. La simplicité des arrangements permet de mettre en avant l’originalité des mélodies ainsi que le grain particulier de sa voix.
Le Couleur
Le Couleur – Photo : Jacques Boivin
Alors que les spectateurs – pourtant déjà nombreux – continuaient d’affluer, les membres de Le Couleur se présentaient sur scène. Accueil chaleureux de la chanteuse, Laurence Giroux-Do, qui est chaleureusement rendu par le public. Explosion de couleurs* sur les vêtements noirs et blancs du groupe tandis que leur musique transformait le Grand Salon en discothèque le temps d’un soir.
Lors de leur performance livrée avec énergie, Le Couleur nous a littéralement plongés dans son répertoire électro-pop franco savamment brodé autour de l’univers (sonore et thématique) des années 1980 et du disco. Ça n’en prenait pas moins pour accrocher la foule. On peut notamment souligner, à titre de moments forts, l’exotique Club italien, les profondeurs sensuelles de Underage ou encore la pièce finale, que le public a chantée en chœur : Voyage Amoureux.
* : Props aux jeux d’éclairage de Kevin Savard, qui allaient chercher des nuances colorées hors des habituels rouges, bleus et verts.
Karim Ouellet
Karim Ouellet – Photo : Jacques Boivin
Notre fin renard n’a plus besoin de présentation, encore moins dans sa Labeaumegrad d’origine. Foulant un Grand Salon plein à craquer, le cortège alimenta une assistance déjà conquise. Pour l’occasion, Karimétait accompagné d’Olivier Beaulieu à la batterie, des valeureux Valairiens Robert «Tô» Hébert et Jonathan «Doc» Drouin respectivement à la trompette et au saxophone. Le fidèle bassiste Guillaume Tondreau complétait alors l’alignement.
Il nous proposa d’abord d’emprunter cette fameuse « route parsemé de doutes » sur Cyclone, itinéraire accepté à l’unanimité par les amateurs survoltés. S’enchaîna une symbiose pop-folk cuivrée à cheval entre Trente et Fox. À mi-chemin de la prestation, l’audience a pu se régaler de Marie-Jo, ma petite favorite et de L’amour, succès incontesté.
« Tout ceux qui ont un cours demain matin levez vos mains », demanda la vedette de la soirée à une foule d’étudiants en extase. Karim joua le même tour à Guillaume, lui demandant si il allait bien, pour finalement le faire danser à la demande générale. Enrichi par des interludes instrumentales funk entre certaines pièces, comme ce fût le cas pour La mer à boire, nous avons été témoins, sans nous déplaire, d’une performance unique. En plus de déconstruire quelques morceaux, Monsieur Ouellet épata la galerie avec un court solo de guitare à la fin de Trente, titre éponyme de son dernier opus. Karim et le loup, particulièrement entrainante, mis fin à la prestation nickel des animaux de la forêt, arborant leurs camisoles de basketball.
Sans trop lancer de fleurs, (un peu tard me direz-vous) l’idée de débuter les festivités à 21h30 fut profitable pour tout les parties. De facto, on peut clairement affirmer qu’on recense rarement autant de spectateurs pour cette tradition du mois de janvier. Une affluence hors-norme pour un Show de la rentrée hivernal et une réussite sur toute la ligne.
Mots doux et photos sublimes signés Boivin, Fortier, Tremblay
Il y a quelques jours, nous avons rencontré Fany Rousse pour jaser avec elle de Route d’artistes, qui est présentement en période d’inscription (jusqu’au 19 janvier).
On va commencer l’entrevue par une question vraiment plate : Fanny Rousse, c’est ton vrai nom?
Oui, c’est mon vrai nom. Chaque fois que j’ai des entrevues, il y a toujours quelqu’un aussi qui vient me voir pour être sûr. Même des amis que je connais depuis dix ans me le demandent. « Hein! C’est‑tu ton vrai nom? — Bien oui. — Non, donne‑moi tes cartes. »
Présente-nous Route d’artistes.
C’est un réseau de diffusion alternatif présent un peu partout au Québec. On va dans de petits lieux qui permettent de partir en tournée avec des artistes émergents en musique. On peut aussi faire de l’humour, de la poésie, du slam, mais jusqu’à maintenant, y’a que la musique qui a été choisie. On va dans de petits lieux : ça peut être autant un salon, chez les gens directement dans la maison. Ça peut être dans un café, dans un appartement, dans un restaurant. Ça peut être dans une auberge. Plein de petits lieux rassembleurs où on est tout au plus 50 personnes.
Comment est‑ce que ça fonctionne? Est-ce que tu approches les salles ou les lieux, ou bien ce sont les gens qui vont t’approcher en général?
Les deux. J’ai commencé par approcher les gens que je connaissais, les trippeux de musique, qui avaient des maisons; j’ai demandé à des amis de me stooler des amis qui avaient des maisons. Ça a commencé comme ça, puis dans des lieux que je connaissais déjà puisque j’avais habité dans des auberges de jeunesse; au début, c’est moi qui les approchais, puis il y a des gens qui m’ont écrit. Quand je vois des beaux lieux, je dis « hein! C’est donc bien le fun ici, faites‑vous des shows de musique des fois? » C’est toujours ma première question quand je débarque dans un lieu trippant.
Sinon, il y a le bouche à oreille. Quand il y a un spectacle, on est 35, j’explique toujours le concept au début. On est dans une maison, mais des fois, les gens ne sont pas conscients qu’on vient de faire sept shows dans d’autres maisons derrière puis qu’on est présentement en tournée. Je leur dis : « Si vous connaissez des gens n’importe où au Québec, vous pouvez leur dire de m’écrire. Puis il y a les réseaux sociaux.
Quand as-tu commencé?
On a commencé Route d’artistes en septembre 2014.
Depuis ce temps, tu dois avoir créé un certain réseau.
Oui. Mais il faut toujours en parler, comme n’importe quoi. Comme ecoutedonc.ca aussi. Il faut toujours en parler pour que les gens nous connaissent et nous découvrent. Mais, oui, ça commence à faire le tour, les artistes aussi, ils savent c’est quoi.
Fany Rousse – Photo : Jacques Boivin
Vous cherchez avec Route d’artistes à visiter des salles plus intimes, des spectacles d’une cinquantaine de personnes, mais est‑ce qu’il y a beaucoup de gens qui viennent aux spectacles?
Oui. Ce qui marche le plus, c’est les spectacles dans les maisons. Ça marche aussi beaucoup dans les cafés ou les auberges. On fait de soupers-spectacles. Y’a certains endroits publics, une nouvelle microbrasserie, un nouveau café, des fois ça fonctionne moins bien, mais tu sais, en disant « moins bien », il y a peut‑être 15, 20 personnes.
Je trippe à aller faire ça. Puis un café qui vient d’ouvrir, il est intéressé à avoir de la musique, mais il ne sait pas comment ça marche et il n’a pas d’équipement de son. Il ne sait pas ce qu’est la SOCAN; moi, j’arrive, je déclare la SOCAN, j’ai mon équipement de son. Le but, c’est qu’il y ait 15 personnes la première fois, puis 25 quand je reviens…
Un artiste de Québec, Pierre-Hervé Goulet, avait fait quelque chose de similaire quand il a lancé son album. Il a décidé de parcourir le Québec puis d’offrir des spectacles chez les gens. Il y a des démarches comme ça, comme Route d’artistes, qu’on voit de plus en plus émerger en ce moment, puis en parallèle on voit des salles de spectacles comme le Cercle qui ferment. C’est comme si ça annonçait un virage dans l’industrie du spectacle. Qu’en penses-tu?
Bien, je pense que le concept attire beaucoup. Tu sais, s’il y a un concert au coin de la rue, dans un bar, ou dans une salle de spectacle. Je donne tout le temps l’exemple de ma mère. Ma mère n’y irait pas nécessairement. Mais si je fais un show dans une maison où ma mère pourrait venir, je lui dis : « Viens, il va y avoir des amis, il va y avoir du monde que tu connais, invite tes amis ». Ma mère vient voir les spectacles puis elle découvre les artistes.
Des fois, c’est davantage le concept qui impressionne. Il y a un artiste dans la maison de mon ami, ou c’est un show intime dans l’auberge du village où je ne suis jamais vraiment allé parce que les gens ne vont pas nécessairement visiter leur auberge. Tu y vas, puis tu vas découvrir l’artiste, puis c’est sûr que tu vas avoir du fun. Ça fait que je pense que le concept est très vendeur.
C’est comme si toi, tu amenais le spectacle chez eux.
Oui, c’est ça. Souvent, on organise un souper dans la maison avant le spectacle. Si les hôtes de la maison le veulent, ils disent à leurs amis puis à leur monde : O.K., on fait un potluck. Ça fait que, en 5 à 7, on mange tout le monde ensemble, puis après ça, à sept heures et demie (7 h 30), huit heures (8 h), il y a le show. Tout le monde apporte quelque chose, l’artiste est là, puis on mange tout le monde ensemble. Ce qui est drôle, c’est que la plupart des gens ne savent même pas c’est qui, l’artiste. Ils viennent carrément parce que leur ami…
On mange, puis on dit : « ah, toi, tu es qui, t’sais, par rapport à… — Bien, moi, je suis l’artiste. — Ah, salut! » Ça crée un contact qui est vrai, qui est franc aussi avec les gens.
C’est une autre ambiance que la scène, un espace où le public peut avoir une certaine gêne à cause de la distance. T’sais, comme je dis souvent, il n’y a pas de « Bonjour Montréal, ça va bien? », c’est comme « Salut — tout le monde dans les yeux — ça va? Parfait, moi aussi ça va bien. » Ça fait que c’est juste à la bonne franquette, dans le fond, un spectacle.
C’est une façon de revisiter le spectacle qui est très intéressante.
Oui.
Fany Rousse – Photo : Jacques Boivin
Vous avez l’air d’avoir pas mal de succès un peu partout.
Oui, ça va bien. Puis il y a de plus en plus de gens qui offrent leur maison aussi. Ça prend toujours des gens qui offrent leur maison puis des lieux… il y a plein de lieu trippants aussi qui font déjà ça.
Des espèces de shows uniques, mais ils font un ou deux shows par année, puis ils me disent, « hein! Route d’artistes, on vient de te découvrir, on peut faire partie des prochaines tournées? » Je leur réponds : « Ben oui! ». Je rencontre plein de gens trippants avec qui collaborer.
Ce que je trouve le fun, c’est de faire la tournée. De créer la tournée. Puis je trouve ça le fun que les gens font déjà des shows. Tu pourrais en faire une fois par mois, si tu veux, un show chez vous, dans ton appartement, ta maison. C’est génial. Puis si tout le monde faisait ça, ça serait encore plus génial. Mais moi, mon trip, c’est de me dire, O.K., on fait une tournée puis on se promène. Mais il faut que les gens ouvrent leurs maisons puis en fassent de plus en plus, des spectacles comme ça, puis qu’ils contactent l’artiste qu’ils veulent, c’est très facile à faire par la suite.
Si j’ai bien compris, tu apportes les outils et les permis, tu t’occupes de la paperasse ou des choses que les gens ne savent pas nécessairement.
C’est ça qui est le fun. Tout est réglo de ce côté. En même temps, ça profite aussi aux artistes, parce que chaque spectacle, même s’il se produit dans une maison, c’est considéré comme une représentation devant public, parce que public il y a. Tout est déclaré. Ils sont donc mieux payés par la suite.
Est‑ce que c’est relativement rentable pour un artiste de faire ce genre de tournée là?
Pour les artistes, oui. Moi, pour l’instant, je ne suis aucunement payée. C’est du bénévolat. Mais un jour, je vais trouver une formule hyper gagnante et puis je vais balancer tout ça.
Mais pour les artistes, oui, parce qu’ils n’ont aucun… ils n’ont aucune dépense, dans le fond. Ils sont payés à chaque spectacle, ils ont toutes les redevances de la SOCAN, puis ils n’ont pas de nourriture à payer, de gaz. Tout est… c’est comme une tournée inclus. Tout ce qu’ils ont à faire, c’est présenter des spectacles pour se faire découvrir.
Puis la vente d’albums aussi, ça se fait bien dans les…
Dans l’espace privé?
Dans ce contexte‑là, oui. Souvent, les gens veulent vraiment repartir avec un objet.
J’ai fait une tournée avec Jérôme 50 en automne 2016. Il avait un EP de cinq chansons qu’il vendait cinq dollars. Il les a tous vendus. Les gens étaient fâchés en dernier, parce qu’il n’y en avait plus, il leur répondait : « oui, mais là, je n’en ai plus ». Les gens, ils veulent avoir quelque chose après avoir rencontré en proximité comme ça.
C’est très différent du comportement du spectateur moyen dans une grande salle de spectacle.
Route d’artistes, c’est un projet que tu as développé?
Oui.
Où te vois-tu dans ce projet dans cinq ans? Comment ça pourrait se développer?
Je veux que ça se développe, et j’ai des objectifs pour 5, 10, 15 ans, tout le temps! Je ne peux pas trop dévoiler mes idées, mais c’est comme je dis tout le temps, l’idée de Route d’artistes, c’est de faire une espèce de map du métro, là. Si on regarde mettons la map du métro de Montréal, il y a plusieurs tracés.
C’est un peu ça que je veux faire avec Route d’artistes, qu’il y ait vraiment plusieurs routes déterminées… puis des nouvelles aussi, mais qu’on puisse avoir plusieurs tournées même en même temps.
On pourrait se dire : « Cette année on a quatre tournées ou cinq tournées, celle-là, c’est comme la ligne verte. » On a une tournée qui est tracée là pendant qu’il y en a une autre qui démarre au Lac‑Saint‑Jean et qu’une autre fait le tour de la Gaspésie. Donc, si on pouvait avoir des tournées stables comme ça, des chemins établis… Avec plusieurs collaborations aussi, là. Il y a plein d’idées qui sont en chemin.
Fany Rousse – Photo : Jacques Boivin
Donc, Route d’artistes, à surveiller pour les prochaines années, voir comment ça va prendre de l’expansion?
Oui, absolument.
T’es présentement en période d’inscription?
Oui. C’est la troisième année que je fais ça. Il y a une période d’inscription pendant laquelle les artistes peuvent s’inscrire pour faire les prochaines tournées. Les gens ont jusqu’au 19 janvier pour s’inscrire pour les tournées 2018.
Deux artistes seront sélectionnés pour une tournée au printemps, puis une autre à l’automne.
On est une dizaine de personnes sur le jury. On écoute tous les liens, la musique que les gens nous envoient. On détermine chacun nos coups de coeur et selon un système de pointage, les deux personnes qui se démarquent sont sélectionnés.
Comment as-tu composé le jury?
Il y a des gens qui travaillent dans l’industrie. Des gens qui s’occupent de festivals, de salles de spectacles, des agents d’artistes, des gérants. Des gens qui ont des maisons et qui ont déjà accueilli quatre ou cinq shows chez eux. Eux aussi, ils veulent participer au processus! Je les laisse participer et décider de ce qu’ils veulent entendre chez eux. Puis je choisis moi aussi, mais tous les votes ont la même valeur. On vote pour notre coup de coeur, mais il y a toujours quelques artistes qui se démarquent. On ne se connaît pas tous, on ne connaît pas nécessairement nos goûts, mais des fois, c’est l’année de telle personne, puis on est tous d’accord. C’est pas trop difficile.
Je me dis, dans ces spectacles‑là, il y a tout le temps se produire quelque chose de vraiment particulier, vu que ce sont des spectacles plutôt uniques, comme tu disais…
Oui.
As-tu des anecdotes? Des trucs qui t’ont marquée pendant ce parcours?
Chaque tournée est différente. Il faut être là pour le vivre, là. Je pense à la dernière tournée avec Olivier Bélisle, parce que c’est la plus récente. Quand on est arrivé dans une place où je ne connaissais vraiment personne, c’était quelqu’un que je ne connaissais pas qui fêtait un anniversaire, sa blonde qui m’avait écrit pour les40 ans de son chum. Olivier, il a vraiment seizé le monde qui était là, puis il a changé ses textes pour mettre le nom de famille du fêté dans ses phrases, puis là, tout le monde, on chantait ça. C’est comme un moment pas rapport qu’on a vécu tout le monde, on chantait ensemble, même si personne connaissait la chanson, mais Olivier, il a vraiment été vif. Ce sont toutes des petites choses comme ça, là. Sinon, la rue qui déborde de chars un peu partout. Ils ne sont pas habitués d’avoir autant de gens. On s’improvise des stationnements sur le gazon. Il y a aussi Joëlle Saint‑Pierre qui avait dit : « Bon, à quelle heure on revient pour l’entracte? Tout le monde, à 9 h 12, c’est écrit sur le four, on revient. »
Les artistes en profitent souvent pour casser des tounes, puis ils parlent aussi beaucoup entre les chansons pour nous raconter des choses ou juste en profiter pour dire plus de niaiseries quand ils sont habitués de dire des niaiseries, puis…
Tu penses qu’ils se laissent peut‑être un peu plus lousses parce que le contact se fait mieux?
Oui, oui oui, absolument. Il y a une grosse différence. Ce que j’aime de ces shows‑là, c’est que ce n’est pas un show qui est parfait. Ce n’est pas « alors, j’ai une chanson, c’est ça, trois, quatre », avec aucune erreur. T’sais, ce n’est pas ça le but, là. On s’en fout s’il se trompe dans sa guitare, dans les paroles; on la recommence! C’est plus vraiment authentique comme spectacle.
D’après toi, est‑ce que c’est pour tout le monde, Route d’artistes, les types de groupes de musique?
Non, absolument pas! C’est pas tant une question de styles musicaux que de goûts personnels. Il y a des artistes qui disent: « Allez jouer dans le salon chez du monde, c’est tellement la dernière affaire que je veux faire! ». Ce n’est pas pour tout le monde.
Il y en a qui aiment ça, prendre le stage puis que ça sonne fort aussi. Il y a un côté qui est vraiment plus important avec le son, ça fait que quand C’EST un peu plus minimaliste, eh bien, il y en a qui trippent beaucoup moins. Ceux qui s’inscrivent à Route d’artistes, c’est parce qu’ils trippent, parce qu’ils ont envie de revenir à la création entre chacune de leurs chansons ou d’essayer autre chose qu’ils n’ont jamais essayé. Ils ont le désir de cette expérience-là.
Mais au niveau des styles de musique, c’est sûr que, éventuellement, quand tu me demandes ce que Route d’artistes va devenir dans 10, 15, 20 ans, j’aimerais avoir, par exemple, une branche de classique, une branche expérimentale, d’avoir plusieurs styles de musique.
Pour l’instant, ça va beaucoup plus en chanson. En même temps, il y a plein de styles de musique que j’aime puis que les juges aussi aiment. Mais on dirait que c’est tout le temps ça qui ressort pour l’instant. C’est comme plus chanson folk, slam. Ça rassemble à ça.
À quand le festival Route d’artistes avec plusieurs artistes de différents styles artistiques?
Le festival Vue sur la relève, ils ont plusieurs disciplines aussi, puis je trouve ça cool aussi ce qu’ils font. Ce n’est pas juste de la musique, c’est vraiment : tu as le théâtre, tu as la danse, tu as plein de choses. Je trouve ça important, puis ce qui compte dans un show, c’est qu’il soit bon. On se fout un peu de ce que c’est. Tu sais, s’il y a une pièce de théâtre qui peut se faire à deux, trois personnes puis qui est hyper bouleversante, puis que ça fonctionne, puis qu’après ça, tu es complètement, comme, abasourdi, bien, je la veux, puis je veux faire une tournée avec.
Mais pour l’instant, j’y vais tranquillement avec ce que je connais. On ira ailleurs après. Tout ce que je veux c’est quelque chose de vraiment bon, à partager et à faire découvrir.
En terminant, tu as‑tu un conseil pour l’industrie de la musique? T’es tout le temps sur le terrain en ce moment!
Mon conseil ne serait pas pour l’industrie de la musique. Ce que j’aimerais, c’est qu’il y ait davantage d’ouverture dans les écoles. Enseigner au primaire, au secondaire, avoir un artiste qui vient faire une période sur son parcours et qui fait deux ou trois chansons. Il peut analyser un texte. Dans plusieurs disciplines. J’aimerais que ça se produise davantage, il y a un manque, à mon avis.
Les jeunes, après ça, ils seraient mieux sensibilisés par rapport à la culture, ils auraient un sentiment d’appartenance.
Au secondaire, j’ai fait du théâtre pendant tout mon secondaire. Si ce n’avait pas été de ça, je ne pense pas que j’aurais été voir des pièces de théâtre étant plus vieille. Je ne vais pas en voir à tous les jours, mais au moins, j’y vais, comparativement à d’autres personnes qui n’y vont pas parce qu’elles n’ont jamais eu de lien avec ça. Ils ne connaissent pas ça. Si on instaure ça dans les écoles plus tôt, ça peut piquer la curiosité des jeunes, les intéresser à se déplacer.
Ça serait mon souhait.
C’est un beau souhait, je trouve! Merci beaucoup et bonne continuation avec ce projet-là!
Merci.
Vous êtes un artiste et ce genre de tournée vous intéresse? Posez donc votre candidature! Vous avez jusqu’au 19 janvier. Plus de détails ici!
La deuxième moitié de saison des Apéros FEQ débutait jeudi dernier au District St-Joseph. Alexandra Lost, projet électro-pop de Jane Ehrhardt et Simon Paradis, a plongé l’auditoire dans une mer synthétisée. Accompagnée par Hugo Le Malt, la formation a offert son premier single Stranger Game en début de prestation. Une heure de musique planante qui nous a fait voyager dans le passé, quelque part entre les années 80 et 90.
La beauté d’Alexandra Lost prend son essence dans les ambiances new wave et se peaufine par le vocal grave mais ô combien paisible de Jane. D’ailleurs, pour les pièces Towers et Fleeting Dance, elle récite des intros quasi subliminales qui collent drôlement bien à leurs musiques. Chaque chanson est une sorte d’épopée parfois disco, tantôt ambient. On ressent une certaine répétition aux claviers qui donne un fil conducteur à leurs variations. Quelques morceaux avaient des cadences ralenties qui rappelaient le downtempo anglais. Sans manquer d’originalité, ils explorent aussi le blues et Le Malt se paie même un solo de guitare dans le processus.
«I’ve been trying to wake up
from this dream I had»
Extrait que j’ai noté de Trying to grow où la voix d’Ehrhardt est particulièrement envoutante et ce, même sur une trame accélérée. Au final, un apéritif concocté avec brio pour la formation qui en était à son quatrième spectacle depuis sa création.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le trio entame bien 2018!
Prochain apéro FEQ : jeudi 18 janvier avec Lou-Adriane Cassidy