Comme ça, la moitié féminine de Tricot machine décide de voler de ses propres ailes et nous sort un album solo? Oui et non. Oui, parce qu’il s’agit bien d’un album de Catherine Leduc, très différent des sonorités un peu enfantines de Tricot Machine. Non, parce que son complice de toujours (et moitié masculine du duo) Mathieu Beaumont est encore omniprésent (réalisation, instruments). De plus, Leduc a fait appel aux excellents Josiane Paradis, Émilie Proulx et Simon Cloutier pour ajouter de la couleur à l’album.
Pis? Disons-le tout de suite, on ne peut pas être plus loin du gnan gnan naïf de Tricot Machine. Au contraire, dès les premières notes de Les vieux hiboux, on pense à Beck sur Sea Change. Vous trouvez la comparaison exagérée? Pourtant, cette chanson fait a un côté The Golden Age, vous ne trouvez pas? Et ce n’est pas juste à cause de la présence des glockenspiel! La pièce est lente, langoureuse, paresseuse, mélancolique, parfaite pour la journée de neige fondante au cours de laquelle cette critique est rédigée.
Ça continue avec Houston (qui serait, si j’ai bien compris, le nom du chat de Leduc), un country-folk qui mélange avec brio les formes classiques et les arrangements atmosphériques. On plane doucement, lentement, jusqu’à la prochaine chanson, la sublime Vendredi saint, d’une douce mélancolie qui rendrait vulnérable le plus dur des coeurs de pierre.
Suit Il faut se lever le matin, un folk aux arrangements complexes qui apporte quelques couleurs vives à un album qui était, malgré toute sa beauté, un peu pâlot. Le combo Préambule/Pee-Wee BB vise droit au coeur et fait mouche. Dans la première, on appréciera les moments où les choeurs répondent à Leduc. Quant à la deuxième, on retombe dans un univers digne de Beck (j’essaie de peser mes mots, mais non, je reviens toujours à M. Hansen). Et la métaphore de hockey… savoureuse!
Ça se poursuit comme ça jusqu’à Ouvre ton coeur, qui ferme l’album avec un peu de rythme, ce qui est étrange quand on passe tout un album presque sur le neutre. Encore là, on sent un esprit qui s’apparente à celui de Beck dans Little One.
Si je fais des parallèles avec Beck, ce n’est pas à la légère. Leduc a écrit et composé un album brillant, dans un esprit en tous points semblable à celui de Sea Change. Je ne crois pas qu’elle ait cherché ces comparaisons : c’est une simple question de mood, de mélancolie qui s’avère extrêmement propice à la création. L’album est très court (à peine un peu moins de 37 minutes), mais il semble l’être encore plus tellement le temps passe vite dans cet univers! Planer dans la mélancolie, c’est un art qui n’est pas accessible à tout le monde. Seuls les plus talentueux réussissent. Ici, on peut dire « mission accomplie avec brio ».
On savait déjà que les membres de Tricot machine avaient beaucoup de talent. Catherine Leduc prouve, avec Rookie, que la petite fille qui nous chantait L’ours est une grande femme qui a tout pour nous faire rêver pendant de nombreux jours de pluie, et ce, pour encore de nombreuses années.
Du bonbon.
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Catherine Leduc – « Rookie » (Grosse boîte)
9/10