Je me fais vieux et je ne suis pas capable de m’adapter à un minuscule décalage horaire d’une heure. J’ai donc encore manqué les shows de nuit.
Sauf un, qu’on pouvait clairement entendre de ma tente : une prestation surprise de Skrillex… à 6 heures du mat.
C’est donc les yeux dans le même trou que je vous écris ce matin. Merci de votre compréhension.
Quelle journée! Un ciel presque sans nuages, temps chaud (mais pas trop) et sec (du moins, pour la région), on dirait que les astres sont alignés pour faire de cette présentation de Bonnaroo une série de moments mémorables.
Valerie June
La journée a commencé en toute simplicité, avec une Valerie June vêtue d’une robe d’été orangée. L’artiste originaire du Tennessee a profité de la proximité du foyer familial pour demander à ses deux frères de venir chanter avec elle, comme dans le bon vieux temps à l’église.
On avait déjà remarqué sa voix unique sur disque, mais on ne la savait pas aussi intense sur scène, surtout un samedi après-midi. Valerie June est possédée par ses chansons. Nous aussi.
Royal Canoe
Je voulais à tout prix éviter de voir le même groupe deux fois en festival cet été, mais j’avais une demi-heure libre avant Tedeschi Trucks et le groupe manitobain jouait dans une tente située à procimité (et on pouvait s’assoir). J’en ai donc profité pour voir ce qu’ils avaient dans le ventre.
Ceux qui vont ouvrir pour Groenland et Local Natives le 3 juillet au Festival d’été de Québec m’ont agréablement surpris. Une bonne pop très énergique attend les festivaliers qui vont de pointer tôt au Parc de la francophonie. Si vous aimez les chansons qui parlent d’été et de soleil, vous serez servis.
Tedeschi Trucks Band
Voilà un groupe que je n’avais pas pu voir au FEQ il y a quelques années. Je n’ai pas été déçu. Derek Trucks joue le blues rock comme pas un. Suzan Tedeschi en a vu d’autres. Le couple est accompagné par des musiciens chevronnés. Qu’il s’agisse de leurs propres compositions ou de classiques du genre, les nombreux fans ont été servis.
À voir.
Drive-By Truckers
J’avais prévu aller voir Grouplove, mais bon, la foule était extrêmement compacte et l’ambiance était déjà électrique. Comme j’avais déjà vu le collectif californien, j’ai décidé de prendre ça relax et d’aller plutôt voir les Drive-By Truckers, un autre groupe de rock aux accents du Sud qui goûte le barbecue et les longs voyages en auto. Je dois avouer que ce fut la prestation la moins mémorable de la journée. C’était agréable, bien sur, ce n’était juste pas aussi impressionnant que ce qui allait suivre.
Damon Albarn
La présence de l’ancien leader de Blur et Gorillaz a été un argument très convaincant pour ce voyage à Manchester. Et quel spectacle! Albarn a mis le paquet, alternant entre ses chansons solo (accompagné d’un quatuor à cordes), de Blur et de Gorillaz, où il s’est lâché lousse (un ensemble de cuivres et un chœur sur Broken, De La Soul sur Feel Good Inc. et Del The Funky Homosapien sur Clint Eastwood). Un peu déçu qu’il n’ait pas chanté Tender (il avait tout ce qu’il fallait pour faire un gospel, bordel), mais bon, il a offert une vraie prestation de festival.
Il n’est pas un des maîtres de Glastonbury pour rien!
Lionel Richie
Que dire de ce grand artiste, sinon qu’il a un charisme fou et qu’il brûle les planches?
L’ancien des Commodores a passé la soirée à blaguer avec les spectateurs qui, malgré leur jeune âge, ont eu un plaisir fou à chanter les chansons préférées de leurs parents.
Fallait les voir se déhancher sur Dancing on a Ceiling, rire à chaque intervention de l’artiste, qui a le sens de la comédie autant que du spectacle, et avoir les yeux brillants en chantant Hello et All Night Long en chœur. Fallait les voir être heureux lorsque Richie a annoncé qu’il avait invité Diana Ross à chanter My Endless yLove avec lui, pour ensuite les entendre lâcher un gros Aaaaaaaaaaaah de déception lorsqu’il a ajouté qu’elle avait « refusé » l’invitation parce qu’elle avait un barbecue.
Mémorable. Avec le recul, je suis content de l’avoir vu à Bonnaroo, avec des jeunes en fête. C’était réjouissant.
Jack White
Si la prestation offerte la veille par Kanye West était polarisatrice, celle de Jack White était tout le contraire : nous étions en famille et White était le patriarche. « Tennessee, je te connais », lance-t-il avant de lancer Icky Thump, première chanson d’une prestation qui devait compter 16 pièces et qui en comptera finalement 26 (en incluant le généreux rappel).
Pendant près de trois heures, donc, Jack White et son équipe de formidables musiciens auront survolé le riche répertoire du rockeur établi à Nashville. Les White Stripes, les Raconteurs, les albums solo, tout y est passé. Toutes superbement interprétées. Une tempête de rock comme on en reçoit rarement.
On dit que White n’est pas super habile lorsque vient le temps de s’adresser à la foule. Samedi, j’ai pourtant vu un homme en pleine possession de ses moyens, qui met le spectateur au centre de son activité, comme lorsqu’il a lancé un petit jab à Rolling Stone (« la musique, c’est pas Rolling Stone qui la fait vivre, c’est vous et moi! ») ou lorsqu’il a remercié tout le monde de faire son boulot, même s’il n’est pas aussi gratifiant que le sien. Cette façon de se montrer un des nôtres plutôt qu’un être supérieur (tousseKanyetousse) fait des merveilles pour faire passer le courant. J’avoue bien humblement que jusqu’à cette prestation, je n’étais pas un grand fan de White. Le fait de le voir mettre ses tripes sur la table et de tout donner pour nous faire plaisir, malgré la fatigue évidente à la fin, m’a convaincu.
Après « Seven Nation Army », j’étais mort de fatigue. Mais heureux. Je venais d’assister à un événement historique. Le meilleur show que j’ai vu à Bonnaroo, point barre.
(Toutes les photos sont de nous, sauf celle de Jack White, gracieuseté de Bonnaroo.)