C’est Alright.

À l’entrée du quartier industriel de Beauport, sur la rue Clémenceau, il y a un commerce d’entreposage. Des rangées et des rangées de portes de garage derrière lesquelles sont stockés des effets personnels des plus anodins allant jusqu’à des articles d’une certaine valeur. Derrière ces portes anonymes, qui se ressemblent tous, nous pouvons aussi y trouver des bands de musique qui se servent de ces espaces comme local de jam. Des bands de la banlieue qui n’ont pas vraiment le choix de trouver des solutions de rechange à des locaux de jams plus conventionnels qui sont inexistants à Beauport, Charlesbourg et même Cap-Rouge.

Au terminus Beauport, il fait gris. C’est un dimanche de pluie, mais je l’esquive en sautant d’un bus à l’autre. Du 800 au 55, qui va me mener dans le haut de Beauport, vers Ste-Thérèse-de-Lisieux. J’y ai grandi et je déteste y retourner. Chaque voyage y est une aventure et cette fois-ci n’y fait pas exception. Le 55 me laisse au milieu d’un étalement de béton. Il y a la 40 qui me borde d’un côté et de l’autre un micro-village de commerces sans âme affublés d’un Cinéplex Odéon. Une vue grotesque dénuée de bon goût qui est pourtant le symbole de la renaissance de Beauport. J’emboîte le pas vers le quartier industriel, qui se trouve en haut d’une petite côte qui n’est aucunement appropriée pour un être humain à chaussures de toile un peu cheap comme moi.

Entreposage Domestik s’étend tel un champ de métal et de bitume. Un vaste paysage industriel aux palettes d’orange et de gris. À la cinquième rangée, j’y trouve un band de hardcore en train de décharger leur gear tout en se racontant des anecdotes salaces sur les conquêtes de leur chummey Jeff la nuit d’avant. Ce n’est pas eux que je suis venu voir. Je continue mon chemin pour y retrouver deux jeunes hommes qui m’ont l’air très sympathiques. Simon et Étienne, deux jeunes musiciens qui n’ont même pas encore percé la vingtaine et qui ont pleins de projets dans la tête. Entre autre, ils ont fondé un label de cassettes spécialisé dans le shoegaze, le dreampop et la musique improvisée et leur quartier général se situe dans un petit local loué dans le quartier industriel de Beauport. Ils y hébergent leurs multiples bands formés lors de jams improvisés.

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Alright Tapes

On fait dans l’instantané. Nimbes compose une ou deux chansons par pratique et les autres projets sont presque des jams. On les peaufine c’est sur, mais ça reste direct. Il y a des erreurs, mais on fait confiance en notre talent et on envoie nos émotions dans ce qu’on fait. Ça fait un contenu un peu inégal, mais on l’assume et on essaie toujours que la prochaine soit meilleure que la précédente. – Simon Provencher, Nimbes et Alright Tapes

Les deux gars me font faire le tour de leur local. Un endroit très commun qu’ils ont transformé en un exutoire pour leur rage créatrice. D’un côté, il y a des instruments éparpillés en deux divisions : les bands du quatuor qui composent le micro-label Alright Tapes et Medora, un nouveau band aux allures de post-rock francophone. De l’autre côté, tout prêt de la porte de garage qui leur sert d’entrée, se trouve le coin d’écoute et d’enregistrement. Parsemé de deux divans très vieillots, d’un ordinateur et d’un tape cassette posé soyeusement sur un micro-ondes qui a rendu l’âme il y a quelque temps de ça.

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Medora, c’est le premier band qui a poussé Simon à sortir de sa chambre à coucher chez ses parents à Charlesbourg pour commencer à composer plus sérieusement et activement. Après avoir fait quelques shows avec le band, Simon décida de se concentrer plus sur ses projets, pour y aller à son rythme et surtout, ne pas se prendre trop au sérieux et se laisser aller à sa folie.

En plus de Simon et Étienne, le quatuor est formé de William, un étudiant en graphisme au cégep de Ste-Foy, que Simon connait depuis le secondaire et Samuel Goux. Ce dernier a approché Simon après un show de Medora parce qu’il se cherchait des musiciens avec qui jouer. Il a enregistré un album avec Simon ( qui porte le joyeux nom de Sigmund Fraise pour ces projets solos ) qui se retrouve dans le catalogue de Alright Tapes.

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Les Cassettes

Je suis assis sur les divans avec Simon et Étienne. Ils m’offrent une bière alors qu’Étienne prend des grosses gorgés de son Dr. Pepper. J’ai des flashbacks de partys de sous-sol chez mon ami du secondaire Nicolas qui habitait dans le haut de Beauport. Les gars me parlent un peu de leur processus de création. Ils achètent les cassettes en grosses quantités chez un fournisseur de Montréal et puis ils font tout le reste par eux-mêmes. Simon attrape une cassette qui traîne sur une petite table de salon à nos pieds. Ils ont spray painté le boîtier en rose en prenant soin de cacher les deux roulettes avec des 10 cents pour ne pas endommager le ruban. Ensuite, ils écrivent les informations à la main par dessus la peinture. Ils sont présentement en train d’essayer plus format de crayon et d’écritures.

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Ils enregistrent tout leur jam dans le petit portable sur la table de salon. Ils les edit un peu par la suite, mais sans trop y passer de temps, pour garder l’intensité du moment et ensuite ils pèsent sur RECORD+PLAY sur leur tape à cassette. Une autre de faite. Ils font un autre jam. C’est comme ça qu’ils ont bâtit leur premier catalogue disponible sur bandcamp sous Alright Tapes.

L’après-midi pluvieuse suit son court et nous parlons de tout et de rien. De la scène musicale de la ville de Québec, que les gars suivent assidûment avec une belle lucidité. Ils savent qu’ils n’auront pas le choix de faire beaucoup de premières parties de bands plus établis pour se faire connaitre en dehors de leur cercle d’amis. Ils me parlent d’anecdotes sur le quartier industriel. Des chars qui font de la drift tard le soir et des grattes qui font du vacarme l’hiver. Des bands hardcore qui jouent trop fort. Malgré tout, ils se sentent bien dans leur local de jam dans un commerce d’entreposage et pour plusieurs d’entres eux, c’est une grosse pratique pour un futur premier appartement.

Alright Tapes va faire sa sortie officielle au Cassette Store Day le 27 septembre prochain au Knock Out, à Québec. Ils vont avoir quelques cassettes à vendre, alors n’hésitez pas à aller y faire un tour.