[ALBUM] SUUNS & Jerusalem In My Heart

Qu’arrive-t-il lorsque deux projets montréalais unissent leurs force le temps d’une session studio d’une semaine? Une collision entre deux univers sonores assez riches dont les protagonistes sortent non seulement indemnes, mais grandis.

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Radwan Ghazi Moumneh de JIMH (au centre) entouré des membres de SUUNS.

C’est exactement ce qui est arrivé lorsque le quartet anglo-montréalais SUUNS s’est retrouvé en studio avec leur ami de longue date Radwan Ghazi Moumneh, l’homme à tout faire derrière la musique de Jerusalem In My Heart, un duo complété par un projectionniste. Ils ont uni leurs forces pour composer et enregistrer un projet collaboratif visant à faire bénéficier leurs créativités respectives d’une rencontre au sommet. Bien que l’enregistrement remonte à 2012 et qu’un premier concert commun ait été tenté dans le cadre de Pop Montreal 2013, il a fallu attendre le printemps 2015 pour en voir la publication. Ça s’est passé sur l’étiquette Secretly Canadian, une étiquette américaine reconnue pour dénicher des artistes à la fois très originaux et divertissants, comme Animal Collective ou Here We Go Magic. Les artistes ne sont pas demeurés inactifs entretemps, loin de là. SUUNS nous a offert Images du futur en 2013, le second album complet depuis la fondation du groupe en 2006, après l’excellent Zeroes QC en 2010. De son côté, Radwan Ghazi Moumneh a lancé son premier effort solo, l’ovni musical dénommé Jerusalem In My Heart, en plus de continuer son travail d’ingénieur de son au studio Hotel 2 Tango, qu’il a co-fondé avec des membres de Godspeed You! Black Emperor. Ces derniers ont également fondé l’étiquette Constellation Records sur laquelle l’album de JIMH, Mo7it Al-Mo7it, est également paru en 2013.

Alors que la musique du quartet est généralement construite à l’aide d’une masse de synthétiseurs (Max Henry), de guitares abrasives (Ben Shemie) et de rythmes tissés serrés propulsés par une machinerie rock psychédélique réglée au quart de tour (Liam O’Neill à la batterie, et Joseph Yarmush à la basse), celle de l’ingénieur de son est davantage mystérieuse, déconstruite, fascinante et évocatrice. Bien que les moyens diffèrent grandement, l’effet de leurs compositions respectives est similaire: on se trouve envoûté, captivé, hypnotisé par la musique et ramenés à nos esprits par des vocaux à la fois fragiles et sensuels, aussi assumés dans le style qu’ils semblent vulnérables et chargés d’émotion dans l’exécution.

Sur l’album, tout simplement intitulé SUUNS & Jerusalem In My Heart, on trouve des pièces qui semblent être tantôt davantage l’oeuvre des uns, tantôt celle de l’autre. La pièce « Self » par exemple nous montre ce qui arrive quand une pièce de JIMH intègre des rythmes dansants et des sonorités électro, avec un résultat qui n’est pas sans rappeler la musique du légendaire Omar Souleyman. Lorsque c’est plutôt le son de JIMH qui vient influencer une pièce où l’on devine davantage l’influence de SUUNS, on se retrouve avec un drone très électrique et répétitif qui évoque la musique des non-moins légendaires gars de Godspeed. Sur certains morceaux, les coutures sont moins nettes et on se retrouve avec un bel hybride de leurs univers, comme sur « Gazelles in flight », la pièce proposée comme premier extrait accompagné d’un clip. Chacun semble donc bénéficier du contact de l’autre pour intégrer des nouvelles sonorités et des nouveaux procédés à son exercice créatif, en plus de permettre aux deux formations d’élargir leurs publics. La musique indie rock électronique aux accents krautrock de SUUNS rejoint ainsi des mélomanes aux oreilles affûtées et aux esprits ouverts alors que JIMH peut faire contribuer la richesse de ses explorations sonores au sein d’oeuvres construites sur des bases rythmiques plus conventionnelles.

Le fruit issu de la rencontre ouvre l’appétit, la musique qui en résulte nous fascine, mais on reste un peu sur notre faim. Le projet, très prometteur, semble parfois inachevé, ce qui nous permet toutefois d’imaginer à quoi il aurait pu ressembler avec un séjour prolongé en studio. Parions que les concerts aideront les collaborateurs à développer leur complicité. Chose certaine, on attend avec impatience les prochains albums des différents protagonistes et d’y évaluer l’impact de cette rencontre sur les trajectoires de chacun. D’ici là, on se prépare pour la performance prévue le 14 mai prochain au Colisée de Victoriaville, dans le cadre de la 31e édition du Festival International de Musique Actuelle de Victoriaville.

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Liens pertinents:
secretlycanadian.com/artist.php?name=suuns
cstrecords.com/jerusalem-in-my-heart