Que le monde de la musique réussisse à me surprendre en 2015 relève de l’exploit. C’est une des raisons majeures de mon amour inconditionnel de la musique rap : l’effet de surprise. Kanye avec Yeezus (pas de cover art, d’un minimalisme pur, sortie quelques temps après son annonce). Drake avec son If you’re Reading this, It’s too late qui sort de nulle part, durant la nuit (because Drake, obviously). A$AP Rocky peut maintenant se targuer d’être dans cet lignée de rappers contemporains empruntant cette voie pour que son produit soit accessible (la fuite m’avait donné des indices, tho’) en sortant hier A.L.L.A (At.Long.Last.A$AP) à minuit, cette nuit.
D’emblée, 18 titres, c’est beaucoup, mais pas surprenant du tout pour lui puisqu’Il semble emprunter beaucoup des bribes de l’esthétique du rap des années 90 avec des album denses et des clips à couper le souffle, entrecoupé d’autres chansons de son album histoire de les hyper. Deux ans et demi se sont écoulés depuis LiveloveA$AP et ce n’est pas un euphémisme de dire que les attentes étaient élevées, surtout après le drame que le A$AP Mob à vécu cette année en la mort de son père spirituel, A$AP Yams (Yamborghini FTW).
D’emblée, Holy Ghost impose le ton de l’album : un beat qui n’est pas traditionnel du style Houston via New-York imposé par le Mob au cours des années, avec une production léchée de Danger Mouse, qui sample les frères Coen. Cette chanson impose le ton aussi au niveau lyrical (« À tous ceux qui disent lyrical même si ça existe pas » – Maybe Watson) en abordant le thème d’une certaine rédemption face à la vie de vice que Rocky mène, sans pour autant discréditer tous ses aspects. Au fond, cette glorification absurde de certains aspects de la vie de rap star devient redondant de la part du leader du mob.
Ce que l’on ne peut pas reprocher à A$AP Rocky, par contre, c’est son oreille musicale. Il déniche des beats qu’il ride à merveille et ne se laisse pas tenter vers l’appât du gain en impliquant tout les gros noms actuels qui circulent sur les albums de tous (Metro Boomin, Southside, DJ Mustard pour ne nommer que ceux-ci). Un mélange de modernité et des réussites du passé nous offrent un contenu varié mais équilibré, comme par exemple avec Wavybone qui nous offre un intéressant retour au rap du Sud des années 1990. surtout avec un couplet (j’en ai des frissons) du défunt Pimp C, qui accentue l’aspect « hommage » de cet album.
En fait, Rocky se veut le pont parfait entre les puristes qui ne répondent que par l’âge d’or du rap et cette génération actuelle, qui expérimente plus au détriment des thématiques exploitées. Rocky est, à mon avis, un exemple concret de ce qu’est un rapper contemporain, une star moderne qui a su regrouper ses nombreuses et évidentes influences en un produit viable artistiquement, surtout, a pu créer son son particulier, sa marque de commerce. Un album important de l’année 2015 qui, maintenant, donne le ton. A.L.L.A est la réponse à cette question fondamentale : « Lord Pretty Flacko Jodye. Tell these fuck n***** how you been ».
P.S. : Ah j’oubliais : Rod Stewart, of all people, a un featuring sur cet album …
(ASAP Worldwide/RCA)