Hier, par une belle journée ensoleillée, on est allés payer une visite aux gars de Harfang à leur nouveau local de pratique sur l’île d’Orléans. Entre une partie de dards, l’exploration d’une grange possiblement hantée et la visite dudit local, on s’est assis pour jaser avec les trois membres présents : Alexis Taillon-Pellerin, Samuel Wagner et Mathieu Rompré.
Articulé à la base autour des créations du chanteur Samuel Wagner, le groupe s’est formé progressivement. «Au départ, explique-t-il, je faisais des chansons dans mon sous-sol. Je m’enregistrais un peu, j’avais quelques compos pis j’avais mis ça sur internet. À un moment donné, j’avais besoin de violons pour mettre dans une de mes compos. J’voyais grand là, j’voulais des violons. J’ai donc lancé un appel sur Facebook et c’est Antoine – j’étais avec lui au secondaire, mais on se parlait plus ou moins – qui a répondu à l’appel. Il est venu enregistrer, je lui ai fait écouter un peu mes affaires, puis il a dit : ‘Je connais pleins de musiciens, on pourrait monter tes tounes pis faire des shows live avec ça.’» C’est ainsi que l’idée de Harfang a germé ; un an et demi plus tard le projet commençait. Regroupant maintenant cinq musiciens ( les trois membres interviewés, Antoine Angers et David Boulet Tremblay), qui eux aussi y mettent du leur dans la composition, le groupe en est déjà à son deuxième EP.
Lorsqu’on y jette un œil, leur progression est frappante. Dès leur premier EP, paru en 2014, ils avaient rempli le Bal du Lézard. Un an plus tard, pour le lancement Flood, le spectacle présenté au Cercle affichait complet. Qui plus est, m’indique Mathieu, ils étaient heureux de ne pas pouvoir reconnaître tous les visages lors de ladite soirée. Cet été, en plus d’une tournée au Nouveau-Brunswick, en Gaspésie et ailleurs, ils pourront se produire sur scène avec 5 for Trio dans le cadre du FEQ et avec la collaboration de l’Ampli de Québec. Ainsi, encore jeune, Harfang semble déjà parti pour prendre son envol. Bientôt, il devra jongler avec popularité et authenticité. Dans un monde où il faut maintenant un peu savoir se vendre pour vivre de sa musique, on a voulu connaître l’opinion du groupe sur cette question.
Tenant à se faire connaître, ils veulent pourtant garder intacte l’essence de leur musique. «Le défi qu’on se lance c’est de pouvoir fitter un peu partout sans trop essayer de se vendre, explique Samuel. C’est d’exprimer ce que tu veux exprimer, de la façon dont tu veux l’exprimer, mais en fittant quand même dans un cadre qui te permette de passer à la radio, par exemple… C’est sûr, c’est très compliqué.» Qu’à cela ne tienne, c’est un défi qu’ils entendent relever. En épurant leur musique, entre autres, ils ont travaillé en ce sens. De fait, entre leur premier et leur deuxième EP, on peut noter un travail de réduction minutieux pour que les pièces soient moins chargées, mais que l’essence en soit quand même conservée (c’est d’ailleurs une remarque que j’avais déjà faite dans le compte-rendu du lancement de Flood). «Plus t’as du stock, plus c’est dur d’apprivoiser la toune. Rendre notre musique accessible, ça passe aussi beaucoup par l’épuration des pièces. Ça va chercher plus d’oreilles, ça capte un peu plus facilement l’attention, c’est plus facile à écouter, ça parle à un petit peu plus de gens, et ce sans dénaturer ce que tu fais. C’est ces procédés-là qu’on est en train d’explorer et de peaufiner,» renchérit Samuel. «On va espérer que ça nous mène à vivre de notre musique!», ajoute Alexis.
Donc plaire: oui, se vendre: un peu, mais pas à n’importe quel prix. C’est pourquoi Harfang, malgré sa volonté d’être populaire, se situe un peu à contre-courant de la musique pop actuelle. En effet, contrairement à ce qui se trouve plus sur les ondes, c’est-à-dire de la musique plus dansante, la musique de Harfang porte à l’écoute, à l’introspection, et met beaucoup plus l’accent sur la mélodie. «Avec tous les clubs, les raves, la boisson, les drogues, la musique populaire c’est devenu de la musique qui brasse. C’est pas de la musique qui est introvertie, c’est justement de la musique de fête. Notre musique c’est l’inverse de ça,» lance Mathieu. «Dans la musique d’aujourd’hui, je trouve qu’on a perdu un peu le côté mélodique ; c’est plus rythmique, et il me semble qu’il manque de cœur là-dedans,» ajoute Samuel.
Ce serait donc ça – l’attention qu’ils portent aux mélodies, qui sont d’ailleurs souvent le noyau de leurs chansons – qui distinguerait Harfang du lot. Leur musique, antithèse de celle qui brasse, ressemble donc par sa simplicité et sa sincérité touchante à l’accalmie qu’ils retrouvent dans leurs sessions de jam sur l’île d’Orléans, tel qu’Alexis les décrit: «[Ici on se sent] en vacances, même si c’est pas le cas ! […] On s’évade deux fois semaine, on sort de Québec pis on vient juste jammer, pis c’est juste Harfang qui s’passe.» On peut aussi constater, en tant qu’auditeurs, la différence flagrante entre un de leurs spectacles et les autres concerts de musique populaire : le public a souvent une écoute exceptionnelle. «D’ailleurs anecdote cocasse : à Gatineau à la fin du show on faisait les rappels, et on se disait ‘on va mettre le party, le monde va aimer ça’, raconte Samuel. On s’est dit ‘on va rentrer en force dans le rappel et on va faire lever l’affaire’, pis là j’ai juste dit au monde : ‘là on fait le party !’ Pis il y a une fille dans la salle qui a répondu : ‘on veut pas faire le party on veut vous écouter’.»
Cependant, bien qu’à contre-courant, le groupe est facilement parvenu à se trouver un public, et même un public attentif ! «Avec le genre de musique qu’on fait, ce n’est pas comme s’il fallait absolument s’tordre un bras pour pogner ; on fait de la musique qui à la racine même est de la musique populaire. C’est du pop même si ce n’est pas de LA pop, explique Alexis. En plus, il y a un désir croissant de l’auditeur, je pense, d’avoir autre chose que de la grosse pop… Et les festivals embarquent là-dedans. Même le Festival d’Été commence à puiser dans les rangs du OFF ; il joue dans les plates-bandes du OFF, carrément, en allant chercher des bands plus underground.» De fait, ils parviennent à trouver leur créneau et à s’y établir. On leur souhaite de continuer sur cette route et de percer.
En somme, ce fut une belle expérience de pouvoir partager avec les membres du groupe. Accueillants, généreux de leurs temps, pourvus d’une belle complicité et d’une camaraderie au-delà de ce qu’on pourrait s’imaginer en les voyant en spectacle, ils ont su nous charmer autant par leurs personnalités que par leur musique. En gardant leurs yeux sur l’essentiel, c’est-à-dire sur ce qu’ils veulent exprimer, ils continueront vraisemblablement à s’acquérir de nouveaux auditeurs. Leur avenir est plein de belles opportunités. Après la tournée, le 8 août, ils reviennent notamment en ville faire un spectacle au Sous-sol du Cercle. Ils nous promettent un nouveau set d’une heure et demie avec quelques covers intéressants et même, possiblement, une belle surprise pour leurs fans. À l’automne, le groupe retournera à la composition et nous pondra peut-être, on l’espère, un album complet. D’ici là vous pouvez les voir dès demain, le 18 juillet, à 12h à Place D’Youville.
Crédit Photo: Llamaryon
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