La fin de soirée vendredi ayant été assez mouvementée, mon samedi est commencé un peu tard après un excellent déjeuner et un détour par la superbe et chaleureuse maison du festival un peu à l’écart des festivités. Premier arrêt au menu, la scène extérieure sur la 7e rue pour le concert d’Hologramme, dont on m’avait vanté les mérites. Malheureusement, je suis arrivé tout juste pour la deuxième moitié de la dernière pièce de Look Vibrant, et si on peut se fier à la finale, la performance a dû être assez explosive, malgré le fait que le groupe l’aie offerte à une foule clairsemée et distraite typique des concerts sous le soleil de l’après-midi.
Suite à une brève interruption, la formation instrumentale Hologramme a finalement gagné la scène et offert aux gens présents de s’approcher, en promettant que s’ils le faisaient, il allait se passer quelque chose. Ceux qui ont répondu à l’appel n’ont pas regretté, car le groupe a offert une solide performance et a probablement gagné plusieurs nouveaux fans grâce à leur judicieux et ludique mélange d’électro-pop et de rock, parfois basé sur des rythmes hip hop et parfois avec une dimension psychédélique, le tout rappelant souvent la french touch électro ou le chillwave américain, tous des trucs assez propices pour la saison estivale. On est en plein territoire de Kavinsky et Le Matos, qui ont signé les B.O. de Drive et de Turbo Kid, et on n’est pas non plus très loin de Com Truise, Ratatat, Todd Terje et de la formation québécoise X-Ray Zebras, avec qui ils ont d’ailleurs déjà partagé la scène. Une des pièces rappelait le titre Empire Ants que Gorillaz a réalisé avec Little Dragon, si on ne tient pas compte du fait que c’était purement instrumental. L’arme de prédilection du groupe, c’est clairement le synthétiseur et la plupart des membres en jouent à un moment ou l’autre de la performance, hormis le batteur qui accompagne toujours la musique avec brio d’ailleurs. Deux des quatre membres troquent parfois les touches pour les cordes et enfilent guitare et basse pour les morceaux où ressort davantage leur son funky. Une belle découverte tout à fait appropriée pour les journées ensoleillées.
Qui dit journée ensoleillée dit également 5 à 7, et le FME a tout un volet qui leur est consacré et on se retrouve avec l’embarras du choix. La tentation était quand même forte de retourner voir Geneviève & Matthieu au Centre d’exposition, ou encore d’aller voir la formation Corridor, mais c’est finalement le DJ et compositeur français Chapelier Fou qui a eu ma préférence. Arrivés sur place, on constate que la moitié du café-bar l’Abstracto, dans laquelle le concert est accordée est pleine à craquer et que les gens s’entassent dans toutes les portes, alors j’ai plutôt opté pour une table dans la seconde salle mais directement en face d’une des portes. Le son se rendait très bien et le pendant visuel m’était aussi accessible, à condition de bien vouloir me lever. Ce qui avait d’abord l’apparence d’un DJ set pimpé avec des musiciens live s’est retrouvé à être un concert en bonne et due forme. Le chapelier était accompagné par une claviériste, qui troque parfois les touches pour un violoncelle, un clarinettiste, qui passait de la clarinette-basse à la clarinette standard ou électronique à l’occasion, et un violoniste, en plus de troquer lui même les platines pour le violon à certaines occasions. L’usage de la clarinette-basse était parfois assez intense pour rappeler certains éléments du jeu du saxophoniste de renom Colin Stetson, et on retrouvait parfois une dimension néo-classique avec des jeux répétitifs de cordes pincées sur trame sonore assez lyrique. Essentiellement, la musique s’apparentait plutôt à une forme d’électro-nourriture de type trame sonore Cosmos, mais avec un niveau de qualité fortement rehaussé. La beauté des mélodies et des ambiances dominait à plusieurs moments l’expérience, alors que le style s’apparentait souvent à celui du collègue français Wax Tailor, mais en moins hip hop. Le côté pop ressortait davantage, mais les pièces sont souvent bordées de moments psychédéliques générés par les boucles et d’un côté épique résultant des accumulations de couches et des montées en intensité qu’elles rendent possible. La musique de Chapelier Fou a donc un côté convenu, mais est assez authentique et variée pour que l’expérience globale soit positive. Le public était manifestement ravi puisqu’il offrait de fort généreuses ovations entre chacun des morceaux et des applaudissements nourris à la fin du concert, et le groupe aussi parce qu’il a fait des courbettes à la foule bras-dessus-bras-dessous, du rarement vu dans un DJ set et un gage de succès assurément. Ça tombe drôlement bien que tout le monde ait apprécié l’expérience, parce qu’il s’agissait d’un premier de deux concerts, le quatuor jouant à nouveau ce soir.
Le tout se termine à temps pour qu’on puisse faire un détour vers la maison du festival, située dans L’école de musique en sol mineur (get it? dig it?) à proximité du quartier des spectacles. L’accueil généreux du FME contribue certainement à sa solide réputation, parce que des journalistes heureux ça écrit des choses positives j’imagine, mais on a pas l’impression que c’est une tentative de racolage de leur part. Un DJ set, des tonnes de convives, un méchoui géant et une performance du duo mené par Joseph Edgar, la nouvelle recrue chez Ste-4, voilà tout ce qu’il fallait pour faire lever le party une fois de plus. Ce dernier a offert une assez solide performance impromptue au coin de la cour, devant un public pro plutôt occupé à tisser des liens que captivé par le concert. Le rock franco acadien assez by the book offert par le duo était bonifié d’une part par l’intéressant set-up du bassiste-batteur, qui jouait de la basse en tapping de la main gauche et qui battait les peaux de la main droite en plus de faire des back vocaux à l’occasion, et d’autre part, par le charme authentiquement acadien du chanteur-guitariste qui donne son nom au projet. Comme la performance était assez courte vues les circonstances, j’ai pu n’en manquer aucune note et me diriger vers l’Agora des arts pour mon dernier programme triple du FME 2015, celui des américains The Dodos avec le Montréalais Jesse MacCormack et la française Jeanne Added.
Je ne pouvais toutefois pas passer complètement à côté de Prieur & Landry et j’ai décidé de leur consacrer quelques minutes pour avoir ma dose de leur rock sale et vorace et pour être à nouveau épaté devant tout ce qu’ils peuvent accomplir à deux. C’était un choix tout à fait logique avant Sandveiss et Galaxie, mais c’était presque intimidant pour les deux autres groupes, que j’aime bien et que j’ai vu souvent mais que je sauterais pour ce soir, avec la confiance de les revoir, tant Prieur & Landry font souvent plus avec moins. Le théâtre m’a semblé moins rempli à craquer que pour les concerts de la veille avec Poni-Ponctuation-Duchess Says, mais il était encore assez tôt quand j’ai quitté les lieux, et il y a fort à parier que le concert à guichets fermés de l’Agora des arts allait envoyer quelques mélomanes au théâtre.
Je suis donc arrivé après les premières notes du folk-blues-rock tantôt groovy, tantôt planant et tantôt explosif de MacCormack. L’artiste a livré une performance bien sentie, s’adonnant à des longs jams plannants et se donnant des airs de guitar hero pendant certains solos. Peu loquace, même au point de ne pas présenter son projet ou ses musiciens, l’artiste, qui est entre deux petites tournées au Québec, a tout de même réussi à réchauffer la foule pour l’arrivée triomphale de Jeanne Added, accueillie chaleureusement dès son entrée sur scène. La chanteuse et compositrice est tout naturellement à l’avant-plan et mise en valeur par une claviériste et une batteuse installée derrière une batterie électronique qui permettait une grande polyvalence dans les styles abordés. Frontwoman assumée, Jeanne Added peut incarner tantôt la rock star désinvolte, l’artiste fragile et la diva de la pop, selon les morceaux. La musique, assez peu originale en soi, est livrée avec une grande intensité et beaucoup de personnalité et de charme. Le côté électro-pop levait avait davantage la cote auprès de la foule et la chanteuse a donc ponctué son set de quelques uns de ces petits hommages au soir reconnu pour être le plus dansant, « c’est samedi soir » disait-elle au moment de commencer ces morceaux.L’effet engendré par la chorale toute féminine qu’elle forme à l’occasion avec la batteuse et la claviériste pouvait rappeler l’excellent quatuor américain tout au féminin qu’est Warpaint, surtout sur leur titre No Way Out. Il y avait des bonnes montées en intensité, des délires expérimentaux, un rythme parfois tribal, des moments hypnotisants, du rap crié à la Death Grips et même des passes presque stoner, malgré l’absence de guitare. Ça faisait parfois presque Top40, mais généralement c’était assez authentique pour rester agréable et la foule, ravie, s’est mise à danser assez rapidement et ce jusqu’à la fin du concert.
À ce stade du festival, mes jambes commencent à manquer du courage nécessaire pour bonifier une autre entracte avec une partie du concert de Galaxie ou de Sandveiss, et j’opte donc pour une entracte assis directement au sol, comme beaucoup de festivaliers d’ailleurs. Après un court moment, vint enfin le moment attendu, l’entrée sur scène du groupe psych-rock-folk californien The Dodos, qui pour l’occasion n’était constitué que de son noyau dur, le chanteur-guitariste Meric Long et le batteur Logan Kroeber ont donc dû se débrouiller sans guitariste de soutien, qui permet généralement d’ajouter une dimension acoustique à leurs pièces par ailleurs assez abrasives. Le groupe, qui a publié six albums depuis 2006 et les deux plus récents Carrier en 2013 et Individ en 2015, sur Polyvinyl, a choisi de commencer avec ma pièce préférée d’eux, celle qui ouvre l’excellent No Color de 2011, Black Night. On remarque tout de suite que la version live est beaucoup plus rock, en l’absence d’abord de guitare acoustique mais aussi de par le fait que le vocal est un peu noyé dans la charge sonore de la guitare électrique. Des gros jams délirants, des envolées rythmiques, des éruptions de joie et de distorsion, tout ça qui sonne comme une tonne de brique avec deux musiciens qui rivalisent pour la palme du showman de la soirée. Les boucles confectionnées live et les séquences pré enregistrées ajoutaient des possibilités au duo et le public ravi et dynamique a apprécié se faire parler en français par le chanteur qui faisait beaucoup de beaux efforts à cet effet, augmentant leur capital de sympathie. La foule en délire a longuement ovationné le groupe pour obtenir son rappel, une pièce plus pop judicieusement choisie qui ressemblait un peu à du Franz Ferdinand, avec un riff plus dansant.
Décidément, tout le monde sait comment avoir du plaisir au FME, artistes, organisation, médias, natifs de Rouyn et autres types d’humains. La magie est vraiment dans l’air pendant des journées aux soirées et la météo impeccable a dû contribuer à rendre l’expérience encore plus agréable, une expérience qui doit toutefois prendre abruptement fin pour moi avec un départ prévu dans quelques minutes. Je manquerai donc le show de clôture et surtout le show de Kid Koala que j’aurais bien aimé revoir, mais des membres de la délégation Ecoutedonc.ca seront sur place pour vous raconter leur expérience et vous fournir des superbes images en souvenir!
Pour un peu plus de magnifiques photos de la troisième journée, gracieuseté de Marion Desjardins, c’est par ici :
https://test.ecoutedonc.ca/2015/09/09/festival-fme-2015-jour-3-en-images/