Les chansons de Joëlle Saint-Pierre se sont faufilées jusqu’à mes oreilles par une journée de grands vents. Vous savez, le genre de journée-tempête bruyante qui secoue les médias et les réseaux sociaux, où tout le monde s’indigne et s’empresse, sans réfléchir, de hurler son opinion? Où l’heure de pointe nous bouscule à coups de klaxons, de vélos qui circulent en fous sur les trottoirs et de zombies qui traversent la rue en regardant leur cellulaire, malgré cette petite main qu’ils devraient serrer plus fort?
Je ne sais pas pour vous mais moi, quand le poids du monde se fait trop lourd sur mes petites épaules, je n’ai qu’une envie: me rouler en boule dans mon lit, avec des bouchons dans les oreilles, et m’endormir au son de mon coeur qui bat. Arrêter le bruit. Sauf que ce soir-là, plutôt que m’endormir, j’ai trouvé refuge dans une merveilleuse bulle de paix.
Objet sonore unique dans le paysage musical québécois, Et toi, tu fais quoi?, le premier album de l’auteure-compositrice-interprète saguenéenne envoûte et surprend dès les premières notes de Choc Électrique. La voix est jolie, assurée, le timbre est clair, aérien, les mots sont pesés, sentis et déposés délicatement sur de ravissantes mélodies. Le son du vibraphone (trop peu utilisé en chanson) et la douceur de la musique apaisent alors que l’intelligence du propos invite et impose le silence. Résultat : malgré l’inconfortable chaise de bureau qui me torturait le bas du dos, je suis restée hypnotisée, dans un total état de flottaison, jusqu’à la fin de ma deuxième écoute (parce que 30 minutes, c’est parfois trop peu de paix).
Si, à l’image de la pochette, le contenu s’annonce minimaliste, on devine assez vite la somme de travail derrière l’écriture de ces petits bijoux de chansons (Stéphane Robitaille et Catherine Lalonde ont collaboré à certains textes alors que Louis Dugal a coécrit deux musiques) et le souci apporté aux détails. Je pense entre autres aux superbes arrangements de cors de Pietro Amato et au travail de Vincent Carré (batterie), Marc-André Landry (contrebasse), Stef Scheider (percussions), Alex Blais (contrebasse) et Cédric Dind-Lavoie (contrebasse) qui accompagnent Joëlle sur la pointe des pieds, en lui laissant toute la place. Soulignons d’ailleurs que la vibraphoniste, qu’on peut aussi entendre au piano et à la guitare, est particulièrement douée dans le maniement des baguettes (« oui, quatre, et oui, c’est lourd », précise-t-elle dans sa sympathique autobiographie).
Beaucoup de soin a également été mis dans la prise de son (Daniel Gélinas), faite dans une chapelle d’Ulverton, en Estrie et au studio The Pines, à Montréal. Je salue le choix d’avoir opté pour une captation spontanée (une seule prise) et d’avoir laissé traîner, dans les racoins de pistes, quelques souvenirs des lieux (bruits de chars et planchers qui craquent). Le son de l’ensemble n’en est que plus vivant. J’ai aussi apprécié l’ordre des chansons, qui nous fait passer de la lumière (Choc électrique) à la noirceur (Rose, On a pleuré sur la lune), des amours impatientes (Cent pas) à la mort (Murs), permettant ainsi de révéler le talent d’interprète de l’artiste, sensiblement à l’aise dans tous les registres. J’ai très hâte de la voir sur scène (et mes collègues de Québec aussi car tout le monde semblait bien déçu qu’elle ne passe pas par la vieille capitale pour faire son lancement).
Mes coups de cœur : Souris, petite valse au texte délicieusement ironique, Jour doré (une chanson ne pourrait davantage séduire la fan de Gainsbourg que je suis) et la déchirante Jamais seule, dont la mélodie me hante depuis la première fois que je l’ai entendue. Mais ne vous fiez pas sur moi, je crois que je vais changer d’idée à tous les jours…
Lancement d’album à Montréal
MARDI 15 SEPTEMBRE – 17h
VERRE BOUTEILLE
Lancement d’album à Saguenay
JEUDI 24 SEPTEMBRE – 20h
CAFÉ-THÉÂTRE CÔTÉ-COUR
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