Ça faisait un petit bout que Les Cowboys fringants nous avaient proposé du nouveau matériel. Faut dire que nos amis n’ont plus 20 ans et que la vie les a rattrapés. Fallait voir le bedon tout rond de Marie-Annick Lépine cet été! Mais voilà, J.-F. Pauzé écrit encore des chansons, Karl Tremblay est encore capable de se faire aller les cordes vocales, Jérôme Dupras est toujours aussi fou et Marie-Annick est capable de jouer du violon assise en studio. Nous voilà donc, fin octobre 2015, avec le neuvième album du groupe, intitulé Octobre, qui présente un constat très sombre de la société dans laquelle nous vivons présentement. Et si l’exécution n’est pas parfaite, on retrouve sur cet album les Cowboys que nous avions longtemps aimé.
Pour ce retour en force, nos quatre amis fringants ont, pour la première fois, fait appel à des réalisateurs de l’extérieur, Gus van Go et Werner F. Est-ce pour cela que Tremblay chante les mots de Pauzé un couteau entre les dents?
On vous avoue avoir eu très peur en entendant la pièce-titre en ouverture de l’album. Tremblay semble y chanter sur le pilote automatique une mélodie qui n’est pas sans rappeler Kaïn. Inquiétude vite dissipée sur Bye-Bye Lou, qui suit immédiatement et qui nous ramène les Cowboys fringants comme on les aime. La la la, Louis Hébert et Les vers de terre sont des chansons aux textes sombres, mais lucides. « On est des millions de chevreuils écrasés par un 18 roues ». Justement, sur Les vers de terre, nos amis n’hésitent pas à nous rappeler que si les citoyens sont des victimes du système, elles en sont des victimes consentantes.
D’autres chansons, comme Pizza Galaxie ou Pub royal, sont du pur Pauzé. Des histoires sur mesure pour Tremblay, qui les raconte avec ce qu’il faut d’émotion pour qu’on se sente interpellé. Les feuilles mortes, qui invite à la réflexion, n’aurait pu être écrite par les Cowboys de 1995.
Les Cowboys ont même fait appel à Frannie Holder pour une magnifique chanson à boire, Marine marchande, qui constitue un moment fort d’Octobre. Quand on est habitué d’entendre Fran chanter d’une voix douce, l’entendre gueuler avec entrain (en français en plus), c’est fantastique. Cette chanson va sans doute venir rejoindre les Marcel Galarneau et autres Plombier parmi les classiques de party du groupe.
Si les 2-3 albums précédents étaient pas mal propres, on peut dire qu’ici, Gus van Go et Werner F., qui a travaillé avec de nombreux artistes aux accents punk, ont donné à Octobre une petite touche de « crotté » qui fait du bien. Sur les derniers albums, on avait parfois tendance à trop en mettre du côté des arrangements, ce qui donnait des chansons inutilement complexes. Les deux réalisateurs ont aussi réussi à donner du lustre aux harmonies vocales du groupe (la barre n’était pas très élevée, de l’aveu même des membres) et on retrouve ce petit côté imparfait qui nous plaisait tant au début des années 2000. Et qui est pas mal plus facile à reproduire sur scène, où le groupe n’a jamais cessé de briller.
Comme plusieurs fans de la première heure qui ont petit à petit délaissé le groupe en vieillissant, j’avais hâte de voir les Cowboys fringants sortir du cégep dans lequel j’avais l’impression qu’ils avaient été enfermés si longtemps. C’est chose faite ici avec un album décidément adulte. En fait, Octobre, c’est un album digne d’une crise de la quarantaine. Des constats qui font mal. Une jeunesse qui s’en va, mais qu’on ne veut pas vraiment quitter. Un tiraillement entre le sérieux et la fête.
Ça tombe bien, selon ma blonde, je suis en plein dedans.