Soyons honnêtes deux minutes. J’ai manqué les 10-15 premières minutes. Le froid a dû me faire marcher trop lentement, ou bien c’est peut être la bière que j’ai pris pour me réchauffer qui s’est un peu éternisée. J’en ai pas manqué trop quand même! J’ai eu le temps de voir assez de Harfang pour vous en parler d’une manière selon moi plus qu’adéquate!
Et justement, Harfang ont été plus qu’adéquats, impeccables même. La guitare électrique est réverbérée, houleuse, une toile sur laquelle pouvaient glisser les harmonies de Samuel Wagner et Antoine Angers. La voix d’Antoine semblant d’ailleurs prendre une place moins effacée, plus assumée qu’auparavant, contrastant doucement avec le fausset de Samuel. Je vais essayer de ne pas trop comparer avec le passé, pour les nouveaux venus à Harfang (il doit en rester 4 ou 5 à Québec), mais je dois mentionner le glissement subtil du son folk, qui s’efface un peu pour laisser paraître un rock planant, mature et franchement plus intéressant, intégrant les guitares acoustiques comme élément de texture sonore plutôt que comme élément central du groupe. Je dois admettre mon biais par contre, je suis l’escroc bien élevé du rock indépendant à Québec (Simon calme toi) alors je préfère un peu les sons plus croquants, plus assumés, les percussions fortes, l’influence métal de Mathieu Rompré aux percussions, la guitare au look rockabilly de David Boulet-Tremblay… ad infinitum.
Enchaînant surtout les pièces de Flood, et, si mes oreilles ne se trompent pas, quelques nouvelles pièces, on voyait un groupe confiant, solide, qui connaît et aime son matériel. Ils se sont d’ailleurs gâtés avec un cover de Perth de Bon Iver, jouée justement, avec émotion, mais sans plus. J’aurais voulu entendre plus de Harfang, plus de changements dans la pièce, une touche plus personnelle! Mais bon, le beau Alexis dansait avec sa basse alors que demander de plus.
Donc, Harfang c’est beau, mais on les connaît, il faut passer à la pièce de résistance.
Mouse on the Keys est un trio, formé d’Akira Kawasaki aux percussions, et d’Atsushi Kiyota et Daisuke Niitome, tous deux aux claviers! Ils étaient accompagnés sur scène d’une excellente trompettiste et d’un habile projectionniste aux noms inconnus! Ils sont vêtus de noir, la scène est éclairée très timidement, le Cercle devient monochrome, les introductions sont faites.. ça sonnait comment?
Si ma mémoire est bonne, ils ont ouvert avec Spectres de Mouse, tirée de leur album le plus connu, An Anxious Object. Allez écouter ça, vous allez avoir une bonne idée. Mais bon, je vais faire mon travail quand même et vous le décrire! Je vais crier un brouillon d’influences, faites-en ce que vous en voulez et ensuite on pourra parler de leur performance scénique!
Donc, sans ordre précis, j’ai entendu, ou ressenti:
Une base jazz assez bien assumée, voire même une touche de fusion, mais sans le kitsch. Une attitude et une fougue tirant définitivement vers le punk. Un look et des éléments échantillonnés rappelant le japanoise (ジャパノイズ pour les intimes). Une émotion presque trip-hop par moments avec des progressions dynamiques et harmoniques qui rappellent Reich et les autres grands du classique contemporain. Je sais, ça semble incompréhensible.. et en relisant les notes je me dis la même chose, mais le spectacle était assez incompréhensible aussi!
Le visuel, de son côté, était impeccable. Avec 4 ou 5 projecteurs, derrière le groupe, sur le groupe et sur les murs, contrastant avec la noirceur, on avait des projections géométriques, monochromes en noir et blanc, haletantes et dynamiques. Un bel ajout à l’expérience déjà surréelle. Parlant de surréalisme, la performance instrumentale était hors de ce monde. Les interactions entre les deux claviéristes, se répondant, mélangeant leurs mélodies, remplissait l’espace sonore comme les pâtes alphabet dans une soupe qui a déjà beaucoup de légumes, un mélange consistant et savoureux.
Si les claviers sont légumes et pâtes, les percussions font le bouillon. Alternant les métriques et les tempos, sans jamais qu’on ne s’en rende compte ou qu’on arrête de danser, jouant avec les dynamiques, les intensités, les références au jazz, au hip-hop, au math rock, Akira Kawasaki était sans contredit le meneur du groupe sur la scène, celui que l’on regarde, et avec raison!
Le spectacle s’est déroulé comme un rêve, une expérience qu’on ne peut comprendre, qu’on ne peut qu’observer en pâmoison, en pleurant, probablement. Je rêve souvent en pleurant. On ne s’est réveillés qu’à la dernière chanson du rappel, où le projectionniste est allé derrière les tambours pendant que Kawasaki grimpait les murs du Cercle et imitait les DJs. Comme quoi on peut être hilarant même si vêtu que de noir.
Bon, je me perds vraiment dans mes mots en ce moment, l’article s’éternise!. Tout ça pour dire: J’ai adoré!
Pour moi, la barre est mise pour l’année 2016, et elle est mise haute.
Les jolies photos agrémentant l’article ont été prises par François-Samuel Fortin. Sauf celle de soupe, évidemment.