C’était presque la nuit. Il était dépassé 22h30 quand je suis arrivée au Cercle pour m’installer aux premières loges du triple plateau de haut calibre présenté par Scène 1425. J’ai oublié ma fatigue à l’entrée. C’était mon dernier arrêt à Rideau cette année, j’allais dormir plus tard. Après tout, ce n’est pas tous les jours que Safia Nolin et Fred Savard fréquentent le même party.
Emilie & Ogden
Une petite volière, à l’intérieur de laquelle une lumineuse ampoule était suspendue, se trouvait devant l’imposante harpe Ogden. Emilie Kahn s’est installée derrière son instrument, puis a fait courir ses doigts entre les cordes avec une impressionnante agilité et la grâce d’un cygne. On a aussitôt reconnu la mélodie ensorcelante de la pièce-titre de son album 10 000.
Le Cercle fut immédiatement plongé dans une ambiance nocturne, magnifiée par les fioritures vocales d’Emilie. Se sont ensuite succédées, comme un rêve éveillé, les compositions Long Gone, Blame, What happened et White Lies. Les dernières notes de la harpiste résonnaient dans le silence pour nous bercer. Après une timide salutation, elle s’est éclipsée et on est revenu à la réalité.
Basia Bulat
Après avoir rêvé avec Emilie & Ogden, un magnifique contraste est survenu alors que Basia Bulat a fait renaître le jour sur scène avec sa folk-pop ensoleillée. Venue présenter son quatrième opus Good Advice, sorti quelques jours auparavant, elle est apparue toute minuscule avec sa robe, scintillante et colorée, aux formes géométriques éclectiques. Le nouvel album de Basia tournait en boucle chez moi depuis sa parution et j’avais plus que hâte de le voir prendre vie sur scène. Entourée de son armée de quatre musiciens (claviériste, batteur, bassiste et multi-instrumentiste), elle a commencé à gratter sa guitare électrique sur l’accrocheuse Fool. Le parterre était déjà conquis.
Avec un accent des plus mignons, Basia s’est adressée à la foule dans un français quasi impeccable. «Ça fait quatre ou cinq fois qu’on vient ici au Cercle. Je m’excuse pour mon français. J’ai déménagé à Montréal il y a un an et demi, donc il faut que je pratique plus. Merci à l’avance pour votre patience avec votre nouvelle québécoise. Ce soir, on va jouer toutes des chansons nouvelles…euh nouveaux ?», s’est questionnée avec humour l’attachante artiste.
Basia Bulat est ensuite descendue de scène pour chanter Let Me In dans le public (j’ai même eu le privilège de partager quelques mouvements de danse avec elle). C’est à ce moment que j’ai réalisé que cet album était bien différent de ses précédents en spectacle. L’auteure-compositrice-interprète est beaucoup plus dynamique et se permet d’aller plus loin sur le plan scénique.
Lorsqu’elle est remontée sur les planches, elle s’est mise à jouer du clavier, puis s’est emparée de sa tambourine en sautillant vigoureusement dans tous les sens. Sa voix, légèrement éraillée, conservait toutefois une justesse irréprochable. L’artiste nous a invités à se rapprocher de la scène pour se laisser aller sur la dansante La La Lie, puis a ralenti la cadence avec la pièce maîtresse Good Advice. Pour clore sa prestation, Basia a interprété une de mes pièces préférées sur l’album, Infamous. «Merci, à la prochaine!», a-t-elle lancé le sourire aux lèvres. On se croise les doigts très fort pour un retour imminent de Basia à Québec!
Foreign Diplomats
À la suite d’une entrevue tripante avec eux en début de soirée, j’avais vraiment hâte de voir pour une énième fois le spectacle du jeune quintette composé d’Élie Raymond (guitare, voix), Antoine Lévesque-Roy (basse), Thomas Bruneau-Faubert (trombone, synthés), Charles Primeau (guitare) et Emmanuel Vallières (batterie). Ils ont ouvert en grand avec la pièce You Decide, tirée de leur EP homonyme. Chaque fois, je suis soufflée par leur énergie et leur dépassement sur scène. Avec eux, c’était garanti que la fin de soirée allait lever, même si tout le monde était cerné!
«Ça a l’air que le party, ça fait longtemps que ça dure ici à Rideau. On est vraiment contents d’être ici, vous n’avez pas fini avec nous! Plus tard en soirée, Antoine, notre bassiste, va se mettre tout nu juste pour vous. La prochaine chanson parle justement de ça», a plaisanté Élie, avant de s’attaquer à Lily’s Nice Shoes!, une composition de leur excellent premier album Princess Flash.
Le Cercle est ensuite devenu le théâtre musical d’une longue pièce aux sonorités lyriques, Drunk Old Paul (And His Wild Things), également issue de leur opus. Mais, ce n’était qu’une apparence d’accalmie avant la tempête. En effet, le groupe a invité Emilie Kahn à se joindre à eux pour la dernière chanson de la soirée, Queen + King, qui a terminé ce circuit de nuit sur une note plus que festive. Les musiciens et la musicienne se donnaient à fond sur scène en hurlant «The king is dead!» à s’en vider les poumons. Un moment mémorable frôlant l’apogée musicale.
*Mention spéciale à Thomas pour ses «stépettes» hors de ce monde et sa capacité à ne pas se fouler une cheville et/ou se déboîter une épaule. Tu as tout mon respect.