[SPECTACLE] Pearl Jam au Centre Vidéotron, 5 mai 2016

Je ne cours pas les concerts d’aréna. Généralement, les groupes que j’affectionne ont tendance à jouer dans des salles plus intimes. Pearl Jam, c’est différent. C’est l’un des rares groupes du mouvement alternatif des années 1990 que j’ai suivis au fil des ans. Ils ont longtemps réussi à maintenir un excellent niveau de qualité pour leurs albums. Si le groupe a semblé parfois s’égarer dans les affres du rock fédérateur sur les deux derniers albums (Backspacer et Lightning Bolt), tout amateur de Pearl Jam le dira, le véritable plaisir de les voir en spectacle réside en son côté imprévisible. La grille de chansons malléable change à tous les concerts. N’importe quelle chanson du répertoire peut y trouver une place, et ça donne des concerts excitants. Certains groupes pourraient d’ailleurs prendre exemple, puisqu’il y aura toujours des amateurs assez « crinqués » pour voir deux, trois fois le spectacle d’une même tournée.

Le Centre Vidéotron était bondé pour l’occasion, et la foule a été choyée par un concert bien ficelé où les succès se mélangeaient bien avec les morceaux moins connus, comme la chanson d’ouverture Of The Girl, un bijou issu du sous-estimé Binaural. La table était mise. Dans le premier segment, j’ai particulièrement apprécié l’interprétation fougueuse de Once et State of Love and Trust, deux pièces écrites dans les débuts du groupe. Light Years et Nothing As It Seems, deux pièces plus tranquilles provenant aussi de Binaural, ont été interprétées de magnifique façon par Eddie Vedder, qui est encore l’une des très belles voix du rock ‘n’ roll. Il y a bien sûr eu plusieurs favorites de la foule, telles BettermanEldery Women, Even Flow, Corduroy et la puissante Why Go?.

Le rappel a débuté avec une rare et merveilleuse reprise de The needle and the Damage Done de Neil Young alors que Vedder, en solitaire, a livré une interprétation particulièrement sentie. Le groupe a ensuite enchaîné quelques ballades avant d’accélérer le rythme avec Comatose et Lightning Bolt. Le point culminant du premier rappel étant une énergique version du classique Porch. Pour le deuxième rappel, le groupe a choisi d’interpréter les monstres de leur répertoire, y allant d’abord avec la ballade rock Daughter, poursuivant avec Do The Evolution et un trio de Ten (Black, Jeremy et Alive), l’album chouchou de plusieurs amateurs. Le concert s’est terminé lumières allumées sur une reprise du groupe anglais The Who intitulée Baba O’Riley. Ça concluait un immense spectacle de 35 chansons prouvant que les artifices ne sont pas nécessaires quand le talent musical est au rendez-vous.

La belle histoire de ce concert, c’est aussi les trois demandes spéciales faites par des admirateurs sur le forum officiel du groupe. Il y a d’abord cette femme, Valérie, qui a perdu son conjoint et qui voulait entendre Given To Fly. Vedder y est allé d’un touchant témoignage sur la vie et la mort avant que le groupe ne s’exécute. Il y a aussi ce couple qui voulait entendre Daughter avec comme épilogue la chanson It’s O.K. du groupe punk Dead Moon, ce morceau leur rappelant un moment éprouvant lors de la naissance de leur enfant (qui va heureusement bien aujourd’hui). Puis il y a cette mère qui a demandé la chanson Sad pour son fils de dix ans, Noah, qui allait assister pour la première fois à un spectacle de son groupe préféré. La demande était accompagnée d’une vidéo de l’enfant jouant cette chanson. Le groupe a non seulement exaucé la demande, mais Vedder a invité Noah à performer la chanson avec eux. Il fallait voir Stone Gossard accompagner le jeune homme éberlué pour comprendre à quel point le groupe tient à ses fans.

La rumeur veut que ce soit justement Gossard qui ait composé la grille de chansons pour le spectacle. Il suffit de faire un détour sur le Web pour comprendre que le fan obsédé jalouse tous ceux qui étaient présents jeudi soir. Et ce n’était pas simplement bon sur papier; j’ai assisté à un concert mémorable qui me prouve qu’il peut émaner beaucoup d’émotions positives d’un spectacle de cette envergure… un tour de force.