[ALBUM] Les Évadés et leur fantastique nouveau disque

Il y a des formations que l’on voit venir et d’autres qui nous prennent par surprise pour nous jeter par terre. Celle du quintet Les Évadés appartient définitivement à la seconde catégorie dans mon cas, alors que je les ai découverts sur le tard, plus tôt ce printemps. Confectionnée de mains de maîtres par cinq musiciens et musiciennes de Québec — Marie-Christine Roy – violon et erhu (ex Les Chercheurs d’Or), Marie-Pier Gagné – violoncelle (Ego Death), Alain Fillion – guitare (Melody Cocktail), Mathieu Rancourt – contrebasse (5 For Trio) et Olivier Bussières – percussions (Nouvelle R) — la musique qu’ils créent collectivement est une véritable tapisserie musicale qui n’a rien à envier aux parutions sur la réputée étiquette Tzadik, où gravitent des musiciens partageant l’univers du prolifique compositeur jazz d’origine juive, John Zorn. Les Évadés ont d’ailleurs repris deux de ses compositions sur leur premier EP, Sortis d’urgence, publié en novembre 2014. Y figure une reprise de « Soledad » par Astor Piazzolla et une d’ « Invitation » par Bronislau Kaper, dont le début rappelle le très beau travail de Tom Waits avec Marc Ribot.

(Photo: Dylan Page)
LES ÉVADÉS (Photo: Dylan Page)

Les pièces de leur nouvel album homonyme se suivent et se complètent admirablement bien pour présenter une musique hautement originale où les musiciens se livrent à des échanges de haute voltige. La parution, entièrement instrumentale, présente plusieurs compositions de grande qualité avant de se clôturer sur une magnifique reprise de l’indémodable « Caravan ». Cette pièce qui allie du jungle jazz et des sonorités moyen-orientales, comme c’est souvent le cas de la musique du groupe Les Évadés, a été composée en 1936 par Barney Bigard and his jazzopators et popularisée par le big band de Duke Ellington l’année suivante, en devenant un standard qu’on ne se lasse pas de voir réinterprété.

On passe aisément du mélancolique à l’enjoué, avec des beaux moments de décrochage bien avenus qui ponctuent les compositions, où l’on peut entendre des échos des Dreamers, un groupe qui interprète des compositions de Zorn, mais avec des variantes originales. L’album s’écoute comme un bon film, fait vivre toute une gamme d’émotions, joue en intensité et garde l’auditeur complètement captif et fasciné d’un couvert à l’autre. Des instants hautement dramatiques, des transitions surprenantes et très habiles, puis des mélodies toutes mémorables qui se déploient parfois à une vitesse vertigineuse et qui ralentissent ensuite pour laisser tranquillement éclore des fleurs sonores. Bon je m’emporte un peu mais vous comprendrez en allant écouter les pièces de l’album, qui gagne toutefois à être écouté tel quel, d’un couvert à l’autre.

On les trouve sur leur site, leur bandcamp ou leur facebook ou sinon on les retrouve en personne lors de leur lancement à Québec, et c’est le 29 juin au Cercle à 19h avec l’entrée libre. C’est une occasion à ne pas manquer de voir et entendre le tout en personne!