« Septembre nous gâte, et demain est une autre vie. » Les paroles ouvrent avec une foudroyante vérité la dernière pièce du très attendu quatrième album d’Avec pas d’casque, Effets spéciaux. La vie après l’écoute de ce disque est en effet différente. C’est dit.
Le groupe mené par la plume pleine de splendeur de Stéphane Lafleur offre ces neuf chansons contemplatives. Nous sommes de plus en plus loin des disques où les textes plus sombres avaient souvent un côté débridé. On ne retrouve pas non plus de chanson au rythme plus effréné (on pense à L’amour passe à travers le linge ou La journée qui s’en vient est flambant neuve). C’est lent, les chansons se déploient graduellement et l’album se révèle subtilement au fil des écoutes. Pour s’y immerger, on peut supposer qu’une écoute sur vinyle (principalement pour profiter de la superbe pochette signée par le batteur du groupe, Joël Vaudreuil), lumières closes, consommation à la main serait le plan idéal.
Autour qui me laissait d’abord perplexe en ouverture d’album donne finalement la juste mesure de ce qui attend l’auditeur, c’est-à-dire un album à la fois paisible et poétique. Ensuite, La peur de perdre, sans doute l’une des plus belles chansons jamais écrites par Stéphane Lafleur, semble témoigner autant de l’angoisse de perdre une amitié que de régresser comme société; habile. Tout ça sur une mélodie spécialement bouleversante.
Si Il fait noir de bonne heure nous convie à une certaine légèreté, Derviches tourneurs surprend par son rythme changeant, soutenu par des cuivres et congas. Une magnifique réussite qui confirme qu’Avec pas d’casque pourrait réussir en assumant un côté plus orchestral.
Ce segment plein d’espoir se poursuit avec la douce Hu-hum. Si chaque album du quatuor contient son lot de perles, peu de strophes pourront se targuer d’être aussi poignantes que celle apparaissant dans le magnifique hymne à la vie qu’est Audrey est plus forte que les camions : « Ils ont fouillé son coffre de chair / aux douanes de la mort / et n’ont trouvé / que sa cargaison de courage. » Loup-Garou, un autre moment fort de ce disque, semble évoquer une certaine rédemption amoureuse. Tout au long de l’album, Lafleur aborde l’amour habilement, avec subtilités, très loin des lieux communs si souvent employés en chanson. D’ailleurs, en conclusion, Nos Corps (en ré bémol) est une splendide ode à l’Amour; point d’orgue lumineux pour cet album d’une beauté sidérante.
L’apport de Nicolas Moussette est aussi audible qu’à l’habitude, et cette fois, le travail de Mathieu Charbonneau est davantage mis de l’avant. Suffit d’écouter Les gloires du matin pour réaliser que sa place est plus assumée. S’il a débuté comme musicien de tournée il y a quelques années sur un rocher de Tadoussac et qu’il avait enregistré le combo Astronomie/Dommage que tu sois pris avec eux, il est maintenant une pièce maîtresse de l’évolution du son du groupe.
Effets spéciaux surprendra l’auditeur qui prendra le temps d’apprivoiser l’album par sa subtile plénitude. L’ensemble des pièces forment un tout cohérent qu’on pourrait très bien accueillir d’un seul coup en spectacle tant tout est bien ficelé. Un très important ajout à la discographie québécoise. Lafleur annonce en début d’album : « Je suis venu te dire que je ne changerai pas. » Pour nous, c’est assurément une bonne nouvelle; surtout si c’est pour continuer à pousser cette aventure musicale vers de si fertiles territoires.
L’album Effets spéciaux (Grosse Boîte) sera en vente dès le 2 septembre.
Avec pas d’casque présenteront deux concerts à Québec en novembre prochain, d’abord le 24 novembre au Théâtre du Petit-Champlain (billets), puis à L’Anti Bar et spectacles (billets ci-dessous) deux jours plus tard.