[2016] Anatole : le prophète de la nouvelle L.A.

Au début 2015, nous avons assisté à la transformation d’Alexandre Martel (Mauves). Le chanteur et guitariste chevelu mettait sur pied un tout nouveau projet aux antipodes du groupe d’origine limouloise. Synthétiseurs, théâtralité, flamboyance : Anatole était né.

Anatole - Photo : Marion Desjardins
Anatole – Photo : Marion Desjardins

Après s’être fait remarquer à Montréal pendant les Francouvertes (Sylvain Cormier, du Devoir, avait ces mots à son sujet : « Du genre qui se la joue comme on ne se la joue plus : s’amène en collant noir à squelette imprimé, maquillage Dracula et visage blanc, pieds nus, genre Alice Cooper chez le mime Marceau. »), Anatole lance trois chansons sur Bandcamp et présente quelques autres spectacles à l’automne (dont ce mémorable double-plateau avec Le Couleur) avant de disparaître (certains disent qu’il est retourné à L.A., d’autres affirment plutôt qu’il était en studio avec ses musiciens) pour mieux revenir en mars 2016.

Anatole - Photo : Marion Desjardins
Anatole – Photo : Marion Desjardins

Depuis, c’est un tsunami. Excellent album, lancement fort couru, Apéro FEQ devant un District St-Joseph bien rempli, la secte de la Nouvelle L.-A. fait le plein de fidèles! Une pétition est même lancée pour qu’Anatole chante Grosse Massue avec Peter Gabriel au Festival d’été de Québec. Malheureusement, le rêve ne se réalisera pas et un petit froid peut être ressenti entre la star et l’auteur de la pétition (votre humble serviteur). Sur les ondes de CKRL, Anatole se permet même de dire que si Gabriel et Anatole ne se parlent pas, c’est à cause de la pétition.

S’en suit une petite querelle sur les médias sociaux… querelle qui atteindra son paroxysme lorsque le relationniste d’Anatole interdit l’entrée d’ecoutedonc.ca à L’Anti. Heureusement, après d’intenses négociations, Anatole, bon joueur, lui donne l’accès à la salle… et à la loge!

Ce soir-là, L’Anti est plein à craquer. Il y a des curieux, bien entendu, mais les fidèles du prophète de la Nouvelle L.A. sont plus nombreux que jamais. Sur scène, le groupe est déchaîné. Le squelette dandy se promène partout, sniffe sur un clavier, s’étend de tout son long sur le bar. La foule en redemande. Si nul n’est prophète dans son pays, Alexandre Martel, lui, captive plus que jamais.

Anatole - Photo : Jacques Boivin
Anatole – Photo : Jacques Boivin

On a retrouvé le squelette dandy quelques jours plus tard à Baie-Saint-Paul dans le cadre du Festif. On en a profité pour lui poser quelques questions… quelle ne fut pas notre surprise de le voir arriver avec Simon, son claviériste!

EDC : Anatole, c’est qui?
Simon : Ben Anatole, c’est pas moi. C’est lui.
EDC : Anatole, c’est pas toi, c’est lui?
Simon : Anatole, c’est lui, je confirme! Moi, je suis là pour aider dans ses desseins.
EDC : Alors, l’entrevue se fait avec toi?
Simon : Jusqu’à maintenant, oui!
EDC : Parfait. C’est quoi la différence fondamentale entre la nouvelle et l’ancienne L.A.?
Simon : Faudrait lui demander, mais je pense que les deux ne sont qu’illusion. (Anatole le regarde en approuvant de la tête)
Anatole : Faut préciser qu’il n’y a pas d’ancienne L.A.
EDC : C’est juste une évolution?
Simon : La nouvelle L.A., c’est juste un idéal dans l’esprit d’Anatole. C’est ce que j’en comprends. Moi, je suis là pour mettre des briques de cet idéal dans la réalité. Un idéal où y’a une disco éternelle.
EDC : Finalement, t’es comme un maçon dans la vie imagée d’Anatole!
Simon : Effectivement. Un des nombreux maçons.
Anatole (prend un air exaspéré) Le truc, c’est que la nouvelle L.A. est déjà là. Il faut juste faire tomber les murs pour voir la véritable nouvelle L.A. qui est cachée derrière.
EDC : On te voit souvent à Québec, mais est-ce la première fois qu’Anatole vient à Baie-Saint-Paul?
Simon : Ouais. Le Tony et Charlo, c’est un des endroits (Anatole chuchote quelque chose à l’oreille de Simon). T’es déjà venu au Tony et Charlo?
Anatole : Oui. Je te dirais que la section motarde de la nouvelle L.A. est basée au Tony et Charlo.
EDC : Est-ce que le culte se bâtit aussi en région? En ville, vous êtes presque rendu une secte, de plus en plus de gens viennent aux spectacles, ils connaissent les chansons. Est-ce que c’est semblable en région ou bien le côté un peu plus conservateur de certains endroits rend le culte un peu plus difficile à établir?
Anatole : C’est pas beaucoup plus dur à établir. Il y a juste quelques personnes qui sont encore fermées au message, qui préfèrent garder leurs oeillères, mais les gens sont facilement convertis ici aussi! La réaction est assez semblable. Il y a parfois un élément perturbateur qui est, à notre avis, envoyé par le Malin pour essayer de saboter l’aventure, mais généralement, on a des agents qui interviennent assez rapidement et le spectacle se déroule bien.
EDC : Quel serait ton message à Philippe Fehmiu (NDLR : le plus festif des festivaliers au Québec) pour qu’il vienne ici cet après-midi?
Anatole : Il va pouvoir voir mes cuisses.
(Un gros camion arrive…)
Anatole : Oh, c’est notre catering qui arrive!
EDC : Justement, je voulais vous demander : vous êtes des vedettes planétaires. Est-ce qu’il y a de meilleurs buffets que d’autres?
Anatole : Dans notre jet, le buffet est vraiment fantastique.
Simon : Le tartare est parfait.
Anatole : Mais ici au Festif, c’est peut-être le meilleur mis à part notre catering privé. Il y avait du poulet au beurre…
Simon : … une section de rivière où on pouvait se baigner nu…
Anatole : … et du thé vert glacé. Le pire catering qu’on a vu, c’est probablement à Sorel. Y’avait un sac de Ring-o-los, mais il était pour tous les bands.
EDC : J’ai parlé plus tôt à Gab Paquet. Un personnage coloré. Il n’est pas de la nouvelle L.A., il est plutôt de Santa Barbara…
Anatole : … c’est cousin!
EDC : On m’a dit qu’il y avait quand même plus de poules à Santa Barbara.
Anatole (l’air vexé) : Ça reste à voir!
EDC : On a parlé un peu de folk introspectif. (Anatole prend un air très sérieux… il me voit venir avec mes gros sabots) Le bassiste d’Anatole (qui se retourne dès qu’il entend qu’on parle de lui), il joue pas parfois du folk introspectif?
Anatole : On en fait tous pour mettre du beurre sur notre pain. J’ai toutefois l’impression que j’ai été mal compris à ce sujet dans les diverses entrevues que j’ai données. Ce qu’on omettait de dire, et j’imagine que c’était pour faire scandale, les journalistes tronquant le propos pour pouvoir vendre du papier, je disais toujours que mes plus grandes influences étaient Joni Mitchell et Bob Dylan, mais ça…
EDC : … c’est drôle, on le lit jamais, ça!
Anatole : Je ne sais pas pourquoi. Je trouve que ce qu’on fait, c’est ce qui s’approche le plus du folk introspectif.
EDC : Bob Dylan, je suis sûr que dans la vie de tous les jours, c’est pas le même gars que celui qu’on voit sur scène non plus!
Anatole : Exactement! Et ce soir, je sortirai ma mandoline pour les gens de Baie-Saint-Paul. J’ai l’impression que les gens commencent à ranger leur harmonica et que la scène aligne ses flûtes.
EDC : On va voir tes cuisses ce soir, c’est presque une première.
Anatole : Seulement si Philippe Fehmiu est là! Est-ce qu’il est là pour vrai?
EDC : Il est partout! Anatole, je te remercie pour ta merveilleuse collaboration.
Simon : Ça me fait plaisir!

Anatole – Photo : Marie-Laure Tremblay

Évidemment, Anatole a fait un tabac à l’heure du souper. L’absence d’un bar où s’étendre pendant Le grand sommeil n’a pas semblé le déranger outre mesure. Il en plutôt profité pour voler des frites et du ketchup à des spectateurs bien trop heureux de partager leur repas avec leur nouveau gourou.

Anatole – Photo : Jacques Boivin

Anatole a continué à propager la Bonne nouvelle un peu partout au Québec pendant l’été. On l’a un peu moins vu cet automne. Paraît qu’il veut laisser la place à son alter-ego, Alexandre Martel de Mauves, qui vient de lancer Coco. Ça ne l’a pas empêché d’être sensuel à souhait à l’Impérial, en première partie de Groenland. Et au moment d’écrire ces lignes, Anatole se préparait à sévir dans un double plateau spectaculaire en compagnie de nul autre que Gab Paquet au Zénob, à Trois-Rivières.

Que réserve 2017 pour Anatole? Lui seul le sait. De retour dans sa nouvelle L.A., il aura sûrement une pensée pour Prince et David Bowie qui, comme lui, avaient le sens du spectacle… et de la controverse. Des modèles, quoi.

À une époque où les musiciens jouent la carte de l’authenticité extrême, rien n’est plus vrai qu’un personnage plus grand que nature. Anatole l’a bien compris.

Allez, repose-toi bien. Tes fidèles auront bientôt besoin de toi.

En attendant, la bonne nouvelle se transmet sur Bandcamp!

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