Hein Cooper est un secret de moins en moins bien gardé. Repéré par l’oreille attentive de Franz Schuller (fondateur d’Indica Records) lors d’un gig dans un bar de Sydney, l’Australien voit désormais du pays grâce à sa musique. Un an après le lancement de son extended-play, l’auteur-compositeur-interprète vient tout juste de lever le voile sur son premier album complet, The Art of Escape. Textuellement, sa poésie est renversante. Les sonorités expérimentales s’entremêlent aux racines folks, révélant des zones de son art, auparavant inexplorées, qui font miroiter une mer de possibilités.
J’ai eu le bonheur de m’asseoir avec Hein dans la loge de l’Anti après son set, moins de 48 heures avant la sortie canadienne de son opus. Notre temps ensemble était compté, puisqu’il devait remonter sur les planches le temps d’une chanson avec Foreign Diplomats. En plus de s’ouvrir généreusement sur son art, il m’a donné accès à l’humain qu’il est, me permettant de saisir l’essence de sa musique. De nature calme et plutôt timide, le grand jeune homme charismatique dégage une aura apaisante. Avec lui, what you see is what you get. Rencontre marquante avec un être vrai qui désire rester fidèle à lui-même avant tout.
Le premier contact
Hein a été éveillé à la musique assez jeune. Il me raconte que sa mère pianiste jouait souvent pour son frère et lui alors qu’ils étaient enfants. Mais tout s’est concrétisé au secondaire, lorsque son meilleur ami de surf a commencé à jouer de la guitare. «J’étais très compétitif avec ce garçon. Il s’est acheté une guitare, donc j’en voulais une aussi. Deux ans plus tard, il a arrêté de jouer et moi, j’ai continué car j’aimais vraiment ça», explique-t-il.
Au cours de cette période, des artistes comme Jack Johnson, Angus & Julia Stone et Ben Harper lui servaient de références. «C’est ce que j’aimais à l’époque, plus maintenant», précise le musicien. «Ça a commencé avec le folk et, à partir de là, j’ai commencé à avoir plus d’intérêt pour des artistes innovateurs qui expérimentent. J’aime quand les albums représentent une progression et qu’ils se distinguent du précédent. C’est ce qui m’attire en tant qu’artiste.»
Son top cinq du moment? Radiohead, Arcade Fire, Local Natives, Jeff Buckley et Ben Howard. Pour son EP et son album, Hein a d’ailleurs fait appel au réalisateur Marcus Paquin, qui a notamment travaillé avec Arcade Fire et Local Natives.
L’art
L’écriture de The Art of Escape est teintée par une relation amoureuse et par la nature, qui est une grande source d’inspiration pour Cooper. Ce dernier pose également un regard sur la société qui l’entoure à travers ses textes. «Les paroles sont assez politisées. Je cible comment je me sens face au monde, à la société et à son fonctionnement.»
Ses paroles préférées? Pensif, il étire le silence puis, récite les mots du second couplet de la pièce-titre, à la manière d’un poème :
«So dam bored living on the 15th floor, choking on electric chords, while you act like you know everything about pleasure and pain and the sunlit rain.» Il continue avec le début de Dopamine : «The final season’s changing, waking all the bears from hibernation, and I feel like I’m breathing in water, not within the borders of this world.» À cet instant précis, je ne peux qu’approuver. C’est magnifique, subjuguant.
Tout comme ses influences musicales, le son créé par le musicien a aussi évolué au cours des dernières années. «En ce moment, c’est une combinaison de folk, car c’est d’où je viens, de musique indie-électronique et il y a même une chanson punk sur l’album», rigole-t-il en fredonnant le refrain de All my desires. «Oui, j’explore.»
L’évasion
Le titre de l’album, The Art of Escape, s’est imposé par lui-même. «Je sens que c’est un thème récurrent dans ma vie. C’est essentiellement une question à la quête d’une réponse d’évasion, à savoir où je peux la trouver.»
Lorsque je lui demande de quoi cherchait-il à s’évader, il réfléchit à voix haute. «À l’adolescence ou lorsque tu es un jeune adulte, tu cherches la vie que tu rêves d’avoir. Je crois que je fuyais ce que j’avais et que je courais vers la vie que je voulais, vers le monde dans lequel je voulais vivre. C’est comme un appel de l’âme à savoir comment je peux trouver cette place dans le monde que je désire véritablement», résume l’artiste.
Voyager pour se retrouver
Dans les dernières années, Hein a trimballé ses valises un peu partout, partageant son temps entre l’Australie, le Québec et l’Europe principalement. Selon lui, ces constants dépaysements ont eu un impact positif sur sa musique. «Ça m’a définitivement permis de voir le monde, différents environnements, différentes cultures et je pense que ça a façonné une perspective plus ouverte sur le monde. Je pense que j’ai plus à dire dans mes chansons maintenant que j’ai vu davantage de ce monde.»
Les multiples voyages ont également fait grandir l’auteur-compositeur-interprète sur le plan personnel. «À travers ces voyages, je crois que je suis plus à l’aise d’être la personne que je veux être. J’ai laissé mes amis en Australie et je me suis fait de nouveaux amis au Québec, en Europe, partout à travers le monde, mais je me suis aussi retrouvé seul souvent. Cette solitude m’a permis de devenir plus confortable avec la personne que je suis plutôt que d’essayer de m’intégrer à un groupe.»
Si on permet à Hein de rêver grand l’espace de quelques secondes, il souhaiterait vivre ces déplacements en compagnie de ses musiciens. «Je pense que j’aimerais partir en tournée à travers le monde avec un band. Je suis en mesure de le faire en Australie mais je ne peux pas me permettre de les emmener avec moi autour du monde. C’est définitivement mon souhait pour le moment. Un jour…»
Parmi les endroits qu’il a eu l’opportunité de visiter, Hein a choisi Montréal pour enregistrer ses créations. Il souligne l’ouverture d’esprit de la ville, musicalement parlant, en faisant référence à la musique que les gars de Foreign Diplomats sont en train de jouer, juste au-dessus de nos têtes.
«C’est différent, j’aime ça. Je pense que Montréal est une ville qui accepte les artistes comme ça et qui les supporte. Je joue de la musique qui me ressemble, qui est authentique à moi-même et qui peut paraître unique ou étrange pour d’autres personnes, mais je me suis vraiment senti chez moi pendant le processus d’enregistrement», mentionne-t-il.
Le cœur d’abord
Malgré son jeune âge, Hein semble être d’une grande maturité. À travers ses publications sur les réseaux sociaux, il glisse souvent des messages empreints d’une certaine sagesse. «Je ne sais pas si je suis sage. Je ne suis pas sage, j’ai fait beaucoup de choses stupides…peut-être que ça explique ma sagesse», plaisante-t-il.
Je lui demande donc quelle est la philosophie qu’il tente d’appliquer dans sa vie, sa devise au quotidien. Un peu surpris par ma question, il se gratte la tête quelques instants avant que la réponse ne lui apparaisse comme un éclair de génie. «Ok, j’ai une citation de Coldplay!», admet-il en riant.
Après quelques échanges d’opinions sur la musique de la formation britannique, au moment même où j’affirme préférer la phase The Scientist, il lance : «C’est exactement ce que j’allais citer! Questions of science do not speak as loud as my heart.» Écouter son cœur, plutôt que sa tête. Et ça fonctionne toujours? «Sur le long terme. C’est très facile d’oublier ça et de juste faire travailler ça», conclut-il en désignant respectivement son cœur et sa tête.
Hein Cooper sera en spectacle au Québec avec le groupe Foreign Diplomats dans les prochains jours et son premier album The Art of Escape est disponible dès maintenant. Tous les détails juste ici. Je cumule maintenant plusieurs heures d’écoute et je l’ai encore dans les oreilles en écrivant ces lignes. Ça dit tout.
* À noter que l’entrevue a été réalisée en anglais (traduction libre).
Photos : Marion Desjardins/ Llamaryon