[SPECTACLE] Osvaldo, Wild Throne et Torche à l’Anti

Les groupes en tournée ne choisissent naturellement pas toutes les dates et certaines dates de tournée, si on veut optimiser, tombent un lundi malheureusement. En général, le même concert pourrait être donné à guichets fermés un soir de fin de semaine et devant une assistance éparse en tout début de semaine, sans que ce signe soit un gage de qualité (ou absence de) du groupe qui performe. C’est exactement ce qui est arrivé à la très réputée formation rock-métal-bizarroïde américaine Torche, qui était de passage à l’Anti, pour une des dates de la tournée qu’ils font en conjonction avec Wild Throne. Pour l’occasion, le promoteur avait demandé à une formation de Québec d’ouvrir les festivités, comme c’est souvent le cas, et il avait judicieusement choisi un tout nouveau groupe à cet effet, un dénommé Osvaldo. Je dois avouer de but en blanc qu’il aurait difficilement pu faire un meilleur choix, le groupe était tout désigné pour accompagner les deux groupes en tournée, pour différentes raisons, notamment le style, les influences du groupe et le niveau de qualité général de leur prestation, qui était très solide.

Deux membres de OSVALDO (sur cette photo, Luc Barrette et Philippe D'Amours, alors dans Mountains Unfold. Photo par Charles-Frederick Ouellet)
Deux membres de OSVALDO (sur cette photo, Luc Barrette et Philippe D’Amours, alors dans Mountains Unfold. Photo: Charles-Frederick Ouellet)

Osvaldo, c’est le nouveau projet de petits gars de Québec. C’était peut-être son premier show, à Osvaldo, mais les quatre gars qui en sont les membres cumulent près d’un demi siècle d’expériences musicales variées et ont fait de la scène avec des projets préalables, notamment le défunt groupe Mountains Unfold, qui a fait ses adieux à la scène durant le Festival OFF 2013 et dont trois membres se retrouvent dans Osvaldo, soit Luc Barrette (guitare), Hugo Ouellet (batterie) et Phil D’Amours (vocaux). Le quatuor est complété par le bassiste Alex Landry, qu’on a pu voir sévir et servir des basses fréquences au sein des groupes locaux Albatros et Khan, entre autres. Les premières notes se sont fait entendre vers 20h15 et la formation a d’emblée mis les cartes sur la table avec une pièce d’introduction lente et lourde qui a fait comprendre à l’assistance relativement restreinte en début de soirée de quel bois ils ont l’habitude de chauffer. Très stylé et atmosphérique aux premiers abords, leur musique opère des changements brusques et un gros paquet d’idées invoquées pendant le processus créatif se ramassent raboutées lorsque la pièce est parvenue à la ligne d’arrivée, simplifiant la composition et accélérant la publication de leur musique. Lors que je leur demande pourquoi ils sont là, Landry raconte à la blague qu’ils ont voulu jouer pour entrer voir Torche gratuitement, parce qu’ils sont ben fans. D’autres groupes parus sur la légendaire étiquette Hydrahead doivent aussi figurer parmi leurs influences, notamment Botch. Au compte de leurs influences, le chanteur évoque aussi Coalesce, Oxbow, Sweep The Leg Johnny, liste à laquelle j’ajouterais Converge, Carmen Campagne et pour certains passages furtifs et dissonants, The Dillinger Escape Plan. La musique offre une ambiance sombre et chargée d’émotions, la tempo est la plupart du temps assez long mais les pièces sont ponctuées de phases plus accélérées et extrêmes, quelques blast beats se glissant ici et là dans leurs créations.  La frénésie propre au grind et au powerviolence vient poindre à l’occasion, certains passages ralentis ont des airs de doom, la dissonance est également présente dans les riffs mais le tout est très bien dosé, donnant une très belle cohérence à des pièces qui ont parfois pourtant été montées comme des courte-pointe. Le résultat est somme toute vraiment épique, quelques moments hardcore ou post-metal viennent compléter le portrait, procurant une dose supplémentaire d’atmosphères authentiques et envoûtantes. On voit que c’est le projet de musiciens techniquement très capables, mais aussi, de mélomanes, parce que les influences sont rarement dissimulées mais le métissage auquel elles donnent naissance est authentiquement intéressant et novateur. Les vocaux, très sentis, oscillent avec vigueur entre le désespoir et l’indignation, pour les émotions transmises. Les faibles prétentions du groupe par rapport à son travail jurent avec le haut niveau de qualité qui est atteint, ce qui est assez rafraîchissant comme attitude, quoique ça peut presque prendre des allures de fausse modestie, parce que c’est pas mal bon. Extrême, varié et accessible à la fois, grâce surtout au niveau de qualité et aux gros riffs bien groovys qui nous forcent de temps à autre à hocher de la tête un moment, avant que la rythmique ne change. Le groupe fondé à Québec il y a environ six mois a un bandcamp pour présenter deux extraits, dont un qui donne une très bonne idée de leur son. Surveillez-ça, vous risquez d’entendre parler d’eux à nouveau avant la fin de l’année. Mieux encore d’ici là, écoutez ça en lisant la suite![bandcamp width=100% height=120 track=944720823 size=large bgcol=ffffff linkcol=0687f5 tracklist=false artwork=small]

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WILD THRONE (Photo: Ryan Russell)

Avec les oreilles qui bourdonnent encore un peu, j’ai regardé Wild Throne prendre place sur scène et offrir aux gens réunis sur place un beau mur de son aigu d’une trentaine de secondes en guise d’introduction, laissant préfigurer les vocaux du chanteur qui étaient souvent assez aigus aussi, allant jusqu’à flirter avec le glam rock et se rabattant sur le scream plus rarement que sur le vocal clean. Le groupe, originaire de l’état de Washington sur la côte pacifique américaine, fait d’ailleurs la part belle aux mélodies, la plupart du temps la dissonance ne fait partie de leur éventail sonore, mais certains moments assez extrêmes viennent ajouter de la variété et de la surprise à des pièces qui autrement seraient plus rock que métal. Excentrique et variée, leurs chansons font parfois appel à des séquences électroniques et  à des beats glitch pour appuyer le batteur, qui n’avait pourtant pas vraiment besoin d’aide et donnait une leçon de sport aux mélomanes ébahis devant lui. Les influences semblent graviter autour de l’étiquette californienne Three-One-G, notamment Melt-Banana, An Albatross, Blood Brothers, mais doivent aussi inclure des trucs variés comme les Melvins, Everytime I Die, en plus de certainement inclure, surtout pour le vocal, The Mars-Volta, dont le nom est apparu sur quelques lèvres lorsqu’on commentait le concert ensemble après. La plupart du temps assez colorée, leur musique est appuyée sur le vocal excentrique du chanteur et les chevauchées rock qu’il crée avec son powertrio. Les chants peuvent être émotifs et racoleurs et la mélodie douce, puis soudainement, devenir rauques et accompagner du rock-metal qui groove sur des riffs gras, puis passer au emo-core et au math-core par moments. Le résultat est souvent assez accrocheur, pas mal impressionnant, mais fait parfois sourciller par rapport au mélange souvent inusité des styles. C’est pas nécessairement pop parce c’est formaté dans un genre particulier, mais plutôt parce que le niveau de qualité est assez haut, mais le côté commercial ressort parfois un peu trop, donnant toutefois l’occasion au chanteur de prouver sa polyvalence, en passant avec aisance du scream au clean. Certains moments extrêmement syncopés agencés avec un stroboscope créent une ambiance survoltée, maximisant l’effet mutuel de la lumière et du rythme. À la fin de la performance, on retient que le groupe est très solide mais qu’il a de drôles de goûts, que le melting-pot de genres auxquels le groupe fait appel est en soi plutôt original, mais le fait qu’un mélange presque toujours similaire se retrouve dans presque toutes les pièces donne l’impression que cette originalité a été transformée en formule toute faite, prête à être répétée. Quoiqu’il en soit, la performance fût agréable et très solide, disons qu’on comprend pourquoi quelqu’un leur a donné un gros contrat de disque, et aussi une belle surprise, même si c’était le groupe que j’ai le moins apprécié des trois.

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TORCHE (photo: courtoisie du groupe)

 Le dernier et non le moindre à gravir la scène de l’Anti en ce lundi soir, peu après 22h, c’est Torche, un groupe de Miami en Floride qui a su s’attirer la faveur des critiques, des mélomanes et des néophytes, pour son équilibre parfois précaire mais souvent réussi entre l’extrême et l’accessible. Le répertoire du groupe a évolué et des riffs de plus en plus accrocheurs se retrouvent dans leurs compositions. C’est leur plus récent album Restarter qui a constitué le matériel pour la majorité du set, dont les pièces «Minions» et «Annihilation Affair» étaient des moments forts. La musique de Torche, je crois que je la qualifierais de «métal pour adultes», pour diverses raisons, bien que l’appellation semble étrange a priori. Des gros riffs, des structures progressives, une insistance sur la mélodie, des thèmes diversifiés et intrigants pour les textes et un vocal qui reste clean la quasi totalité du temps. Le groupe passe avec aisance du plus lourd au plus léger, tout comme le prédécesseur Wild Throne, mais avec une beaucoup plus grande cohérence et un résultat esthétiquement plus intéressant. Leur show est pas mal de type «dans tes dents» même si le groupe est plus accrocheur que les deux précédents par essence. Juste avant une pièce qui semblait imiter «Thunderstruck» d’AC/DC, une des rares interventions parlées plus soutenues du chanteur nous a appris que le groupe en était à sa première visite et qu’il ne s’attendait pas à un accueil aussi chaleureux de la part du public, pour un lundi soir en compagnie d’un groupe qui leur rend visite pour la première fois mais dont la bonne nouvelle semble parvenue à leurs oreilles. La performance s’est déroulée toute en intensité, plutôt captivante et elle semblait au goût des gens sur place, pour qui le hochage de tête était obligatoire pendant la plus grande proportion du concert. Après une transition faite d’un mur de son assourdissant et insistant, la pièce avec le plus gros riff du show (les riffs sont pas mal tous gros mais celui là était encore plus gras) commence, puis viennent s’y poser des harmonies vocales graves et bien appropriées. La basse donne rapidement l’impression que le tissu de nos vêtements va se déchirer tellement la vibration est intense. Le son est demeuré impeccable du début à la fin, les tonalités de guitare qui font la marque de commerce du groupe demeurent toujours très riches et la dernière pièce était tellement badass qu’elle dispensait le groupe de s’offrir en rappel. J’ai profité de l’occasion pour aller me faufiler dans mon lit, clôturant un cycle de concert amorcé huit jours plus tôt, au même endroit, pour le concert de Sarah Neufeld et poursuivi par Misc au Cercle, quatre soirs des Nuits Psychédéliques à Méduse et une virée au Club Soda à Montréal pour voir quelques uns des groupes invoqués plus haut comme influences de Wild Throne (Melt-Banana et les Melvins).

J’ai malheureusement oublié mon petit appareil photo compact et n’ai donc pas pu prendre de photos du concert, ce qui m’a forcé à me rabattre sur différentes images d’archive cueillies ici et là sur la toile, moins journalistiques par rapport à l’évènement rapporté, mais plus jolies que celles que j’aurais prises.