Ça commence par une question. Could you at least wait ’til I’ve had my coffee before you break up with me? Y’a même pas 30 secondes de passées qu’on comprend déjà que le deuxième album de Lisa LeBlanc, intitulé Why You Wanna Leave, Runaway Queen?, est dans une classe à part. L’album d’une fille qui a l’air de dire Fuck toute à tous ses ex et qui le fait dans un folk rock trash bien à elle.
Could You Wait… sonne parfois comme du Lennon. Le petit effet à la voix. Les paroles un brin caustiques. La structure en crescendo plutôt que le bon couplet/refrain/couplet/refrain/bridge/refrain. Même la mélodie super accrocheuse, les répétitions (it’s fine répété 10 fois, suivi de quelques ciao! bye! bien sentis), sérieux, j’ai beau avoir déjà écouté l’album à de nombreuses reprises, je ne me tanne pas de cette chanson qui sent le discours libérateur. Note à moi-même : si jamais je veux crisser Lisa là, le matin, c’est pas l’idéal, elle va me ramasser!
On continue dans le rock and roll avec la très dansante City Slickers and Country Boys. Lisa chante chante avec une telle assurance, on la voit, sur un stage dans une grange avec une boule disco qui brille de tous ses feux et une bande de villageois qui dansent le rock and roll comme s’il n’y avait pas de lendemain.
Dans Dump the Guy ASAP, une pièce aux accents hawaiiens, Lisa adopte un ton beaucoup plus posé, mais c’est pour mieux faire entrer le poignard. Cette fois, elle s’en prend au copain (qu’on comprend un peu trou du cul) de son amie, qu’elle aimerait bien voir prendre le bord, et ce, de façon peu subtile. Note à moi-même : vérifier si ma blonde est amie avec Lisa.
I Love You I Don’t Love You I Don’t Know est une autre pièce folk-rock de fille au coeur brisé. La touche du réalisateur Joseph Donovan, qui s’y connait en Canadiana (Sam Roberts), est assez évidente, ici. Et ça va comme un gang à notre Lisa, qui ne se perd pas du tout dans les harmonies vocales de la fin, bien au contraire.
Bon, Lisa est assez agressive depuis le début, mais elle a quand même ses petits moments d’introspection, comme cette magnifique Why Does it Feel so Lonely (When You Are Around). La solitude quand la personne que t’es supposée aimer est à tes côtés, c’est un feeling assez désagréable, et Lisa le traduit bien dans cette chanson juste assez rugueuse pour ne pas tomber dans le mélo. Note à moi-même : Si jamais Lisa pis moi on est ensemble, passer mon temps à l’extérieur de la maison. Elle va se sentir moins seule.
Finalement, les histoires de coeur de la vingtaine, ça m’a l’air d’être un maudit beau filon!
(Self-Proclaimed) Voodoo Woman nous emmène du côté du blues. Ça commence tout doucement, mais la fin, avec ses guitares tueuses et les cris (du coeur, bien entendu) de Lisa, vous hérissent les poils assez solidement!
Arrive enfin Ti-Gars, LA chanson en français de tout l’album. La langue change, mais pensiez-vous que Lisa allait laisser tomber sa mine d’or d’inspiration? Ben non. Ti-gars, il est parti. Pour toujours. Pour tout le temps. Pis surtout, il est parti avec son char. Pis ça, elle le prend pas. C’est simple, mais c’est diablement efficace, surtout avec le rythme marqué par le… triangle! Note à moi-même : Je suis OK, j’ai pas de permis de conduire!
Sur 5748 km, c’est une Lisa vulnérable qu’on retrouve. Évidemment, c’est LA chanson où elle utilise la phrase « I Love You » (après avoir dit que cette relation à distance est probablement l’idée la plus stupide qu’elle a jamais eue). On sent le motton dans la voix. Nul besoin de vous dire que le motton, c’est contagieux! Note à moi-même : Déménager dans l’Ouest!
Eh cher (You’ve overstayed your welcome) a un petit côté southern folk qui n’est pas sans déplaire aux oreilles de votre humble serviteur.
Dead Mans Flats est une pièce instrumentale qui n’a qu’une fonction : nous préparer à la tempête qui suit : Ace of Spades. Oui, oui, la reprise de Motorhead. Lisa prend même le grain qu’on retrouve dans la voix de Lemmy. On l’avait entendue à de nombreuses reprises en spectacle, mais comme ça, sur une galette, on peut apprécier la qualité de cette reprise, que Lisa s’est vraiment appropriée. En spectacle, ça va vraiment brasser! Note à moi-même : Accompagner fiston dans les shows de metal, c’est une bonne inspiration pour la jeunesse!
L’album se termine sur une I Ain’t Perfect Babe, qui ferme la porte sur cette période mouvementée de Lisa sur le plan du coeur. Une autre chanson pleine de vulnérabilité, toute douce, qui annonce une fois de plus de grandes explorations pour cette jeune femme de Rosaireville! L’album, qui se commençait par une question, se termine par une déclaration : T’as raison, je ne suis peut-être pas si mauvaise que ça, mais je dois le constater par moi-même.
Certaines personnes ont reproché la réalisation proprette de Why You Wanna Leave, Runaway Queen. Pourtant, suffit de mettre le premier album dans le lecteur pour se rendre compte que Louis-Jean Cormier avait lui aussi bien enrobé l’oeuvre. Joseph Donovan a bien réussi à astiquer les pièces sans leur enlever leur personnalité. Ce qu’on entend, ici, c’est bel et bien Lisa LeBlanc telle qu’elle a choisi de se dévoiler. C’est un album très personnel qui établit très bien le contact entre l’auteure et l’auditeur. Les émotions, elles sont sincères, on les ressent d’ici, sans aucun effort. La musique, les paroles, tout nous envahit, nous transporte. Et les 40 minutes de l’album s’écoulent si vite qu’on se surprend de vouloir reprendre l’écoute dès qu’on arrive à la fin!
Quand elle a sorti son EP, je disais qu’on risquait de perdre Lisa. Les Canadiens, avec qui elle a beaucoup d’atomes crochus, l’aiment déjà beaucoup. Quand les Américains vont la découvrir, ils vont l’adorer. Pas parce qu’elle est si originale, ni parce qu’elle représente une révolution. Non. Parce que Lisa LeBlanc, le personnage, est très près de Lisa LeBlanc, l’être humain. Au point où on se demande laquelle des deux ne semble réussir ses relations amoureuses que si elle est à 5748 km de la personne qu’elle aime.
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À voir en spectacle le 8 octobre à Saint-Prime (Coup de grâce musical), le 13 octobre à Québec (Impérial Bell), le 5 novembre à Shawinigan (Centre des arts), le 11 novembre à Bécancour (Moulin Michel). Bien sûr, y’a plein d’autres dates sur lisaleblanc.ca!