Photos : Marion Desjardins
Québec devait recevoir les Red Hot Chili Peppers, soutenus par une curieuse première partie: Deerhoof. Lorsque les Peppers ont constaté qu’ils auraient sans doute un empoisonnement alimentaire la veille du concert à Québec, ils ont annulé, laissant alors une superbe opportunité à l’Anti d’organiser une soirée qu’on pourrait qualifier de champs gauche!
L’improbable quatuor de San Francisco, à l’aube de sortir leur 14e album studio, venait présenter le fruit de toutes ces années d’expérimentation. Ils ont puisé un peu partout dans leur large répertoire, donnant un peu plus d’amour à l’excellent disque Breakup Song, paru en 2012. Si le travail des deux guitaristes (Ed Rodriguez et John Dieterich) est absolument fascinant, ils se font bien malgré eux voler la vedette par les deux autres membres de la troupe. D’une part, il y a Satomi Matsuzaki, qui dans la rue, aurait de la difficulté à convaincre un néophyte qu’elle est la chanteuse d’un groupe rock expérimental ouvrant souvent pour des groupes reconnus (on pense aux Red Hot, mais aussi à Radiohead ou autres Wilco). Elle a un magnétisme hors du commun; un genre de naïveté merveilleuse, doublée d’une incroyable assurance. D’autre part, il y a Greg Saunier, possiblement le batteur le plus redoutable et agréable qu’il m’ait été donné d’observer. Il maîtrise l’art de rentrer plus de temps que la mesure ne devrait en contenir, tout en rattrapant brillamment ces égarements. Puis il y a l’étonnement de voir sa batterie être capable de résister à ses assauts répétés. J’adorerai toujours voir un batteur se donner à fond et dans le domaine, Greg Saunier joue constamment avec l’énergie du désespoir. Parmi les coups de coeur de la soirée, il faut noter Fresh Born, Exit Only et les deux excellentes nouvelles pièces présentées vaillamment par Greg dans un français saccadé, mais curieusement précis! Satomi, qui a multiplié les chorégraphies, a même pris plaisir à faire participer la foule lors du rappel pendant la pièce Basket Ball Get Your Groove Back, du tout aussi fabuleux Offend Maggie. Cette improbable visite s’est donc conclue après un peu plus d’une heure de spectacle. Fidèles à leurs habitudes, ils ont tout donné, au grand plaisir de la foule composée d’initiés pour la plupart.
En première partie, nous avons eu droit aux deux extrêmes du spectre de musique champs gauche. D’abord, Les Martyrs de Marde ont présenté l’un des spectacles les plus déstabilisants que j’ai vu, ce qui en soi, est une belle réussite. Leur performance justifie à elle seule la mention 18+ sur l’affiche (même si leur présence n’y est pour rien), tant ils jouent dans les recoins sombres de l’humanité. Autant musicalement qu’au niveau de leur présence sur scène, on assiste impuissant à une prestation d’individus se faisant violence. Ils misent sur le malaise, instiguant des contacts avec la foule et semblant tout le temps en équilibre sur la douce frontière de la psychose. Si musicalement la proposition se veut quelque peu étriquée, au final, l’important n’est pas d’avoir aimé ou non. Le travail de réflexion inexorable qui suit une telle performance justifie à lui seul d’assister à un de leur concert. Après, vous pourrez vous demander si vous voulez encore subir une aussi puissante décharge de déchéance.
La Fête, chouchous locaux, sont ensuite venus présenter leur pop joliment déconstruite dans une ambiance beaucoup plus paisible et lumineuse. Pour une seconde fois en quelques semaines (au concert de Victime), j’ai pu apprécier le jeu incroyable de Samuel Gougoux à la batterie. Il possède une virtuosité complètement différente de celle d’un Greg Saunier mais est tout autant efficace. Au niveau de la voix, j’ai trouvé qu’Antoine Provencher, bien que charismatique, manquait parfois d’un brin d’assurance. Ça demeure une première partie fort divertissante et particulièrement lumineuse; surtout sur une échelle qui compterait sur la présence des Martyrs!