Cette fin de semaine, pendant que les médias culturels étaient affairés au Festival de Tadoussac, au Festivoix, à Petite-Vallée ou même encore aux célébrations du 1er juillet, je suis resté à Québec pour aller à un festival d’un tout autre genre: Les Escapades musicales de la Cité. Ce festival est une initiative de Blair Lofgren, violoncelliste solo de l’Orchestre Symphonique de Québec (OSQ) et professeur au Conservatoire de musique de Québec.
Ce festival se déroulait sur trois soirs consécutifs, les 29-30 juin et 1er juillet, à la très charmante Église orthodoxe grecque de l’Annonciation, dans le quartier Montcalm. Le même quatuor à cordes formé d’excellents musiciens de l’OSQ et des Violons du Roy présentait un programme différent à tous les soirs, ce qui est tout un défi en soi.
Ce compte-rendu se veut donc la première couverture d’un festival classique par Écoutedonc.ca!
Je suis arrivé plus tôt à l’église pour m’entretenir avec Blair, afin d’obtenir plus d’informations sur le festival. En arrivant devant l’église, je n’y croyais pas! Ce petit bijou siège silencieusement dans Montcalm depuis bientôt 60 ans, sans être connu du grand public. Moi-même, passant régulièrement dans le coin, je ne l’ai jamais remarqué. En pénétrant dans son enceinte, on aurait pu dire que les murs de bois semblaient attendre la venue d’un concert de musique de chambre.
Tout souriant, Blair Lofgren semble flotter sur un nuage en dépit de la lourde tâche d’organisation et celle de jouer trois soirs consécutifs pour son festival.
Pour lui, l’événement qu’il organise est une «expérience qui se rapproche davantage de l’odyssée, une aventure musicale qui nous permet de plonger dans un état d’immersion nécessaire pour alimenter une véritable passion pour les arts ».
« C’est une opportunité pour les gens de venir et d’expérimenter quelque chose de condensé et enrichissant tout d’un coup et de vraiment entrer dans le rythme du quotidien », m’a expliqué Blair en entrevue. « C’est un peu la raison pour laquelle j’ai nommé le festival Les Escapades Musicales de la Cité, c’est une façon de s’évader dans la ville comme si on fait un voyage de camping, ça prends quelques jours pour ralentir. Les gens qui viendront tous les trois soirs pourront mieux profiter de l’expérience immersive », m’a confié Blair.
Jusqu’à maintenant, il n’y avait pas de véritable festival de musique de chambre à Québec. La création de cet évènement était donc logique pour son fondateur, qui avait l’habitude de chercher les contrats et festivals à l’extérieur de la ville alors que selon lui, il y a une banque de musiciens professionnels impressionnantes ici même. « Pourquoi ne pas saisir l’opportunité et créer un projet durable ici? », s’est-il demandé.
Ce projet a une mission communautaire et sociale et il appartient autant aux musiciens qu’au public. Blair m’a affirmé qu’il voulait que ce soit un échange énergique et enrichissant.
Après un petit échauffement des musiciens, les portes de l’église se sont ouvertes pour laisser entrer un public comblé d’avance. J’ai assisté à la deuxième soirée de concerts et dans les discussions des spectateurs, plusieurs ont commenté avec enthousiasme le programme de la veille et les nouveaux venus ont observé la beauté des lieux.
Le concert était constitué de deux œuvres, soit le Quatuor à cordes no 7 Op.108 de D. Chostakovitch et du Quatuor à cordes no 11 Op.95 «Serioso» de L.V. Beethoven.
Le quatuor de Chostakovitch présenté ce soir-là est une œuvre très intime du compositeur; elle est dédiée à sa défunte première femme. Il était peu fréquent pour un compositeur russe du XXe siècle d’écrire une musique aussi personnelle et intime en raison du caractère rigide du régime soviétique qui inspirait (imposait même parfois) des musiques plus militaires, officielles et grandioses. Le quatuor, composé de musiciens de très haut niveau, nous ont livré une interprétation très sentie avec un soin remarquable apporté aux nuances.
Ensuite, l’ensemble a pris le temps de bien introduire le quatuor de Beethoven pour que le public puisse profiter au maximum de l’expérience. Ils ont commencé par jouer plusieurs extraits des quatre mouvements de la pièce, en laissant le public partager leurs impressions sur ces passages.
Cette œuvre a d’ailleurs marqué la fin d’une période pour les quatuors à corde, car les prochains opus ont été des monuments ultra-complexes, comprenant de la polyrythmie et plusieurs éléments du langage musical très poussés. Ce sont d’ailleurs ces derniers qui ont fait le plus de bruit dans la communauté musicale du début du XIXe siècle.
Pour notre plus grand bonheur, les quatre instrumentistes jouaient avec des archets de la période classique (plus légers, donnant ainsi beaucoup d’air au son) pour respecter le plus possible le style de l’époque.
La présentation musico-historique du quatuor de Beethoven nous a très bien introduit l’œuvre, pour notre plus grand plaisir. Cela a même teinté leur interprétation, éclairée par ce que les musiciens venaient tout juste de nous expliquer.
Nous n’avons malheureusement pas pu faire de publicité pour le festival cette année, mais l’an prochain, notez bien Les Escapade Musicales de la Cité et aimez leur page Facebook pour ne pas manquer ce rendez-vous unique!
Merci à Blair Lofgren, Benoit Cormier, Pascale Gagnon et Mary-Kathryn Stevens-Toffin pour cette très belle soirée et votre dévouement pour la scène québécoise de la musique classique.