Tadoussac s’est mise toute belle vendredi pour accueillir le plus gros des festivaliers. Armée de mon calepin, de ma bonne humeur mais malheureusement pas de ma crème solaire j’ai, en un jour, exploré autant de spectacles que de styles différents.
Les chemins d’écriture – Bistro de la Baie
J’ai pu assister à quatre des huit performances offertes par les artistes présentés hier au spectacle gratuit à l’église. Cette fois sur une terrasse ensoleillée, j’ai entendu à tour de rôle Joanie Michaud, Jérôme Charrette-Pépin, Michel Robichaud et Chantale Archambault. J’ai été agréablement surprise par les quelques nouvelles chansons présentées. Cependant, je fus un peu déçue de voir que les artistes avaient tous décidé de rejouer les deux pièces déjà entendues hier soir. Dans un set de 20-25 minutes, cela constitue quand même un gros morceau de déjà-vu, sans compter les blagues d’hier qui ont été redites. Néanmoins, ça n’a pas suffi pour gâcher mon plaisir de réentendre les artistes. On a pu notamment découvrir, pour ceux qui ne les connaissaient pas, d’autres facettes de Jérôme Charrette-Pépin, qui a capté l’attention de l’auditoire tout particulièrement avec sa traduction d’une chanson de Bob Dylan : Penses-y pu, c’est ben chill. Dans la dernière chanson de son set, les autres artistes ont décidé spontanément de participer et ont formé un chœur : la complicité entre les différents membres des chemins d’écriture est palpable, ce qui a permis de créer une ambiance chaleureuse autant au Bistro de la Baie que la veille sur l’autre scène. Michel Robichaud a fasciné lui aussi le public avec ses pièces éclatées, «incongrues», comme il les qualifie lui-même dans une de ses chansons. Il a su faire réfléchir par le rire. Finalement, Chantale Archambault a traîné le «Toga» de Saratoga pour jouer, en plus de ses chansons, quelques-unes de leurs nouvelles pièces à eux, pour nous préparer à leur lancement de demain.
Benoit Paradis Trio – Salle Marie-Clarisse
Composé de la pianiste Chantale Morin, du contrebassiste Benoit Coulombe et bien sûr de Benoit Paradis, ce trio est personnellement une des bonnes raisons qui m’ont convaincue d’assister au festival. Leur trait particulier : ils accolent à un jazz classique et varié des textes à la fois comiques, crus et déprimants, d’un style assez déglingué, tout cela enrobé du brin de folie qui habite constamment le noyau du groupe. Benoit Paradis, en effet, est tout un personnage. D’abord, c’est lui qui chante/fait les percussions/joue de la guitare (debout sur une chaise)/joue les cuivres, tout en divertissant la foule par sa seule personnalité un peu débraillée, cynico-comique. On remarque quelques airs de ressemblance avec Bernard Adamus, de qui il est le tromboniste. Lorsqu’ils sont montés sur scène devant un public principalement quinquagénaire, j’étais curieuse de voir leur réaction. Un peu heurtés par Cul, la deuxième chanson, ils ont été pourtant séduits par la suite, après T’as-tu toute ?, pendant laquelle tous les musiciens ont prouvé leur talent. La salle devenant de plus en plus comble, nous nous sommes tous plongés dans cet univers hors du commun et avons pu apprécier différents types de jazz ainsi que des textes originaux frappants ou encore des adaptations plus que savoureuses. Notamment, on a pu entendre une traduction de Darn the dream : Fuck le rêve. Toutes les pièces mentionnées à date, ainsi que la majorité de celles qui furent jouées, se retrouvent sur le nouvel album de groupe, paru en février dernier. D’après moi, ils en vendront quelques-uns en fin de semaine, à voir comment ils ont su conquérir le public.
Jordan Officer – Site Belle Gueule
Si vous aimez le blues, le vrai, vous auriez adoré Jordan Officer. Avec ses airs de cowboy et ses favoris, il nous a joué, en anglais, des chansons évoquant soit Elvis, soit Chuck Berry, Ray Charles ou tout autre blues oldschool.
Bien sûr, on sentait aussi quelques accents tantôt rock, tantôt country, tantôt jazz, mais le cœur de chaque pièce restait du blues brut. C’est simple, les accords sont souvent les mêmes, les paroles se répètent sans cesse…mais maudit que c’est bon du blues ! L’artiste a d’ailleurs enivré la foule avec ses airs entraînants, mais il a surtout épaté tout le monde avec ses solos endiablés. Grattant sa guitare à une vitesse fulgurante et avec une précision impressionnante, il a su nous rappeler qu’en blues, c’est le talent technique qui permet de se distinguer. Les deux autres musiciens qui l’accompagnaient, un contrebassiste et un batteur, ont eux aussi pu faire preuve d’un peu de virtuosité sur scène, pour le plus grand plaisir de la foule, visiblement nostalgique des années où le blues était plus en vogue. Le groupe a terminé sur une chanson rapide du style de Mess Around, puis sur une chanson plus dansante en rappel.
Raton Lover – Site Belle Gueule
Juste après eux se produisait sur scène le groupe rock Raton Lover, que j’ai pu écouter pour quelque temps avant de partir pour Milk and Bone. Une gang de vrai gars aux cheveux longs, qui font du rock pour le plaisir, c’est visiblement un mélange gagnant. Malgré leurs airs tough, ils offrent pourtant une musique assez accessible (à l’opposé d’hermétique) et semblent avoir le cœur tendre. Se déclarant eux-mêmes «disciples de la non-violence» pendant le spectacle, ils se défoulent plutôt sur leurs instruments, ce qui ajoute une dose d’authenticité à leur musique. Ils ne se cassent pas la tête non plus pour tenter de complexifier une formule déjà gagnante, un rock plutôt épuré et qui fait triper les gars de rock. J’ai malheureusement dû filer après quelques chansons.
Milk & Bone – Salle Bord de l’eau
Projet fondé récemment et composé de Laurence Lafond-Beaulne et Camille Poliquin, Milk & Bone a sorti un premier album de huit pièces en mars dernier. Leur musique électro nous a rempli les oreilles hier soir au sous-sol de l’église. Leurs voix tantôt à l’unisson et tantôt à l’harmonie étaient vraiment ce qui faisait la touche particulière de leur musique : les deux artistes ont de fait une voix au timbre très clair, cristallin, en plus de se placer dans un registre aigu et suraigu. Le résultat, avec le reste de la musique électro, avait quelque chose de surréel. Les deux jeunes femmes, toutes de noir vêtues, ont présenté des pièces downbeat avec une basse simple et écrasante : une musique qui portait à se balancer doucement sinon à se laisser simplement submerger. À mon avis, le choix de salle était judicieux, parce que le son était vraiment bien diffusé, ce qui est nécessaire pour qu’un groupe électro sonne bien. Il faut aussi lever notre chapeau à l’éclairagiste, que je ne connais malheureusement pas, et qui a rajouté une couche de surréel à l’événement.
Clay and Friends – Site Belle Gueule
Après tout le plaisir partagé avec le groupe jeudi, je n’ai eu d’autre choix que de récidiver hier soir (ou plutôt ce matin) et d’aller assister au deuxième spectacle de Clay and Friends. Le chapiteau, situé devant l’auberge, était rempli à craquer. Ils nous ont encore livré une performance percutante, qui groovait à souhait. Leur talent : faire lever la foule. En liesse vers la fin du spectacle (à cause de la musique, mais peut-être aussi un peu à cause de l’alcool, qui sait), le public s’est mis à sauter partout, à danser et à crier à tue-tête au son des dernières chansons/impros/bouffonneries complices des musiciens. Le claviériste a d’ailleurs pris un peu plus de place ce soir-là que la veille, notamment parce qu’on l’entendait aussi plus dans les moniteurs. Visiblement, je serai tentée de récidiver encore demain, parce qu’avec Clay and Friends, chaque spectacle est unique, comme un party entre amis.
Après autant de musique (folk émergent, jazz, blues, rock, électro, Hip-Hop) et autant de fun, j’ai été me coucher à une heure plus que tardive, le soleil me souhaitant bonne nuit. Ce matin, en plus de se montrer encore plus belle que la veille, Tadoussac m’a accueilli avec un spectacle-surprise dans une église, où j’ai pu me réveiller en douceur au son des «tounes» de Paul Piché. Je vous conterai ça demain !
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