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    [ENTREVUE] Organ Mood et la version vinyle de « Comme si nous étions déjà libres »

    Après avoir publié la version numérique de son plus récent opus en juin 2015, le talentueux duo audio-video électro-psychédélique montréalais Organ Mood allait passer des mois à attendre la version vinyle et à tenter de régler le litige avec la compagnie responsable de sa production. Le groupe a finalement obtenu les copies physique cette semaine, alors qu’ils auraient pu les avoir aussi tôt qu’avril selon les engagements de la compagnie. C’est dans ce contexte résolument plus joyeux qu’Écoutedonc.ca s’est entretenu avec les membres du duo, Christophe et Mathieu, à propos, entre autres, de leur mésaventure. Entrevue.

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    COMMENT AVEZ VOUS DÉCIDÉ DE FAIRE DE LA MUSIQUE ENSEMBLE? AVEZ VOUS COLLABORÉ MUSICALEMENT AVANT ORGAN MOOD?

    Christophe: En réalité, on fait le projet ensemble, mais je suis exclusivement en charge de la Musique et Mathieu se charge de l’aspect arts visuels. On avait collaboré avant, mais ça remonte à avant 2007, sur des projets de posters pour des événements ou des festivals, mais finalement en s’est décidé à faire un projet ensemble pour explorer quelque chose qu’on avait pas facilement l’occasion de faire dans nos disciplines respectives.

    QUELLES SONT VOS INFLUENCES À LA FONDATION DU GROUPE ET QUELLES INFLUENCES SE SONT AJOUTÉES ENTRE TEMPS? 

    Christophe: Ce qui nous a réunis au départ c’est clairement la vague Krautrock des années fin 60 et 70, l’aspect transe et jam souvent accompagné d’une identité visuelle forte.  Entre temps il y a beaucoup de choses qui se sont passées, certains projets interdisciplinaires comme Lucky Dragons, ont captés notre attention.  J’ai commencé un bacc en Intermedia/Cyberarts à Concordia et ç’a beaucoup apporté de nouvelles sources d’inspirations conceptuelles, des nouvelles idées d’interfaces.   Musicalement, je peux pas dire qu’avec le temps on s’est rapproché d’une scène en particulier.

    L’EXPÉRIENCE EN CONCERT PERMET D’APPRÉCIER LA MUSIQUE SOUS UN NOUVEAU JOUR ET VOUS PERMET D’ÉLARGIR VOTRE PUBLIC, C’EST CERTAIN. EST-CE QUE C’EST POUR VOUS UN MAL NÉCESSAIRE PAR RAPPORT À LA RÉALISATION D’ALBUM? PRÉFÉREZ VOUS ENREGISTRER OU DONNER UN SPECTACLE?

    Mathieu: C’est vraiment en spectacle que le projet prend tout son sens et qu’on a réellement l’impression d’amener les gens dans notre univers. Le choix de faire un vinyle et d’inclure un livre à l’album est une façon de recréer cette expérience là.

    ALLEZ-VOUS FAIRE UNE TOURNÉE MAINTENANT QUE VOUS AVEZ FINALEMENT PU METTRE LA MAIN SUR LES COPIES PHYSIQUES DE VOTRE PLUS RÉCENT DISQUE, COMME SI NOUS ÉTIONS DÉJÀ LIBRES? 

    Christophe: Nous avons tourné cet automne sans copies physiques, je ne crois pas que ça nous a empêché de faire quoi que ce soit.    Ç’a surtout empêché de faire des ventes en concerts …  Pour un groupe DIY et autoproduit comme nous, ça peut-être un gros obstacle de ne pas vendre de disque c’est bien entendu, mais nous avons fais pas mal de performances et les fan de OM ont été vraiment supers à ce niveau.

    D’AILLEURS, D’OÙ VIENT LE TITRE? LES TITRES ONT SOUVENT UNE RÉSONANCE INTÉRESSANTE, COMME SUR GRANDS PROJETS, OÙ ILS ENTRE-ALIMENTENT AVEC LA MUSIQUE UNE ESPÈCE D’AMBIANCE DE MARCHE EN AVANT D’UNE HUMANITÉ RÉSILIANTE ET POSITIVE. 

    Christophe: Le titre vient d’un livre de David Graeber, en fait, c’est le nom qui voulait donner à son livre « the democraty project » mais l’éditeur n’aimait pas.  C’est l’éditeur Français qui a accepté que son livre se nomme ainsi.  nous avons écris à Graber pour avoir son autorisation et il était enchanté par l’idée.  Graeber, est l’un des instigateurs de Occupy Wall Street, ses ouvrages critiquent de façon très constructive l’aristocratie élective que l’on nomme démocratie.   Dans Comme si nous étions déjà libres, il explique entre autre l’origine du mouvement OWS et raconte comment les groupuscules de travail sont arrivé à s’organiser sans structures horizontales de hiérarchie.  Pour nous ça évoque un potentiel utopique immense, ça nous a beaucoup inspiré.

    LA MUSIQUE INSTRUMENTALE SEMBLE POUVOIR TRANSMETTRE DES MESSAGES POUR VOUS, D’UNE CERTAINE MANIÈRE (BON C’EST CERTAIN QUE LES TITRES AIDENT MAIS SOUVENT LES MUSIQUES PARLENT AUSSI D’ELLES-MÊMES.) AVEZ-VOUS UN AGENDA CACHÉ? DES PROJETS POLITIQUES? À CET EFFET, AVEZ VOUS EU UN BON TAUX DE RETOUR POUR LES CARTES DE SUGGESTIONS DE PROJETS ADRESSÉES AU PEUPLE? 

    Christophe: Les cartes de projet (cartes postales blank invitant les gens à nous envoyer leur « Grands Projets pour l’humanité » inclues avec le LP) ont révélées ce qu’elles devaient révélées je crois.   Très peu sont parvenues jusqu’à nous et la majorité étaient des dessins d’enfants, mais tout le monde adore l’idée.   C’est difficile à dire si c’est simplement parce que c’est par la poste et que la poste c’est « compliqué » comparé à internet, mais je crois surtout que les gens ont été intimidé au moment de passer à l’acte, de nous dessiner / expliquer leur projet.  Je pense que les gens ont des Grands Projets pour eux-mêmes et parfois pour leur communauté et ne pensent pas que ces projets sont valides pour l’ensemble de l’humanité.  Je crois qu’on a arrêté à un certain moment dans la transition vers l’âge adulte de penser aux mondes utopiques possibles et de s’investir dans ces projets / mondes.  Avec les temps qui courent c’est compréhensible mais c’est pour ça qu’on fait ce qu’on fait et qu’on insiste sur la nécessité de cultiver les utopies, les Grands Projets, et surtout de considérer que des modèles différents sont viables et séduisants.

    ON PARLAIT PLUS TÔT DU FAIT QUE VOUS AVIEZ « ENFIN » EU VOS DISQUES VINYLES, CE QUI RÉFÉRAIT À VOTRE MÉSAVENTURE AVEC LA COMPAGNIE EN CHARGE DE PRODUIRE LES DISQUES. ON SAIT QUE L’ALBUM DEVAIT SORTIR CET AUTOMNE ET FINALEMENT LES GENS ONT DÛ SE CONTENTER DE LA VERSION NUMÉRIQUE EN ATTENDANT QUE L’IMBROGLIO NE SE DÉNOUE. QU’EST-CE QUI S’EST PASSÉ FINALEMENT? 

    Christophe: Lorsque j’ai terminé l’album au mois de janvier 2015, je l’ai envoyé immédiatement en production à une usine qui nous avait promis un délai de douze semaines de production. À l’époque nous voulions sortir le disque au mois de mai, mais nous avons rapporté le tout afin d’être sûr et certains d’avoir nos vinyles. Nous avons fait le lancement le 11 juin, sans toutefois les avoir reçus.  Ensuite il y a eu beaucoup d’attente, les gens qui avaient acheté en pré-vente ont été vraiment patients, et voilà nous avons envoyé une mise en demeure cet automne pour forcer la situation.   Nous allons recevoir nos vinyles cette semaine, près de 12 mois après avoir envoyé les bandes maîtresses.
    Mathieu:  C’est vraiment le risque qu’on court quand on produit  soi-même un album aujourd’hui, mais bon ça nous a permis d’avoir un produit qui correspondait exactement à ce qu’on voulait.

    LE DISQUE VIENT D’AILLEURS AVEC UN LIVRE, POUVEZ VOUS NOUS EN DIRE PLUS SUR LA MANIÈRE DONT IL VIENT COMPLÉTER L’EXPÉRIENCE SONORE? LE PENDANT VISUEL A TOUJOURS ÉTÉ IMPORTANT POUR LE GROUPE. COMMENT LE LIVRE SE SITUE-T-IL PAR RAPPORT À VOS PROJECTIONS? C’EST LIÉ OU COMPLÈTEMENT DISTINCT?

    Mathieu: Comme on expliquait pour les spectacles plus haut, le livre permet de recréer le moment ou on peut vraiment entrer dans l’univers de l’album, s’y plonger et l’écouter d’un bout à l’autre et en faire une expérience. Le livre développe les images utilisées durant les projections et donne aussi une idée de ce qu’elles évoquent, des idées qui nous ont inspirées pendant qu’on composait l’album. Elles donnent une profondeur aux projections qu’en spectacle on peut se contenter de ressentir comme une ambiance. Comme on a pas de paroles on a aussi mis des extraits de discussions qu’on a eues ensemble sur la route ou entre nos pratiques: ça donne une autre idée de l’univers qui est à l’origine de notre projet.

    L’ESSENTIEL EST QUE LES DISQUES SONT MAINTENANT DISPONIBLES POUR LES AMATEURS DE VINYLES. PRÉVOYEZ VOUS QUELQUES DATES ET FESTIVALS POUR CÉLÉBRER SON ARRIVÉE? UNE VISITE EN EUROPE OU AUX USA ?

    Christophe: Pour l’instant nous avons quelques concerts au Québec / Ontario de prévus et on travaille sur une première tournée en Europe au mois de mai avec un booker européen.  J’adopte le mode de vie « snow bird » l’année prochaine et je m’en vais passer une bonne partie de l’hivers à Austin au Texas donc on verra pour les USA.

    COMMENCEZ-VOUS DÉJÀ À PENSER À LA SUITE DE  CET ALBUM OU À D’AUTRES PROJETS?

    Christophe: D’autres projets, toujours, mais aussi d’aller plus loin avec le concert. Nous avons une nouvelle joueuse dans l’équipe ( Estelle F.-Vallière ) qui s’occupe des éclairages et ça donne la possibilité de faire du grand déploiement, comme ce qu’on a fait à l’église St-Jean Baptiste pour Pop MTL en première partie de Giorgio Moroder.
    Mathieu: On aimerait trouver un musicien également pour compléter la performance musicale de la même manière… mais il n’y a rien de concret encore.

    SI VOUS POUVIEZ COLLABORER AVEC QUELQU’UN, VIVANT OU MORT, POUR UN ALBUM, CE SERAIT QUI? 

    Christophe: Grosse question… vivant, Colin Stetson, Andy Stott, Tim Hecker…  mort, John Coltrane, Syd Barrett, Franz Schubert.
    Mathieu: Comme on peut dire n’importe quoi je dirais les artistes de l’atelier Van Lieshout ou Buckminster Fuller, peut-être le réalisateur Adam Curtis, pourquoi pas!

    EST-CE QUE LA MUSIQUE INSTRUMENTALE VOUS VIENT NATURELLEMENT, PAR CHOIX, OU PAR UN MÉLANGE D’HASARD ET NÉCESSITÉ? AIMERIEZ-VOUS FAIRE DE LA PRODUCTION POUR DES CHANTEURS OU CHANTEUSES OU ÇA IMPLIQUERAIT TROP DE SACRIFICES POUR LA MUSIQUE?

    Christophe: la musique d’Organ Mood n’est pas exclusivement instrumentale, mais la raison pour laquelle elle l’est en majorité c’est que le but de notre travail est de soutenir  les pensées des gens qui assistent/écoutent.  C’est davantage une trame sonore/visuelle pour tes propres idées, on veut surtout mettre les gens dans un état d’esprit positif et optimiste, déterminé.
    Mathieu: Alors dans cet objectif, s’il y a trop de paroles ça devient plutôt comme si on imposait un message que comme si on voulait encourager les gens à la réflexion.

    —
    Les fans d’Organ Mood qui avaient commandé l’album le recevront dans les semaines qui viennent et pour les autres, Comme si nous étions déjà libres est disponible à Montréal au Phonopolis et à L’oblique.  Peut-être aux 33 tours aussi, et assurément enfin sur le bandcamp du groupe: https://organmood.bandcamp.com/

    [bandcamp width=100% height=120 album=3632330002 size=large bgcol=ffffff linkcol=0687f5 tracklist=false artwork=small]

    François-Samuel Fortin

    13 janvier 2016
    Entrevues
    david graeber, électro, krautrock, Montréal, Organ Mood, Psychédélique
  • [SPECTACLE] Ponctuation (+Saam et La Fête), 3/12/2015, L’Anti Bar et spectacles

    [SPECTACLE] Ponctuation (+Saam et La Fête), 3/12/2015, L’Anti Bar et spectacles

    Afin de fêter leur retour en terre natale après un séjour chez les cousins français, PONCTUATION débarquait à l’Anti pour une des dernières dates chez eux avant longtemps, et ils étaient accompagnés pour l’occasion de Saam et de La Fête.  Aux côtés des frères Chiasson qui formaient le duo d’origine, on trouvait naturellement Laurence Gauthier-Brown qui s’occupe depuis plusieurs mois des basses fréquences,  on trouve aussi deux autres musiciens, ce qui fait qu’on se retrouvait devant un quintet. Nicholas Jenkins, que l’on peut entre autres voir aux côtés de Paul Michelo, s’occupait d’ajouter aux guitares des tonalités enrichies que les compositions accueillaient plutôt bien. Alex Beaulieu, claviériste dans le groupe stoner rock de Québec, Les Indiens, s’est plutôt occupé du clavier, des bongos et enfin des maracas, dont il jouait parfois en plus du clavier. Mais je saute des étapes. Les deux groupes qui étaient en charge d’amorcer les festivités ont bien rempli leur mandat et ont procuré dans bien des cas de belles découvertes aux mélomanes réunis sur place.

    La fête

    C’est La Fête qui avait la tâche ingrate de briser la glace, et ils ont bien relevé le défi. Il faut dire que la place d’abord quasiment déserte, mais déjà assez bien peuplée pour les premières notes, laissait augurer une soirée plus tranquille qu’à l’habitude. Le début du concert a été retardé d’une demie heure, repoussé à une heure déjà un peu plus appropriée pour le rock garage, et le band s’est finalement approprié la scène vraiment rapidement. En quelques secondes, on avait l’impression que la soirée était déjà solidement amorcée, tant le groupe avait commencé avec aplomb.  Le quatuor originaire de Québec, au sein duquel on retrouve notamment Jim à la basse, un des fondateurs du Pantoum et membre de Beat Sexü, entre autres. Ils nous font découvrir leur math rock, post rock, un peu jazzé sur les bords, avec des montées vraiment épique, d’abord pendant des pièces avec le chanteur, puis, pour la quatrième pièce, ils y vont avec un morceau instrumental judicieusement baptisé la 4. En tout, cinq ou six pièces leur ont permis d’ouvrir la soirée efficacement.

    SaamC’était ensuite le tour de Saam de Montréal, de prolonger le concert, après un assez long change-over, avec leur rock propulsé par un quintet, qui s’apparentait parfois à Mac Demarco, mais en plus groovy. Le vocal avait un style assez exubérant, comme c’était le cas dans le premier show, qui se mariait bien au son assez psychédélique du band. Certains moments étaient plus catchys alors que d’autres étaient plus déroutants, les pièces downtempo étant généralement les moins bien accueillies par l’assistance. Certains passages avaient l’air plus jammés que d’autres et on a pu découvrir au groupe une belle originalité. La performance était assez réussie même si le chanteur-guitariste semblait être le seul à avoir du plaisir sur scène, les autres adoptant plutôt l’attitude concentrée. Ils ont avoué en être qu’à leur second concert, ce qui explique peut être la chose. Quoiqu’il en soit, ce fût une belle découverte.

    Ponctuation

    Ponctuation a pris place après une entracte plus courte que la première, et ils se sont d’abord installés à trois. Alors que se terminait la première pièce, Poésie Automatique, qui ouvre également leur plus récent album, le groupe a accueilli les deux invités qui allaient agrémenter la soirée, Jenkins et Beaulieu. Ils ajoutent rapidement solidité au son du groupe, qui enchaîne les hits d’abord avec Mon corps est une planète, ce qui conquiert la foule. On a droit à un slam-parterre de danse dès Ciao Bye Ciao, qui arrive bien assez vite, et au premier moment de body surfing juste après, pendant La Réalité me suffit. Le band décide  de se taper un shooter avant d’amorcer une pièce inédite, qu’ils n’étaient pas censés faire ce soir là à l’origine, l’instrumentale Peyotle Dominical, qui s’insère bien dans la soirée. La deuxième guitare ajoute pas mal de tone et permet des explorations sonores habituellement  impossibles sur scène pour le groupe, et elle se retrouve particulièrement efficace dans les délires psychédéliques, lents ou rapides, auxquels elle ajoute de la texture. Une mer de distorsion sert de tapis rouge à une finale assez explosive digne d’un bon jam-band rock, sur laquelle on a eu droit à une nouvelle séance de bodysurfing, qui confirmait le staut de franc-succès de la soirée. Le spectacle n’était peut-être pas aussi explosif que certaines performances récentes de PONCTUATION, mais il était indéniablement solide. L’essentiel, pour une formation réputée pour ses concerts impeccables, était de ne pas diminuer le niveau de qualité avec l’ajout de membres ponctuels n’ayant pas la même quantité d’heures de pratique derrière la cravate, et à ce titre là également, il n’y avait pas de faux pas à dénoncer.

    Photos : Marion Desjardins/ Llamaryon

    François-Samuel Fortin

    7 décembre 2015
    Région : Québec, Spectacles
    Anti, beaulieu, chiasson, indiens, jenkins, La Fête, michelo, Ponctuation, saam
  • [ENTREVUE] Oxmo Puccino nous fait voir des étoiles

    [ENTREVUE] Oxmo Puccino nous fait voir des étoiles

    C’est dans le contexte de la publication de son plus récent album, La Voie Lactée, que j’ai eu la chance de m’entretenir avec la légende du rap français qu’est Oxmo Puccino. L’artiste et parolier de renom a également pris le temps de répondre à nos questions sur l’ensemble de sa carrière, son rapport à la musique, la manière dont certaines pièces clés de son répertoire sont venues à jour, et sur ce à quoi on peut s’attendre pour la suite des choses. Vous avez donc la chance de lire à votre tour l’entretien généreux qui en résulte.

    • Pourquoi êtes vous allé vers la musique? Est-ce davantage le besoin de dire, de s’exprimer, ou encore de monter sur scène et de donner un spectacle?

    Autant que la musique, c’est tout un mouvement qui s’est imposé à moi. Ce fut un véritable flash culturel. Je suis passé par la danse, le graffiti, puis l’écriture et le rap.

    • J’imagine que vous êtes non seulement musicien, mais mélomane. Les projets auxquels vous avez participé se sont raffinés et diversifiés avec le temps. Quelles étaient vos influences principales il y a 20 ans,lesquelles se sont ajoutées depuis?

    Je ne crois pas que ma musique se soit raffinée. Elle s’est enrichie, s’est précisée mais j’ai toujours eu cette démarche. C’était la façon d’appréhender la musique que nous avions chez Time Bomb avec Mars et Sek. Dès le premier album j’ai travaillé avec Prince Charles Alexander(Notorious Big, Mary J. Blige…), sur le second il y avait la forte contribution de Ludovic Bource (The Artist). je n’ai jamais cessé de vouloir travailler avec des musiciens et des producteurs ayant une approche très musicale.

    A la maison nous étions bercés entre musique africaine (Ami Koita..) et grande chanson française (Charles Aznavour…). Puis grâce au hip-hop, j’ai commencé à m’intéresser au jazz, à la Soul et aujourd’hui je continue d’écouter beaucoup de musique de Bach à London Grammar, de Boris Vian à J-Cole. Et comme depuis que j’ai 16 je me suis intéressé aux instruments et à la composition (Basse, MPC, Guitare et maintenant clavier), j’écoute beaucoup de grands instrumentistes comme Vincent Segal, Richar Bona, Avishai Cohen) etc… Comment faire de la musique sans en écouter? Comment écrire sans lire?

    • Vous dénonciez déjà beaucoup de choses il y a vingt ans, est-ce que c’est mieux ou pire maintenant?

    Je n’ai jamais rien dénoncé. Notre génération ne faisait que décrire une réalité qui était notre lot quotidien. Beaucoup n’ont pas souhaité l’entendre ou le voir. Notre jeunesse en paye encore aujourd’hui un lourd tribut.

    • Le jazz a souvent eu une belle place dans votre répertoire, comme sur « Alias Jon Smoke » à la fin des années 90. Est-ce que le projet du Lipopette Bar avec les Jazz Bastards était comme la réalisation d’un fantasme artistique? Est-ce  qu’on aura droit à une suite pour le 10e anniversaire?

    Plus qu’un fantasme c’était un véritable rêve. Une chance incroyable s’est présentée à moi, le bon projet, au bon moment. Se retrouver sur le label Blue note, entouré de magnifiques musiciens, puis cette idée soudaine de rendre hommage à Billie Holiday. Une occasion fantastique de revenir sur scène autrement et de réunir des publics très différents. Lipopette Bar est un événement important. Pour ce qui est d’une suite? Je ne crois pas. En revanche, de lui donner une nouvelle vie dans le futur pourquoi pas.

    • Sinon en parlant de collaboration, comment c’était de travailler avec  Ibrahim Maalouf? Comment le projet est-il né? L’album est génial et vous me semblez être la personne appropriée pour penser à mettre en chansons le récit d’Alice, un récit assez philosophique avec de bons éléments de réflexion sur le langage.

    Nous nous étions croisés à quelques reprises sur scènes. Ibrahim m’avait ensuite invité sur son album le temps d’un duo. C’était un moment magique. Par la suite, le Festival d’ile de France, l’a sollicité pour faire une création autour du merveilleux. Et il a eu l’intuition de me proposer d’écrire l’histoire. On était comme deux funambules car nous étions tous les deux en pleine promo et tournée de nos projets respectifs. Il travaillait la musique de son côté, j’écrivais de mon côté. Et un jour on s’est retrouvé en studio de répétition et la magie a opéré. Une aventure artistique fantastique, un luxe d’un autre temps.

    • Était-ce intimidant de retourner écrire et composer après avoir  publié un album que beaucoup de gens considèrent comme génial au niveau des textes?

    A l’époque nous n’étions pas dans une réflexion de carrière. On faisait de la musique parce que c’est ce qu’on aimait et que c’est ce que nous savions faire de mieux. Le second, tout était écrit de manière mentale et aujourd’hui il fait parti des albums dont on me parle le plus avec des titres comme j’ai mal au mic, demain peut-être, souvenirs etc… Chaque album est un nouveau départ, une remise en question.

    • La Voix Lactée est souvent plus électro, sans être trop moderne, car  il conserve une belle touche old-school, et il est égalemenent plus pop.  Est-ce que c’est un virage conscient, le désir d’essayer autre chose?

    On avait en tous cas envie de continuer cette quête sonore, d’éviter de se répéter. On a utilisé peu d’éléments mais on a choisi chacun d’entre eux avec une grande exigence pour arriver un résultat qui est à la fois électronique mais avec une touche funky 70’s et surtout porté par une seule idée: se faire plaisir dans l’objectif de le partager à ceux qui voudront bien l’écouter.

    • Parlant d’essayer autre chose, est-ce que l’idée de chanter les  refrains sur la majorité des pièces est venue naturellement à un certain moment de votre carrière? Le titre « Demain peut-être » donnait une idée de ce dont vous étiez capable mais le chant était beaucoup plus rare dans les pièces qui faisaient généralement la part belle au rap et au spoken word. Cette fois, c’est plus présent et plus assumé, qu’est-ce qui a motivé ce choix?

    Ce genre de choses ne sont pas préméditées. C’est l’artistique qui guide mes choix. Et puis vous savez le problème d’inviter des gens à faire vos refrains c’est comment vous faîtes lorsque vous êtes sur scène? Mon principal terrain d’expression c’est le live. Je veux pouvoir jouer les titres que je veux, quand je veux. C’est effectivement comme vous l’avez relevé quelque chose qui était présent dès mes débuts cette idée de chanter. J’ai fait des tentatives sur L’amour est mort, puis j’ai pris des cours au moment de « Cactus de Sibérie », ce n’est pas quelque chose de nouveau en fait mais quelque chose qui se précise. Enfin, aujourd’hui, les rappeurs chantent, les chanteurs rêvent de rapper, la musique évolue et c’est une excellente chose.

    • On trouve toujours à l’oeuvre le même art de raconter et certaines  thèmes sont récurrents et de nouveaux sont abordés. Ici on semble osciller entre la mélancolie et la nostalgie d’une part et d’autre part, on trouve des moments plus apaisés ou vous semblez plus réconcilié avec le monde et en apprécier les beaux côtés. Au lieu d’une histoire de fiction, on a plutôt affaire à un questionnement et des impressions, des impressions écrites au « je » plutôt qu’une narration d’évènements. Est-ce que la possibilité de vous exprimer à la première personne vous a manqué dans les projets comme Alice et Lipopette?

    Effectivement sur ce nouvel album, nous étions dans une seule et unique quête celle du plaisir. Raison pour laquelle l’album est globalement plus lumineux, toujours positif mais quand j’aborde des sujets plus douloureux comme dans « un week-end sur deux » ou « gravir ce monde ». Sur la question du JE, c’est plus l’histoire qui est racontée que son auteur qui compte. Peu importe que l’histoire soit réelle ou fictive, ce qui compte c’est l’émotion qu’elle suscite. Une chanson, c’est une tranche de vie une photographie, une émotion dédiée à être partagée. Pas un acte égoïste qui ne concerne que son auteur.

    • Vous pouvez aussi bien rapper sur des instrus purement hip hop plus  élémentaires et sur des envolées lyriques jazz ou classiques. Est-ce que toutes les musiques sont bonnes lorsqu’on sait quoi dire? Est-ce que des genres facilitent la tâche d’écriture et inspirent plus que d’autre?

    Je ne me pose pas la question en terme de genre. J’appréhende l’écriture comme la musique. Quel meilleur mot pour exprimer un sentiment, une situation. Pour la musique, c’est la même chose. Quelle meilleur musique pour porter un propos, une émotion. Si pour ça je dois aller chercher un accordéon aucun problème.

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    La Voie Lactée, septième album studio d’Oxmo Puccino, devrait maintenant être disponible partout où on achète de la musique.

     

     

     

     

     

     

     

     

    François-Samuel Fortin

    18 novembre 2015
    Entrevues
    france, hip-hop, oxmo puccino, rap francais, time bomb, voie lactée
  • [SPECTACLE] King Crimson au Palais Montcalm: le roi est mort, vive le roi!

    [SPECTACLE] King Crimson au Palais Montcalm: le roi est mort, vive le roi!

    Avec une série de morts et de résurrections sous la cravate, c’est finalement au sommet de sa forme qu’a pris place, et ce pour un troisième soir consécutif, devant un Palais comble, le Roi Écarlate. Il n’y avait pas que des fans purs et durs de musique progressive pour célébrer le retour de King Crimson à Québec, car l’assistance semblait manifestement issue de tous âges et milieux. Le groupe n’a pas tardé avant de faire déferler la musique cette dernière, après un réchauffement presque digne de l’orchestre symphonique, et sous un éclairage du type qui sied à celui-ci à merveille de surcroît. L’emballage visuel est d’une sobriété extrême, de même que la performance elle-même, outre l’aspect musical sur lequel tout le monde se concentre, le concert n’allait être ponctué d’à peu près aucune intervention parlée des protagonistes. Malgré cela, on voyait tout de suite qu’on s’était embarqués dans une aventure assez phénoménale, juste à voir la manière dont la scène était occupée par l’instrumentation impressionnante. Derrière une première ligne d’artillerie lourde formée de trois batteries bleues de marques différentes arborant l’illustration de cyclope de la tournée The Elements, on trouvait un guitariste-chanteur, le nouveau venu Jakko Jakszyk et un saxophoniste/flûtiste, le vétéran Mel Collins, en plus du prolifique duo formé de Tony Levin et Robert Fripp. Après un traditionnel 3-2-1-2-3 les premières notes du titre Lark’s Tongue in Aspic se sont fait entendre. Durant la pièce instrumentale, on a eu droit à un petit solo de saxophone soprano qui a fait quelques clins d’oeil à des pièces plus jazz avant de faire un très bref clin d’oeil à l’hymne national français, « la Marseillaise », probablement en hommage aux victimes de la tragédie parisienne du 13 novembre dernier. Comme les deux soirs précédents, ce n’est qu’avec le second titre qu’apparaît le vocal, l’excellente et frénétique Pictures of a city, tirée de In the wake of Poseidon, un album du début de leur catalogue, début sur lequel le groupe avait promis de mettre le point focal. La voix du chanteur est peut être parfois légèrement vacillante, mais elle demeure toujours juste et rappelle admirablement bien celle du chanteur des débuts de KC, Greg Lake, aussi juste que l’interprétation faite de main de maître par l’ensemble des musiciens réunis sur scène. Les batteurs Bill Rieflin, Gavin Harrison et Pat Mastelotto s’en donnaient à coeur joie pour réinterpréter ce classique, avec une stratégie qui les suivra toute la soirée: soit ils sont trois à jouer en bonne partie en synchro, soit ils complètent l’un l’autre des roulements amorcés ailleurs, faisant passer d’un côté à l’autre de la scène de séquences de coups sur les peaux et les cymbales, soit ils se séparaient le travail, un pouvant être soliste surtout occupé aux tambours et un autre, en appoint, qui se concentre sur un jeu entièrement constitué de cymbales, soit enfin, seulement deux batteurs nourrissent la section percussion alors que le troisième, celui du centre, se concentre sur les touches du clavier lorsque les pièces font appel à cet instrument. En général, ils créaient un effet polyphonique de par la manière dont ils occupaient l’espace sonore, la salle du Palais Montcalm s’y prêtait d’ailleurs admirablement bien, et un effet polyrythmique, avec de nombreux rythmes venant entrer en collision.

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    Photo fournie par King Crimson

    Tranquillement, la machine de guerre se réveille et les batteurs commencent à prendre plus de place dans le produit final, surtout avec les pièces conçues pour les mettre en valeur et les transitions qui arrivent rapidement, mais aussi déjà dans l’interprétation de la pièce assez kaléïdoscopique tirée de l’album du même nom, The ConstruKction of Light. Une pièce de batterie qui commençait ensuite impliquait que chaque batteur aie deux baguettes dans chaque main, pour un total de douze baguettes servant à martyriser tambours et cymbales. On arrivait à certains moments à y ajouter une dissonance qui créait un effet free avec les multiples rythmes qui se chevauchaient, mais le bassiste Tony Levin gardait toujours le cap au beau milieu du chaos, changeant d’ailleurs fréquemment d’instrument pour s’adapter aux divers morceaux choisis. L’ensemble était à la fois capable d’une finesse aussi adroite que subtile et de produire à d’autres moments des sons tonitruants. Le trio de nouvelles pièces s’est conclu avec un blues un peu étrange, qui jurait un peu avec les autres titres mais qui gardaient tout de même leur dynamisme et leur force de frappe, conservant mon intérêt malgré mon inimitié pour le blues en général, un genre dont je trouve généralement les canons artistiques trop présents au fil des occurrences. Les délires du saxophone venaient s’ajouter comme en bonus pour que la pièce ne vienne pas attaquer mon enthousiasme. Je constatais aussi au fil des morceaux que leur musique avait très bien vieilli et qu’elle était toujours actuelle, certains éléments pouvant furtivement évoquer Battles, pour le côté très mathrock, Tame Impala pour le côté psychédélique, certains moments évoquant aussi le pendant stoner du rock psychédélique. Mise à part quelques séquences de flûte traversière, qui nous ramenaient allègrement dans les années 70, sans que ce soit négatif, j’étais surpris de trouver que le reste sonnait très actuel, ce que j’ai apprécié comme une bouffée d’air frais.

    Après quelques morceaux plus récents construits ces dernières années pour célébrer le retour sur scène de King Crimson, ils ont à nouveau abordé les premiers chapitres de leur discographie avec une première pièce issue de leur premier disque pour cette soirée, la ballade Epitaph tirée de l’excellent In the court of the crimson king, après un petit silence de circonstance de cinq ou six secondes, qui parût plus long à cause de la charge sonore à laquelle on commençait à s’habituer.  Le batteur du centre s’affaire au clavier pendant que les deux autres ne peinent pas trop à garder le rythme de cette pièce plus tranquille. Lorsque la pièce s’est terminée, le groupe a eu droit à une première ovation debout précoce mais justifiée. Ensuite vint un début de morceau où deux des batteurs s’en remettaient plutôt à des percussions spéciales, qui avaient des allures de gamelan, afin de faire une transition ouvrant sur la percutante Easy Money, un autre titre qui nous prouvait que le chanteur était encore tout en voix. Tout au long du concert, les protagonistes laissaient une belle place aux musiciens d’accompagnement, comme au saxophoniste, mais aussi au guitariste d’appoint, qui ne servait pas que de faire-valoir. Levin pris d’assaut le chapman stick muni de ses funk fingers, des extensions de ses doigts dont il se sert pour faire des grooves rapides et précis. Le bassiste, qui aura 70 ans en juin prochain, n’y allait vraiment pas de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire. Une seconde ovation debout bien méritée ne s’est pas fait attendre davantage, mais elle fût brève, le groupe enchaînant le titre Starless qui promettait de nous donner des sueurs froides avec son ambiance digne d’un film d’horreur.  L’éclairage tourne tranquillement au rouge, un des seuls éléments de mise en scène intégrés au spectacle, mais avec un effet intéressant, passant du rose d’abord au rouge feu ensuite, valant au groupe une troisième ovation debout, moins précoce cette fois comme c’était la « fin » du concert.

    Après quelques minutes d’applaudissement offerts par la foule apparemment ravie de son expérience, et une scène déserte qui nous ramenait les deux pieds sur terre et nous rappelait que le concert tirerait bientôt à sa fin. Les musiciens ont repris place sur scène et les batteurs ont relancé les festivités avec une portion où leur jeu de batterie prenait des allures de chorégraphie, tant il était beau de voir leurs mouvements respectifs se côtoyer et s’enchaîner dans une tempête de bras agités. Après ce titre,  Vint enfin le temps où le groupe allait offrir au public les titres promis, soit la dernière et la première pièce du premier album paru il y a 46 ans, In the court of the Crimson King, respectivement la chanson titre et la pièce qui est probablement la plus emblématique du groupe, 21st Century Schizoid Man, que même Kanye West s’est permis d’échantillonner sur Power, c’est tout dire. La foule chanteur en choeur les lignes de chorale du premier titre, interprété magnifiquement, le troisième batteur, celui du centre, délaissait à nouveau les peaux pour les touches du clavier, comme chaque fois que le groupe jugeait bon d’avoir recours au synthétiseur pour élargir son arsenal sonore. Avec le retour de la flûte traversière, on se croyait vraiment revenus à la belle époque du progressif et ça laissait toute la place à des grooves méticuleusement montés par Levin, au lieu des sections plus frénétiques de la majorité du répertoire conçu avec Levin dans les années 80. Quand la pièce In the court s’est achevée, on savait que le roi n’avait pas dit son dernier mot et que le titre 21st allait enchaîner, et ce fût bel et bien le cas, après quelques secondes de grognements sourds et mystérieux qui permettaient au début très percutant de la pièce de rompre le mystère et de prendre les tympans d’assaut avec un véritable mur de son faisant la part belle aux agréables dissonances du morceau choisi pour clore les festivités. Le saxophoniste s’époumonait et contribuait allègrement à l’ambiance sonore, avec un dernier solo assez énergique qui a précédé des solos de batterie.

    © King Crimson

     L’énergie du groupe ne réside pas dans leur enthousiasme à prendre la scène, et si c’est le cas, cet enthousiasme ils ne le partagent que rarement. L’économie des mots étant à peu près absolue, elle constate de manière virulente avec la générosité de la performance dans son aspect musical. Le seul moment où on a pu voir quelque chose comme du bonheur, c’était dans le gros sourire de Tony Levin qui, s’apprêtant à quitter la scène avant le rappel, prenait des photos de l’assistance qui s’était levée pour la troisième fois pour ovationner le groupe légendaire. Avec des titres soigneusement choisis, une instrumentation aussi atypique que percutante, une interprétation techniquement impeccable et malgré tout fort sentie, tous les éléments étaient réunis pour faire de la visite de King Crimson au Palais Montcalm un franc succès. La très généreuse ovation accordée après le rappel, alors que les techniciens s’affairaient déjà à remballer le matos, prouve que son passage a été plus qu’apprécié par les gens réunis sur place pour l’une et-ou l’autre de ces trois soirées de musique précieuse comme un butin royal.

    François-Samuel Fortin

    15 novembre 2015
    Région : Québec, Spectacles
    king crimson, palais montcalm, progressif, robert fripp, rock, the elements, tony levin
  • [SPECTACLE] Esmerine et Millimetrik au Cercle

    [SPECTACLE] Esmerine et Millimetrik au Cercle

    Hier soir au Cercle, on a eu droit à de la visite rare et à de la musique précieuse, gracieuseté de la formation montréalaise Esmerine. Le groupe donne généralement dans un savant amalgame de post rock et de musique de chambre, avec une dimension très lyrique et contemplative qui donne l’effet d’une véritable force tranquille issue tout droit de la nature.

    C’est Millimetrik, le musicien et compositeur électronique ambiant, que le producteur a décidé d’engager pour ouvrir les festivités. Si le répertoire de l’artiste originaire de Québec est assez varié, allant du hip hop au quasi nouvel âge en passant par l’électro synth de son plus récent album, Lonely Lights. Il disait lui-même candidement que c’était sa musique froide qui devait réchauffer la foule, si on peut appeler ainsi la trentaine de personnes dispersés sur le plancher et au balcon. Rapidement les grosses basses s’installent et nous rappellent qu’on est devant un artiste électro, même si le côté live du set est mis à l’avant plan souvent, l’artiste prenant les peaux d’assaut à quelques reprises durant le concert. L’utilisation de la batterie rendait sa musique moins étrangère à ce qui était attendu en guise d’ouverture pour Esmerine. Le son très électro du plus récent album le rattrapait toutefois et ça donnait parfois une impression d’artificiel par contraste avec ce qui allait se produire ensuite. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de groupes de Québec qui auraient vraiment relevé le défi parfaitement. Même si le concert était bon et senti, le voisinage semblait parfois drôle, ce qui n’a pas empêché quelques pas de danse de s’enchaîner ici et là. Un peu avant la fin du concert, Millimetrik a offert une nouvelle fois au public un remix développé plus spécifiquement pour le concert en ouverture d’Hauschka au printemps dernier.

    L’artiste, qui bat aussi les tambours pour le groupe stoner franco Les Indiens, compose actuellement l’album qui sera le successeur de Lonely Lights, et c’était d’ailleurs le dernier concert pour cet album. Dommage que celui-ci aie eu lieu en première partie d’un groupe un peu trop différent, malgré certains éléments communs, comme une structure progressive. Malgré un casting un peu étrange et les habituelles discussions de fond du Cercle, l’expérience de scène de l’artiste a permis de sauver les meubles et d’offrir un divertissement satisfaisant pour patienter pour le groupe principal.

    Esmerine pendant la tournée Dalmak • Istanbul • Photo par Aylin Gyngor

    C’est finalement aux alentours de 22h30 que la formation tant attendue s’est installée sur scène pour partager avec les mélomanes réunis sur place la petite magie de leur musique de chambre sur fond de post rock.  Cinq musiciens devaient reproduire en direct le répertoire du plus récent disque ainsi que quelques autres titres plus anciens. La contrebasse, le violoncelle, le marimba, le violon et la batterie sont généralement les armes de prédilection des musiciens, mais il arrive à certains de les troquer pour autre chose. La harpe était toutefois absente de cette mouture. La prestance de leur musique suffit à imposer le respect dans la salle et l’ambiance est rapidement devenue propice à la contemplation.

    Malgré l’absence de projections ou de tout support visuel externe, la performance méritait d’être observée attentivement. On a pu y voir le joueur de marimba employer un archet pour tirer des blocs de bois un son inusité qui servait à merveille à l’univers onirique créé par la musique d’Esmerine. La performance de tous les musiciens était intéressante, la précision et la finesse venaient compenser au besoin pour le faible tempo, afin de garder le niveau de divertissement assez élevé. La batterie était généralement plus présente en concert qu’elle n’a l’habitude d’être sur disque, ce qui est tout à fait compréhensible comme elle augmente aussi le niveau de dynamisme de la performance. L’assistance, bien qu’attentive, semblait un peu catatonique aux goûts du groupe, mais le côté contemplatif absorbe assez facilement l’attention. Les applaudissements fusaient quand même entre les morceaux, et encore davantage, quand ce fût le temps de réclamer un rappel. Celui-ci fut offert sans cérémonie, mais la pièce a permis au public de reprendre ses esprits et de comprendre que cette belle soirée tirait à sa fin.

    C’est le type de concert qui aurait vraiment bénéficié de rangées de chaise, qui manquaient cruellement à l’expérience. Plusieurs personnes ont pu trouver refuge au balcon ou le long du bar, ce qui laissait le reste de l’assistance occuper tant bien que mal le plancher. Disposer des chaises aurait permis de regrouper les gens qui préféraient être assis et les gens qui souhaitaient être proches des musiciens pendant le concert. Ce n’est toutefois pas le genre de détail qui empêche la soirée d’être réussie d’un point de vue musical, car on a pu apprécier des beaux moments bercés par une magnifique musique interprétée avec brio.

    François-Samuel Fortin

    12 novembre 2015
    Région : Québec, Spectacles
    Esmerine, Le Cercle, Millimétrik
  • [ALBUM] ESMERINE – « LOST VOICES »

    [ALBUM] ESMERINE – « LOST VOICES »

    La formation montréalaise Esmerine sera de passage au Cercle à Québec ce soir soir pour présenter les titres de son plus récent opus, intitulé Lost Voices, en nous offrant le privilège de le lancer à Québec avant de le faire à Montréal, le concert étant plutôt prévu pour demain soir dans la métropole. Le groupe a vu le jour en 2000 sous l’initiative de Bruce Cawdron, membre émérite de la formation postrock montréalaise par exellence, Godspeed You! Black Emperor et de Beckie Foon, qui multiplie les projets mais qui évolue généralement au sein de la formation soeur de Godspeed, Thee Silver Mt. Zion Memorial Orchestra & Tra-La-La Band. Les premières parutions ont dû attendre 2003 et 2005 pour voir le jour, sur une étiquette fondée par le groupe pour gérer sa musique, Madrona. Elles ont toutes deux été enregistrées au Hotel 2 Tango de Montréal. Bien que c’eut été fort logique que ce soit le cas dès le début, ce n’est qu’à partir de leur troisième parution qu’Esmerine a publié leur musique sur l’étiquette Constellation Records qui abrite les deux formations nommées ci-haut et beaucoup d’autres projets similaires.

    L’arrivée sur Constellation marquait une nouvelle étape pour le groupe. Après une inactivité assez longue, les membres se consacrant plutôt aux projets parallèles, mais prennent toutefois le temps pour quelques concerts dont en 2009 sur l’invitation de Lhasa de Sela, qui souhaitait les voir ouvrir pour son groupe qui lançait alors son troisième et ultime album, la chanteuse ayant combattu le cancer durant sa confection s’est finalement éteinte dans les premières heures de l’année 2010. Ils décident de composer à nouveau dans la foulée des tristes évènements le résultat est paru en 2011 sous le titre La Lechuza, autour d’une série d’hommages à la défunte. On retrouve d’ailleurs comme nouveaux membres pour cette parution, outre la harpiste Sarah Pagé, Andrew Barr, membre des Barr Brothers et du groupe de Lhasa de Sela, ainsi qu’une collaboration avec le couple prodige: Sarah Neufeld (Arcade Fire) au violon et Colin Stetson au saxophone. L’album, enregistré avec Patrick Watson, qui couche d’ailleurs sa voix sur la pièce titre, Snow Day For Lhasa, et il a été mixé par Mark Lawson d’Arcade Fire, montrant à quel point la formation est bien intégrée dans la vie culturelle montréalaise.

    Le son d’Esmerine a grandement évolué au fil des ans, modifiant le dosage tout en retenant ses éléments primordiaux dans son giron. Leur musique a toujours été généralement instrumentale, mais les vocaux discrets ou les choeurs avaient parfois la part belle au détour d’une construction des longues pièces évolutives qu’on leur connaît. Sur Lost Voices, les vocaux sont à juste titre absents. Leur musique, toujours assez organique en tonalités, oscille entre la contemplation et le dynamisme. Les albums au début de leur catalogue avaient une plus grande place réservée aux sonorités post-rock et des éléments classiques analogues à ceux de la musique de chambre étaient présents en plus de certains moments plus folk-exotique ou encore indie rock.

    Si La Lechuza était une parution magnifique et sensible, à la fois forte et fragile, à l’image de la défunte Lhasa et de son animal emblématique, le hibou, le successeur immédiat, Dalmak, arrivé deux ans plus tard dans les bacs, est plutôt une oeuvre qui fait place à la noirceur et l’intensité, tout en gardant une grande beauté dans son déploiement. La formation a changé à nouveau avec le départ de Pagé et Barr et l’arrivée de nouveaux musiciens, notamment celle du batteur Jamie Thompson. Certaines ambiances sont plus anxiogènes et sombres alors que le groupe avait toujours gardé une dimension très lumineuse dans sa musique. Le mystère abonde et les sonorités folk turques sont intégrées au post-rock et à la musique de chambre avec brio. Un côté urbain, que la pochette du disque reflète bien, est ajouté à une musique qui avait généralement plus d’affinités avec la nature qu’avec la ville. Même ce changement de décor n’a pas atteint le coeur du groupe, toujours très organique, grâce à l’omniprésence de percussions mélodiques comme le marimba, qui créent un effet envoûtant et hypnotisant. Des titres plus longs et séparés en deux parties dont une très intense et rythmée occupaient l’attention plus que les titres basés sur les rythmes habituellement plus lents du groupe, qui donnaient l’effet de transitions plus que de pièces maîtresses, ainsi entourées.

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    Esmerine « Lost Voices » (CST116, Constellation, 2015)

    Dans le cas de Lost Voices, le groupe revient à la lumière, et à la nature, si on peut se fier à la magnifique illustration en couverture. L’album est plus court mais également plus concis, chaque titre ayant une personnalité propre, aucun ne servant de mise en bouche pour une pièce plus raffinée qui serait moins appréciée à froid. La contemplation est de mise encore une fois, car le souci du détail est manifeste même dans le plus grand dépouillement, et d’autant plus que l’instrumentation est souvent élémentaire, ce qui fait que chaque détail compte, jusqu’à l’utilisation des silences. La pièce d’introduction hausse l’intensité très tranquillement, au moyen des cordes qui viennent tranquillement appuyer la ligne mélodique subtile mise en place par les percussions. Lorsque la batterie embarque au milieu du premier titre, le paradigme change mais le fond demeure le même, la beauté est au rendez-vous partout où on regarde. Un moment intense et épique typique du post-rock vient s’installer au début du dernier tiers, pour rappeler la proximité avec Godspeed et TSMZMO&TLLB. Le second titre est un des plus réussis du groupe, avec un côté très cinématique. La batterie est plus appuyée et la mélodie davantage appuyée sur la guitare, rapportant une dimension rock à une base de musique de chambre. Les couches se superposent et l’efficacité croît à mesure que les mesures s’enchaînent. Il s’agit d’un des deux seuls titres qui laisse une place de choix à la batterie, les autres optant plutôt pour une percussion plus dépouillée et un rythme à l’arrière-plan par rapport à la mélodie. Sur le quatrième titre, on se trouve en présence d’une musique plus syncopée aux rythmiques multiples, qui donnent un effet math-rock fort apprécié sur une musique plus généralement conçue autour de ses éléments sonores et non autour de ses éléments rythmiques. Le début du titre peut rappeler The Redneck Manifesto ou, plus près d’ici, Avec Le Soleil Sortant de sa Bouche, leurs partenaires d’étiquette sur Constellation. La suite rapproche davantage le titre du catalogue postrock de l’étiquette et de Grails, une formation qui a développé des sonorités similaires à celles des tenors de l’étiquette mais en intégrant une dimension exotique et mystérieuse qui la rapproche justement d’Esmerine.

    Cette cinquième parution en quinze ans et la troisième depuis que le groupe a augmenté la cadence et changé d’étiquette, en 2011, est donc une réussite à plusieurs niveaux. À la fois capable de retenir les éléments gagnants, de brasser assez les cartes pour donner l’impression de raffinement et d’innovation puis de ralentir la cadence sans faire sombrer dans l’ennui, le disque Lost Voices est un petit bijou qui saura trouver une place dans vos oreilles peu importe la saison, mais qui semble préférable pour l’orée d’un jour de repos frais et ensoleillé. Le pendant visuel ayant toujours été très important, c’est en concert qu’il est plus aisé d’apprivoiser leur musique et de s’en amouracher, car ils ont l’habitude de faire des projections en direct à l’aide de matières organiques diverses et de rétroprojecteur, conservant le côté artisanal qu’on retrouve partout sur leurs disques, qui ne semblent pas avoir été produits à l’ère du numérique mais semblent plutôt flotter dans l’éternité. La dimension contemplative de leur musique prend tout son sens lorsqu’elle est accompagnée d’un surplus de beauté offert au regard,  pour compléter celle qui entre par les oreilles. Le concert de ce soir au Cercle devrait donner la chance aux néophytes de tomber sous le charme et de reconquérir les adeptes.

    ESMERINE – THE LOST VOICES
    disponible au Knock-Out à Québec (sur commande s’il n’est pas sur tablette – https://www.facebook.com/leknockoutlautredisquaire )
    disponible au Cercle ce soir ( https://www.facebook.com/events/447136068814329 )
    disponible sur internet en tout temps via Constellation ( http://cstrecords.com/cst116/ )

    François-Samuel Fortin

    11 novembre 2015
    Albums
    Constellation, Esmerine, Lost Voices, Montréal
  • [ALBUM] Prieur&Landry + Lancement au Knock-out

    [ALBUM] Prieur&Landry + Lancement au Knock-out

    Album

    (François-Samuel Fortin)

    Après des concerts remarqués sur la route québécoise des festivals, avec chaque fois une solide dose de décibels et un paquet de gueules tombantes, le duo Prieur & Landry a su attirer les faveurs des mélomanes et des médias. C’est d’abord grâce à la boîte Sexy Sloth que j’ai eu la chance de les voir, lors d’un mini festival qui se déroulait à la mi-juillet. Avec de bons souvenirs de la performance, j’avais d’assez hautes attentes avant d’écouter l’album et je n’ai pas vraiment été déçu par ce que j’ai pu y entendre.

    Quand tu décides de prendre les planches d’assaut comme duo, il faut que tu saches travailler avec ce que t’as à ta disposition pour en tirer le maximum de jus. Ce serait difficile de dire que les gars n’ont pas relevé le défi. Les riffs en béton armé et le set-up de Gab Prieur amènent une dose assez satisfaisante de basses fréquences pour que le duo soit dispensé de faire appel à un bassiste. La présence du vocal est juste assez bien dosée sur l’album, qui fait plutôt la part belle au hochage de tête en bonne et due forme avec des longs segments instrumentaux. Le style vocal peut le rapprocher d’Ozzy parfois ou de certains groupes rock typiques des années 90 à d’autres moments. Eliot Landry s’occupe quant à lui de la batterie, qui est tout à fait appropriée pour le genre, avec une belle lourdeur et un bon groove, que ce soit dans les passages plus lents ou plus rapides. Toutefois, la batterie n’est que rarement le point focal, étant plutôt le parfait complément pour la guitare.

    Les pièces se suivent et un certain motif se dessine dans l’alternance entre celles qui, rapides et énergiques, en mettent plein la gueule, celles qui, plus tranquilles sur le tempo, révèlent un certain blues et celle qui répètent cette même alternance à plus petite échelle. Étrangement, le tout semble familier. L’originalité n’est pas nécessairement le point fort du groupe autant que leur efficacité, qui se décline de deux manières. D’abord, tous les morceaux de l’album se défendent bien dans leur genre, souvent très rock du sud des États-Unis, pouvant rappeler aussi bien Slayer et Queens of the Stone Age/Kyuss que Pearl Jam ou les Black Keys, selon les moments. Les premiers morceaux frappent fort et la cadence ne diminue pas énormément, bien qu’une certaine redondance s’installe. L’efficacité du groupe, c’est aussi parce qu’ils sonnent autant avec si peu qu’ils en font preuve, parce qu’on a souvent l’impression qu’on a affaire à un band alors que c’est juste deux gars qui font tout.

    Quand la dixième et dernière pièce prend fin, on se rend compte qu’on vient quand même de traverser quelque chose d’assez épique, avec une belle intensité. L’album est d’ailleurs une belle carte de visite pour annoncer leurs performances scéniques. Les deux expériences s’alimentent mutuellement, mais c’est vraiment en concert qu’on comprend comment et pourquoi c’est unique. Sur disque, on a affaire à dix chansons très solides, sans qu’elles aient eu à réinventer le genre. Par contre, si vous avez envie d’une bonne dose de rock garage pesant, ces dix titres, dont certains auraient pu procurer bien du plaisir à des guitaristes du dimanche dans Guitar Hero, pourront allègrement satisfaire votre appétit.

    [bandcamp width=100% height=120 album=377124665 size=large bgcol=ffffff linkcol=0687f5 tracklist=false artwork=small]

    Lancement

    (Marion Desjardins)

    Ce jeudi au Knock-out avait lieu le lancement d’album du duo en formule 5 à 7: grignotines, mélomanes et petite performance était au rendez-vous ! Je m’y suis rendue afin d’y prendre quelques photos à défaut de pouvoir me rendre au Coup de grâce musical ce vendredi !

    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry
    Prieur&Landry

    François-Samuel Fortin

    9 octobre 2015
    Albums, Région : Québec, Spectacles
    Knock-Out, Landry, Le Knock-Out, Prieur, Prieur&Landry
  • [SPECTACLE] Bireli Lagrène transforme le Palais Montcalm en temple manouche

    [SPECTACLE] Bireli Lagrène transforme le Palais Montcalm en temple manouche

    C’est sans tambour ni trompette, devant une salle presque remplie à pleine capacité, que Bireli Lagrène a pris place sur scène avec les trois autres musiciens qui l’accompagnaient pour présenter son répertoire jazz manouche. L’offre musicale du virtuose français de la guitare manouche et de son quartet, complété par le guitariste d’accompagnement Denis Chang, le contrebassiste américain de 19 ans Ethan Coen et le saxophoniste Franck Wolf, son frère d’arme depuis vingt ans, est construite autour de pièces phares du regretté Django Reinhardt, mais aussi de quelques adaptations de pièces pop qui surgissent soit comme morceaux sélectionnés, soit comme courte référence au milieu d’un des solos frénétiques. Aucune première partie n’était prévue pour mettre l’auditoire dans le bain, l’organisation comptant plutôt sur deux sets pour que les gens réunis sur place en aient pour leur argent. Le guitariste, qui aura cinquante ans l’an prochain et qui est connu depuis son adolescence pour ses incroyables talents de musicien, ayant foulé les planches du légendaire Festival de Montreux en 1981, était d’ailleurs passé par le Club Soda de Montréal, la veille, pour offrir un autre de ses rares concerts en sol québécois.

    Bireli semblait s’éclater et s’amusait parfois aux dépens de la foule, en utilisant ses interventions entre les pièces pour dérouter et faire rire, notamment en proposant de chanter un morceau avant de raviser, ou encore, en affirmant qu’il allait jouer un morceau bien à lui, qu’il a l’habitude de jouer dans son salon en écoutant la télé, avant de se raviser encore une fois, au nom de son professionnalisme. Le début de la performance, avec Wolf au saxophone soprano, offrait des moments plus doux, plus feutrés et surtout plus convenus au public réuni sur place, qui semblait aux anges si on se fie aux applaudissements nourris entre les chansons, mais qui semblait aussi néophyte, si on se fie aux applaudissements accordés un peu au hasard pendant les chansons, et pas seulement après les solos comme le veut la coutume dans les concerts de jazz. Même s’il est censé mener le quartet et occuper le siège vedette, Bireli laissait une place généreuse à ses musiciens, souvent trop généreuse envers le saxophoniste Wolfe, qui malgré le fait qu’il était clairement le deuxième plus talentueux sur scène, donnait aux compositions et aux improvisations une autre tournure qui n’était pas toujours compatible avec l’idée que je me faisais du jazz manouche. Je me serais davantage plu devant un trio, ou un trio complété à l’occasion par un violon comme c’est généralement le cas. Les envolées de guitare du virtuose nous rappelaient toutefois pourquoi on s’était déplacés ce soir là pour aller au Palais Montcalm, d’abord parce que son talent d’interprète et d’improvisateur est difficilement égalable, mais aussi, parce que la salle jouit d’une acoustique extraordinaire qui donnait aux moments même les plus dépouillés une touche magique et tout à fait captivante.

    Au début du troisième morceau, une longue portion laissant toute la place à Bireli permettait d’apprécier le son hallucinant qu’on peut avoir dans cette salle. Reprenant le micro pour parler un peu à la foule, il finit par s’interrompre lui-même trois ou quatre fois avec des onomatopées et à ne pas prendre la parole, laissant plutôt la musique parler d’elle-même. Son jeu de guitare est à la fois très rapide et très précis, truffant les solos de références à des compositions de divers horizons, et s’arrêtant parfois pour placer une ou deux harmoniques très justes qui résonnaient plutôt bien dans cette salle. Le guitariste s’est également livré à des échanges de haute voltige avec le saxophoniste, une fois où ils jouaient simultanément les mêmes notes pendant un moment, et une autre fois vers la fin du concert où Bireli s’amusait à demander à Wolf de répéter chacune des notes qui sortaient de sa guitare. On tente de varier les plaisirs avec un morceau construit autour d’une percussion générée par les clapets du saxophone de Wolf, laissant encore l’occasion au guitariste de placer quelques harmoniques et d’épater la galerie avec un jeu très finement ciselé.

    L’entracte après seulement cinquante minutes, pour revenir au bout de vingt minutes pour une deuxième partie d’une durée similaire. La musique a repris, Bireli a présenté les musiciens à nouveau, parce qu’il était très content d’être avec eux. Bireli a par ailleurs remercié un fan qui l’adulait mais lui a fait remarquer qu’il devrait plutôt le voir quand il est en forme, parce que là, il s’était pris la tête avec sa femme cette journée là, semble-t-il, et il était peut-être préoccupé par la situation, tout en n’ayant pas de difficulté à épater la galerie. Denis Chang, le guitariste d’accompagnement d’origine franco-chinoise a d’ailleurs eu droit à son seul solo de la soirée à ce moment là. Le reste du set a ressemblé à la première partie, toujours ce son parfois convenu et kitch jusqu’à faire sourciller, et les prouesses qui nous rappellent que l’argument de vente est plus du côté technique et interprétation que du côté du goût comme tel, quoique tous les goûts sont dans la nature et le public semblait satisfait. Je comprenais ne pas être le public cible lorsqu’il a décidé d’interpréter Love me tender d’Elvis Presley, se payant parfois de petits écarts de conduite pour colorer la pièce.

    Le concert a aussi été ponctué de moments où Bireli accordait sa guitare, avouant qu’il ne savait pas trop comment l’accorder et qu’elle lui faisait des misères depuis son arrivée à Montréal. Souvent, l’effet était sympathique pour ces interventions, mais à la longue, le momentum en écopait parfois.  Sinon en général, l’interprétation était souvent trop littérale à mon goût, les meilleurs moments venant de la fougue de l’improvisation où les solos devenaient des panoramas sur l’histoire de la musique, mais les pièces interprétées comme telles étaient souvent trop léchées et trop convenues pour insuffler une véritable énergie dynamique. Une pièce axée sur un solo de contrebasse à l’archet est venue donner, vers la fin du concert, une petite idée de ce à quoi on aurait pu avoir droit avec une autre instrumentation. À la fin du concert, on hurlait, on accordait deux standing ovations, avant et après le rappel, on se fait même sortir par la sécurité en titubant en criant aux gens d’aller tous chier, ce qui nous a amené à nous demander si nous ne nous étions pas rendus à un concert de rock au Colisée, plutôt que devant un virtuose de la guitare jazz manouche dans une salle. Quoiqu’il en soit, avec la disparition ou la mise en veilleuse du Festival de jazz de Québec, le rendez-vous d’hier soir était un incontournable pour les fans du genre et une des trop rares occasions de voir une sommité mondiale du jazz se produire sur une scène de Québec cette année.

    François-Samuel Fortin

    4 octobre 2015
    Région : Québec, Spectacles
  • [ANNONCE] Les artistes Stéphane Robitaille et Joëlle Saint-Pierre prennent la route

    [ANNONCE] Les artistes Stéphane Robitaille et Joëlle Saint-Pierre prennent la route

    L’organisme Route d’Artistes, qui propose depuis l’an dernier une tournée bi-annuelle de concerts intimes, a décidé de récidiver cet automne en donnant encore la chance à des artistes de prendre la route et de fouler les planches d’une panoplie de petites salles du Québec. Au printemps dernier, la série avait fait découvrir au public le duo Saratoga, un duo formé de Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse. Les heureux élus de l’édition automnale 2015 sont Joëlle Saint-Pierre, qui lançait tout récemment un premier long-jeu sur l’étiquette de Coyote Records, ainsi qu’un ami et collaborateur bien connus des mélomanes de Québec, Stéphane Robtaille.

    Joelle Saint-Pierre 4 (par William Mazzoleni)
    Joelle Saint-Pierre (Crédit photo: William Mazzoleni)

     La première, musicienne de formation issue du Conservatoire de Saguenay, joue surtout du piano en plus de chanter, mais elle maîtrise aussi d’autres instruments, comme le vibraphone, un instrument qui semble devenu son arme de prédilection et qu’il est possible d’entendre sur « Le jour de la fin du monde »,  une pièce de son camarade de tournée. Un EP publié en 2011 donnait une bonne idée de sa folk intime et imagée. Et toi, tu fais quoi? est son premier album, fruit d’une collaboration avec le musicien et réalisateur Mathieu Charbonneau (Torngat, Timber Timbre, Avec Pas d’Casque) et la tournée est l’occasion de présenter la majorité de ses chansons au public.

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    Stéphane Robitaille (Crédit photo: Jacques Boivin)

     Le second, qui fait mentir les stéréotypes sur les chansonniers, cisèle des textes d’une grande sensibilité et des mélodies mémorables qui rendent hommage ou dommage à des choses petites et grandes, belles et laides, du quotidien. Porte-parole de choix pour le prolétariat moderne, ses chansons revendicatrices font preuve d’une imagination que seules ses chansons plus romantiques peuvent atteindre. Le tout, bercé par un agréable humour noir doublé d’un ludisme irrévérencieux, est à découvrir sur son album lancé à l’automne dernier, Fuck You Mon Amour.

    Entre les Laurentides et la Côte-Nord, divers lieux comme une grange ou une librairie se transformeront en petites salle de spectacles chaleureuses dont l’intimité sera propice aux moments magiques où la complicité entre le public et les artistes sera de mise.

    Visitez le www.routedartistes.com pour savoir où vous pourrez assister au passage de la tournée, qui se tiendra du 25 septembre au 10 octobre 2015.

    https://joelle.bandcamp.com/
    https://stephanerobitaille.bandcamp.com/

    couverture

    François-Samuel Fortin

    16 septembre 2015
    Région : Québec, Spectacles
  • [SPECTACLE] Viet Cong de retour à Québec dans un contexte plus approprié

    [SPECTACLE] Viet Cong de retour à Québec dans un contexte plus approprié
    Oromocto Diamond
    Oromocto Diamond

    Malgré une journée pluvieuse, une bonne centaine de mélomanes se sont donnés rendez-vous au Cercle pour le concert de Viet Cong, en visite dans la vieille capitale pour une seconde fois en 2015, seulement deux mois après leur passage au Festival d’Été de Québec. Une bonne partie d’entre eux était déjà sur place pour voir ce que les deux groupes qui ouvraient la soirée avaient à proposer.

    C’est à Oromocto Diamond qu’est revenue la tâche ingrate d’ouvrir le bal devant une assistance dont une grande proportion s’est déplacée uniquement pour le concert principal. L’expérience de scène de Sam Murdock, parfois chanteur et principalement bassiste de la formation qui rappelle souvent Death From Above 1979, jumelé à la nonchalance de la foule, a engendré plusieurs moments comiques. Ce dernier, avec son comparse Jean-Sébastien Grondin, a livré une performance d’une part extrêmement sentie et d’autre part, bercée par un cynisme tout à fait divertissant. Des commentaires, conseils et imitations irrévérencieuses ont ponctué la soirée, durant laquelle le groupe a, fidèle à ses habitudes, livré un show énergique, malgré la quasi indifférence générale, qui est rapidement devenue l’objet de railleries et de conseils existentiels sympathiques. Devenu avec le temps un showman hors-pair, le bassiste s’est amusé à gravir le bass-drum et à sauter partout pour convaincre la foule de partager son enthousiasme, mais sans succès. Seuls les applaudissements laissaient croire que les gens qui ont assisté à la performance ont apprécié leur expérience.

    Greys
    Greys

    Ce fût très rapidement le tour de Greys de monter sur scène pour continuer le travail de réchauffement amorcé par la formation locale, mais la majorité des gens sur place semble être demeuré perplexe pour un bon laps de temps. Il faut avouer que si le groupe a offert une performance musicale stylée et très appréciable, le chanteur avait généralement des performances à faire sourciller même les plus généreux auditeurs, avec des fausses notes assez régulières pour donner l’impression que ce dernier n’entendait pas tout à fait ce qu’il faisait dans les moniteurs. Une confession du frontman du groupe qui a ouvert la soirée nous a d’ailleurs mis la puce à l’oreille, comme il a indiqué au passage que les formations suivantes, arrivées en retard, n’avaient pu bénéficier de tests de son en bonne et due forme. Le concert s’est terminé dans un calme relatif pour laisser l’assistance choir un bon moment avant que la formation qui l’avait incitée à se déplacer ne commence enfin son concert à proprement parler.

    Viet Cong
    Viet Cong

    C’est aux alentours de dix heures et dix que Viet Cong a pris place sur le stage, après une entracte et des tests de son qui ont tout de même semblé un peu trop longs. Le groupe, né des cendres des excellents Women, a rapidement fait comprendre à une assistance plus nombreuse que jamais qu’ils n’étaient pas là pour rien. Le concert était pour eux l’occasion de se reprendre et de livrer un concert à leur image, après une visite un plus sobre dans le cadre d’un évènement corporatif. L’interprétation généralement impeccable des morceaux choisis sur leur album homonyme paru en janvier dernier permettait au groupe de s’adonner par ailleurs à des séances d’improvisation extrêmement bruyantes. Celles-ci ont peut-être traumatisé quelques oreilles plus chastes, mais elles ont probablement séduit les mélomanes plus exigeants, car l’énergie qui y était déployée rendait automatiquement la chose aussi divertissante que captivante. La force de frappe du batteur, souvent dissimulé par une abondante fumée qui a par ailleurs attiré les moqueries de deux des trois groupes, a rendu ces moments d’expérimentation et d’expression sonore encore plus divertissants, grâce au contraste entre leur caractère angulaire et celui de l’abrasivité souvent nonchalante des guitares. Le mur de son créé en guise de conclusion était d’une intensité contagieuse, car même ceux et celles qui se bouchaient parfois les oreilles plus tôt pendant le concert lorsque certains sons aux décibels mal maîtrisés par la régie leur faisait vibrer les tympans hochaient énergiquement de la tête pendant la dernière tirade. Le groupe s’est manifestement amusé davantage que lors du concert donné au Pigeonnier lors du Festival d’Été 2015, où ils semblaient avoir laissé perplexe la majorité des festivaliers réunis pour les concerts suivants. Après quelques moments un peu confus où les gens semblaient se demander si un rappel allait être accordé, et après l’avoir réclamé plutôt généreusement,  l’ambiance musicale d’entracte a recommencé et les gens se sont tranquillement dispersés, comprenant que le spectacle venait de prendre fin. Gageons que, même s’ils étaient peu démonstratifs, leurs oreilles bourdonneront encore pour un moment et qu’ils garderont un souvenir agréable de leur passage au Cercle en ce lundi humide un peu hostile au laisser-aller de l’instinct grégaire.

    photos par Julien Baby-Cormier pour ecoutedonc.ca

    Viet Cong
    Viet Cong
    Oromocto Diamond
    Oromocto Diamond
    Oromocto Diamond
    Viet Cong
    Viet Cong
    Oromocto Diamond
    Viet Cong
    Greys
    Viet Cong
    Greys
    Viet Cong
    Greys
    Viet Cong
    Oromocto Diamond
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    Viet Cong

    François-Samuel Fortin

    15 septembre 2015
    Région : Québec, Spectacles
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