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  • [ALBUM] Les Goules – Coma

    [ALBUM] Les Goules – Coma

    Quelque part dans la nuit entre le 29 février et le 1er mars, sorti de nulle part, le spectre des Goules s’est rematérialisé laissant ses disciples dans une émotion trouble mixant stupeur et excitation. Les Goules seront restés dans le coma pendant 9 ans (avec quelques soubresauts d’éveil pour de rares concerts anniversaires), période pendant laquelle son chanteur Keith Kouna s’est lancé dans une aventure solo remarquée. Ils avaient d’ailleurs prétendu ne pas vouloir surfer sur la nostalgie plus longtemps; un futur retour des Goules s’accompagnerait de nouveau matériel. (voir à ce sujet l’excellente entrevue avec Keith Kouna parue en mai 2015 sur voir.ca)

    Nous y sommes: il y aura de nouveaux spectacles et du nouveau matériel. L’excellente nouvelle, il va sans dire, c’est que ce nouveau matériel est ancré dans l’ADN des Goules et les chansons sont d’une redoutable efficacité. C’est parfois irrévérencieux; Folk, ce pastiche Kaïn-ish en est l’exemple le plus probant, mais il y a aussi Parle Parle et Fermez vos gueules. Puis, d’autres pièces inquiétantes comme Coma, une des pièces les plus lourdes du catalogue des Goules, ou Bateau Mort. On retrouve bien sûr ces petits brûlots typiques de l’univers des Goules, Piranhas et Coat de Cuir, portraits de types tourmentés amalgamés en une critique sociale. Régimes, un autre sommet sur l’album, propose une habile corrélation entre les régimes alimentaires et politiques. Efficace. Que dire de Bouddha, étrange fable érotico-biblique où le personnage visualise un Bouddha qui traine avec des pornstars, le tout sur une mélodie punk et luxuriante. Finalement on retrouve 2 pièces, Blanc Boeuf et Bergerie (cette dernière semble née de l’union entre Paradis et Napalm, deux pièces du disque de Kouna Du plaisir et des bombes), qui auraient sans doute pu trouver leur place sur un album solo de ce dernier puisqu’elles se rapprochent davantage de l’univers (légèrement, il faut relativiser!) plus propre de ce dernier. Tout ça forme un tout cohérent et extrêmement efficace. Les vers d’oreille sont nombreux et vont assurément peupler l’imaginaire de votre cerveau de mélomane. Mention spéciale aussi à la superbe et inquiétante pochette de Pierre Bouchard.

    Les Goules supporteront ce nouveau matériel lors d’une tournée de spectacles qui s’arrêtera entre autres au Cercle à Québec le 29 avril et à la taverne de Saint-Casimir le lendemain.

    Julien Baby-Cormier

    7 mars 2016
    Albums
    Coma, Igor Wellow, Keith Kouna, Ken Pavel, Klaudre Chudeba, Les Goules, Rabin Kramaslabovitch
  • [Album] Dead Obies – «Gesamtkunstwerk »

    [Album] Dead Obies – «Gesamtkunstwerk »

    Lors des dernières semaines, le rap québécois est apparu à plusieurs reprises dans les médias. Tout d’abord est venu le GAMIQ, (qui, d’ailleurs, était animé par Robert Nelson d’Alaclair Ensemble) où EMAN X VLOOPER, Loud Lary Ajust et Alaclair Ensemble ont remporté des prix. Ensuite, nous avons assisté à la création de Brown. Leurs propos sur le métissage et la quête d’identité en tant qu’immigrant ont piqué la curiosité de La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et plusieurs autres.  Inévitablement, Love Suprême n’est pas passé sous silence, Koriass a lui aussi eu droit à son « quinze minutes de gloire ». Comme vous le constaterez, le rap québécois gagne à se faire entendre et tente petit à petit à se faire comprendre.

    C’est maintenant au tour de Dead Obies de faire couler de l’encre. En plus de sortir un nouvel album, ils se démarquent avec la mise en place d’un second degré touchant la relation entre le public et l’artiste. Dans leur approche avec Gesamtkunstwerk, le sentiment d’appartenance est remarquable. Cette fébrilité ressentie s’explique avec la place considérable que le groupe a laissé aux fans lors de leurs trois spectacles enregistrés et consécutifs au Centre Phi, à Montréal en octobre dernier. Cet événement est le premier d’une série dans laquelle l’engouement et l’emballement de leurs admirateurs n’ont fait qu’amplifier. Le résultat est que le public a l’impression de faire parti du groupe. Cette image est perceptible dans le clip d’Aweille!, le documentaire de Gesamtkunstwerk ainsi que dans de nombreuses photos tirées des spectacles d’enregistrement.

    L’album débute avec DO 2 Get, qui se trouve à introduire l’audience dans l’univers Gesamtkunstwerk, où la tournure recherchée est principalement rassembleuse. Dès les premières sonorités, on se trouve emporté par la même énergie que l’on retrouve lors d’un spectacle. Cette excitation est présente et ressentie à plusieurs reprises dans l’album. Sans toutefois y prendre trop de place, elle ajoute une tonalité festive. Par exemple, on entend des fans à la fin de Waiting, où plusieurs font part de leurs attentes face au spectacle auquel ils s’apprêtent à assister, dans Wake-Up Call, lorsque le public chante en coeur une mélodie et légèrement dans Oh Lord et Moi pis mes homies, puisque ces chansons étaient connues par plusieurs.

    Montréal $ud dégageait une atmosphère très montréalaise, parsemée de passages frôlant le tempérament passif-agressif. Gesamtkunstwerk, lui, reflète plutôt la force et la beauté que peut avoir un groupe lorsqu’il fonctionne à l’unisson. Son contenu global est vaporeux. Le message est communiqué d’une façon désinvolte et sur un air spécialement harmonieux. Cette fois-ci, Dead Obies s’exprime avec plus de délicatesse.

    Il y a un atout intéressant qui s’ajoute à l’«expérience Gesamtkunstwerk», mais  qui n’est malheureusement pas atteignable pour plusieurs. Les personnes qui étaient présentes le 14, 15 ou 16 octobre passés au Centre Phi à Montréal, vivent un certain throwback au moment de leur écoute : ils n’ont qu’à se fermer les yeux pour revoir Dead Obies animer cette vitalité et l’aspect live de l’album rend l’expérience encore plus excitante. En ayant assisté, et même participé à l’enregistrement, on a accès à l’intégralité de Gesamtkunstwerk. Avez-vous déjà eu la chance de connaître les paroles d’une chanson avant même qu’elle soit sur le marché? Bien entendu, ce semblant d’exclusivité s’avère être fort savoureux et plaisant.

    Il faut savoir qu’il y a tout de même quelque chansons réalisées en studio, où les voix sont davantage travaillées et directes, plus particulièrement dans Where They @, Pour vrai, Explosif et Everyday. 

    L’album se conclu de la même façon qu’un spectacle. Au milieu d’Untitled, on entend Yess McCan remercier le groupe et les choristes qui les ont accompagné, pour ensuite chanter sur une vibe à la hauteur de la complicité « Dead Obies ». La dernière chanson officielle de Gesamtkunstwerk est Outro. Elle dégage une atmosphère spécifique à celle que l’on vit lors d’une fin de show. En d’autre mot, elle traduit l’émotion laissée par la prestation du groupe, soit un mélange d’euphorie et de satisfaction. En bref, c’est la chanson parfaite pour dire à ses homies : « Hey sérieux j’suis content(e) d’avoir vécu ça avec toi! ».

    Dead Obies laisse mon âme en plénitude avec Gesamtkunstwerk. On peut dire que cet état représente l’émotion que j’ai eu face à la nouvelle de leur apparition à Tout le monde en parle ce dimanche soir. Leur temps d’antenne sera probablement dédié à leur goût controversé pour la fusion français-anglais dans leurs oeuvres singulières, soit un constant combat pour bon nombre de rappeurs québécois.

    Lancement à Montréal le 10 mars

    Charlotte Caron

    6 mars 2016
    Albums
    album, Dead Obies, Gesamtkuntwerks, rap
  • [ALBUM] Bronswick – Chassés-Croisés EP

    [ALBUM] Bronswick – Chassés-Croisés EP

    Nos amis de chez Lisbon Lux Records entament l’année 2016 avec un EP fort agréable du duo Bronswick. C’est en 2014 que Bertrand Pouyet a rencontré la chanteuse Catherine Coutu. En 2015, leur premier EP Errances fut bien reçu et le duo récidive cette année avec Chassés-Croisés, un mini-album de cinq pièces totalisant près de vingt minutes.

    Il est difficile de décrire le style musical de Bronswick, mais dès les premières notes poussées par la chanteuse Catherine Coutu, nous restons accrochés à sa voix si claire et vive. Nous faisant voyager dans différents univers électroniques, grâce aux instruments et au mixage de Bertrand Pouyet, nous désirons en apprendre d’avantage sur le groupe. Sans contredit, les influences des années 80s sont facilement audibles et la comparaison avec Le Couleur, autre groupe de Lisbon Lux Records, est évidente. Est-ce une copie? Certainement pas. Par contre, nous sentons que les deux groupes ont empruntés les mêmes influences de la French Touch.

    La première pièce, Comme la Mer, ouvre les portes d’un univers planant très intéressant musicalement. Les textures et les mélodies sont douces et agréables. Nous voyons, dès le départ, que le duo s’éloigne un peu du R&B qui avait teinté leur premier opus. Les rythmes mis en places par le duo prennent une place importante dans tout l’album.

    [bandcamp width=100% height=120 album=623834125 size=large bgcol=ffffff linkcol=e99708 tracklist=false artwork=small track=879422817]

    Sur Un Degré de Séparation, nous entrons dans la thématique du chassés-croissés, de là le titre du mini-album. La voix de Catherine Coutu qui chante le refrain de la pièce est un futur vers d’oreille garanti. La mélodie semble venir chercher ses inspirations d’artistes tels que Jamie XX, ou encore M83. Nous pouvons, d’ailleurs, entendre la contribution du deuxième membre du duo dans les chants de la pièce. Un Degré de Séparation est le premier single du EP. Un clip a d’ailleurs été produit, il est visible ci-bas.

    En continuant sur Trouble, les mélodies deviennent de plus en plus sombres, se rapprochant beaucoup plus des origines r&b, voire même hip-hop, du duo. En ouverture, une ambiance obscure s’amorce avec Bertrand au micro. De nombreuses sonorités dignes de pièces hip-hop sont entendues. Le mélange de genre que représente Bronswick est à son apogée sur cette troisième pièce. À la fois sombre et hip-hop lors des allocutions du musicien, nous revenons dans une mélodie plus sobre et pop lors des portions de la chanteuse.

    Nous terminons l’écoute avec Tout effacer et Insomnie, deux pièces très agréables musicalement, qui restent dans la même veine que les précédentes. Soulignons toutefois la magnifique contribution vocale de la chanteuse sur Insomnie, dernière chanson du EP. Sa voix est à son meilleure sur cette dernière pièce.

    Ce mini-album nous met l’eau à la bouche et nous donne envie d’entendre un al bum complet du duo. On ressent une belle chimie entre les deux membres du duo, ce qui semble prometteur pour les spectacles à venir. Parlant de spectacles, l’album fut lancé la semaine dernière à Montréal du côté du Théâtre Fairmount avec plusieurs artistes de l’étiquette de disque, dont Paupière, Das Mörtal et Le Couleur.

    En ce qui concerne Québec, le groupe sera de passage au Pantoum le 18 mars prochain selon leur site web.

    Matthieu Paquet-Chabot

    2 mars 2016
    Albums
    Bronswick, Le Pantoum, Lisbon Lux Records
  • [ALBUM] Give Me Something Beautiful – Ghost on a Throne

    [ALBUM] Give Me Something Beautiful – Ghost on a Throne

    Après trois ans de labeur, le trio Give Me Something Beautiful a sorti le 19 janvier dernier Ghost on a Throne, leur premier album. Plusieurs influences éclectiques donnent le son propre du groupe.

     

    Entièrement produit et réalisé par le trio, l’album débute avec « Destroy Me ». La première chose qui frappe, c’est la voix et la guitare de Matthew Hills. Elle fait penser tantôt à Muse, tantôt à Thom York de Radiohead et Half Moon Run. C’est frénétique et planant à la fois.

    La pièce « Made of Wires » est un de mes coups de cœur sur l’album. De belles envolées instrumentales et musicales. Le violoncelle de Marianne Bertrand se fond avec la voix de Hills, la batterie de Raphaël Pellerin et la basse d’Étienne Dextraze-Monast. C’est la pièce que je recommande pour entrer dans leur monde.

    « Fille » montre une autre facette du groupe : des mélodies plus douces. Cette facette est aussi présente sur « Your Father, The Bombardier ».

    Sur «Fear and Gasoline », on retourne à son penchant plus intense et émotif.

    La suivante, « Invisible Stars, Invisible Sky », la guitare se veut mélodieuse et fait penser à du folk américain. Il s’agit d’un autre beau moment musical sur cet album.

    Une des forces du groupe se trouve dans les paroles, comme on peut le constater sur « Tiger Beetle » et la chanson précédente.

    Ghost on a Throne se termine sur « A Decade Wide », un duo avec Lianne Seykora. Les sonorités et la chœur surprennent l’auditeur. Une superbe façon de clore un premier album réussi.

    La musique de Give Me Something Beautiful est familière à ceux qui les ont influencés, mais elle sait s’en dissocier et montrer ses propres couleurs. Elle est à la fois intense, expérimentale et douce.

    Comme premier album, le groupe délivre la marchandise et laisse présager quelque chose de bien pour le futur. La musique captive et surprend son auditoire. À voir ce que celui-ci leur réservera.

    3,5 / 5

    https://www.youtube.com/watch?v=MIpl1VWtg4A

    Marie-Ève Duchesne

    26 février 2016
    Albums
  • [ALBUM] Kamakazi – Regarde maman, I’m on the TV !

    [ALBUM] Kamakazi – Regarde maman, I’m on the TV !

    Ça y est ! Le nouveau Kamakazi est sorti.

    Avec ce quatrième album intitulé Regarde maman, I’m on the TV !, le groupe signe son retour sur label Slam Disques, chez qui ils avaient sorti leur premier opus Tirer le meilleur du pire, en 2008. Avec maintenant quatre albums, plusieurs EP et de multiples tournées, on peut dire que les Kamakazi n’ont pas chômé en dix ans. Nick Gagnon (chant/guitare), Carl Boucher (basse/voix) et Steve Gagnon (batterie/voix) ne manquaient pas d’occupations ces derniers temps. Lorsqu’ils finalisaient le nouvel album, ils préparaient en parallèle un EP de chant de Noël The Naughtiest Kamakazi Christmas. Nul doute qu’en ce début d’année ils ont pris un peu de repos avant d’entamer la prochaine tournée :

    – le 15 avril à Sherbrooke, au Murdoch.
    – le 16 avril à Joncquière, au 4 Barils.
    – le 22 avril à Montréal, au Club Soda.
    – le 20 mai à Québec, à l’Anti.

    Comme sur les deux premiers albums du groupe, le quatrième est entièrement en français ce qui est peu commun pour un groupe composé d’anglophones. Les trois Montréalais vont à contre-courant des groupes francophones abandonnant leur langue maternelle pour chanter en anglais. Il s’agit d’une chose suffisamment rare pour être mentionné et le résultat est soigné et homogène.

    Dès le premier morceau de l’album, le ton est donné. C’est un punk rock et pop punk énergique, que certains qualifieront de skate punk, qui nous est servi à l’instar du premier clip issu de l’album : la pièce Suckerpunch.

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=qOFXmSt4rBU]
    Est-ce une remise en question du groupe que l’on retrouve dans cette pièce ? La question peut se poser, mais il me semble plutôt qu’il s’agit d’un regard porté sur le parcours du groupe. Ce thème se retrouve sur plusieurs morceaux de l’album dont il semble être le fil rouge. De trop prend alors l’allure d’une synthèse entre les bons moments et les difficultés rencontrées par le groupe depuis ses débuts. Ne vous méprenez pas pour autant, ils ont la volonté de continuer à cramer les planches. C’est ce qu’ils crient haut et fort, dans Masochiste.

    Il s’en suit La révolte qui est là pour annoncer que le groupe semble encore avoir des comptes à régler, mais avec qui ? Est ce que c’est ce qui a motivé le groupe à revenir chez Slam Disques ? Il faudra leur demander, mais il semble bien que certains aient profité d’eux par le passé. Il s’en suit également un rejet de la société avec Fuck toute et des phénomènes de mode dans Mouton noir.

    Les gars ne se prennent pas pour autant au sérieux, lorsque l’on écoute À mon avis, ce qui n’empêche pas la présence de chansons d’amour plus calmes avec Inconditionnellement et La belle et la bête, qui contrastent très sérieusement avec la déception de Bonne St-Valentin.

    Maintenant, il ne reste plus qu’à attendre la venue du groupe en Mauricie pour assister sur scène au déferlement de toute l’énergie contenue dans l’album.

    Adrien Le Toux

    26 février 2016
    Albums
    album, Kamakazi
  • [ALBUM] Karneef s’attaque à l’impossible

    [ALBUM] Karneef s’attaque à l’impossible

    Véritable ovni musical puisant à la source des grands disparus du rock champ gauche, Musique Impossible, le plus récent opus du natif d’Ontario mais montréalais d’adoption Karneef, a de quoi en faire sourciller plus d’un, mais des écoutes répétées révèlent un joyau finement ciselé après une première impression pouvant s’apparenter à celle d’un client du dimanche devant une table particulièrement pittoresque d’un marché aux puces hétéroclite. Rapidement, on sent les influences des regrettés Frank Zappa et David Bowie, mais avec une fragrance nouvelle et un grain de folie supplémentaire. Si on cherche chez les modernes, on pourrait trouver des résonances chez un autre musiciens oeuvrant à Montréal, Sean Nicholas Savage, ou encore chez les américains Xiu Xiu ou Tune-Yards. Le résultat jongle avec le soul, le funk, le rock, le jazz et le pop. On pourrait aussi dire que c’est un peu le Of Montreal des pauvres, mais ce serait réducteur et ça ne ferait pas le tour de tout ce qui se passe ici.

    Malgré ce que son titre semble présager, les pièces de Musique Impossible sont pour la plupart ornées de vocaux en anglais et quelques unes d’entre elles sont laissées libres de paroles, procurant des instrumentales de transition plus que bienvenues, placées ici et là sur cet album monstre de près de quatre-vingt-cinq minutes. La chanson titre ouvre l’album et voit son titre traduit, pour devenir Music Impossible, une pièce groovy et évolutive avec une dimension imprévisible et expérimentale. Elle représente bien l’album: excentrique, ambigue, ornée de sons disparates, parfois pathétiques, un peu comme Mr. Oizo peut en employer afin de se donner une contrainte ludique qui donne à sa musique, un fois le défi relevé, une touche originale et enjouée. La composition n’est en rien laissée au hasard, comme on peut déjà le constater sur la seconde pièce, une épopée instrumentale alliant la puissance contemplative d’un Philip Glass à l’imagine fertile de Frank Zappa quant aux rythmiques, aux mélodies et aux instruments employés, la fin de la pièce rappelant le travail de Ruth Underwood, fidèle collaboratrice du prolifique compositeur et guitariste. Lorsque le troisième titre commence, la comparaison avec Zappa et les Mothers se confirme alors qu’on semble plonger dans sa période de musique weirdo-léchée et synthétisée.

    Le reste de l’album révèle l’imagination débridée et la polyvalence de Karneef, qui mélange les genres tout en insufflant aux pièces un style assez caractéristique et reconnaissable comme une marque de commerce. Des grooves bizarroïdes qui pourraient rappeler la plus récente et quasi géniale parution de Neon Indian, alliant une pop des années 80 passée dans le tordeur du chillwave moderne, et dans ce cas-ci, par une bonne dose de Zappa. C’est notamment le cas de l’excellent titre « Homme Poubelle », qui présente par ailleurs encore une fois des paroles en anglais, malgré ce que le titre pourrait encore suggérer. La musique garde toujours un côté pop, un côté bizarroïde et un côté rétro, alors que la composition est finement tissée et le souci du détail est souvent évident.

    La durée de l’album passe proche d’être un handicap à certains moments, car certains titres vraiment plus étranges brisent un peu le rythme et rendent l’expérience moins fluide, mais l’artiste sauve la mise en insérant juste au bon moment d’autres titres finement confectionnés avec un groove agréable et une originalité rafraîchissante. Ce n’est pas pour rien qu’on lui colle parfois l’étiquette d’un « Jean Leloup  ontarien », il semble avoir de légers mais ludiques troubles mentaux, compose de la musique réussissant le tour de force d’être aussi originale qu’accrocheuse. Si on accepte d’ajouter l’indie électro rock américain des dernières années à l’éventail de ce québécois bien-aimé, on peut dire que l’épithète est appropriée. La polyvalence est aussi poussée à un degré supérieur et la musique est davantage mise à l’avant-plan que sur les parutions de ce dernier. Karneef s’impose comme un être étrange mais divertissant, dont les moments de folie contribuent à façonner le personnage sans devenir lourds, la manière dont il assume parfois ses accès d’excentricité étant tout à fait louable.

    (Photo par Antoine Bordeleau)
    (Photo par Antoine Bordeleau)

    Une fois bien digéré, l’album s’impose comme une oeuvre alliant la sensibilité, l’imagination, la culture et l’intelligence, le tout avec une touche excentrique fort assumée et un talent pour les mélodies accrocheuses et les rythmes changeants. Il serait avisé de le déguster dans des écouteurs pour bien apprécier la subtilité, sans quoi on pourrait passer à côté du plaisir que procure une écoute attentive de cette oeuvre aussi hétéroclite qu’aboutie.

    François-Samuel Fortin

    21 février 2016
    Albums
    bowie, funk, impossible, jazz, karneef, Montréal, musique, ontario, pop, rock, weird, zappa
  • [ALBUM] Radio Radio – Light the Sky

    [ALBUM] Radio Radio – Light the Sky

    Cinquième album pour la formation d’origine néo-écossaise, toujours sous l’étiquette Bonsound, Light The Sky est un tournant significatif autant sur le plan musical que linguistique. Jacques Doucet et Gabriel Malenfant optent cette fois-ci pour un style pop-électro, le tout en anglais uniquement. Avec Alex Mchanon à la réalisation (Plaster, Cargo Culte), Radio Radio s’est associé à divers artistes tels que Dj Champion, Sash’U, et J.u.D. afin d’explorer différentes rythmiques et mélodies.

    Tonight’s the night, la toute première piste de l’album donne définitivement le ton que notre oreille, encore habituée au dialecte chiac et au hip-hop funky, devra savourer. On commence en force avec une pièce haute en rythmes électroniques et au refrain dangereusement accrocheur. On pousse les harmonies vocales à un niveau supérieur, ce qui va tracer une silhouette pop, plus souvent utilisé lors des refrains, sans toutefois délaisser leur rap efficace habituel.

    Fidèles à eux-mêmes, le duo ne se limite pas qu’à un seul style sur cet album. On y amalgame une multitude sons, de genres et d’instruments. Sweather Weather, une pièce orchestrale rappelant le rapper allemand Peter Fox, Living a Dream au tempo plus lent et aux impressions de Jack Ü, Speed Up the Volume à la guitare basse slappée de Justice ou encore Light The Sky qui rappelle étrangement Pursuit of Happiness de Kid Cudi. Mention spéciale à Cause I’m a Hoe qui nous plonge littéralement dans l’époque surf rock où on retrouve un son de guitare à la Dick Dale ainsi qu’un caractère yéyé.

    La question de la mode et du party y sont évoqués avec une pincée d’humour, mais on retrouve des thèmes plus engagés tels que l’individualisme (Busy) et le rapport des gens à la musique (Then came the music).

    Somme toute, un album dansant et énergisant du début à la fin. Certains seront déçus de ne pas retrouver leur franglais qui caractérisait leurs dernières productions, d’autres seront agréablement surpris d’y trouver une démarche artistique plus approfondie.

    Julien Babin

    19 février 2016
    Albums
    Bonsound, Light The Sky, Radio Radio
  • [ALBUM] Basia Bulat – Good Advice

    [ALBUM] Basia Bulat – Good Advice

    Basia Bulat a sorti le 12 février son quatrième album Good Advice. Ce dernier suit le succès critique et populaire de Tall Tall Shadow. Il s’agit d’un virage plus pop pour celle qui nous avait habitués à un son plus folk.

    Après une rupture amoureuse, elle quitte Montréal pour le Kentucky et enregistre cet album chez Jim James (My Morning Jacket).

    Si Tall Tall Shadow racontait la perte d’un être cher, dans Good Advice la chanteuse est encore plus personnelle dans ses textes. La La Lie en est un bon exemple. Elle ne pleure pas cette relation, plutôt elle va revenir en arrière sur ce qu’elle aurait pu faire autrement.

    Sur Long Goodbye, on tape du pied, il s’agit d’une pop-folk au rythme infectieux qui brille de mille feux. Il s’agit d’une des pièces clés de l’album. Dans Let Me In, elle montre sa versatilité musicale.

    De nouveaux instruments se font un chemin dans la musique de l’auteure-compositrice-interprète : du synthétiseur, des percussions et une chorale. On reconnaît ici le travail de Jim James, qui ajoute un peu de profondeur à l’album et au style musical de l’artiste.

    La voix de Basia Bulat est puissante sur In the Name Of. Elle captive l’auditeur, qui se retrouve absorbé et accroché. La pièce-titre Good Advice est elle aussi aussi un bijou. La guitare et le piano donnent une profondeur aux paroles de Bulat. C’est une de mes préférées sur l’album.

    Les deux premiers extraits Infamous et Fool montrent bien le changement sonore déjà amorcé dans son album précédent.

    Cet album est facile d’approche et va plaire autant aux anciens fans de Basia Bulat, mais aussi fera de nouveaux fans. On parle d’amour, sans tomber dans le mélodramatique. Un changement de cap qui lui va bien.

    Pièces à écouter : Long Goodbye, Good Advice et Infamous.

     

    Marie-Ève Duchesne

    13 février 2016
    Albums
    Basia Bulat, Good Advice, Jim James, Secret City
  • [ALBUMS] Paupière et Bronswick lancent leur EP électro-pop franco

    [ALBUMS] Paupière et Bronswick lancent leur EP électro-pop franco

    Deux parutions fraîches que l’on doit à Lisbon Lux Records seront lancées conjointement lors d’une soirée organisée à l’occasion du troisième anniversaire de l’étiquette électro montréalaise. Deux EPs sous la barre des vingt minutes, mais qui apportent tout de même de l’eau au moulin de la scène électro montréalaise et qui capitalisent sur des voix féminines et des textes en français.

    Il faut avouer que la bande de LLR semble toujours dénicher des trucs qui concordent avec leur esthétique solide et envoûtant, la plupart des artistes proposés par l’étiquette jouissant d’une sonorité hallucinante et d’éléments stylistiques fignolés avec soin. De Beat Market à Le Couleur en passant par Das Mortal, leur marque de commerce a toujours impliqué des sonorités électroniques inspirées tant des succès commerciaux européens qu’américains et par une esthétique léchée. Les deux formations dont il est question ici ne font pas exception à la règle fixée par l’étiquette lors de sa fondation.

    paupie-re-jeunes-instants-cover-1440

    On retrouve d’abord Paupière, une troupe menée par Pierre-Luc Bégin (We Are Wolves) et complétée par deux filles au doux timbre de voix et au joli minois, que l’on peut d’ailleurs admirer dans le vidéoclip qui sert de carte de visite à l’hypnotisante «Cinq heures», le premier extrait de «Jeunes instants». Ce n’est que sur le troisième titre qu’une voix masculine vient donner la réplique aux demoiselles, outre les sept petits mots dans la chanson mentionnée précédemment, et on se demande pourquoi ce nouvel élément vocal, bien stylé et juste assez sobre, n’est pas davantage exploité dans leurs compositions. Les paroles sont empreintes de symboles et assez énigmatiques. Les quatre pièces sont par ailleurs à la fois variées et cohérentes, mais elles constituent davantage une mise en bouche qu’un plat de résistance. L’album que laissent présager ces quatre morceaux, parfois downtempo et parfois plus dansant, devrait être fort intéressant.

    BronswickEPArt

    La seconde formation qui lance son premier EP, «Chassés-croisés», c’est Bronswick, un duo formé de Catherine Coutu et Bertrand Pouyet. Le projet est né sous l’initiative de Pouyet et Coutu est arrivée lorsqu’il cherchait un vocal féminin pour compléter ses compositions. Tout porte à croire qu’il a adoré le vocal de sa comparse car il lui a fait la part belle dans le mix, pêchant par l’excès à mon goût, car la proéminence des vocaux empêche de bien apprécier la musique à sa juste valeur. L’esthétique ici est plus commerciale, mais les synthétiseurs amènent un effet de nostalgie vraiment intéressant, surtout sur le premier titre, «Comme la mer». La production est vraiment réussie ici aussi, et on reconnaît encore l’esthétique Lisbon Lux. Leurs influences allant de Mylène Farmer à Depeche Mode en passant par The Knife, The XX et The Dø.  Le tout est assez posé et diversifié pour susciter l’intérêt, bien que ce soit parfois un peu trop sucré et fruité.

    La soirée de double lancement pour Bronswick et Paupière pour le troisième anniversaire de Lisbon Lux vient avec une performance des deux groupes et des DJ sets par Le Couleur et Fonkynson+Das Mortal, le vendredi 26 février au Théâtre Fairmount à Montréal.

    Plus d’info par là:
    https://www.facebook.com/events/840273516119265/
    http://lisbonluxrecords.com/

    François-Samuel Fortin

    12 février 2016
    Albums, Spectacles
    Bronswick, électro, franco, Indie, Lisbon Lux Record, Montréal, Paupière, pop
  • [ALBUM] Koriass – « Love Suprême »

    [ALBUM] Koriass – « Love Suprême »

    Disques 7e ciel

    Sortie : 5 février 2016

    Réalisation : Koriass et Philippe Brault

    En 2002, le collectif 83 interrompait le gala de l’ADISQ pour revendiquer une place à la scène rap dans les médias. Presque 15 ans plus tard, le rap queb semble être en pleine ébullition et l’on dirait que ça a évolué à la puissance V dans les dernières années. Si Alaclair Ensemble et Dead Obies ont éclaté les barrières, Koriass en est ressorti comme l’une des figures de proue, représentant à la fois le rap songé et la nouvelle vague.

    Avec Love Suprême, Koriass se met la barre haute. Un titre inspiré du classique de John Coltrane et une référence au « Love is all you need » de Lennon. Se mettre la barre haute, c’est un peu le propre du rap, tout le monde veut se prouver comme étant le roi. Kanye s’est comparé à Jésus dans le passé.

    N’empêche, dans Love suprême, ce n’est pas seulement une attitude, mais un thème clé. Koriass narcissique ? Oui et non. Le fil conducteur de l’album est l’amour, mais en parallèle, toutes ses contradictions. L’amour de l’autre versus l’amour de soi. Meilleur que tout le monde, mais sensible et nuancé à la fois. Il y a un début, un milieu et une fin à cet album, l’amour progresse comme une quête de vérité. En ce sens, les deux premiers titres Leader et Légendaire sont tellement égocentriques que c’est un peu lourd.

    « Arrête de fronter comme si j’avais pas l’album de l’année / Arrête de fronter, sors ton carnet je vais te l’autographier ». – Légendaire

    Mais rapidement, on comprend l’ironie. Nul autre que Gilbert Sicotte nous le rappelle dans quelques interludes-sermons, tel un père pas fier de son fils.

    « Regarde ce que t’es devenu, t’es une parodie de toi-même » – Hate suprême # 3

    On ne peut passer sous silences les références politiques, notamment dans Nulle part où le rappeur cite Pierre Falardeau, se compare à Victor-Lévy Beaulieu et crache un « fuck la reine ». Je mettrais un 20 $ que Guy A. Lepage va lui demander son avis sur le PQ, ce dimanche à Tout le monde en parle.

    S’en suit une série de chansons particulièrement intéressantes, avec une poésie subtile, loin des clichés, dont Ouvre ta fenêtre, où Koriass aborde pauvreté et famille à travers la routine de vie de quartier.

    « Un bum qui fouille dans mes vidanges comme si y’allait trouver un kilo d’or/ Les kids dehors qui réveillent ma fille qui dort/ Un whip qui passe bump un track de Kendrick Lamar. » – Ouvre ta fenêtre

    Belle surprise dans Jolies Filles, chanson sensuelle où Lary Kidd (de Loud Lary Ajust) sort clairement de sa zone de confort. Une de mes chansons favorites, pas pour les textes, mais pour le flow et ce même si Lary fausse (un tout petit peu) dans le refrain. De son côté, Loud participe à Pardon.

    L’album se termine par Rien d’autre, qui se veut un début de réponse aux grandes questions posées au fil du disque. La gloire comme la plus forte des drogues, la vie comme un combat et l’amour pour survivre.

    Depuis 83, on a fait un sacré bout de chemin. J’ai hâte au nouveau Dead Obies.

    Lancement à Québec le 5 février

    Lancement à Montréal le 6 février

    Olivier Lessard

    7 février 2016
    Albums
    7e ciel, Koriass, love suprême
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