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    [ENTREVUE] Rust Eden

    Alexandre Larin et David Bastien sont «un amour de jeunesse». Musicalement parlant. De leurs jams chez le papa d’Alexandre à St-Eustache est subtilement né Rust Eden puis, lors de leur colocation en sol montréalais, leur deuxième opus, Apartment Green s’est progressivement construit. Premier projet signé sur la jeune étiquette Chivi Chivi, Rust Eden est le point de convergence du rock, du psychédélisme mid-sixties et de l’esprit seventies. Mais, oubliez les clichés, car, rien n’est forcé. Leur oeuvre est simplement le reflet de leur personnalité.

    7 mai 2016 : Le soleil de plomb réchauffe un Divan Orange bondé pour le lancement d’Apartment Green en formule 5 à 7. Au sous-sol, entourés d’un chaos visuel éclectique, Alexandre (chanteur et guitariste), David (bassiste) et moi discutons. Les gars s’apprêtent à monter sur scène en compagnie du batteur Marc-Antoine Sévégny, du guitariste Étienne Broué et du claviériste Benoît Parent qui complètent la formation live.

    Assis sur le divan orange, leur façon de gérer le stress, diamétralement opposée, laisse immédiatement transparaître leur complémentarité. Alexandre, plutôt agité, évacue la tension en désarticulant un Spiderman en plastique, alors que David, calme, réservé et armé de son Red Bull, semble tout garder à l’intérieur. Leur univers m’intrigue et je veux en connaître davantage.

    Alexandre et David me racontent qu’ils se connaissent depuis la fin du secondaire et qu’ils ne se souviennent pas avoir eu de projets musicaux distincts. «On a pas mal commencé ensemble», souligne David. «Je savais qu’Alexandre jouait de la guit, je me suis acheté une basse. Je jouais du drum quand j’étais tout petit, je voulais aller vers quelque chose de plus mélodique». «Dès qu’on s’est rencontrés, on a commencé à jammer. […] Ça a cliqué tout de suite», affirme Alexandre.

    Ce dernier vient d’une famille où la musique est très présente. «Mon père et mon grand-père étaient musiciens. Y’a toujours eu des instruments à la maison, ça a toujours été une bonne place pour jammer». Mais, le véritable élément déclencheur, c’est lorsque le père d’Alexandre a fait l’acquisition de matériel pour un studio maison. «Ça a réveillé de quoi parce qu’on pouvait enregistrer toutes nos idées. On en a enregistré en tabarouette», poursuit le chanteur.

    Le concret

    Rust Eden n’a pas vu le jour immédiatement. «Ça a pris un méchant bout avant qu’on ait un band. On était juste deux, on faisait nos tounes», se rappelle Alexandre. «On était ben gênés, on montrait ça à personne», renchérit David. «Même notre famille savait pas trop. Elle savait qu’on faisait de la musique, mais on ne leur faisait pas trop écouter. On était ben autocritiques», se remémore Alexandre. «Un moment donné, on a fait bon, ça va faire le niaisage. On a déménagé à Montréal pis on a réussi à se trouver des musiciens pour faire des shows. On voulait sortir un peu du studio».

    Crédit photo : Anne-Julie St-Laurent

    Contraste entre la pureté qu’évoque l’Éden et le côté sale de la rouille, le nom du groupe résulte de la fusion partielle de titres d’albums marquants pour la formation. «Rust, ça vient de Neil Young. On est des gros fans pis un de ses albums s’appelle Rust Never Sleeps. On cherchait un autre mot pour aller avec ça. Ça vient d’un album qu’on écoutait pas mal quand on est arrivés à Montréal qui s’appelle Spirit of Eden de Talk Talk», explique David. «On avait de la misère. On a un bon sens du ridicule là-dessus donc l’inspiration qu’on avait pour les noms de bands, c’était affreux», rigole Alexandre.

    Le petit deuxième

    Apartment Green représente l’entité de leur ancien appartement montréalais où a été composée la majeure partie de l’album. Un dérivé colorimétrique d’un genre de «blues d’appartement». «On faisait juste composer tout le temps, on n’avait rien d’autre à faire en fait. C’était vraiment un trip très introspectif dans ces années-là, on sortait pas beaucoup pis on était comme dans notre trip ben ben personnel, ben deep. C’était juste la façon d’exprimer cet appartement-là. C’est autant des trips ben abstraits que des affaires ben concrètes», mentionne Alexandre.

    «C’est ben personnel, plein de situations dans nos vies mises en musique, en chansons», poursuit David. «Cette période-là dans l’appartement, c’était pas mal des hauts pis des bas, comme l’album dans le fond. Y’a des bouts que c’est beaucoup nostalgique, d’autres que c’est plus fonceur.»

    Rust Eden - Apartment Green (Chivi Chivi)
    Rust Eden – Apartment Green (Chivi Chivi)

    Enregistré au Studio B à Montréal, cet opus représente une évolution musicale par rapport à l’instrumentation plus simple du précédent. «On s’est vraiment pété un trip de psychédélique, des synthétiseurs pis tout le kit. On voulait que tous les aspects de l’album soient bien travaillés, qu’à tous les aspects, on y aille au maximum de ce qu’on peut faire en DIY», indique Alexandre. «C’est un peu sensoriel aussi, le côté psych qui rejoint la musique», ajoute Benoît qui se glisse discrètement dans la discussion.

    Effectivement, Rust Eden joue avec nos sens en créant autant une expérience visuelle, à l’aide de projections, qu’auditive pour le spectateur. «On a toujours tripé sur des bands comme Pink Floyd, Genesis. C’était des espèces de mises en scène super fuckées. Sans refaire ça, je pense que d’avoir des petits éléments qui font juste rajouter au spectacle, c’est juste cool. Je trouve que ça ajoute à l’expérience d’avoir un peu de visuel en show», soutient Alexandre.

    Le prog, le doute et les chemises fleuries

    Dans la création, Alexandre et David font la paire. «On travaille tout le temps pas mal tout ensemble», indique David. «On compose juste à deux pis les gars ajoutent leur touch», explique Alexandre. Se considèrent-ils comme un duo ou un quintette? «J’aime ça le voir comme un band. Sans les gars, on ne serait pas capable de faire quoi que ce soit tant qu’à moi. C’est tellement important d’avoir cette gang-là. Je les vois plus que juste des musiciens engagés parce qu’anyway, sont pas ben ben payés. (rires)»

    Les images VHS, les turtlenecks, le son un brin rétro. Avec Rust Eden, on a l’impression de vivre l’ambiance sixties-seventies. Les gars m’assurent qu’ils ne sont pas nostalgiques de cette époque, que c’est simplement ce qui les attire naturellement. «J’ai l’impression qu’en 2016, on a le recul pour choisir le style qu’on veut. J’ai toujours aimé ça, j’ai toujours été comme ça, j’ai toujours porté des esties de chemises fleuries. Au secondaire, tout le monde était skate pis moi j’avais les cheveux longs…C’est ça qui nous ressemble le plus», précise Alexandre. «Ça aurait pu être n’importe quelle époque, c’est juste qu’on aime les trucs ben éclatés qui sont plus deep, vrais, pas trop fla-fla pop… des trucs qui veulent dire de quoi pis qui font voyager. Veux, veux pas, ça adonne que les années 60-70, c’est beaucoup de ça.»

    Crédit photo : Anne-Julie St-Laurent
    Crédit photo : Anne-Julie St-Laurent

    Parmi leurs albums chouchous, on retrouve The Lamb Lies Down On Broadway de Genesis et 13 de Blur. «Le côté prog, oui on en a écouté, pis oui on a voulu faire de quoi de différent qui est un peu une réponse à ça, d’y aller plus court, mais tout en ayant des concepts intéressants. C’est ça qu’on a essayé de garder du prog. Le monde associe souvent le prog à des affaires super quétaines, cheesy : ah du prog, c’est genre y’a une moustache avec une cape. Nous autres, on voulait quand même être plus hot que ça, tsé. (rires) Mais ça nous a beaucoup influencés quand même parce que ça nous a montré une genre d’ouverture musicale assez débile», explique Alexandre.

    Malgré la confiance qu’il affiche, le leader du groupe a aussi ses moments de doute. Il me raconte une anecdote en lien avec la création de la chanson Up Town, qui se retrouve sur Apartment Green. «On était un petit peu avancés cette soirée-là disons, pour être polis. On a commencé à enregistrer la toune pis moi j’étais sur un bad trip, ben tsé j’étais pas bien. J’angoissais, pis Dave lui, y’était super cool. Il faisait son riff pis tout allait ben. J’étais comme c’est de la marde, j’ai perdu totalement le talent de composer, chu pu capable, chu à chier…», se souvient-il.

    «Le lendemain matin, je me réveille, je vais écouter la toune. Je suis comme crisse, c’est bon ça! (rires) La toune est sur l’album. Ça m’a donné confiance. Arrête de t’en faire, fais juste des tounes pis ta gueule!»

    Rust Eden fera quelques spectacles estivaux avec la mission de «spread the love!» Gens de Québec, une date chez vous pourrait être annoncée bientôt! Restez à l’affût!

    18 juin 2016 – Zénob, Trois-Rivières

    9 juillet 2016 – Casa Del Popolo, Montréal

    Marie-Thérèse Traversy

    18 mai 2016
    Entrevues
    #Apartment Green, #Rust Eden, #Studio B, divan orange, Montréal, rock
  • [ENTREVUE] Plants & Animals

    [ENTREVUE] Plants & Animals

    Nicolas Basque est un guitariste montréalais officiant dans la formation rock Plants & Animals avec le chanteur Warren Spicer et le batteur Matthew Woodley. Si la formation a enchainé les parutions à un rythme soutenu lors de ses premières années, il y a maintenant 4 ans qu’ils ont gracié les mélomanes d’un nouveau disque. Celui-ci, Waltzed in from the rumbling, paraîtra sur Secret City Record dès le 29 avril prochain. Entre temps, j’ai eu la chance de m’entretenir avec Basque au sujet de l’album, de la tournée à venir, mais aussi des différentes collaborations qui ont ponctué les récentes années. 

    (Photos par Julien Baby-Cormier)

    Plants & Animals
    Nicolas Basque
    Dès les premières secondes de l’entrevue, on ressent l’excitation autour de la sortie de ce nouveau disque. D’emblée, Nicolas confie que les premières réactions sont positives: «On a joué les pièces quelques fois en spectacle, les gens viennent nous voir pour nous dire qu’ils ont hâte d’entendre le disque, qu’ils ont aimé les tounes. Ça garde les gens captifs, c’est déjà un signe encourageant.» J’assitais d’ailleurs à l’un de ces spectacles de rodage au Morrin Centre en juin dernier et la performance des chansons, même parfois inachevées, m’avait laissé une impression fort positive.

    Si le son de l’effort précédent, The end of that, était assez uniforme, le groupe a cette fois amalgamé plusieurs idées et plusieurs sonorités. Les deux albums précédents étaient issus de séances assez serrées où le groupe avait une idée claire de ce qu’il voulait. Cette fois, les séances furent espacées et beaucoup moins expéditives. La Fender Mustang de Basque et la douze cordes du chanteur Warren Spicer qui teignent l’univers assez acoustique de plusieurs chansons sont souvent accompagnées de piano, de synthétiseurs et aussi de violons. C’est Garbriel Ledoux, un jeune arrangeur que Spicer a rencontré en enregistrant l’album de Ludovic Alarie, qui a réalisé les arrangements de cordes pour l’album. Au sujet de l’album précédent qui avait reçu un accueil plus tiède, il ajoute: «Ce n’était pas une grande surprise, c’est un disque sur lequel il y a des trucs plutôt cool, mais aussi des chansons moins abouties qui collaient moins au son du groupe. Des fois lorsqu’on est assis entre deux chaises ça donne un résultat mitigé. C’est certain que ça nous a affecté; on souhaite toujours que ça fonctionne bien, mais en même temps on était un peu en réaction face aux disques précédents.»

    Cette fois, les chansons ont eu le temps de mûrir. Les séances d’enregistrement étaient plus espacées et le groupe a pu tester ce qui fonctionnait en spectacle. «Ça ressemble plus à la façon dont on a fait le premier disque. On avait du temps devant nous. Notre but c’était de se créer un environnement parfait où on pouvait se renouveler, être créatif et trouver le meilleur de nous. On a choisi le luxe du temps pour pouvoir aller au fond des choses. On ne voulait pas avoir le sentiment qu’on aurait pu changer des trucs sur telle ou telle toune.» Ce processus a donc permis au groupe de livrer beaucoup de matériel lui permettant de faire des choix éclairés pour bien entourer les pièces maîtresses de l’album. Le matériel restant, dont une chanson très orchestrale arrangée par Ledoux, pourrait voir la lumière du jour éventuellement. Ce processus s’établit naturellement au sein du trio: «On est vraiment privilégié, on est plus comme une famille qu’un groupe, on se voit presque tous les jours», raconte Basque.

    Le titre de cette nouvelle oeuvre, Waltzed in from rumbling évoque l’état d’être de quelqu’un qui continue à valser même si tout tremble autour de lui. À ce sujet Basque explique: «Il y a une image que Warren avait donnée qui représente bien l’album. Lorsque tu vois à l’aéroport 2 personnes qui se serrent dans leurs bras, il y a un mélange de tristesse et de joie; on ne sait pas trop si les personnes se retrouvent ou se séparent. (Le titre) c’est cet état d’entre-deux où malgré l’adversité, tu continues à danser.»

    Questionné au sujet de son attachement à un nouveau morceau en particulier, il répond: «C’est souvent en jouant live qu’on découvre celles qu’on préfère, mais honnêtement, je pense que c’est la première fois que je termine un disque et que je suis fier de toutes les chansons. J’ai l’impression qu’on est allé au bout de ce qu’on voulait faire avec chacune d’elle. C’est sûr qu’une pièce comme « Stay » représente vraiment bien l’album.»

    Ce luxe qu’est le temps a aussi permis à Basque de collaborer avec d’autres musiciens et le destin de ces multiples rencontres aura influencé l’approche de création. «J’ai fait beaucoup de musique de théâtre, puis il y a eu Philémon Cimon qui m’a approché avec Philippe Brault. Ça nourrit le processus de jouer avec d’autres gens et c’est bien de faire partie d’une communauté de musiciens. François Lafontaine, avec qui j’ai joué sur scène pour Marie-Pierre Arthur, est venu jouer sur deux pièces du disque; je lui faisais entendre des chansons, il trippait et c’était encourageant. Même si on prend les décisions à trois, on a eu beaucoup d’input de la part d’autres musiciens et c’était important. J’adore jouer avec d’autres gens, ça permet de découvrir un autre vocabulaire, d’autres façons de travailler. Avec Marie-Pierre, c’est vraiment une super gang de musiciens et Philémon c’est un genre de Jean Leloup qui est totalement lousse. Sur scène il faut rester sur le qui-vive, c’est vraiment le fun. Puis il y a Adèle Trottier-Rivard qui chante sur plusieurs pièces de l’album et qui nous accompagnera en tournée et c’est génial parce que c’est une super percussionniste et une super chanteuse. Ça amène une énergie nouvelle de l’intégrer aux concerts.» Le groupe part en tournée dans quelques semaines, mais il faudra attendre l’automne pour profiter des nouvelles pièces en concert. Un moyen d’arriver devant famille et amis avec un spectacle bien rodé. Bonne nouvelle pour nous, la formation est toujours une valeur sûre.

    Questionnaire musical en vrac:

    Quel disque représenterait le mieux ton adolescence?

    J’écoutais beaucoup des trucs progressifs. Probablement Primus, l’album Sailing the seas of cheese.

    Y a-t-il un disque qui a fait l’unanimité dans la van lors de la dernière tournée?

    C’est difficile, ça fait longtemps, on était en France. On devait écouter du Serge Gainsbourg. L’homme à la tête de chou ou Histoire de Melody Nelson.

    Est-ce qu’il y a un groupe avec qui tu aimerais partager la scène?

    Il y en a plein, mais un avec qui nous avons joué il y a vraiment longtemps et avec qui j’aimerais performer à nouveau, c’est Wolf Parade. Ça a vraiment influencé comment on approche nos shows. À l’époque j’étais sceptique à leur sujet, mais ils m’ont marqué, c’est un des meilleurs groupes que j’ai vu live.

    Quel serait un de tes albums québécois préférés?

    Tout le band a beaucoup écouté Jaune de Jean-Pierre Ferland lorsqu’on a commencé à tourner. C’est un classique.

    Est-ce qu’il y a un artiste pour qui tu es particulièrement fébrile de découvrir la nouvelle musique?

    Je suis vraiment curieux d’entendre le nouveau PJ Harvey. Dans les dernières années, j’ai été très impressionné par le hip-hop aussi, Kendrick Lamar entre autres. C’est très créatif avec l’utilisation du jazz. Il est très inspirant.

    Quel serait le meilleur spectacle que tu as vu dans ta vie?

    En musique ou n’importe quoi? Parce qu’il y a un spectacle qui a changé ma vie, c’est Cabaret neige noire de Dominic Champagne dans lequel il y avait de la musique live. C’était au Rialto. J’étais allé seul autour de 16 ans et c’est après ce spectacle-là que j’ai décidé de faire de la musique pour gagner ma vie.

    Finalement, quel serait ton dernier coup de coeur musical?

    C’est plus expérimental, mais j’ai beaucoup aimé le dernier disque de Tim Hecker (Love Streams). Sinon Warren m’a parlé de Mauves. Leur prochain disque est réalisé par Emmanuel Éthier et chaque fois, il allait entendre le mix des chansons et il trippait. Il entendait ça dans le studio et il disait que c’était super excitant.

    Waltzed in from the rumbling paraît le 29 avril, Plants and Animals sera en concert au Satyre de Trois-Rivières le 4 novembre, puis au Cercle le 11 novembre 2016.

    Plants & Animals

     

    Julien Baby-Cormier

    26 avril 2016
    Entrevues
    Nicolas Basque, Plants & Animals, Plants and Animals, Warren Spicer
  • [ENTREVUE] SOLIDS : ELSE AND OTHER THINGS

    [ENTREVUE] SOLIDS : ELSE AND OTHER THINGS

    C’est en me dirigeant vers le complexe Méduse, salle officielle des nuits psychédéliques cette année, que j’allais rejoindre les membres de SOLIDS (Montréal), incluant Xavier Germain-Poitras, Louis Guillemette et tout récemment, Guillaume Chiasson. J’allais réaliser la première entrevue de toute ma vie. Il va sans dire que j’y choisi des visages familiers, voir de bons copains et par le fait même un excellent groupe de musique, afin de minimiser les dégâts du stress qui m’habitait à ce moment-là. L’ex-duo, maintenant devenu trio, vient tout récemment de sortir un nouveau EP de quatre chansons simplement intitulé « Else ». Un vinyle doté d’un visuel en béton, fidèle à leur amour pour les jolies choses. Avec une longue tournée de plus d’une cinquantaine de dates ciblées partout à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe, c’est à Mirabel hier soir qu’ils ont brisé la glace avec leur nouvelle formule, c’est-à-dire l’ajout d’un deuxième guitariste venant définitivement mettre l’emphase sur les sonorités particulières du nineties rock de Solids. C’était maintenant au tour des nuits psychédéliques de Québec de vibrer sous les impressionnantes textures soniques du groupe. Après les salutations et les accolades propres à de bons bougres comme ces dudes-là, on se met tous d’accord pour aller tranquillement se poser au Café Maëlstrom. Là-bas, j’avais toujours pour mission de tenir une petite entrevue avec eux, afin d’éclairçir certaines interrogations encore quelque peu brouillon dans mon esprit. Sirotant nos cafés dans cette calmitude légèrement bruyante, je me mets au boulot en me jurant secrètement de ne pas sonner comme Guy A. Lepage et j’attaque tantôt naïvement, tantôt maladroitement une première question:

    Vous avez sorti un tout nouveau EP intitulé « ELSE » signé dinealone / topshelf records le 15 avril dernier. Un album fortement anticipé par plusieurs. Les deux extraits en écoute libre sur les réseaux sociaux laissaient présager un rock nineties un peu plus slacker, dans la lignée des Pity Sex ou des Yuck de ce monde. Après la tempête de Blame Confusion sorti en 2015, voyez-vous Else comme une continuité du dernier album ou tentez-vous d’explorer de nouvelles avenues au niveau des sonorités?

    [Xavier]
    Je pense que c’est une continuité, mais tout ça reste différent. Ce n’est pas énormément différent de ce qu’on a fait avec Blame Confusion, mais on avait un désir au départ de ne pas refaire la même chose non plus.

    [Louis]
    Les quatre morceaux sont différents les uns des autres. Le fait qu’il y ait plus qu’une ligne de guitare, ça change le son qu’on avait au départ.

    [Xavier]
    J’ai l’impression que ça ajoute quelque chose au lieu de changer le son complètement.

    Vous avez opté pour une approche relativement minimaliste au niveau des visuels avec le cover du EP, mais aussi avec le videoclip d’animation pour le single « Blank Stare ». De très jolis visuels dailleurs. Qui est derrière la réalisation de tout ça?

    [Xavier]
    Pour ce qui est de la pochette, c’est Alexis Coutu-Marion chez Charmant & Courtois. C’est un peu ensemble qu’on a fait la réalisation du cover en tant que tel. Pour ce qui est de la réalisation du clip, c’est notre ami Emilio Esteban qui est établi en Suède depuis quelques mois. Il a commencé le clip à Montréal et l’a terminé à Stockholm. En sortant Blame Confusion, on avait été content de l’effet du visuel avec le magic eye, mais on trouvait que de loin, c’était pas assez tape-à-l’oeil. On a donc opté pour quelque chose de plus minimaliste; les lignes plus grossières, aller travailler quelque chose de plus brut.

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    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=TjpPtLTUfgc]


    -Vous ne faites aucun compromis au niveau du compte rendu d’un objet en lien avec Solids. Tout semble passé au peigne fin, de façon à ce que la musique soit en symbiose avec les artworks. Êtes vous très rigoureux sur cet aspect?

    [Xavier]
    parfois un peu trop rigoureux.

    [Louis]
    (rires)

    [Xavier]
    en meme temps, c’est important d’être à ses affaires. Plusieurs bands négligent souvent cet aspect-là, ils vont le faire faire par quelqu’un d’autre sans trop trop s’en occuper; je pense que c’est quelque chose d’important à faire consciemment.

    -Et quant à la sélection de morceaux se retrouvant sur le disque? Pourquoi avoir opté pour un EP au lieu d’un Full Lenght cette fois-çi?

    [Xavier]
    Non, c’est plutôt ces quatre chansons là qu’on avait et justement ça faisait du sens de faire un EP parce que c’était quatre chansons relativement différentes les unes des autres. C’est aussi le fait qu’on avait pas sorti quelque chose depuis un an et demi / deux ans, on voulait avoir de nouvelles chansons à présenter le plus rapidement possible.

    [Louis]
    Adrian Popovich (réalisateur) nous avait dit: « Ah ça serait cool que vous veniez en studio une journée, on pourrait enregistrer une chanson » et en fin de compte on s’est dit que tant qu’à aller faire une chanson pour un 7 Po, on va rester plus longtemps; c’est ça que ça a donné en bout de ligne.


    -Comment fût le processus de création du EP? De quelle façon vous y êtes-vous pris?

    [Xavier]
    On a pas mal tout composé au local; plusieurs chansons ont changé du tout au tout dans la structure.

    [Louis]
    En studio on a vraiment joué au puzzle avec les chansons. C’était un peu capoté.

    [Xavier]
    Des fois, il y avait certaines chansons qu’on avait enregistré d’une certaine façon; après écoute, on les a littéralement charcutées.

    -Quel sont les propos abordés sur l’album? Est-ce que ELSE tourne autour d’un thème en particulier?

    [Xavier]
    Avec le recul, ça parle beaucoup de « stagnation », voire d’immobilisme. Mais on reste quand même assez vague dans les paroles pour que tout le monde puisse interpréter sa version de la chose.

    -Étant deux cerveaux convergeant sur le même dessein depuis maintenant un certain moment, avez vous développés des liens télépathiques?

    1929939_1124022254277455_8350346707976049974_n [Xavier]
    Bah quand même.

    [Louis]
    I guess. Je pense que tu t’en rends pas compte vraiment.

    [Xavier]
    Des fois, on peut finir la phrase de l’autre.

    -Avec Solids, la magie s’opère particulièrement à quel endroit? En studio ou en tournée?

    [Louis]
    Personnellement, je me considère plus comme étant un dude de spectacle que de studio. J’aime ça aussi être en studio, mais ça m’arrive souvent de me dire « fuck, j’ai hâte de jouer ça live. » Je suis un peu pogné entre les deux on dirait.

    [Xavier]
    Je pense qu’avec Solids, ça se vit plus live. C’est le fun de faire des albums, mais il y a un niveau de volume minimum pour apprécier la patente comme on pense qu’elle se doit d’être appréciée.

    [Louis]
    Je pense que Solids à la base c’était plutôt un projet live. On voulait faire des shows. On voulait comme… Détruire. Pis c’est ça. Six ans plus tard, on est ici.

    Vous avez recruté Guillaume Chiasson (Ponctuation, Jesuslesfilles) comme troisième membre. Comment trouvez vous la nouvelle formule?

    [Xavier]
    Je suis très content c’est….

    [Guillaume]
    Je peux m’en aller, comme ça vous pourrez dire la vérité.

    (Rires)

    [Louis]
    Non c’est ça, ça a vraiment ajouté quelque chose de plus; je pense qu’on en avait de besoin.

    [Xavier]
    Ça a ouvert le son du band en général; c’est encore super loud, mais ça respire plus; aussi, j’ai moins de pression à tout faire les parts en même temps.

    [Louis]
    Pis, c’est plus facile de voyager dans les chansons.

    [Xavier]
    Oui. Le jam est beaucoup plus facile.

    [Guillaume]
    Je pense que ça éclaircit certaines lignes mélodiques dans la guitare. Des choses que Xavier faisait et qu’on entendait peut-être pas assez. Je vais surtout surligner des passages.

    [Louis]
    Il y a beaucoup de monde qui m’ont dit: c’est peut-être mon huitième show de Solids, et il y a plein de choses que j’avais comme jamais entendu..

    [Xavier]
    Il y a plusieurs éléments que Guillaume fait qui n’étaient juste pas là auparavant. Les nouvelles chansons étaient déjà prêtes pour deux guitares, mais pour les vieilles chansons, on a dû en retravailler plus d’une. Pis ça les rend encore meilleures qu’elles étaient avant.

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    Crédit: Jay Kearney.

     

    -Dans le futur de cette histoire, est-ce qu’il devient un membre à part entière et Solids devient un trio?

    [Xavier]
    Oui, c’est ça le plan. Quand Guillaume est arrivé dans le groupe, c’était: on est rendu un trio maintenant. Même à l’époque où on composait Else, Guillaume était en tournée pour la sortie du deuxième album de Ponctuation, donc c’était pas facile de pratiquer avec lui, mais je pense même que si cela avait été possible, il aurait été inclu dans la composition-même. Le but, c’est qu’à l’avenir, il soit définitivement dans le processus créatif.

    –Vous partez pour une très grosse tournée ce printemps. Plus de 50 concerts à travers le Canada, les États-Unis et l’Europe et ce jusqu’à la mi-juillet. Êtes vous excités?

    [Xavier]
    Oui! c’est cool, ça va faire du bien. C’est un peu comme partir en tournée avec un nouveau band aussi. C’est différent et on a hâte de le faire découvrir. Il y a pleins de gens qui nous ont vus en Europe les deux fois qu’on y est allés, mais de retourner là-bas et de présenter le projet en trio, c’est excitant. Jusqu’à maintenant, on a juste des bons feedbacks.

    [Guillaume]
    Si on pouvait toujours jouer a Mirabel, ça serait l’idéal. Mais…

    (rires)

    [Xavier]
    Mais… pas toujours.

    – Un jour, mon petit doigt m’as dit que votre tournée pourrait même s’étirer jusqu’en Chine. Vrai ou faux?

    [Louis]
    Vrai. Mais ça fait pas partie de la tournée. On aimerait ça faire une tournée là-bas par contre.

    [Xavier]
    Oui, on aimerait ça. On va aller faire un show en Chine et peut-être une couple d’autres dates si on s’organise « on the fly ». Ce qui va être compliqué là-bas, ça va être de trouver les amplis qui fonctionnent pour nous. Ça a l’air que c’est pas toujours évident les backlines là-bas.

    [Louis]
    C’est ça. On va jouer à Shanghai au mois de septembre. C’est sûr qu’on va pas juste jouer là-bas et revenir tout de suite après. On va aussi voyager et se faire du fun.

    [Xavier]
    Tant qu’à être là-bas avec des cymbales et des guitares, on va essayer de se trouver des opportunités.

    – Pour terminer, quels sont vos coups de coeurs musicaux de 2016?

    [Louis]
    Le nouveau SUUNS. Il y a aussi le nouveau Animal Faces qui est pas sorti encore (rires).

    [Xavier]
    Moi j’écoute beaucoup de Nap Eyes, un band de Halifax. Ils viennent de sortir un deuxième album.

    [Guillaume]
    Je dirais Dernier Sex.

    C’est tout pour moi. Merci les gars!

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    Crédit: Jay Kearney.


    Comme notre entretien touchait à sa fin, je laissais le groupe filer entre deux ou trois imitations de François Pérusse. Les gars ne semblaient pas le moins du monde intimidés par le spectacle du soir-même, ni par la montagne de prestations qui s’échelonneront sur une grande partie de l’été.
    Solids est définitivement un band à voir live. Quelque chose de palpable, une énergie très viscérale, se dégage de leurs performances. Les textures sonores écrasantes, nous invitant à volontairement se laisser envahir, semblent à la fois abstraites et lumineuses. Étrangement, on y trouve la liberté de se sentir léger. C’est une belle naïveté, très contagieuse qui émane de leurs chansons. Une autre aventure s’enclenche pour le groupe de la ville de Montréal et ça sent bon le printemps!

    Ne manquez pas Solids au Festival d’été de Québec le 15 juillet prochain à l’ANTI.

    http://www.infofestival.com/Artistes/Artistes-A-Z/#!programmation=artist$solids/130

     

    Joey Proteau

    18 avril 2016
    Entrevues, Festivals
    Les nuits psychédéliques, Solids
  • [Entrevue] Suuns

    [Entrevue] Suuns

    IMG_1398À l’aube de lancer leur 3e album Hold/Still, le groupe montréalais Suuns s’embarque dans ce qui sera sans doute une éreintante tournée. Des mélomanes partout en Amérique du Nord et en Europe vibreront dans les prochains mois au son de la musique oppressante, entêtante et singulière du quatuor. À l’écoute de ce 3e chapitre, un disque exigeant, mais tout aussi magistral que le précédent, il semble que le groupe n’avait qu’un but: outrepasser ses propres frontières. J’ai eu l’opportunité de rencontrer Ben Shemie (chanteur et guitariste) et Joseph Yarmush (guitariste et bassiste) avant une représentation à la sympathique taverne de Saint-Casimir.

    (Photos de l’entrevue Simon Desjardins / Concert Julien Baby-Cormier)

    IMG_1404Si le groupe avait enregistré les deux disques précédents à Montréal, ils ont cette fois décidé de sortir de leur zone de confort et d’aller enregistrer au Texas dans un modeste studio. «Nous avions l’option d’enregistrer n’importe où, mais l’idée était de sortir de Montréal pour nous concentrer 100% sur l’album chaque jour», explique Ben. Ils ont enregistré avec John Congleton, un réalisateur réputé (il a réalisé des albums pour des artistes de tout acabit, tels War on Drugs, St Vincent, Erykah Badu ou Sigur Ros). Questionné à ce sujet il poursuit: «On l’avait rencontré une ou deux fois, c’était un fan, il nous avait contactés pour nous dire qu’il voulait travailler sur notre prochain album. C’était super.» Le groupe a aussi modifié sa façon d’enregistrer, essayant de donner vie aux chansons en direct dans le studio plutôt que d’y aller avec des superpositions (overdubs). «Les chansons, nous les avions jouées, mais ce n’était pas des versions finales, on espérait que John nous aide à les finir et à choisir les meilleures versions(…) c’était plus comme des répétitions enregistrées». En parlant du processus de sélection, on apprend que certaines pièces dataient des débuts du groupe. «Translate (le premier extrait) par exemple était complètement différente, on l’avait déjà enregistré 3 fois», explique Joseph. Ils ont ainsi considéré autour de 17 chansons pour arriver à ce tout extrêmement cohérent et concis qu’est l’album Hold/Still.

    IMG_1405Le groupe voyage énormément pour supporter ses albums et si pour la première tournée (pour le disque Zeroes QC) le groupe faisait surtout des premières parties, celle derrière Image du Futur à vu le groupe être propulsé en tête d’affiche dans la plupart des grandes villes où il passait. Lorsqu’on leur demande s’ils avaient hâte d’embarquer dans cette tournée, Ben se fait convaincant: «on fait tellement de « prod » sur l’album et là c’est beaucoup de presse et de (répétitions) prétournée que je me dis : Let’s just fucking play some shows, et on est habitués maintenant (aux multiples allers-retours)». Suuns tente aussi de modifier la grille de chansons tous les soirs pour tenter de capter l’énergie parfois très changeante du public avec en trame de fond le désir de ne pas sombrer dans la facilité. «Ce ne sont pas toujours les mêmes chansons qui fonctionnent d’une place à l’autre», explique-t-il. Lorsqu’on leur demande quel a été le spectacle le plus marquant de la précédente tournée, ils élaborent sur un festival européen en particulier: «Glastonbury  (immense festival en Grande-Bretagne) c’était comme un rêve, c’est magique. C’est comme une ville-festival massive, c’est incroyable. On a été chanceux d’être sur un stage super-cool avec un bon line-up.» Ce n’est pas toujours le cas. Dans la catégorie des concerts bizarres, il y a celui au festival d’été en première partie de Marillion. «On jouait devant leurs fans… they hated it… Ils nous avaient demandé si on voulait faire ce spectacle-là et on a répondu oui sans hésiter. On a fini par avoir du « hate-mail » à cause de ce show-là.» Cependant, ils ont aussi leur part de louanges. Les Inrocks, célèbre magazine parisien, n’hésite pas à qualifier Suuns de groupe qui évolue dans une classe à part; parmi les meilleurs groupes du monde, rien de moins. À Saint-Casimir, malgré la maigre foule, ils ont projeté sur scène une unité qui transcende celle de bien des groupes de haut calibre; il fallait les voir enchainer les nouveaux morceaux dans ce spectacle avec une maitrise digne des fins de tournée. Des pros.

    Questionnaire musical en vrac:

    Y a-t’il un album qui a fait l’unanimité dans la van lors de la dernière tournée?

    Joseph:«Yes, Kendrick»

    Ben: «C’était la thématique de l’année cet album (To Pimp a Butterfly)»

    Dernier album acheté?

    Joseph:«L’album de Pang Attack» (un groupe de Montréal qui assure la première partie de Suuns pour quelques concerts)

    Ben: «Kaitlyn Aurelia Smith, tu connais? C’est vraiment bon, c’est de la musique électronique avec un peu de chant… it’s cool!»

    Quel serait votre album exutoire?

    Ben: «Du techno ou AC/DC»

    Joseph: «Des fois quand je suis stressé je joue Undertow de Tool, souvenirs d’adolescence…»

    Avez-vous des plaisirs coupables?

    Ben: «Probablement Madonna, l’album True Blue.»

    Joseph: «N’importe quoi de Rihanna.»

    Finalement la fameuse question. Quel serait votre album-île déserte?

    Joseph: « That’s tough… it’s a impossible question… White Album?»

    Ben: « Impossible Spaces de Sandro Perri, je l’écoute encore régulièrement, j’adore cet album-là»

    Suuns joue en compagnie de Moon King, Buck Gooter, Rishi Dhir, Pang Attack et Yonathan Gat au complexe Méduse, le vendredi 15 avril à partir de 20h dans le cadre des Nuits Psychédéliques.

    IMG_1443

    Julien Baby-Cormier

    12 avril 2016
    Entrevues
    Ben Shemie, Joseph Yarmush, suuns
  • ENTREVUE : Fred Fortin

    ENTREVUE : Fred Fortin

    Fred Fortin traverse un printemps fertile en événements, notamment grâce à la sortie d’Ultramarr. Détourné des riffs de distorsion et du son rock qui ont permis à l’auteur-compositeur-interprète d’établir sa notoriété dans le paysage musical du Québec, l’album prend un virage introspectif, plus homogène sans toutefois être dépouillé d’intensité. En tournée de promotion à Québec, Fortin s’est arrêté à la Brûlerie Saint-Roch où je l’attendais, visiblement fébrile. Or, dans une franche simplicité, il a vite fait d’installer une ambiance bon enfant qui a jeté les bases pour parler de musique, son sujet de prédilection.

    (Photos : Marion Desjardins)

    Ultramarr

    Fred Fortin« La réponse est plus grosse que j’aurais espéré. Ben j’espère jamais rien, dans l’fond, quand je fais ça » a-t-il répondu, quand je lui ai demandé de me décrire ses impressions sur l’accueil favorable de son dernier opus. « C’est plus l’fun que l’monde aime ça que de se faire ramasser. Faque, je suis vraiment content».

    À la première écoute d’Ultramarr, on réalise rapidement que Fortin a voulu explorer de nouvelles façons de composer la musique. Sans travestir le son qui lui est propre, on sent qu’il se calme, qu’il recherche une atmosphère plus uniforme: « En ayant fais le Gros mené en 2013, ça comme rempli une case pour moi qui est l’fun. J’pensais pas en refaire du Gros Mené, nécessairement. Pour moi, le poisson était mort! La manière que j’étais parti pour ce projet-là; je voulais faire de la musique organique avec des rythmes. Mais à la minute où j’ai fait les textes, je me suis dit “osti c’est du Gros Mené ça!”» avoue-t-il. De plus, même si Fortin n’écrit pas les chansons de Galaxie, il est très impliqué dans le projet et baigne forcément dans le rock. C’est pourquoi, en sachant qu’il allait travailler avec les Barr Brothers et qu’il désirait faire des « formes de musique répétitives qui ne sont pas compliquées dans la tête», il s’est enligné vers ce qui allait devenir son 5e album en carrière. « Je voulais que les tounes, autant que possible, se mettent en valeur entre elles et non pas se faire de l’ombrage. Dans des albums, il y a des fois une toune qui est complètement rock au milieu de quelque chose de doux. Je l’ai fait souvent ça aussi. J’avais vraiment une intention de faire autre chose».

    Cette volonté de faire les choses autrement se transpose d’ailleurs dans la façon de livrer les pièces du dernier album en spectacle : « C’est pas mal un défi, mais c’est volontaire. Installer une vibe de rock dans une salle où tout le monde boit de la boisson, c’est pas très difficile en général», dit-il en riant. « C’est plus difficile de faire passer des tounes qui ont un mood plus introspectif. Tu dois être disposé à ce genre de toune-là parce que t’es pas tout le temps dans cet état d’esprit avant un spectacle. C’est sur que c’est plus exigeant, ça demande que la salle soit disposée à ça aussi». Néanmoins, Fortin assure qu’il y a quelque chose de viscérale et de complètement trippant à communiquer la musique par des moyens différents. Lors des spectacles à venir, il puisera sans doute dans Gros mené et dans ses albums précédents pour s’assurer de «donner un show d’une heure et quart». Rien n’est cependant encore défini, même s’il sait qu’il cherchera à concevoir un concert équilibré :    « On va voir ce que ça nous dit quand on fait le show, de quoi on aurait le goût de faire», dit-it, « Olivier me connait pas mal par coeur, on est pas mal d’accord en général».

    Question de casting

    Fred FortinSur Ultramarr, Fortin a eu recours aux talents des frères Barr, de François Lafontaine, de Sam Joly, d’Olivier Langevin et de Joe Grass, tous de grosses pointures de l’industrie musicale québécoise actuelle. Comment choisit-il les musiciens avec qui il travaille?  « C’est vraiment du casting. Il y a d’excellents musiciens avec qui j’aimerais jouer, mais qui fitteraient pas sur ce genre de toune-là» affirme-t-il. « Bon, les Barr ça été une rencontre à Saint-Prime dans le garage à mon père. Je connaissais leur musique, je venais de voir leur show pis on a jammé un peu. On s’est dit que ce serait l’fun de faire quelque chose ensemble et ça m’est resté dans la tête.» En entrant en studio, Fortin voulait créer des structures musicales qui reflétaient les personnalités des frères Barr. Elles étaient le point de départ et une influence notable dans l’écriture de l’album. « C’est du monde qui m’inspire en partant», dit-il. « Sam Joly est un drummer avec qui j’ai joué un petit peu. Il a une personnalité tellement l’fun. Il est venu au Lac, à mon chalet et on a écouté de la musique. C’est un trip de muse qu’on se fait dans l’fond». Fortin reconnait que tous et chacun ont contribué beaucoup à l’album: « François Lafontaine, c’est une banque d’idées inépuisable. C’est un gars qui joue avec plein de monde, mais il est capable de se renouveler et d’être unique dans le rôle qu’il a à faire sur le disque. Pis Joe Grass, ben ça juste pas de bon sens».

    Ch’tun mélomane

    Fred FortinGros Mené, Galaxie, la musique de la série les Beaux malaises et ses albums solos sont des projets qui se distinguent les uns aux autres sans nécessairement s’opposer. Selon l’artiste, c’est le reflet de sa culture musicale très étendue. «J’écoute plein d’affaires. On est aussi dicté par nos moyens, par nos forces et par notre potentiel musical. Je m’enlignerais pas de faire un album Jazz parce que ce n’est pas ma force, même si la musique m’inspire beaucoup. C’est le fait d’aimer la musique qui fait qu’on fait de la musique comme on la fait. C’est le fun de pouvoir avoir plusieurs influences». D’ailleurs, pendant l’enregistrement de l’album, Fortin révèle qu’il écoutait Randy Newman, JJ Cale, Tom Waits, John Coltrane, Ray Charles, Nina Simone; bref des «affaires qui reviennent souvent» dans ses vinyles. « Il y a tellement de la bonne musique, c’est fou! Ch’t’un mélomane», proclame-t-il.  Durant la même période, il a également découvert l’album Pet Sounds de The Beach Boys: « Quand j’ai découvert Pet Sounds, je savais que c’était un album classique. Je connaissais déjà des tounes dessus que j’avais déjà entendues, mais je me le gardais comme une bouteille de vin. Il y a des albums de même que tu te dis  »je suis donc ben chanceux de ne pas l’avoir encore écouté » parce que tout le monde le connait». Il s’est gâté, s’est imprégné de l’oeuvre et a visionné plusieurs documentaires retraçant la vie de Brian Wilson: «Pour moi, le gars représente un Beatles à lui tout seul, incluant George Martin. C’est toute sa sensibilité au delà de toute qui m’a touché». Le côté borderline mental des personnages campés dans Ultramarr sont d’ailleurs inspirés, en partie, par les personnalités comme Wilson, Syd Barrett ou Daniel Johnston, des êtres extrêmement sensibles qui ont sombré dans la folie.

    L’industrie de la musique selon Fred Fortin

    Fred FortinFaisant de la musique depuis longtemps, Fred Fortin a été témoin de la mutation de l’industrie musicale au Québec. Difficile de résumer en quelques mots tous les changements qui ont eu cours ces dernières années, mais l’Internet a selon lui eu une incidence considérable sur la façon de produire des disques. « J’ai connu l’agonie des gros major comme  BMG qui étaient les rois de l’industrie. Il se vendait plus de disques, mais les artistes se faisaient plus fourrer aussi», dit-il. Aujourd’hui, les compagnies se sont plus adapté aux artistes et entretiennent des rapports plus proches avec eux. On parle davantage d’échange et de partage. Fortin avoue toutefois qu’il aimerait voir les ventes de disques augmenter plutôt que de gagner en téléchargement, mais capitule devant cette réalité qui, d’après lui, n’est pas sur le point de changer. « Moi, de toute façon, je fais des albums encore dans ma tête comme si c’était 1960. Moi j’aime ça avoir une pochette et un album.»

    Histoire de basse

    Fred FortinFred Fortin possède des instruments qu’on peut qualifier de mythique pour lesquels il aime se remémorer des anecdotes amusantes. C’est le cas pour sa Fender Jazz Bass 1962 qu’il a acquis à l’âge de 18 ans. « L’instrument traînait dans un magasin à Saint-Félicien et je l’avais acheté pour 400$ pour un gars qui allait au cégep d’Alma. Mais là, j’ai eu la basse toute la fin de semaine chez nous et je me suis dit que je ne pouvais pas la laisser partir. Je savais que le gars n’était pas trop musicien, faque je lui ai offert ma Yamaha, pis il m’a donné 600$. Je me suis ramassé avec une Jazz Bass (qui vaut plusieurs milliers de dollars aujourd’hui) et une belle motte de hash». Pourtant, l’histoire ne s’arrête pas là: « Je me suis fait voler ma basse en déchargeant le stock chez Langevin. Ils l’ont oubliée sur la clôture pis il y a un gars qui est parti avec. Il a essayé de la vendre, faque il l’a montrée à des amis musiciens. Moi je la cherchais,  faque je l’avais trouvée, mais le gars ne voulait pas me la redonner; il voulait me la vendre pour 400$, ironiquement. C’était de l’extorsion. J’ai mis la police là-dedans. Je lui ai dit  »toi mon clown, c’est assez!’’»

    Fortin enchaîne avec l’historique de sa Gibson EB2D: « C’est une basse que je voulais parce que quand j’étais petit, un chum de mon père est arrivé avec ça à la maison et je trippais ben gros dessus. Faque un moment donné, j’ai dit à mon père d’appeler son chum et de lui demander s’il veut la vendre». Malheureusement, ce n’était pas possible puisqu’elle appartenait à une tierce personne. Fortin a donc abandonné le projet. Mais le destin a fait ce qu’il fait de mieux:« Un moment donné, j’entends parler d’un gars qui veut échanger sa basse contre une Rickenbacker. Faque je voyage, je m’en vais à Alma et je rencontre le gars. Il me dit qu’il avait trouvé sa basse à Saint-Prime… Faque j’ai retrouvé la basse que je jouais dessus quand j’avais 10 ans». Incroyable.

    Questionnaire musical en vrac

    Fred FortinVinyle ou Cd?

    FF: « Ah! Vinyle. Moi j’ai tout le temps eu des vinyles depuis que je suis petit. J’avais pas de toutou, j’avais des 45 tours! J’ai eu mon premier tourne-disques super jeune, pis j’ai jamais arrêté d’avoir des vinyles. J’ai tout le temps eu une table tournante. J’aime ça le contact physique et le son des vinyles. Des fois j’écoute juste un bord, je me permets ça!».

    Quels sont tes classiques?

    FF: « Ah il y en a tellement! Il y a Pet Sounds, parce que c’est ça que j’ai dans la tête. J’ai grandi avec les Beatles, évidemment. Pagliaro, c’est mon premier idole, faque le premier Pag, j’ai encore ça en vinyle. Après ça, il y a les albums de Ray Charles, de Nina Simone, de John Coltrane, de Tom Waits. J’en ai tellement!»   

    Qu’est-ce que tu écoutes quand t’es in the mood for love?

    FF: « Oh! Je sais pas… Je te dirais… Je sais vraiment pas! Ce qui joue dans le moment, ça dépend. De toute façon, je suis tout le temps in the mood for love!

    Les meilleurs albums pour faire du char?

    Fred FortinFF: « Wow! L’année passée j’ai ben trippé à écouter du Kurt Vile dans l’char. Je trouve que ça coule sur le long du Saint-Maurice. Souvent, dans mon téléphone, j’ai pas tant d’affaires que ça. Des fois je suis sur random, faque ça se promène entre plein d’affaires. Mais je te dirais Kurt Vile, Walking on a Pretty Daze, j’ai beaucoup aimé cet album. L’autre d’avant aussi, pis l’autre d’après aussi».

    Ton plaisir coupable?

    FF: «J’en ai pas mal plusieurs. J’ai des vers d’oreille. J’ai une maladie; j’ai une curiosité que quand je me souviens d’une toune, j’essaie de m’en souvenir, mais je ne m’en rends même pas compte. C’est comme une curiosité morbide. Je peux écouter la radio, pis pogner une toune, pis essayer de comprendre qu’est-ce que la personne avait dans la tête quand elle l’a faite. Faque ça me rend coupable de ben des affaires. C’est pas un plaisir, c’est plutôt une curiosité morbide et un masochisme assumés.»

    V: « Comme les tounes de la Chicane… Ça t’arrives-tu d’en avoir dans la tête? »

    FF: « Faut pas que tu le dises… Parce que là je vais me mettre à spiner de la Chicane dans’tête… Ben oui ça m’arrive! J’adore mon Boom! »

    Quelle chanson aimerais-tu qu’on joue à tes funérailles?

    FF:« Oh! Tabarouette! Je sais pas, je l’entendrai pas! »

    Valérie Vinet

    10 avril 2016
    Entrevues
    Barr Brothers, François Lafontaine, Fred Fortin, Galaxie, Gros méné, Grosse boîte, Joe Grass, Olivier Langevin, Sam Joly, Ultramarr
  • [ENTREVUE] Hein Cooper

    [ENTREVUE] Hein Cooper

    Hein Cooper est un secret de moins en moins bien gardé. Repéré par l’oreille attentive de Franz Schuller (fondateur d’Indica Records) lors d’un gig dans un bar de Sydney, l’Australien voit désormais du pays grâce à sa musique. Un an après le lancement de son extended-play, l’auteur-compositeur-interprète vient tout juste de lever le voile sur son premier album complet, The Art of Escape. Textuellement, sa poésie est renversante. Les sonorités expérimentales s’entremêlent aux racines folks, révélant des zones de son art, auparavant inexplorées, qui font miroiter une mer de possibilités.

    J’ai eu le bonheur de m’asseoir avec Hein dans la loge de l’Anti après son set, moins de 48 heures avant la sortie canadienne de son opus. Notre temps ensemble était compté, puisqu’il devait remonter sur les planches le temps d’une chanson avec Foreign Diplomats. En plus de s’ouvrir généreusement sur son art, il m’a donné accès à l’humain qu’il est, me permettant de saisir l’essence de sa musique. De nature calme et plutôt timide, le grand jeune homme charismatique dégage une aura apaisante. Avec lui, what you see is what you get. Rencontre marquante avec un être vrai qui désire rester fidèle à lui-même avant tout.

    Le premier contact

    09HeinCooperHein a été éveillé à la musique assez jeune. Il me raconte que sa mère pianiste jouait souvent pour son frère et lui alors qu’ils étaient enfants. Mais tout s’est concrétisé au secondaire, lorsque son meilleur ami de surf a commencé à jouer de la guitare. «J’étais très compétitif avec ce garçon. Il s’est acheté une guitare, donc j’en voulais une aussi. Deux ans plus tard, il a arrêté de jouer et moi, j’ai continué car j’aimais vraiment ça», explique-t-il.

    Au cours de cette période, des artistes comme Jack Johnson, Angus & Julia Stone et Ben Harper lui servaient de références. «C’est ce que j’aimais à l’époque, plus maintenant», précise le musicien. «Ça a commencé avec le folk et, à partir de là, j’ai commencé à avoir plus d’intérêt pour des artistes innovateurs qui expérimentent. J’aime quand les albums représentent une progression et qu’ils se distinguent du précédent. C’est ce qui m’attire en tant qu’artiste.»

    Son top cinq du moment? Radiohead, Arcade Fire, Local Natives, Jeff Buckley et Ben Howard. Pour son EP et son album, Hein a d’ailleurs fait appel au réalisateur Marcus Paquin, qui a notamment travaillé avec Arcade Fire et Local Natives.

    L’art

    L’écriture de The Art of Escape est teintée par une relation amoureuse et par la nature, qui est une grande source d’inspiration pour Cooper. Ce dernier pose également un regard sur la société qui l’entoure à travers ses textes. «Les paroles sont assez politisées. Je cible comment je me sens face au monde, à la société et à son fonctionnement.»

    Ses paroles préférées? Pensif, il étire le silence puis, récite les mots du second couplet de la pièce-titre, à la manière d’un poème :

    «So dam bored living on the 15th floor, choking on electric chords, while you act like you know everything about pleasure and pain and the sunlit rain.» Il continue avec le début de Dopamine : «The final season’s changing, waking all the bears from hibernation, and I feel like I’m breathing in water, not within the borders of this world.» À cet instant précis, je ne peux qu’approuver. C’est magnifique, subjuguant.

    Tout comme ses influences musicales, le son créé par le musicien a aussi évolué au cours des dernières années. «En ce moment, c’est une combinaison de folk, car c’est d’où je viens, de musique indie-électronique et il y a même une chanson punk sur l’album», rigole-t-il en fredonnant le refrain de All my desires. «Oui, j’explore.»

    L’évasion

    04HeinCooperLe titre de l’album, The Art of Escape, s’est imposé par lui-même. «Je sens que c’est un thème récurrent dans ma vie. C’est essentiellement une question à la quête d’une réponse d’évasion, à savoir où je peux la trouver.»

    Lorsque je lui demande de quoi cherchait-il à s’évader, il réfléchit à voix haute. «À l’adolescence ou lorsque tu es un jeune adulte, tu cherches la vie que tu rêves d’avoir. Je crois que je fuyais ce que j’avais et que je courais vers la vie que je voulais, vers le monde dans lequel je voulais vivre. C’est comme un appel de l’âme à savoir comment je peux trouver cette place dans le monde que je désire véritablement», résume l’artiste.

    Voyager pour se retrouver

    Dans les dernières années, Hein a trimballé ses valises un peu partout, partageant son temps entre l’Australie, le Québec et l’Europe principalement. Selon lui, ces constants dépaysements ont eu un impact positif sur sa musique. «Ça m’a définitivement permis de voir le monde, différents environnements, différentes cultures et je pense que ça a façonné une perspective plus ouverte sur le monde. Je pense que j’ai plus à dire dans mes chansons maintenant que j’ai vu davantage de ce monde.»

    Les multiples voyages ont également fait grandir l’auteur-compositeur-interprète sur le plan personnel. «À travers ces voyages, je crois que je suis plus à l’aise d’être la personne que je veux être. J’ai laissé mes amis en Australie et je me suis fait de nouveaux amis au Québec, en Europe, partout à travers le monde, mais je me suis aussi retrouvé seul souvent. Cette solitude m’a permis de devenir plus confortable avec la personne que je suis plutôt que d’essayer de m’intégrer à un groupe.»

    Si on permet à Hein de rêver grand l’espace de quelques secondes, il souhaiterait vivre ces déplacements en compagnie de ses musiciens. «Je pense que j’aimerais partir en tournée à travers le monde avec un band. Je suis en mesure de le faire en Australie mais je ne peux pas me permettre de les emmener avec moi autour du monde. C’est définitivement mon souhait pour le moment. Un jour…»

    Parmi les endroits qu’il a eu l’opportunité de visiter, Hein a choisi Montréal pour enregistrer ses créations. Il souligne l’ouverture d’esprit de la ville, musicalement parlant, en faisant référence à la musique que les gars de Foreign Diplomats sont en train de jouer, juste au-dessus de nos têtes.

    «C’est différent, j’aime ça. Je pense que Montréal est une ville qui accepte les artistes comme ça et qui les supporte. Je joue de la musique qui me ressemble, qui est authentique à moi-même et qui peut paraître unique ou étrange pour d’autres personnes, mais je me suis vraiment senti chez moi pendant le processus d’enregistrement», mentionne-t-il.

    Le cœur d’abord

    02HeinCooperMalgré son jeune âge, Hein semble être d’une grande maturité. À travers ses publications sur les réseaux sociaux, il glisse souvent des messages empreints d’une certaine sagesse. «Je ne sais pas si je suis sage. Je ne suis pas sage, j’ai fait beaucoup de choses stupides…peut-être que ça explique ma sagesse», plaisante-t-il.

    Je lui demande donc quelle est la philosophie qu’il tente d’appliquer dans sa vie, sa devise au quotidien. Un peu surpris par ma question, il se gratte la tête quelques instants avant que la réponse ne lui apparaisse comme un éclair de génie. «Ok, j’ai une citation de Coldplay!», admet-il en riant.

    Après quelques échanges d’opinions sur la musique de la formation britannique, au moment même où j’affirme préférer la phase The Scientist, il lance : «C’est exactement ce que j’allais citer! Questions of science do not speak as loud as my heart.» Écouter son cœur, plutôt que sa tête. Et ça fonctionne toujours? «Sur le long terme. C’est très facile d’oublier ça et de juste faire travailler ça», conclut-il en désignant respectivement son cœur et sa tête.

    Hein Cooper sera en spectacle au Québec avec le groupe Foreign Diplomats dans les prochains jours et son premier album The Art of Escape est disponible dès maintenant. Tous les détails juste ici. Je cumule maintenant plusieurs heures d’écoute et je l’ai encore dans les oreilles en écrivant ces lignes. Ça dit tout.

    * À noter que l’entrevue a été réalisée en anglais (traduction libre).

    Photos : Marion Desjardins/ Llamaryon

    Marie-Thérèse Traversy

    5 avril 2016
    Entrevues
    Hein Cooper, L’anti, The Art of Escape
  • [ENTREVUE] Entrevue avec I.D.A.L.G pour les festivités des 25 ans de CISM 89,3

    [ENTREVUE] Entrevue avec I.D.A.L.G pour les festivités des 25 ans de CISM 89,3

     

    Dans le cadre des festivités des 25 ans de CISM 89,3, le groupe I.D.A.L.G a eu la gentillesse de répondre à nos questions.

    Ils seront en prestation le 2 avril juste avant Les Hôtesses d’Hilaire et Galaxie.  Nous vous invitons fortement à consulter les événements des 31 mars, 1er avril et 2 avril afin de participer aux fêtes entourant cet anniversaire !

    L’ENTREVUE:

    Q: Vous avez régénéré votre nom de groupe il y a peu de temps, passant de Il danse avec les genoux à I.D.A.L.G. Pourquoi ce renouveau?

    R: Un des états mexicains où se trouvait jadis les cités toltèques se nomme Hidalgo, ça été comme un signe, en parfaite “synchronicité” avec les thèmes de l’album Post Dynastie! Sinon, I.D.A.L.G. c’est plus punché et plus neutre; particulièrement pour l’album, cette neutralité permet de mettre l’emphase sur l’univers évoqué plutôt que sur le nom du band, question de former un tout plus unifié.

     

    Q: Expliquez-nous l’idée et le concept derrière votre premier album, Post Dynsatie.

    R: L’album est ponctué de références à Quetzalcoatl et s’organise autour du mythe de la divinité Toltèque, mi-serpent/mi-oiseau: confrontation, tentation, honte, immolation d’un dieu; famine, désordre, déclin d’une cité; jusqu’à s’obscurcir en dépeignant une lente apocalypse dans le dernier titre Lac de plumes. Quant aux textes, ils traitent globalement d’une capacité d’adaptation absolue face à l’emprise et au contrôle qu’un être ou qu’une aristocratie peut avoir sur un individu.

     

    Q: Depuis la sortie de l’album, vous avez fait quelques spectacles. Comment le public réagit jusqu’à maintenant?

    R: Ça réagit bien! On a fait trois dates en Ontario après le lancement de l’album. Hors de notre zone de confort habituelle, on savait pas trop à quoi s’attendre, mais le monde était vraiment le fun — et courageux dans le cas du Winterfest d’Hamilton où on se battait tous contre un -25°C, un vrai de vrai Winterfest! On a aussi très hâte de voir les réactions du public en Europe, on voit ça dans 2 semaines!

     

    Q: Quels sont les artistes ou albums qui vous inspirent au niveau des textes, de la musique, de l’ambiance générale, de la performance sur scène, etc… ?

    R: L’album Post Dynastie est très inspiré de la 2e moitié des années 60, que ce soit par l’univers d’Ennio Morricone, The Velvet Underground ou encore la période Syd Barrett de Pink Floyd. Les univers atypiques de Joe Meek and the blue men aussi.

     

    Q: Qu’est -que vous aimez que les gens fassent dans vos spectacles?

    R: On aime que le monde danse et/ou se percute et/ou s’empile et/ou reste fixe comme des roches, on aime qu’il y ait de tout, tant qu’on passe tous un bon moment. On ne haït pas se faire sortir de notre confort quand on joue, même si ça implique de se cogner le micro contre les dents et même si ça donne des photos de Yuki avec un air paniqué quand son clavier est en train de foutre le camp!

     

    Q: Pourquoi avez-vous accepté de faire partie des festivités des 25 ans de CISM?

    R: C’est un honneur! CISM est l’un des médias les plus impliqués en matière de découvertes musicales au Québec. L’équipe a suivi l’évolution du groupe depuis le tout début, on est vraiment content d’être de la partie!

     

    Q: Vous faites la première partie de la dernière soirée des festivités des 25 ans de CISM, êtes-vous fébriles ? Stressés ? Heureux? Etc… Racontez-nous !

    R: Ce sera notre première fois au Club Soda ou dans une aussi grande salle avec I.D.A.L.G. , on a bien hâte d’aller prendre possession de cette scène là et de partager la soirée avec les Hôtesses d’Hilaire et Galaxie!

     

    Pour lire la critique et écouter l’album Post Dynastie, c’est ICI

     

    Karina Tardif

    31 mars 2016
    Entrevues
    CISM, I.D.A.L.G
  • [ENTREVUE] Brun Citron + Lancement d’album au Knock-Out

    [ENTREVUE] Brun Citron + Lancement d’album au Knock-Out

    a4220480042_10En janvier dernier est apparu une image de jambes féminines sur un fond bleu cyan et une inscription toute discrète annonçant le nouvel album Vaginite pour un dur à cuire de Brun Citron. C’est ce samedi qu’avait lieu le lancement de cette magnifique cassette, dans un lieu tout aussi beau : Le Knock-out. Punch, sourires, enfants et parties de baby-foot étaient au rendez-vous.

    C’est accompagné de Nicolas Girard (Grand Morne) et David Cimon que notre Brun Citron a joué l’intégral de cette nouvelle publication : 12 pièces, 11 minutes. Aussi rapide et simple que ça ! T’as pas le temps d’aller te chercher une réglisse au comptoir caisse, que déjà on est rendu à la moitié de la performance. Quelques blagues par-ci, par là, deux pièces jouées de façon plus acoustique, le tout à la bonne franquette et parfait pour cet après-midi ensoleillé. Petite chanson bonus-rappel à la fin : Vomir dans mes ch’veux, tirée du premier album. J’écris tout ça, mais en fait, c’est que j’en ai profité pour faire une petite entrevue avec Jonathan Boisvert. Je te la présente ici, accompagnée de quelques photos de cette journée.

    Brun citronOn sait que Brun citron, c’est un projet solo entre un ukulélé et toi, sauf qu’aujourd’hui, tu étais avec Nicolas et David. Sur ce nouvel album, on parle aussi de la participation de Benoit Pinette (Tire le coyote), Dan Santos (Scream Elliot) et Benoit Poirier (Jesuslesfilles, Le monde dans le feu). Peux-tu m’en dire un peu plus sur leur implication et le procédé derrière sa création ?

    J’avais fait le premier seul. Je ne jouais pas de batterie, je m’étais pratiqué et j’avais tout fait. Rendu au deuxième, bien, ça ne me tentait pas de tout faire ! J’étais un peu… un peu fatigué de tout faire ! Comme j’avais plein d’amis, je m’étais dit : « Ah, bien, je vais engager plein de drummers que je connais et j’ai le goût de travailler avec eux. » Puis c’est ça, avec David, je lui avais dit : « Ah, viens faire la basse, ça serait cool. » Je ne sais pas c’est quoi mon processus, mais c’était comme : « Ah, bien, on va l’essayer avec celle‑là, si ça vous tente. » En général, ils ont dit oui, et Benoît Pinette est venu taper des mains et faire des back vocals.

    Tu as tout enregistré chez toi, donc tout ce beau monde s’est pointé dans ta maison?

    Oui, tout le monde est arrivé chez nous, on a fait ça à peu près dans le même mois.

    Comme on vient d’en parler, ton deuxième album présente des pièces un peu plus élaborées musicalement, qu’est-ce qui t’a mené vers ce choix ?

    Puisque j’ai fait le premier album ainsi que les spectacles seul, ça augmente le niveau de stress beaucoup. En travaillant avec des gens, je m’assurais qu’ils étaient droits et j’ai rajouté de le basse, qu’il n’y avait pas dans le premier. Je trouvais ça le fun aussi de faire jouer mes tounes par d’autres… même si c’est des drôles de sujets !

    Sur le bandcamp de ton premier album, il y a des citations diverses de gens qui expriment leur appréciation, dont une de ta mère qui dit : « Ouin… c’est thérapeutique ton orchestre! » Il serait écrit quoi pour celui-ci ?

    Ma mère a encore raison pour celui‑là ! Elle ne me l’a pas dit, mais… oui, c’est ça, c’est thérapeutique comme album, encore un peu.

    Avec la venue de Vaginite pour un dur à cuir, tu comptes faire évoluer Brun citron de quelle façon dans les prochains mois, tu as des spectacles à venir ?

    Je vais faire d’autres choses bientôt, mais c’est complètement différent. Ça va être encore Brun Citron, parce que c’est encore moi qui monte toute la patente, mais ça sonne quand même très différent. Cet album‑là, ça fait un petit bout quand même qu’il est enregistré, donc je suis passé à autre chose. Mon but avec Brun Citron, c’est vraiment de sortir ce que j’ai le goût de sortir et de faire un album différent à chaque fois. Celui‑là se rapproche vraiment du premier, mais le prochain, on va pogner une débarque. Si les gens aiment ça, bien qu’ils l’écoutent, puis sinon, qu’ils ne l’écoutent pas et qu’ils attendent le prochain qui va peut‑être être à leur goût !

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    L’idée derrière la pièce Belle Perruche vient du film pas mal culte La cloche et l’idiot, est-ce que tu as d’autres inspirations particulières du genre ?

    Souvent les chansons, quand je les écris, elles sont vraiment plus longues. Je les rapetisse puis je les brunis. Comme par exemple, Le beurre, c’était une relation amoureuse qui n’avait pas vraiment marché avec moi, parce que la fille était vraiment différente. Je me rappelle qu’une fois, elle m’avait obstiné à l’épicerie, que ça serait mieux que j’achète de le la margarine : le beurre, c’est gras, puis c’était vraiment… « regarde, moi, je prend du beurre, puis je pense qu’on n’est pas fait pour s’entendre. » Donc, c’est ça, Le beurre, c’était une relation vouée à l’échec déjà à l’épicerie !

    Maintenant on passe aux questions thématiques !
    Question Groupie :
    Dernièrement on a pu t’entendre sur l’album de Beat Sexü, Open House et sur une collaboration avec le Rock dans le feu. Avec qui d’autre aimerais-tu collaborer ? Un artiste de Québec ou d’ailleurs, et pourquoi ?

    Bien, en fait, j’ai tout le temps voulu… là, eille, je te dévoile des affaires! C’est bizarre, je ne lui ai jamais dit en plus et je lui parle souvent, mais j’ai toujours voulu travailler avec Gab Paquet. J’aime beaucoup ce qu’il fait, et il a souvent une twist que j’aimerais lui donner pour voir qu’est‑ce que ça ferait. Je trouve qu’il écrit super bien et il a une voix incroyable, mais je ne lui ai jamais dit, dis‑lui pas !

    Question Passe-temps :
    Photo, graphisme pis toute: Jonathan Boisvert
    Photo, graphisme pis toute: Jonathan Boisvert
    J’en profite pour mentionner que la cassette est, de loin, dans les plus belles que j’ai vues, et tu l’as d’ailleurs presque entièrement réalisée. On sait que tu es derrière la compagnie Moustache moutarde, où tu y fais du graphisme et de la sérigraphie, en plus de faire de la photographie et des gâteaux de fête. As-tu d’autres talents cachés tels que de l’escrime ou le pouvoir d’arrêter le sang de couler ? Sinon, quel serait ton prochain défi ou quel pouvoir tu aimerais acquérir ?

    Non, c’est pas mal ça. Je suis bien curieux. Quand je découvre quelque chose et que je tripe, j’aime ça savoir comment c’est fait et essayer ! C’est un peu comme ça que j’ai commencé la sérigraphie. On était parti quatre gars à Chicago voir le Pitchfork, et il y avait full de flatstock et beaucoup d’affiches de shows en sérigraphie. Je capotais, t’sais ! En revenant on est passé par Toronto et dans le char, je me disais : « Moi, je veux faire de la sérigraphie. » On est arrêté dans une librairie et il y avait un livre, Faites de la sérigraphie à la maison. Je l’ai acheté, j’ai commencé à essayer ça, puis c’est ça ! Mon nouveau pouvoir serait de vivre éternellement pour être capable de faire tout ce que je veux faire !

    Question Alimentaire :
    Si tu tappes Brun Citron sur Google, outre ton Bandcamp et compagnie, on tombe sur un lot de recettes à base de citron et de rhum brun. Ça serait quoi les autres aliments qui formeraient la recette pour représenter le band ? 

    Je l’ai déjà tapé, oui ! Le rhum ! Ce serait un peu dans la même optique, beaucoup des fruits colorés, mais qui sont passés date un peu. Ils sont tout beaux, mais ils baignent dans le rhum.

    Question Film :
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    Photo: Llamaryon
    Quand on écoute tes pièces, on a tout de suite plusieurs images qui nous viennent en tête. Es-tu quelqu’un qui écoute beaucoup de films, et as-tu un réalisateur favori ?

    Oui ! Il y a plein de réalisateurs que j’aime, mais je n’en ai pas de préféré parce que je ne les connais pas tous non plus. J’aime ceux‑là qui poussent, qui essaient des affaires, qui n’ont pas peur de se planter, comme Alejandro González Iñárritu par exemple. J’ai regardé le Making off de Birdman, et il disait : « T’sais, la trame sonore, ça va juste être du drum. » Sur papier, c’est un plan foiré, là, ça ne marche pas, mais moi, j’ai vraiment trippé en écoutant le film. Après, il a fait Le Revenant en disant : « On va filmer seulement avec de la lumière naturelle. » Je trouve que c’est comme ça qu’on avance. Ce n’est pas en reproduisant tout ce qui se fait. C’est un peu ce que je fais aussi, c’est ennuyant, sinon. Il faut essayer au risque de se planter.

    Dernière question : thématique de ton choix

    Bien,  c’est écrit le mot Doloréanne sur le mur en arrière (cc : le mur du Knock-out avec toutes les signatures des bands qui sont passés dans la boutique).

    O.K., alors, qu’est‑ce que tu ferais avec la machine de Back to the Future ?

    J’irais faire de la musique dans les années trente, quarante. J’ai vraiment un kick là‑dessus. On dirait que dans le temps, l’industrie du disque n’existait pas. La musique, c’était un divertissement, ce n’était pas un produit qu’il fallait pousser, c’était juste ludique. C’est arrivé dans les années cinquante, qu’on produisait des albums pour faire de l’argent avec ça. Oui, c’était encore pur et beau dans ce temps‑là. Ça avait l’air, en tout cas !


     

    Vous pouvez écouter le très divertissant nouvel album de Brun Citron en direct de son Bandcamp et/ou y acheter une cassette. Elles sont aussi en vente au Knock-out, et si vous êtes chanceux, vous allez même repartir avec un T-shirt pour le même prix !

    Merci à Tatiana Picard pour la transcription de l’entrevue.

    Photos : Marion Desjardins/ Llamaryon

    Marion Desjardins

    9 mars 2016
    Entrevues, Région : Québec, Spectacles
    Brun Citron, Knock-Out, Le Knock-Out, ukulele
  • [ENTREVUE] JASON BAJADA

    [ENTREVUE] JASON BAJADA

    Le mois passé, Jason Bajada sortait Volcano au centre Phi, à Montréal. Personnel, l’album se veut le témoignage d’une histoire d’amour, des débuts lover aux épisodes tourmentés qui mèneront à la rupture. C’est à la Ninkasi rue Saint-Jean que j’ai eu le plaisir de rencontrer l’auteur-compositeur-interprète qui était de passage à Québec pour présenter un spectacle à l’occasion du Off-Rideau.

    Jason BajadaPrécédé de Le résultat de mes bêtises (2013), Volcano est le deuxième album francophone en carrière pour Bajada. Oscillant entre l’anglais et le français, il croit qu’il est extrêmement difficile ou extrêmement facile d’écrire dans les deux langues: «Il y a des périodes de 5 mois pendant lesquelles je n’écris pas du tout alors qu’il y a des chansons sur l’album qui ont été écrites en un après-midi. Ce n’est jamais la même chose. Ça dépend du moment.» Il reconnait toutefois que c’est un Art d’écrire et qu’il a hésité longtemps avant de le faire en français, croyant qu’il ne le maîtrisait pas assez bien. «Pour chaque Leonard Cohen, il y a un Alain Bashung», dit-il. Au départ, il avoue avoir souffert du syndrome de l’imposteur jusqu’à ce qu’on le rassure sur la qualité de ses textes et qu’on lui rappelle qu’il a passé 50% de sa vie en français puisque c’est la langue maternelle de son père et qu’il a fréquenté les écoles francophones. Bajada a vite réalisé que les mécanismes étaient les mêmes dans les deux langues et qu’il suffisait de ne pas over thinker l’exercice.

    Inside the volcano

    L’album Volcano a été écrit, en partie,  dans des circonstances difficiles où Bajada baignait dans l’anxiété pour la première fois.  Comment est-il arrivé à transformer ce sentiment paralysant en un outil de création? L’artiste raconte qu’il était en période d’écriture lorsque les moments difficiles ont commencé: « Volcano est un peu comme Loveshit (2008). C’est un document sur une relation amoureuse principalement. En revisitant l’album, je réalise qu’il y a des chansons super positives, lover et belles.» dit-il. «Ensuite ça se gâte au milieu de l’album avec la chanson Tiens le coup.» Cette pièce a d’ailleurs été composée le soir même où les véritables troubles anxieux ont fait leur apparition dans sa vie. Profondément ébranlé par l’expérience, il avoue n’avoir pas eu le choix de traiter le sujet: «Quand ça va pas bien, j’écris. C’est ce que je fais dans la vie.»

    indexL’anxiété n’a pas seulement teinté la relation amoureuse qu’il entretenait avec son ex-copine. Elle a également fauché son meilleur ami atteint de troubles anxieux. La chanson Jean-François lui est d’ailleurs dédiée et raconte l’histoire d’un homme qui semble heureux et en possession de ses moyens  alors qu’il est sur le bord de l’éruption, comme un volcan. Forcement, l’année 2014-2015 a été un annus horribilis pour Bajada qui a finalement  trouvé  la sérénité au fond d’un volcan lors d’un voyage salutaire en Islande. «Je suis parti en voyage en Islande après que l’album soit terminé. Tous les parallèles ont été faits dans le cœur d’un volcan que j’ai exploré lors d’une activité à Reykjavik qui s’appelle Inside the Volcano. C’est dans le  fond de ce volcan que je me suis senti le plus serein pendant mon année, même si c’est une situation qui pourrait être désastreuse. La métaphore était puissante. C’est là que j’ai trouvé le titre de l’album et la photo de la pochette qui est une photo prise avec mon iPhone au début du voyage», confie-t-il.

    Les influences musicales

    Pendant l’écriture de Volcano, Bajada raconte qu’il écoutait beaucoup l’album de Jason BajadaThe War on Drugs, Lost in a Dream : « J’avais envie de ce genre de train Bruce Springsteen-là, comme justement le premier extrait, Pékin, et la chanson Tiens le coup. Ce sont des chansons qui, pendant 6 minutes, avancent comme un train à 160 bpm». Il tenait quand même à conserver son range de voix et le côté mélancolique qui lui ressemble et qui traduisait  la période qu’il traversait. Selon lui, changer le rythme stimule la créativité et l’écriture. «Je me sens hyper bien de chanter Pékin, même que j’ai l’impression que c’est mon vieux stock. Pourtant, je n’ai jamais composé des chansons aussi rapides», dit-il. Bajada ajoute qu’il a également beaucoup écouté l’album Are We There Yet de Sharon Van Etten : «Je ne sais pas, elle m’a saisi avec son album et son EP I Don’t Want to Let You Down».

    En studio avec de grosses pointures

    Jason Bajada était très bien entouré lors de l’enregistrement de Volcano. Il a pu compter sur Samuel Joly à la réalisation et à la batterie, sur Alexandre Lapointe à la basse (The Brooks), sur Oliver Langevin à la guitare (Galaxie), sur Joss Tellier à la guitare également, sur François Plante et sur François Lafontaine au clavier (Galaxie, Patrick Watson). Marie-Pierre Arthur et Stéphanie Lapointe ont également prêté leur voix. «Il y avait de quoi faire de la magie avec les musiciens qui étaient dans la pièce!», affirme Bajada. Il a eu cependant quelques difficultés à se détacher de ce qu’il avait composé sur les maquettes. Le propos de l’album était très personnel : «Je suis arrivé au studio avec des maquettes sur lesquelles il y avait du drum, de la basse et de la guitare électrique. J’en ai beurré épais, il y avait du stock!». Or, il a vite fait de laisser beaucoup de place aux musiciens : «C’était le bout le fun, le bout hors de mon control. Même si c’était difficile et que je devenais insécure parce que je ne reconnaissais plus mes maquettes. On a jamé, on a exploré. Je savais que je pouvais leur faire confiance».

    ____________________________________________________________________

    Jason Bajada s’est livré au questionnaire musical avec enthousiasme et on a découvert des réponses surprenantes.


    Qu’est-ce que tu écoutes dans ton char?

    Ça varie, mais cet après-midi, dans mon char, j’écoutais The Replacements.

    Quels sont tes classiques?

    Its a Wonderful Life de Sparklehorse est mon album île déserte. Je vais dire XO d’Elliott Smith aussi. N’importe quel album des Lemonheads. Doolittle des Pixies. The Hour of Bewilderbeast de Badly Drawn Boy. Il y en a tellement! N’importe quel album de Kanye West.

    CD ou Vinyle?

    Vinyle! Je ne vois pas l’utilité du CD. Avec l’achat d’un vinyle, t’as un download code. La relation physique avec l’objet (vinyle) est plus importante qu’une playliste.

    Plaisir coupable?

    C’est vraiment des trucs que j’assume et que j’adore, qui ont été des influences pour moi. Ce sont des trucs qui ne sont pas cool d’aimer, mais je ne ferais pas de musique aujourd’hui s’ils n’avaient pas existé. Counting Crows, August and Everything After. C’est le plus bel album ever! J’ai adoré les Goo Goo Dolls aussi. Ces temps-ci je dois t’avouer que j’écoute beaucoup de Drake.

    Valérie Vinet

    8 mars 2016
    Entrevues, Région : Québec
    Jason Bajada, Volcano
  • [ENTREVUE] LES GOULES

    [ENTREVUE] LES GOULES

    Morts et enterrés depuis neuf ans, les Goules ont largué une bombe la semaine dernière en sortant leur nouvel album, Coma. Pour l’occasion, j’ai rencontré Rabin Kramaslabovitch et Keith Kouna dans une ambiance décontractée au Valentine sur la 3e avenue à Limoilou.

    goules-2Les jams du samedi à l’origine de la résurrection

    La sortie inattendue de Coma a naturellement soulevé quelques questions. On se demande d’ailleurs depuis combien de temps les Goules travaillaient-ils sur l’album: « Ça faisait un bout qu’on savait qu’on allait faire un disque. Le disque est fini depuis le mois de décembre! », raconte Kouna. Les membres du groupe, qui sont aussi de vieux chums, n’ont jamais cessé de se voir. Or, c’est un peu avant le départ de Kouna pour la France, il y a trois ans, qu’ils ont commencé à se retrouver tous les samedis pour pratiquer et composer des chansons: «On le faisait tranquillement, il n’y avait pas de pression pour sortir un disque, il n’y avait pas d’urgence. On faisait ça une toune à la fois», dit Kouna, «du moment où on a commencé à faire des p’tits jams les samedis et qu’il y a eu des affaires le fun qui en sortaient, on se disait que la fibre était encore là.» Rabin précise que ça allait de soi de continuer le processus puisque les musiciens avaient du plaisir et produisaient du matériel intéressant. Par ailleurs, les Goules ont été très discrets sur leur éventuel retour. Kouna explique: «On ne voulait pas se donner de pression. On n’en avait pas eu du tout et on voulait éviter d’être affublé de questions et de demandes. On était enterré et mort. Ça ne nous tentait pas de revenir tranquillement, on voulait revenir d’une shot.»

    goules-16En studio

    L’album a été enregistré au Wild studio à Saint-Zénon (Lanaudière) avec Pierre Rémillard à la prise de son et Vincent Gagnon à la réalisation. Le Wild est un endroit très apprécié des musiciens, notamment pour sa localisation reculée dans la nature où les distractions sont rares. «C’était la première fois qu’on avait une subvention pour taper un disque et c’était la première fois qu’on avait accès à un vrai studio. On a checké deux ou trois options et on s’est dit que tant qu’à avoir des sous pour s’offrir un studio professionnel, ben on va y aller», dit Kouna, « on en a jasé avec Vincent et ça été un choix de band de s’en aller à Saint-Zénon.» Rabin ajoute que l’envie de travailler avec Pierre Rémillard, reconnu comme étant un très bon producteur, penchait beaucoup dans la balance. « On regardait avec qui on voulait travailler. Il y avait quelques noms, mais Pierre fittait avec le rock des Goules», avoue Kouna.

    goules-10La réalisation

    Pianiste jazz de Québec et pianiste de Keith Kouna depuis huit ans, Vincent Gagnon signe la réalisation de l’album. Comme l’univers musical des Goules contraste définitivement avec celui de Gagnon, on se demande par quels moyens les deux parties ont réussi à travailler ensemble. «On connaissait bien Vincent à cause de la collaboration qu’il avait avec Kouna», raconte Rabin, «je pense que c’est quelqu’un qui s’adapte bien, qui est ouvert d’esprit et c’est un très bon pédagogue.» Kouna croyait qu’il était le choix idéal pour les Goules parce que « Vincent est tellement structuré. On se mettrait tous ensemble et on n’aurait pas sa structure. Il est arrivé au studio avec un immense tableau sur lequel était écrit tout ce dont on avait à faire. Il est hyper calme et ne part pas su’a brosse.»  Gagnon maintenait l’équilibre et son implication dans le projet était totale. Ayant «une bonne tête de musique, au clavier comme à la rythmique», Gagnon a entre autres misé sur la constance du rythme et a travaillé beaucoup avec le batteur. «Il a été vraiment excellent», affirme Kouna.

    goules-8Quand Kouna écrit

    On le sait, Keith Kouna possède un talent pour les mots. Il est d’ailleurs derrière les textes de Coma. Rabin tenait à dire que « quand Kouna était avec nous, ce qui était intéressant, c’est qu’il marmonnait souvent un peu n’importe quoi. À un moment donné, il y avait un mot qui sortait, comme coma justement. Il improvisait. Il est magnifique pour trouver des mélodies vocales sur le rock.» Kouna procède beaucoup par improvisation et apprécie composer pour les Goules: « Avec les Goules, je peux faire éclater le je et je me décolle de moi-même. L’univers des Goules me permet d’aller n’importe où, tout est permis et c’est franchement agréable. Je m’ennuyais de ça.»

    goules-7Les spectacles à venir

    Les Goules se produiront en spectacle dans les prochains mois et s’arrêteront au Cercle le 29 avril prochain. Comme le groupe est reconnu pour donner des shows complètement débiles, on peut se demander à quoi s’attendre: « C’est sur que la première stretch qu’on va faire va être dans les bars ou les petites salles. Il n’y aura pas de figurant, mais on va se débrouiller pour donner des shows assez intéressants», nous promet Kouna. «Un grand retour au 5 ans d’âge mental» renchérit Rabin. Les spectacles des Goules sont des exutoires, un gros «Fuck Off!» comme le disent Kouna et Rabin. C’est pourquoi, selon eux, ils ont réussi à créer un bassin de fans fidèles qui a permis aux Goules d’accéder au statut de groupe culte.

    ___________________________________________________________________

    goules-21J’aime beaucoup terminer les entrevues avec un questionnaire qui permet de connaître les habitudes musicales des artistes qu’on aime. Kouna et Rabin se sont livrés au jeu et les réponses sont étonnantes et savoureuses.

    Quel est votre album culte?

    Rabin: King for a Day… Fool for a Lifetime de Faith No More. Je te dirais que c’est un album qui joue souvent, partout.

    Kouna: Je ne sais pas si c’est mon album culte, mais c’est définitivement l’album que j’ai écouté le plus souvent depuis quelques années; Either/Or d’Elliott Smith. J’y reviens toujours. C’est le meilleur mélodiste depuis Lennon.

    goules-5Qu’est-ce que vous écoutez quand vous êtes in the mood for love?

    Rabin: Pour moi, Blues Funeral de Mark Lanegan et les albums de Mark Lanegan avec Isobel Campbell peuvent être de bons disques pour le in the mood.

    Kouna: PJ Harvey, Let England Shake et Mark Lanegan Blues Funeral aussi.

    goules-3Meilleure musique pour les roadtrips?

    Rabin: J’aime bien tout ce qui est vieux métal pour les roadtrips. J’aime le vieux Metallica, le vieux Mötley Crüe, le vieux Maiden. Je veux pouvoir chanter dans mon char.

    Val: As-tu essayé la bière d’Iron Maiden?

    Rabin: Oui! C’est une bonne bière! Elle n’est pas trop forte.

    Val: ah oui! Eh ben…

    Kouna: Ah! du Hank Williams III. L’album Staright to Hell.

    Dernier album que vous avez acheté?

    Rabin: Un disque de Big Business que j’ai acheté en ligne. C’est un groupe qui ressemble beaucoup aux Melvins.

    Kouna: Je pense que c’est Astronomie d’Avec Pas d’Casque.

    goules-18Plaisir coupable?

    Rabin: J’en ai pas mal. Lady Gaga, pour vrai. J’adore cette artiste. C’est quelqu’un de créatif. Elle a de bonnes mélodies et elle a l’air maître de ce qu’elle fait. Elle aime le métal et je trouve ça fantastique. C’est une artiste qui est très complète.

    Kouna: Moi aussi j’ai le plaisir coupable «Lady Gaga». Pas mal moins depuis un bout de temps.

    Rabin: Moi, quand j’entends Bad Romance, je suis content.

    Kouna: Sinon, il y a le chanteur qui chante comme une chèvre.

    Rabin: Alain Bashung?

    Kouna: Non, celui qui chante «Mon espérance à moi»… JULIEN CLERC! Quand la toune passe à la radio, je suis satisfait.

    goules-11Quelle chanson aimeriez-vous qu’on joue à vos funérailles?

    Rabin: Si je meurs avant Kouna, je lui ai demandé de jouer Déo pour que le monde pleure. Sinon, j’aime bien Angel of Death de Slayer.

    Kouna: Angel of death de Slayer ou du Electric Wizard. Bof, je mettrais Folk. (chanson à saveur incestueuse tirée de l’album Coma)

    Rabin: Ou Kouna qui chante Pour que tu m’aimes encore de Céline Dion.

     

     

     

     

     

    Valérie Vinet

    7 mars 2016
    Entrevues, Région : Québec
    Coma, Keith Kouna, Les Goules, Vincent Gagnon
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