Je l’avoue, à la suite de la première écoute de ce second volet dans la discographie de Bernhari, c’est un mélange de stupéfaction et de déception qui m’a habité. Le spectacle d’entre-tournée à la Grosse Lanterne avait été magnifique et la musique fleurtant souvent entre un rock foisonnant et un subtil shoegaze laissait entrevoir de douces promesses pour cette Île Jésus. J’espérais des effluves psychédéliques pour accompagner la voix sensuelle d’Alexandre Bernhari, mais c’est finalement des claviers lancinants qui m’ont accueilli. Je n’ai rien contre le clavier en soit, mais je ne pige pas cette mode rétro-année-80. Si ça fonctionne parfois, comme sur l’inventif Maladie d’amour de Jimmy Hunt, ça donne aussi naissance à des mélodies racoleuses qui auraient été mieux servies par un son plus moderne.
Pour les besoins de la critique, je me suis imposé quelques écoutes et une fois passée la déception initiale, je me suis surpris à voir mon appréciation croître pour certaines pièces en particulier. Toujours toujours était assurément un choix logique comme premier simple. Sa mélodie entêtante s’imprègne rapidement dans le cortex se transformant en sympathique ver d’oreille. La formule « claviers cheesy » fonctionne bien sur certaines pièces comme La Nébuleuse qui est portée par un rythme langoureux fort intéressant ou sur Laniakea (Les yeux) qui est joyeusement dansante. La guitare quasi classique-rock donne une teinte très intéressante à l’introduction de l’album et à l’intermède intitulés respectivement Royalement et Royalement II. On en aurait pris davantage. Les chansons plus lentes comme Aime-moi et Île Jésus tombent un peu à plat, ni portées par une mélodie mémorable, ni agrémenté de textes particulièrement inventifs. La réalisation signée encore une fois par Emmanuel Éthier (oui! le même qui a produit le fameux Maladie d’amour) est impeccable, mais on en vient à soupçonner l’homme d’être responsable de tous ces claviers dégoulinants.
Concernant les textes, l’album baigne dans le spleen amoureux et Bernhari est porté par une poésie moins inventive et urgente que sur son disque éponyme. Si l’auditeur est souvent plongé dans les lieux communs inhérents à ces thèmes, quelques morceaux se distinguent encore une fois tel Les années dix qui s’ouvre sur cette strophe douce amère: «C’est la décennie des écorchés / Je ferme les yeux et je fixe le noir / Je ne voudrais surtout pas me retrouver autre part». Toujours Toujours (on y revient à celle-là) semble être une subtile invitation à passer une nuit avec son auteur: « Que diriez-vous d’être seules /Avec moi de mordre la pomme / Dans un très grand lit / sous un tableau exquis ».
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L’invitation à mordre cette pomme est lancée pour samedi soir prochain, le 21 mai au Cercle avec Les Louages en première partie. À voir… Bernhari est spectaculaire en spectacle.