On a envie de crier IL ÉTAIT TEMPS!
Après nous avoir donné un avant-goût prometteur l’année dernière au Cabaret Festif! de la relève (« Le genre de prestation qui nous fait dire J’ai hâte à l’album, je vais pleurer tout le long en l’écoutant »), Mat Vezio nous présente enfin Avant la mort des fleurs cueillies, une magnifique collection de douze pièces logées à l’enseigne de la pop de chambre.
Pour l’occasion, Vezio s’est drôlement bien entouré : Antoine Corriveau à la réalisation et à divers instruments, Mélanie Boulay et Amylie aux choeurs, Marianne Houle au violoncelle et aux arrangements de cordes, ainsi que quelques autres musiciens talentueux se sont joints à lui pour enregistrer l’album.
Dès les premières notes d’Au nord, on devine assez bien où Vezio veut s’en aller et on monte sans réserve dans le train. Les choeurs d’Amylie et de Mélanie Boulay rappellent ceux qu’on peut retrouver sur certaines pièces de Cohen. Vezio, lui, chante un brin nonchalemment. C’est doux, c’est beau, et ça contraste joliment avec Fukushima, un folk langoureux aux guitares bluesées (salut Louis-Philippe Gingras).
L’étiquette « pop de chambre » colle particulièrement à La mort est une comédienne qui vous ignore, avec ses cordes luxuriantes qui accompagnent la voix de Vezio (qui me rappelle Stuart Murdoch de Belle and Sebastian, ici). Y’a de la couleur ici, ça complète bien les paroles tristounettes. Sur L’automne de Buffalo, Rose Normandin ajoute beaucoup de chaleur avec son cor français. Le mélange avec les cordes se fait savoureux tout en étant complètement différent de ce qu’on pouvait entendre la dernière fois qu’on avait entendu pareille combinaison (salut Antoine Corriveau). On se sent léger.
On avait déjà entendu Ce jour-là, le premier extrait de l’album qui nous a déjà fait verser quelques larmes. Cette chanson-là, elle serait déjà parfaite juste guitare-voix, mais on est content que Corriveau ait convaincu Vezio d’ajouter quelques textures à ses compositions. Les choeurs sont encore parfaits et ajoutent beaucoup d’émotion au texte déjà assez chargé.
L’ambulancière est un oreiller
L’ambulancière est une orchidée
Après tant de légèreté musicale, il fallait bien quelque chose d’un peu plus lourd. Encore une fois, Gingras se joint à la bande pour jouer de la guitare électrique sur Adèle, probablement le morceau le plus rock de l’album. De son côté, Ton cinéma réussit à être à la fois aérienne et groovy. On se ferme les yeux, on tape du pied, on écoute Vezio inviter son interlocuteur à regarder en avant et prendre son temps.
Pour Les appeaux, Vezio a invité Laura Sauvage à l’accompagner. Belle chanson toute dépouillée qui laisse toute la place aux deux chanteurs et au texte fort imagé.
Une réflexion s’impose une fois arrivé à la chanson Les files d’attente : on voyage beaucoup sur cet album. Après être allé à Fukushima, on parle d’avions, de files d’attente, de l’Île des naufragés, de l’Arizona… tout ça avec une toute petite touche de country dans le ton. Réparer les départs a un titre assez évocateur. Ça commence en douceur, mais cette fois, le refrain gagne en intensité et prend un petit air de Beck période Morning Phase. C’est aussi hot que ça en a l’air. Assez en tout cas pour réussir à mettre le feu à l’eau.
L’album se termine sur Paranoïa, une autre chanson qui serait parfaite toute nue, mais qui prend une tournure majestueuse avec l’ajout du piano et du cor français.
Mat Vezio a travaillé trois ans sur cet album. Ça paraît. On doit chercher très fort pour trouver des points faibles, soulever tous les tapis pour trouver un brin de poussière ou deux. Vezio a composé de belles chansons qui auraient sûrement été très satisfaisantes sans tous les riches arrangements qui les accompagnent. Mais voilà, ces arrangements, ils semblent s’être intégrés tout à fait naturellement. Il n’y en a pas trop, et il n’en manque pas du tout non plus. Elles ajoutent une grande valeur à la proposition, tout en permettant à Vezio de les jouer seul à la guitare si jamais le coeur lui en dit.
Avant la mort des fleurs cueillies est un bel album, tant sur le plan de la musique que des textes, qui révèlent que Vezio ne sait pas manier que des baquettes, il est également très bon avec une plume. Pour un premier opus complet, c’est une maudite belle réussite. OK, les attentes étaient quand même élevées, Vezio n’est pas une recrue sur la scène musicale, loin de là. Il est toutefois allé chercher les bonnes personnes pour l’accompagner et créer avec lui un univers qu’on a envie d’explorer. Un univers bien à lui, par dessus le marché.
À écouter pendant qu’on rêvasse en regardant la neige fondre doucement.
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