La musique de Tobias Jesso Jr. est arrivée dans ma vie de façon plutôt soudaine. Paf! Comme ça! Il y a à peine deux semaines, un ami bienveillant m’a envoyé la chanson How could you babe, que j’ai adorée. Je me suis aussitôt procuré le disque, j’ai aimé la page Facebook, constaté qu’il s’en venait jouer à Montréal, acheté un billet et me voilà de retour du formidable concert qu’il vient d’offrir dans un Corona pas assez rempli (le balcon n’était pas ouvert) mais tout de même réceptif et chaleureux.
Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre comme soirée mais j’étais confiante. Le disque Goon, paru en mars dernier, est tout simplement magnifique : des pièces pop aux mélodies accrocheuses, un peu 70’s, une voix douce, sensible et des mots assez poignants pour ramollir les genoux et tordre les boyaux. Pour chanter ces chansons touchantes et raconter ses peines d’amour, j’imaginais un Jesso timide et en retenue. J’avais donc un peu peur que le public jase (ce manque d’écoute, de respect et de pudeur étant malheureusement devenu chose courante aujourd’hui) et pour éviter les cellulaires et les conversations, j’ai osé faire ce que je ne fais jamais : je suis allée m’installer sur le bord de la scène. Je me féliciterai toute ma vie d’avoir pris cette décision.
C’est la fanfare Duk qui a entamé le spectacle au milieu de la foule ravie, avec quelques airs gypsy agrémentés de solos enlevants. Déjà, j’étais aux anges. Y’a rien comme une fanfare pour me mettre de bonne humeur. Les musiciens (deux saxophonistes, un trompettiste, un batteur, un bassiste et un guitariste, tous excellents) sont ensuite montés sur scène pour une intro instrumentale festive. Ils ont rapidement été rejoints au piano par notre hôte, un géant de 6’7’’ avec les cheveux en bataille et une face d’adolescent de quatorze ans (dont la dégaine n’est pas sans rappeler celle de notre Grand Flanc Mou, Plume Latraverse) et le groupe a enchaîné avec Crocodile tears, la pièce « tragico-comique » de l’album. Après ce préambule sympathique, Jesso s’est mis à parler et c’est à partir de ce moment que TOUT a vraiment commencé.
Tobias Jesso Jr. parle. Beaucoup. De toute évidence, il est sur scène tel qu’il est chez lui. À l’aise, accueillant, spontané et très drôle, il se raconte, taquine ses musiciens (qui le lui rendent bien), converse avec le public. Et on ne sent pas que c’est pour faire passer le temps. Rien n’est placé. Pas de mise en scène, pas de « setlist ». Le type est complètement libre et ses musiciens le suivent bien dans ses délires, que ce soit pour improviser le thème de la série Cops pour sa tante flic, présente ce soir-là, ou pour placer des finales « halloweenesques » en mineur à la fin de certaines chansons, en prévision d’un concert prévu fin octobre. Tout le monde s’amuse ferme, chez Tobias, nous y compris. Et ce qui est merveilleux, c’est que toutes ces pitreries ne l’empêcheront jamais de plonger à fond dans ses chansons et de les livrer avec justesse et émotion.
À l’heure du rappel, les musiciens quittent et Tobias nous explique qu’il ne va pas jouer à faire une fausse sortie et se laisser applaudir pour revenir sur scène. Il va nous faire une pièce en solo (la superbe True love, qui n’est pas sur l’album et c’est fort regrettable), ses complices reviendront pour une dernière chanson et ce sera la fin. Simple comme ça. Il en profite pour demander à ceux qui préfèrent jaser de se sentir bien à l’aise de quitter. « Quand tu crois que ta conversation est plus importante que ce qui se passe en avant, pourquoi endurer ça, hein? De toute façon, c’est presque fini ». Dommage que tous n’aient pas saisi le message. Il nous raconte aussi, en toute vulnérabilité et avec le plus grand sérieux du monde, que c’est encore très difficile pour lui de chanter. Que la voix, ce n’est carrément pas son instrument (le piano non plus d’ailleurs, mais c’est cette fragilité qui, à mon humble avis, rend le tout si touchant et vrai) et que ce qu’il souhaitait plutôt faire, c’est écrire pour les autres. C’est fou comme le hasard fait parfois bien les choses…
Et tel que promis, les musiciens sont revenus conclure cette soirée avec une inoubliable version de How could you babe, cette même chanson qui me l’a fait découvrir. Voilà. La boucle étant bouclée, je suis rentrée à la maison, heureuse et conquise, avec cette envie de vous raconter tout ça, en sachant très bien que c’est un peu frustrant de lire un article sur un spectacle qu’on a manqué. Mais je me suis dit que tous ces beaux moments vous donneraient peut-être aussi envie de l’écouter. Alors voici:
How could you babe (avec Duk) :
Without you (en solo) :
Pour plus d’info: