Le problème quand on est le seul journaliste à couvrir un festival … ben c’est que c’est absolument impossible de tout couvrir. « Couvrir » ici n’a absolument pas le même sens dans un pareil cas que « recouvrir » au sens de « couvrir entièrement », vous me suivez ? Enfin, tout ça pour dire que je me suis pointé bien tard hier à l’Îlot Fleurie, juste à temps pour pouvoir écouter les gars de Wisdom in Chains.
Wisdom in Chains
Wisdom in Chains est un groupe de hardcore américain qui sévit depuis 2002. Je ne suis pas un grand connaisseur du genre, mais le groupe, à mon avis, est l’un de ceux qui témoignent très bien de ce que le hardcore, bien plus qu’un simple genre musical, est à plusieurs égards un véritable mouvement de communauté. Du moins, c’est ce que laisse entendre leurs textes et attitude très « fraternalistes ».
Difficile de ne pas avoir l’impression, en voyant ces quatre durs à cuire se démener sur scène, d’avoir affaire à de « gentils tueurs » : à titre d’exemple, Mad Joe Black, le chanteur du groupe, véritable armoire à glace, a dédié tour à tour une chanson à son meilleur ami puis à sa femme… comme quoi on a le droit d’avoir l’air « badass » tout en demeurant sympa !
La musique du groupe mêle des influences punk et oi! et le tout est exécuté de manière très convaincante et efficace. De nombreux morceaux comportent des refrains accrocheurs, mais aussi des breakdowns puissants et bien sentis, typiques du hardcore. Probablement pas le type de groupe à séduire l’entièreté d’un public festivalier, mais je suis convaincu que les amateurs du genre qui étaient présents ont passé un très bon moment.
Despised Icon
J’ai été surpris de voir Despised Icon sur la programmation du festival. À vrai dire, je croyais que le groupe avait fait son dernier show en 2011. En fait, le groupe a profité de l’été pour souligner les 10 ans d’anniversaire de leur album « The Healing Process ». Chose réjouissante à mon avis : je préfère de loin le vieux matériel de Despised au plus récent en raison de ses sonorités plus grind/death que deathcore. Pour l’occasion le groupe a d’ailleurs semblé renouer avec ces premières sonorités : à mon souvenir, les deux vocals, sur leurs efforts plus récents étaient très similaires, mais hier soir, on distinguait de manière très nette les vocalises grind émises par les cordes vocales de Steve Marois des growls plus typiquement deathcore d’Alex Erian. Le rendu d’ensemble était vraiment très loud et brutal. Les musiciens, tant le drummer que les cordistes, semblaient en pleine possession de leurs moyens. On aurait cependant pû s’attendre à une foule plus dense pour souligner le retour de ces vétérans de la scène métal à Québec. Les gens présents ont toutefois fait un accueil très chaleureux et énergique au band.
(pré) after-show de Despised Icon à l’Anti
Comme je le faisais remarquer plus haut, c’est pas évident de couvrir un festival tout seul. Hier soir, j’avais l’impression d’être pressé par le temps et ai quitté l’Îlot Fleurie avant la fin du show de Despised pour me rendre au nouvellement ouvert bar l’Anti à l’emplacement de feu-l’Agitée (snif ! snif !). J’avais envie de voir de quoi la nouvelle salle avait l’air, bon prétexte pour aller jeter une petite écoute aux groupes qui s’y produisaient hier soir. Je suis donc arrivé au milieu de la prestation du groupe Sex on Fire, un groupe hommage à Kings of Leon (!). Le spectacle ne faisait pas réellement parti de la programmation d’Envol & Macadam, mais je me permet quand même de souligner au passage la grande qualité de la prestation : une performance convaincante, énergique et très professionnelle. Avec autant de talent, le groupe pourrait songer à faire un hommage à un groupe un peu plus connu (et apprécié) que KoL. J’ai été quelque peu déçu cependant de voir que l’Anti avait des allures de salle communautaire. J’ai eu l’impression que les rénovations ont quelque peu refroidi l’ambiance qui régnait autrefois et qui était si caractéristique de l’Agitée. Enfin, il faudra que je lui donne une deuxième chance: il faut dire que le spectacle de Sex on Fire était quelque peu intime et familial, ce qui n’a surement pas contribué à ne pas me faire regretter ce repère de l’underground qu’était ce bon vieux bar-coop anarcho-communiste.
Amortal et Grand Morne
Je me suis ensuite rendu au show d’Amortal et Grand Morne au Scanner. J’avais déjà écrit sur Brightlight City qui jouait avant Amortal alors j’ai dispensé mes tympans de leur prestation. Amortal est un jeune groupe tout droit arrivé du Mexique, gagnant du concours local d’Envol & Macadam. Ceux-ci font dans un deathcore technique quelque peu générique, mais efficace. Les jeunes mexicains, ayant emprunté le gear de Grand Morne, ont eu quelques problèmes avec l’ajustement des amplis. Le guitariste, tout particulièrement, a semblé embêté pendant un long moment par ces difficultés. Les jeunes musiciens ont toutefois, avec beaucoup de cœur, livré une excellente performance. Leurs compositions gagneraient cependant à être épurées : on pourrait en effet se dispenser de vocals clean, surtout quand il s’agit de jouer aussi fort. (Au passage, je ne comprend pas pourquoi les amplis étaient mikés. Tant qu’à ce qu’ils servent de moniteur aux musiciens, les amplis auraient tout aussi bien put être dirigés vers le public. Dans un bar aussi petit, qu’autre chose que la voix soit amplifié me paraît vraiment superflu).
Vint le tour de Grand Morne. Je dois dire que j’ai été conquis à l’écoute de leur premier opus. Le groupe allie différentes influences sonores, allant du stoner (quoique n’aimant pas l’étiquette : voir l’entrevue que j’ai réalisée avec Max, le bassiste du groupe), au thrash, en passant par le doom et le punk. Parfois hypnotiques, les riffs lourds et sludgy – comme ceux de « Basalt Baron », mon coup de cœur personnel – laissent de temps à autre la place à des grooves bien sentis ou à des soubresauts frénétiques soutenus à grands coups de blastbeats le tout s’enchaînant de manière jamais prévisible et toujours avec bon goût. Avec Grand Morne, on a décidément affaire à un power trio : chacun des musiciens occupe une place essentielle au sein de l’ensemble sonore et aucun d’entre eux ne saurait être mis de l’avant plus qu’un autre. Les amateurs de distorsion de tout acabit y trouveront leur compte : qu’on soit un amateur de métal noir aux longs moments contemplatifs ou de rock puissant mêlant originalité, technicité et riffs qui pognent dans la tête. Si l’on voulait comparer Grand Morne à un autre groupe québécois, il est clair que le nom de Voïvod viendrait à l’esprit, tant à cause de l’esthétique générale des deux groupes que le zèle visiblement déployé afin d’éviter le kitsch et la facilité (mais veut-on vraiment comparer ?). Un band tant à écouter sur sa chaîne hi-fi qu’à voir en spectacle (auquel cas les bouchons sont un must – frileux sur le volume s’abstenir !)
Crédits photo : Jay Kearney , Caroline Perron et Marion Desjardins