Hier soir au Cercle, on a eu droit à de la visite rare et à de la musique précieuse, gracieuseté de la formation montréalaise Esmerine. Le groupe donne généralement dans un savant amalgame de post rock et de musique de chambre, avec une dimension très lyrique et contemplative qui donne l’effet d’une véritable force tranquille issue tout droit de la nature.
C’est Millimetrik, le musicien et compositeur électronique ambiant, que le producteur a décidé d’engager pour ouvrir les festivités. Si le répertoire de l’artiste originaire de Québec est assez varié, allant du hip hop au quasi nouvel âge en passant par l’électro synth de son plus récent album, Lonely Lights. Il disait lui-même candidement que c’était sa musique froide qui devait réchauffer la foule, si on peut appeler ainsi la trentaine de personnes dispersés sur le plancher et au balcon. Rapidement les grosses basses s’installent et nous rappellent qu’on est devant un artiste électro, même si le côté live du set est mis à l’avant plan souvent, l’artiste prenant les peaux d’assaut à quelques reprises durant le concert. L’utilisation de la batterie rendait sa musique moins étrangère à ce qui était attendu en guise d’ouverture pour Esmerine. Le son très électro du plus récent album le rattrapait toutefois et ça donnait parfois une impression d’artificiel par contraste avec ce qui allait se produire ensuite. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de groupes de Québec qui auraient vraiment relevé le défi parfaitement. Même si le concert était bon et senti, le voisinage semblait parfois drôle, ce qui n’a pas empêché quelques pas de danse de s’enchaîner ici et là. Un peu avant la fin du concert, Millimetrik a offert une nouvelle fois au public un remix développé plus spécifiquement pour le concert en ouverture d’Hauschka au printemps dernier.
L’artiste, qui bat aussi les tambours pour le groupe stoner franco Les Indiens, compose actuellement l’album qui sera le successeur de Lonely Lights, et c’était d’ailleurs le dernier concert pour cet album. Dommage que celui-ci aie eu lieu en première partie d’un groupe un peu trop différent, malgré certains éléments communs, comme une structure progressive. Malgré un casting un peu étrange et les habituelles discussions de fond du Cercle, l’expérience de scène de l’artiste a permis de sauver les meubles et d’offrir un divertissement satisfaisant pour patienter pour le groupe principal.
C’est finalement aux alentours de 22h30 que la formation tant attendue s’est installée sur scène pour partager avec les mélomanes réunis sur place la petite magie de leur musique de chambre sur fond de post rock. Cinq musiciens devaient reproduire en direct le répertoire du plus récent disque ainsi que quelques autres titres plus anciens. La contrebasse, le violoncelle, le marimba, le violon et la batterie sont généralement les armes de prédilection des musiciens, mais il arrive à certains de les troquer pour autre chose. La harpe était toutefois absente de cette mouture. La prestance de leur musique suffit à imposer le respect dans la salle et l’ambiance est rapidement devenue propice à la contemplation.
Malgré l’absence de projections ou de tout support visuel externe, la performance méritait d’être observée attentivement. On a pu y voir le joueur de marimba employer un archet pour tirer des blocs de bois un son inusité qui servait à merveille à l’univers onirique créé par la musique d’Esmerine. La performance de tous les musiciens était intéressante, la précision et la finesse venaient compenser au besoin pour le faible tempo, afin de garder le niveau de divertissement assez élevé. La batterie était généralement plus présente en concert qu’elle n’a l’habitude d’être sur disque, ce qui est tout à fait compréhensible comme elle augmente aussi le niveau de dynamisme de la performance. L’assistance, bien qu’attentive, semblait un peu catatonique aux goûts du groupe, mais le côté contemplatif absorbe assez facilement l’attention. Les applaudissements fusaient quand même entre les morceaux, et encore davantage, quand ce fût le temps de réclamer un rappel. Celui-ci fut offert sans cérémonie, mais la pièce a permis au public de reprendre ses esprits et de comprendre que cette belle soirée tirait à sa fin.
C’est le type de concert qui aurait vraiment bénéficié de rangées de chaise, qui manquaient cruellement à l’expérience. Plusieurs personnes ont pu trouver refuge au balcon ou le long du bar, ce qui laissait le reste de l’assistance occuper tant bien que mal le plancher. Disposer des chaises aurait permis de regrouper les gens qui préféraient être assis et les gens qui souhaitaient être proches des musiciens pendant le concert. Ce n’est toutefois pas le genre de détail qui empêche la soirée d’être réussie d’un point de vue musical, car on a pu apprécier des beaux moments bercés par une magnifique musique interprétée avec brio.