Nos visages de mélomanes affamés avaient fondus au show de Yonatan Gat des Nuits Psychédéliques deux-mille-seize. On les a revus au FME en Abitibi durant l’été et cet automne à l’Anti avec toujours plus d’enthousiasme car le speed-psychédélisme de ces gars-là est un puissant addictif. Un an après, la formation de New York nous donne en cadeau son seul et unique batteur au nom de scène aussi stylisé que ses brûlantes apparitions sur scène. Gladys Lazer, fraîchement débarqué de la grosse pomme, viendra défoncer les planches du Temps Partiel ce prochain samedi quatre mars.
Tu te demandes, spectateur éberlué, mais de quoi peut bien avoir l’air un batteur solo sans aucune guitare, sans voix, sans basse? Je vous confirme que notre homme n’a besoin d’aucune de ces béquilles pour monter un show d’une flamboyante intensité. Voyez plutôt.
Veuillez noter qu’il sera également accompagné d’un projectionniste, qui titillera nos yeux de fioritures super-atomiques. L’expérience sera totale ou ne le sera pas.
Les premières parties seront assurées par le groupe de Montréal, j’ai nommé Tendre, qui décrivent leur musique comme un « empilement de soft-garage-psychédélique qui rend cocktail ». Moi, ça me donne soif. Leur vidéo réalisée par Geneviève Lebleu est un délicieux voyage dans la pâte à modeler. Et pour clore un line-up déjà chargé, le petit nouveau band de Québec, Déception, viendra faire ses preuves sur les planches, c’est un sac à surprises que j’ai hâte de déballer.
Mercredi soir, j’ai eu la chance d’assister à un concert semi privé avec des jams aventureux truffés de mélodies hypnotisantes et de prouesses rythmiques. Un band de New York et un band de Québec, les deux situés dans le champ gauche du rock, ont occupé la scène de l’Anti.
Le premier des deux, c’est le Charme, anciennement connu sous le sobriquet bunuelien «Le Charme Discret de la Bourgeoisie», un quatuor de Québec qui a connu maintes transformations au fil des ans mais pour qui on sent une sorte d’apogée en ce moment, avec la parution d’un excellent nouvel album prévue pour le 14 octobre prochain au Pantoum. Le set a débuté avec l’excellente «Refus Global», une pièce de Fitzcarraldo, et a pour l’essentiel été constitué du répertoire de ce nouvel opus. L’ensemble a manifestement une belle complicité et une belle créativité et le tout est interprété avec justesse, témoignant d’un réel progrès à bien des égards. C’était la mise en bouche toute désignée pour ouvrir la voie au délire-déluge qui allait suivre.
Pour ceux qui n’ont jamais vu Yonatan Gat, c’est assez difficile à rendre justice à l’expérience en mots, comme pourront en témoigner ceux qui l’ont vu au Festival OFF 2015 ou aux Nuits Psychédéliques 2016. D’abord, tout se passe sur le plancher des vaches, le band refusant de monter sur le stage depuis aussi longtemps que je les connais, préférant s’installer au beau milieu de la foule (relativement clairsemée pour l’occasion, je dois l’admettre). Les lumières environnantes s’éteignent avant la performance et les lampes du groupe, une rouge d’abord pendant l’intro menée par le guitariste qui donne son nom à la troupe, puis une verte qui donne le signe d’envoi au bassiste et au batteur qui offriront une trame musicale quasi ininterrompue pour la prochaine heure. Le principe est généralement le même: des jams frénétiques inondent les oreilles des spectateurs pour lier entre elles les pièces des deux plus récentes parutions, Iberian Passage et Director, toutes deux chez Joyful Noise. Au beau milieu d’une de ces transitions improvisées, Joe Dassin s’invite pour une dizaine de secondes ce qui m’a fait bien rire, alors que Yonatan interprète au passage une partie de la mélodie de «L’Été Indien», avec la face du gars qui se demande si son public va catcher la joke. La performance a été somme toute fort généreuse, comme d’habitude, et ce malgré la petite assistance réunie sur place, insuffisante pour énergiser vraiment les musiciens qui n’en ont finalement pas eu besoin pour donner une performance survoltée. Le batteur donnait parfois l’impression qu’il allait prendre feu, alors que les deux autres ne donnaient pas non plus leur place.
L’Anti a offert un beau contexte intime, d’autant plus intime qu’elle était à moitié vide, me donnant l’occasion d’assister somme toute à mon meilleur concert de Yonatan Gat, musicalement parlant, avec aucune note qui n’échappait à mon attention et une sonorisation plus qu’adéquate. Mais bon, il aurait pu y avoir deux fois plus de gens que je ne m’en serais pas porté plus mal. Dommage que les gens n’aient pas répondu à l’appel en masse, mais le concert était donc doublement plus précieux. Vous pouvez heureusement vous consoler avec les photos, une gracieuseté de Llamaryon.
La première fois que j’ai entendu le son de Big Brave, c’est lors du Fetivoix de Trois-Rivières 2014, au café-bar Le Zénob. Je suis ressortie de là complètement vidée d’énergie. Je pense que la chanteuse, avec ces cris et sa voix aiguë, et les sons lourds des guitares m’avaient tout pris. Pour moi, c’était une expérience très positive puisqu’après ça, je me sentais légère, je me sentais en paix. Moi, c’est ça que ça m’a fait chaque fois que j’écoute leur musique ou que je vais les voir en spectacle. Vous comprendrez que j’avais plus que hâte à la sortie de AU DE LA. Un peu plus raffiné que Feral Verdure, Au De La est tout aussi intense et énergique.
L’album est composé de 5 pièces, durant entre 5 et 13 minutes, ce qui fait un album juste assez long pour nous donner le goût de le réécouter plusieurs fois d’affilée.
Les répétitions des notes de guitare et de la batterie, ensemble ou non, sont vraiment un élément fort de cet album. C’est le cas, entre autres, pour la première pièce, On the By and By and Thereon, ce qui met bien la table pour le reste de l’album. Avant cet album, j’avoue n’avoir jamais connu un groupe qui inclut un silence voulu et bien placé d’environ 10 secondes en plein milieu d’une chanson lourde comme celle-là. Ça surprend, mais ce n’est pas désagréable du tout. Ça donne un deuxième élan à la chanson.
Avec Look at how the world has made a change, on est dans le planant et dans le rêve. On dirait presque des incantations. C’est la chanson de l’album où tu te laisses transporter ailleurs. On entend les cymbales frotter presque tout au long, ce qui donne un côté magique et les notes de guitares viennent ajouter une continuité, jusqu’à la coupure vers le milieu, où l’ambiance devient plus lourde et saccadée.
Dans la pièce do.no.harm.do.no.wrong.Do.No.Harm.Do.No.Wron.DO.NO.HARM.DO.NO.WRONG la distorsion et la gradation de la voix font grimper le poil des bras et grincer des dents. Ça donne des frissons jusque dans le cerveau. C’est comme des bonbons sures, ça pogne dans les joues, mais on aime tellement ça. Big Brave, c’est mes bonbons sures préférés.
Avec And as the waters go, on se croirait dans un suspense d’un film qui s’annonce tragique. Les quelques courts moments de silences au milieu de la pièce font l’effet d’un ralenti sur une image.
La pièce de 13 minutes qui termine l’album, re Collection Part II, débute lentement avec plus de 2 minutes d’instrumentale. Vers le milieu, on entend le batteur loin d’un micro crier des paroles qu’on distingue à peine, mais qui font que cette pièce à un son plus brut que les autres. Alors qu’on passe par des éclats de feux d’artifices vers les 10 minutes, c’est une fin douce et lente qui nous attend.
Ce que j’aime de cet album, et vous l’aurez remarqué tout au long de ma critique, c’est que ces 5 pièces nous transportent dans un univers, dans un ailleurs qui font tout oublier. Pour moi, ça, c’est l’avenir de la musique. C’est audacieux, c’est recherché, c’est unique, c’est sans prétention, c’est imaginatif, c’est lourd et c’est raffiné à la fois.
Informations:
Robin Faye – voix, guitare électrique Louis Alexandre Beauregard – batterie. voix Mathieu Ball – guitare électrique
Avec Jessica Moss au violon sur les chansons 1, 2 & 5.
Enregistré et mixé par Efrim Manuel Menuck à Hotel2Tango en février/mars 2015.
Dans le monde du Chapelier Fou le sampling est maître et l’harmonie entre orchestration et électronique est merveilleusement touchante. La première partie des Dear Criminals ce jeudi 3 septembre risque d’en surprendre plus d’un. Rencontre avec un artiste considéré comme émergent depuis quinze ans.
Le Français explique que c’est à partir d’échantillonnages (ou samplings) du conte d’Alice aux pays des merveilles, notamment de phrases du Chapelier Fou «qui revenaient un peu comme des interludes », que ses amis ont commencé à signer sur ses pochettes le nom de l’étrange personnage. L’artiste ajoute «c’est un livre qui m’a vraiment marqué, j’étais dans des expériences assez psychédéliques et ça correspondait bien à ça. Le chapelier a une espèce de folie tout à fait logique et résonnée et à la fois très poétique et rigoureuse».
Quand on lui demande quel est son processus créatif, il répond simplement « j’ai toujours fait de la musique pour comprendre la musique que j’écoutais ». Ainsi, pour mieux apprécier l’univers psychédélique et poétique d’artistes comme Bonobo, Dj Shadow ou Portishead, il s’est mis derrière la table.
Comme le raffinement d’une table de thé, avec le cliquetis d’une cuillère qui remue le sucre dans une tasse, si vous permettez la métaphore, l’artiste pars de petites choses. Un son, un objet sonore, un traitement qu’il va ensuite développer et interroger comme une personne qu’il respecte et qu’il confronte parfois : « je veux toucher à tout, expérimenter, toucher à l’inouï, mais après ça veut pas dire que ma musique n’est pas accessible, mais elle est pourtant expérimentale » précise le Chapelier.
Riche musicalement en studio, mais en live?
Être accompagné de trois musiciens «est une véritable révolution», explique l’artiste, musiciens qu’il considère comme des «personnes parfaites». Marqué par des précédentes tournées solos stressantes au quatre coins du monde, on sent une certaine libération ou confiance de jouer en quatuor: « j’axe moins sur le fait de faire des boucles, c’est plus axé sur le ressenti en temps réel. Il y a un peu d’improvisation alors qu’avant il fallait que je prépare mes shows », lâche le musicien.
Il est très excité de revenir au Québec, où il avait joué par le passé au Festival de Musique Émergente en 2010 et au Festival International de Jazz de Montréal en 2012. Il garde de très bon souvenirs: « C’était un concert merveilleux, j’avais joué avec Pierre Lapointe. L’ambiance était incroyable, j’y suis resté pendant une semaine, c’était hyper agréable. »
Il jouera avec en première partie des Dear Criminals ce soir au Divan Orange avant de venir chez nous à L’Anti le 3 septembre. Il fera deux sets au Café Bar L’Abstracto du FME les 5 et 6 septembre en formule 5 à 7.
Ah oui aussi, il passe le bonjour à sa maman.
Deltas (sorti en France en septembre 2014 et chez nous le 28 août dernier):
Dates québécoises
1er Septembre – Montreal (CA) – Divan Orange avec Ropoporose et Dear Criminals 3 Septembre – Québec – L’Anti (251, rue Dorchester) – 13 $ à la porte – 1ere partie de Dear Criminals
05 Septembre – Nouyn Nouranda (CA) – FME
06 Septembre – Nouyn Nouranda (CA) – FME
En avril 2014, on apprenait à connaître Arthur Comeau (Alexandre Bilodeau de son vrai nom), le « beatmaker » derrière les hits de Radio Radio avec son premier album solo, 3/4. Ce fut le début du cheminement qui l’a mené, le 21 août dernier, à son dernier projet, de style hip-hop expérimental, Prospare.
Prospare se veut un retour aux sources expérimental qui mènera à la finalité du voyage musical avec l’album Planète Clare en 2016.
À premier abord, l’album, parue sous l’étiquette P572, les « beats » sont très accrocheurs, quoi que plus lourds et souvent plus lents que sur le premier album, mais il ne faut pas s’arrêter là. Les sujets abordés vont au gré du vent et nous font osciller entre les ambiances de la Nouvelle-Écosse et Montréal (lieux d’enregistrements). Ce n’est qu’à la seconde écoute qu’on les remarques véritablement. Mis à part un peu trop d’auto-tune sur quelques morceaux, l’album s’écoute bien d’un bout à l’autre en auto, au travail ou sur la « beach ».
C’est un retour aux sources qui fait du bien et qu’on aurait bien aimé avoir dans nos oreilles en début d’été !