Vendredi dernier, c’était une soirée 100 % Sherbrooke qui était au programme à la Petite Boîte Noire. Deux groupes locaux, les excellents Fiche le roi et Nullius In Verba, se produisaient en spectacle au grand plaisir de leur home crowd, qui remplissait assez bien la salle ce soir-là.
La soirée a débuté avec Fiche le roi, dont les compositions ont ensorcelé le public dès les premières notes. Composé de Yohann Francoz (basse, guitare et voix aiguë), Philippe Gagné (guitare, voix moins aiguë), Jean-Sébastien Lavoie (clavier) et David Letendre (batterie), le groupe semblait avoir un penchant pour les ambiances et textures éthérées, limite zen, qui seyaient parfaitement à leurs chansons. Toutes dotées d’un petit côté progressif, ces chansons étaient sérieusement bien construites et mariaient convention et imprévisibilité. Il pouvait y avoir une passe étrange ici et là, mais celle-ci était répétée quatre fois pour qu’on puisse bien la saisir. Pop-prog? À vous de voir.
Loin de moi l’intention de diminuer l’aspect complexe des chansons de Fiche le roi : j’ai adoré la subtile accessibilité qu’ont insufflée les musiciens dans leurs chansons, qui n’en restaient pas moins bien ficelées. Et bravo pour les paroles en français! Les thèmes existentiels allaient de pair avec la musique… Serge Fiori serait fier.
Le groupe avait sorti leur premier simple, Liste de souhaits, sur Bandcamp la veille du spectacle, et c’était assurément l’une des meilleures qu’ils ont jouées ce soir-là. Le jeu de guitare était superbe; on sentait les musiciens dans leur élément. Tous les meilleurs éléments de la musique de Fiche le roi se sont retrouvés dans cette performance : l’originalité, la douceur, les harmonies non conventionnelles, les paroles recherchées… bref, vraiment une chanson à découvrir, puis à écouter en boucle. On en veut plus. Longue vie au roi!
C’était ensuite au tour des frères et sœurs du groupe Nullius In Verba à entrer sur scène. Les deux grands frères, Charles et Remy Bergeron, jouaient de la guitare et de la basse, pendant que Mariana volait le show derrière sa batterie. Son énergie et sa joie compensaient grandement pour la timidité de ses deux frères.
Nullius In Verba, c’est un jam band qui emprunte autant aux Grateful Dead qu’à Pink Floyd et qui n’a pas peur d’étirer les grooves afin de bien installer leur caractéristique vibe ésotérico-funk (oui, je viens d’inventer le terme, et oui, ça sonne exactement comme ça). Le groupe semblait avoir une curieuse façon de créer : au lieu d’écrire une chanson puis la déformer en jam psychédélique, le groupe optait pour un procédé qui semblait être plus intuitif. En effet, les chansons semblaient naître au milieu des jams improvisés, avec des paroles surréalistes chantées par Charles.
La musique se voulait hypnotique, alors l’apparition périodique de fumée sur la scène de la Petite Boîte Noire était d’adon. Mais le moment le plus enivrant de la prestation a été lorsque Mariana est venue à l’avant de la scène et a chanté doucement sur fond de jeu délirant de guitare et de basse. Les musiciens semblaient être en parfaite symbiose, communiquant sans doute par télépathie sans que nous puissions nous en rendre compte. Puis les tambours et cymbales ont fait leur retour, et les têtes des spectateurs se sont remises à hocher doucement au rythme des jams endiablés de Nullius In Verba.