Après ma première écoute de Full Face, le petit dernier de Dany Placard, j’ai eu envie de serrer le grand gaillard dans mes bras. Oui, je sais, c’est pas parce que ça va mal dans tes chansons que ça va vraiment mal dans ta vie, mais ça prend un minimum de nuages sombres dans son coeur pour écrire des trucs comme ceux qu’on retrouve sur cet album.
Heureusement, les paroles sombres sont accompagnées d’un rock qui s’éloigne pas mal du Placard traditionnel, plus country-folk. Serait-ce l’influence de Vivianne Roy (Laura Sauvage), avec qui il travaille depuis quelques années et qui est elle-même très influencée par le bon vieux rock? Bon, je vous vois venir… « Mais Jacques, Santa Maria rockait pas mal, lui aussi! » M’a vous répondre comme mon fils : « Oui, mais… »
Oui, mais c’est l’esprit qui est différent. Au lieu de faire du folk avec une guitare électrique, Placard emprunte çà et là des sonorités à Nirvana (les dernières secondes de La confesse rappellent BEAUCOUP celles d’All Apologies) et aux War on Drugs, par exemple. Y’a même quelques petits relents de Tame Impala… et de Laura Sauvage! Ça peut laisser des égratignures (y’a quelques méchants beaux solos de guitare) comme ça peut être vachement planant grâce à la présence subtile, mais fort opportune, de cordes et de claviers.
Si on apprécie les gros rocks de Full Face (notamment la pièce-titre qui, malgré son tempo un brin ralenti, se termine avec fougue avec un solo de feu, du piano et des choeurs… un peu comme si Jack White reprenait les dernières minutes d’Hotel California sur l’acide), il y a aussi quelques maudits beaux moments de tendresse comme sur Mon amour était plus fort que ce qu’on voit dans les rues, une ballade triste, un gros plain cochon comme ceux qui finissaient nos danses au secondaire, ou sur Vince, une toune que Kurt Cobain aurait probablement écrite s’il avait grandi à Laterrière plutôt que dans l’État de Washington (et s’il était des nôtres en 2017).
Ce son qui rappelle beaucoup les années 1990, mais qui demeure tout à fait actuel, accompagne parfaitement les thématiques qu’on retrouve sur Full Face. L’abandon, la solitude (l’envie d’être seul… de se mettre un gros casque de moto sur la tête pour étouffer les sons), le doute, l’angoisse, Manon, non, c’est pas jojo, mais ça n’a pas besoin d’être froid non plus, bien au contraire… L’énergie déployée dans plusieurs des chansons vient nous prendre par les tripes, on peut aisément écouter tout en tapant du pied et en hochant la tête!
La magnifique Virer d’bord, qui conclut l’album, nous montre un Placard vulnérable : une voix toute en douceur, des arrangements magnifiques (guitare acoustique, piano et cordes), et quelques perles in your face côté paroles :
Oui, j’ai perdu la foi
J’crois pu en rien, ça va pas ben
Des jours, c’est mieux…
Encore là, même si on connaît le franc-parler de Placard dans ses chansons, il faut reconnaître que sur Full Face, l’auteur-compositeur-interprète se fait beaucoup plus subtil et imagé, ce qui permet à l’auditeur de s’approprier ses chansons (hé, on a tous eu un Vince dans nos vies… en tout cas, je pense!).
Guillaume Bourque, qui a coréalisé l’album avec Placard, a réussi à brider ce dernier qui reconnaît que Full Face aurait probablement été un peu moins accessible (surtout pour les fans de la première heure) s’il n’avait pas été là. Le résultat : un album qui, sans être déroutant, permet de sortir des sentiers que Placard a battus depuis dix ans. C’est tant mieux, parce que c’est un beau voyage, même s’il y a quelques tunnels assez sombres en chemin.
On en redemande!
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