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[SPECTACLE] Les Goules, Le Cercle, 29 avril 2016
Malgré quelques soubresauts de vie (une paire de concerts anniversaires pour souligner les 10 ans de l’album éponyme) Les Goules avaient été placés sur le respirateur artificiel et c’est de façon aussi soudaine qu’inespérée qu’ils ont repris vie de manière fort éloquente avec leur nouvel album Coma, paru début mars. Ils venaient enfin présenter le fruit de cette résurrection vendredi soir dernier dans un Cercle paqueté et suintant. Ils étaient attendus et le moshpit s’est déchaîné en même temps que les premières notes de Parle Parle, la foule s’exécutant après les 4 coups de baguettes du batteur Igor Wellow. Le ton était donné.
C’est parés de nouveaux déguisements que les Goules ont transmis leur folie à la foule dans une joyeuse épidémie… Ça sautait, poussait, lançait de la bière, crachait les paroles avec acharnement. Le tour de force aura été de constater que les fans massés au-devant de la scène connaissaient déjà très bien le nouveau matériel. Ainsi, des chansons comme Coat de cuir, Piranhas ou Régimes auraient donné l’impression à un néophyte qu’il s’agissait de vieux classiques. Pour ceux-ci, le groupe a eu l’excellente idée de les insérer partout à travers les nouvelles chansons. On a donc pu entonner Taupe, Matelot ou Les Animaux assez tôt dans la soirée. Plusieurs moments goulesques sont venus ponctuer cette soirée dont cette incapacité qu’a eu le chanteur Keith Kouna à faire taire cet enfant terrible qu’était la foule alors qu’il essayait tant bien que mal de faire l’intro de la chanson Folk guitare «déploguée». Après un succès mitigé (pas certain que les gens en arrière aient saisi quoique ce soit de la partie acoustique de la chanson), il y a eu un moment de confusion alors que Kouna a manqué un «cue» de mise en scène lorsqu’il a déposé sa guitare classique à la fin de la chanson. Celle-ci semblait avoir été épargnée avant d’être hargneusement fracassée sur la scène dans ce qui semblait être un véritable exutoire. Le moment « Mes Aïeux », dixit Keith Kouna, se terminait d’une drôle de façon. Plus tard, on a dû deviner qui de Bobby Bazini ou Andrée Waters avait été le premier vivant aperçu par le groupe à son réveil du coma. Nous fûmes bernés par Monsieur Kill… Ils nous ont aussi servi une douce chanson d’amour: Pendaison, une hyperbole! Quand on croyait que la soirée ne pouvait être plus étrange, Kouna avouait être le professeur de danse de Yann Perreau, Beyoncé et Snoopy. On pourrait presque y croire…
Le concert a donc déboulé à un rythme effréné et le public qui en redemandait sans cesse en a reçu plein les tympans. Cette séance s’est terminée par la performance jubilatoire de Crabe, puis le rappel n’a fait que confirmer le statut mérité de groupe culte qui colle aux Goules, même s’ils n’en ont probablement rien à faire. Que ce soit durant Montagne, Biker, Dynamite ou Ville, le groupe a mis le public à sa main. Du devant de la scène au fin fond du Cercle, des spectateurs en transe chantaient et trippaient constatant que le groupe fétiche dépassait largement les cadres d’une réunion nostalgique. Rabin Kramaslabovitch, Ken Pavel, Klaudre Chudeba, Kouna et Wellow ont semblé profiter du buzz comme il se doit. Nous avons assisté à une renaissance et ce n’est certainement pas Québec qui allait s’en plaindre.
En première partie, Gerbia a garroché son punk-hardcore crasseux rappelant The Exploited. Pour le peu qu’on saisissait, on comprenait vite le créneau: une exécution ultra rapide sur fond de rébellion. Efficace, mais un brin répétitif n’en déplaise aux fidèles qui se réchauffaient dans le slam.
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[ALBUM] Les Goules – Coma
Quelque part dans la nuit entre le 29 février et le 1er mars, sorti de nulle part, le spectre des Goules s’est rematérialisé laissant ses disciples dans une émotion trouble mixant stupeur et excitation. Les Goules seront restés dans le coma pendant 9 ans (avec quelques soubresauts d’éveil pour de rares concerts anniversaires), période pendant laquelle son chanteur Keith Kouna s’est lancé dans une aventure solo remarquée. Ils avaient d’ailleurs prétendu ne pas vouloir surfer sur la nostalgie plus longtemps; un futur retour des Goules s’accompagnerait de nouveau matériel. (voir à ce sujet l’excellente entrevue avec Keith Kouna parue en mai 2015 sur voir.ca)
Nous y sommes: il y aura de nouveaux spectacles et du nouveau matériel. L’excellente nouvelle, il va sans dire, c’est que ce nouveau matériel est ancré dans l’ADN des Goules et les chansons sont d’une redoutable efficacité. C’est parfois irrévérencieux; Folk, ce pastiche Kaïn-ish en est l’exemple le plus probant, mais il y a aussi Parle Parle et Fermez vos gueules. Puis, d’autres pièces inquiétantes comme Coma, une des pièces les plus lourdes du catalogue des Goules, ou Bateau Mort. On retrouve bien sûr ces petits brûlots typiques de l’univers des Goules, Piranhas et Coat de Cuir, portraits de types tourmentés amalgamés en une critique sociale. Régimes, un autre sommet sur l’album, propose une habile corrélation entre les régimes alimentaires et politiques. Efficace. Que dire de Bouddha, étrange fable érotico-biblique où le personnage visualise un Bouddha qui traine avec des pornstars, le tout sur une mélodie punk et luxuriante. Finalement on retrouve 2 pièces, Blanc Boeuf et Bergerie (cette dernière semble née de l’union entre Paradis et Napalm, deux pièces du disque de Kouna Du plaisir et des bombes), qui auraient sans doute pu trouver leur place sur un album solo de ce dernier puisqu’elles se rapprochent davantage de l’univers (légèrement, il faut relativiser!) plus propre de ce dernier. Tout ça forme un tout cohérent et extrêmement efficace. Les vers d’oreille sont nombreux et vont assurément peupler l’imaginaire de votre cerveau de mélomane. Mention spéciale aussi à la superbe et inquiétante pochette de Pierre Bouchard.
Les Goules supporteront ce nouveau matériel lors d’une tournée de spectacles qui s’arrêtera entre autres au Cercle à Québec le 29 avril et à la taverne de Saint-Casimir le lendemain.