Le week-end dernier avait lieu le Mile Ex End Musique Montréal, un joli festival urbain organisé sous le viaduc Van-Horne, à Montréal. Au menu, beaucoup de musique, une ambiance qu’on promettait familiale, un pop-up shop et un cadre urbain qui n’est pas sans rappeler une partie d’Envol et Macadam (beaucoup de béton).
La programmation était alléchante : Cat Power, City and Colour, Patrick Watson et Godspeed You! Black Emperor assuraient la tête d’afffiche, ce qui est déjà beaucoup, mais le reste du programme me plaisait également beaucoup!
Parti tôt de Québec samedi matin, je suis arrivé un peu avant midi pour me familiariser avec les lieux. La grande scène est complètement à l’extérieur dans un gros stationnement. La deuxième scène est collée sur le viaduc… sous lequel les spectateurs vont se masser. Enfin, la troisième scène, où étaient présentés les spectacles plus intimes, était en retrait, tout près de la voie ferrée.
C’est d’ailleurs à cette scène que j’ai fait mon premier arrêt pour Maude Audet. La jeune femme lance ce mois-ci un nouvel album inititulé Comme une odeur de déclin. C’est d’ailleurs avec le premier extrait de cet opus, l’excellente Galloway Road, qu’Audet se lance sur scène. Les guitares ont davantage de mordant et la voix d’Audet se fait plus douce, éthérée. Ça se remarque même sur les plus vieilles chansons. Bien entourée (notamment par Martien Bélanger à la guitare et Émilie Proulx à la basse), Audet livre ses chansons tout simplement, sans artifices.
Quelques minutes plus tard, Adam Strangler faisait balancer ses riffs indie rock teintés de new wave. Le groupe, qui a sorti un EP au printemps dernier en plus de l’excellent Ideas of Order en 2016, est très solide sur le plan musical, mais soyons francs : les gars semblaient un peu trop fraîchement sortis du lit. Comment dire? Ça manquait un brin de présence…
Après une Audet réservée et des Adam Strangler encore un brin endormis, je me suis dirigé vers la grande scène pour y voir Aliocha. Celui-ci rayonnait (peut-être à cause du soleil qui était franchement bon). La pop ensoleillée du jeune homme était parfaite dans les circonstances. Il s’est permis d’inviter Charlotte Cardin à chanter quelques notes avec lui.
Suivait notre bon vieux Tire le coyote et son band de course. De Confetti à Moissoneuse-batteuse, Pinette et ses acolytes ont proposé une prestation folk très électrique où Shampouing et Simon Pedneault s’amusaient ferme avec leurs six cordes. Contrairement à sa prestation à La Grosse Lanterne, où on avait l’impression que le public découvrait Tire le coyote, ici, Pinette avait beaucoup de fans qui n’avaient pas besoin de se faire prier pour crier leur appréciation et taper des mains! Ce qui a semblé galvaniser le groupe. Une seule nouvelle chanson au programme : Tes bras comme une muraille tirée de Désherbages, qui paraîtra à la fin du mois.
Un de mes coups de coeur de la fin de semaine, c’était Megative, un collectif de Brooklyn (dont Gus Van Go, ancien Me, Mon & Morgentaler) qui se sert du reggae comme toile de fond, mais qui y colle toutes sortes d’influences (par exemple une attitude un peu punk, une touche de hip hop). L’énergie déployée par les différents membres du groupe est contagieuse et ça danse joyeusement chez les spectateurs.
Après un petit en-cas, j’arrive juste à temps pour attraper Matt Holubowski, qui a le soleil drette dans ses lunettes. Le même soleil éclaire le gros « soleil » jaune au milieu de la scène, et c’est magnifique. Et c’est la même chose pour la musique qui nous entre dans les oreilles. Un truc qui exige une certaine qualité d’écoute, mais derrière le côté folk d’Holubowski, il y a ce rock atmosphérique très gratifiant. On finit par planer avec Matt et sa bande.
Ça s’est gâté un peu pour Cat Power. L’auteur-compositrice-interprète compose de bien jolies chansons qu’on adore sur disque, mais c’est un peu différent sur scène. Si la musique de Cat Power se défend super bien sur disque et si l’interprétation était juste en ce beau samedi soir, Marshall était tellement crispée et stressée par la moindre petite perturbation (un tout petit peu de feedback, une foule un brin indisciplinée) qu’elle avait l’air d’un fantôme. À la guitare ou au piano, il y avait comme un courant d’air froid qui circulait entre la scène et le public. Dommage. Parce que la musique était belle!
Mon samedi soir s’est terminé avec City and Colour. Dallas Green et ses musiciens ont offert tout un numéro de pop aux accents folk devant la plus belle foule de la soirée. Nul doute que de nombreuses personnes sont venues sous le viaduc Van-Horne juste pour le plaisir d’entendre la musique de Green. Je ne suis toujours pas super fan du projet, mais il faut reconnaître qu’il a bien évolué au fil des ans…
La journée du dimanche était était complètement différente en raison de la pluie. Une méchante pluie froide, pas très forte, mais constante, qui pourrait te tuer un festival. Heureusement, le programme de la journée promettait!
Helena Deland semblait agréablement surprise de voir les nombreux parapluies qui se massaient devant la petite scène. La jeune femme à la douce voix nous a offert son folk-pop atmosphérique et feutré. Rien pour chasser la pluie, mais un maudit beau moment pareil. Par rapport à ce qu’on peut entendre dans nos haut-parleurs à la maison, l’interprétation live des chansons d’Helena a un peu plus de chien et de mordant, ce qui est loin d’être désagréable.
Bien à l’abri sous le viaduc, parmi les membres du public, Kid Koala a décidé de se jouer de la météo peu clémente et de passer un paquet de chansons qui parlent de pluie d’une manière ou d’une autre. Comme toujours, le DJ prend son pied, exécute sa magie avec une liste de pièces qui donnaient le goût de chanter, de danser et de sourire, tant chez les petits que chez les grands. Personne ne sera surpris d’apprendre que le kid a enfilé son costume de koala. Qui lui a bien servi quand il est allé faire participer les enfants à une belle grosse piñata en forme de pieuvre. Une prestation au cours de laquelle on a même pu entendre du Milli Vanilli! Oh, pis vous savez ce qui bat un gros train de personnes? Quatre trains en formation concentrique! Juste du fun!
Pauvre Lydia Képinski. Pleine d’assurance, un petit sourire en coin, Lydia n’allait pas craindre une petite averse, elle a déjà vu pire. Avec ses deux musiciens, Lydia chante de sa voix aiguë et désinvolte (oui, oui, ça peut être désinvolte, une voix) ses chansons qui ratissent large en mélangeant la chanson, le rock, la pop et le trip-hop. Elle nous interprète bien à sa manière Les temps fous, de Daniel Bélanger. Aussi bien dire qu’elle se la réapproprie totalement. Comme toujours, c’est la savoureuse Brise-glace qui me rentre dedans comme une tonne de briques avec sa longue finale où le trio (dont Blaise Borboën-Léonard qui passe du clavier au violon et vice versa) nous fait presque entrer en transe. C’est pendant Andromaque que ça s’est un peu gâté… juste au moment où la (longue) chanson gagne en intensité, bang, plus d’électricité sur la scène et la jeune femme doit rebrousser. Et nous aussi.
La pluie tombe encore fort, mais ce n’est pas grave, on retourne sous le viaduc pour l’auteure-compositrice-interprète Suzanne Vega venue jouer l’intégrale de Solitude Standing, son album le plus populaire, qui a 30 ans cette année. Ouf, le fait de me rendre compte que j’étais ado quand j’écoutais Luka en boucle (à l’époque, c’était « play » – « rewind ») sur ma cassette de tounes enregistrées à la radio. Les chansons les plus connues sont au début de l’album, ça va commencer fort. En effet, tout le monde écoute attentivement Vega lorsque celle-ci interprète Tom’s Diner a capella. Et tous ceux qui ont l’âge de le faire chantent le refrain de Luka avec Vega. Entourée de ses trois musiciens chevronnés, Vega n’aura aucun mal à conserver l’attention de la foule jusqu’à sa revisite de Tom’s Diner en formation complète cette fois-ci. Une chance qu’on a eue!
J’ai enfin pu voir Andy Shauf et entendre quelques chansons de The Party interprétées dans ma grosse face! Malgré la grosse pluie (qui a forcé l’arrêt du spectacle pendant quelques instants le temps d’enlever l’eau de la scène), on a musicalement été gâtés avec de magnifiques arrangements (dont des instruments à vent). La grande majorité des gens que j’observent écoutent religieusement, même si Shauf n’est pas l’homme le plus charismatique de la planète (ce qui ne l’a pas empêché de décocher quelques sourires… à ses musiciens!). Quand ce qu’on nous joue est bon…
Retour sous le viaduc pour une des prestations que j’attendais le plus de ma fin de semaine : Basia Bulat. J’ai froid, je suis pas mal trempé (malgré les protections que j’avais). C’est là que je prends la décision de partir… après ce petit tour de chant. Visiblement heureuse de jouer à deux pas de chez elle, Bulat nous a offert un gros paquet de bonbons provenant surtout de Good Advice (ce fol album réalisé par Jim James). Une voix plus sûre que jamais, un sourire qui ne veut pas s’en aller, des musiciens qui font une belle job pour enrober le tout, vous avez là la recette du succès!
C’est malheureusement là que mon Mile Ex End s’est terminé. Oui, j’ai manqué Patrick Watson et Godspeed You! Black Emperor, mais je n’en pouvais plus, la pluie a eu raison de moi et je suis retourné à Québec un peu plus tôt que prévu. Mon camarade Stéphane Deslauriers parle de la fin du festival sur Le canal auditif.
Même s’il aurait peut-être besoin d’un peu d’amour, le site proposé par le Mile Ex End convenait parfaitement à un festival de cette envergure, une grosse fête de quartier (payante, mais tout de même abordable quand on regarde la qualité de l’affiche). On n’a aucun mal à imaginer que ce festival qui partait de rien cette année pourra tirer son épingle du jeu sur ce plan. On a bien utilisé le viaduc Van-Horne (élément salvateur de mon dimanche après-midi) et on y a accroché un éclairage qui renforçait le look un brin industriel des lieux.
Une fête de quartier ne suscite pas nécessairement l’intérêt des mêmes personnes que des festivals de plus grande envergure. Ce qu’on a pu voir le week-end dernier, c’est un public très éclectique, amateur de musique en tous genres et venu en très grand nombre en famille (y’avait beaucoup d’enfants). Un public qui a pu profiter d’une ambiance festivalière où presque tout avait été prévu pour le plaisir des petits… et des grands!
Oh, bien sûr, on aurait apprécié une meilleure sélection de bières (mais bon, la 50 faisait la job) pour accompagner la belle bouffe offerte par les camions de rue présents.
La sélection musicale était plutôt intéressante, surtout sur un élément important : la quasi parité hommes/femmes dans la programmation. Le plus drôle, c’est que ça n’a même pas eu l’air d’être forcé. Sur ce plan, on peut lever notre chapeau. Et souhaiter que Mile Ex End revienne l’an prochain avec un mandat peut-être un peu mieux défini (fête de quartier ou événement touristique? C’était pas toujours clair…).