À l’occasion de son passage prochain dans notre ville, Philippe Brach nous a accordé un peu de temps téléphonique pour nous parler de lui et de son spectacle du 6 juin prochain (c’est demain ça !) en plateau double avec Simon Kearney, au Cercle. Un personnage hors du commun, ce Philippe Brach. Il présente des textes crus aux propos souvent glauques, parfois marrants, souvent les deux. Le tout est enrubanné dans une musique folk aux accents country qu’il qualifie lui-même de «lubrique», faute de termes descriptifs adéquats, et accompagné d’un personnage généreux et comique.
À la vue des nombreux animaux présents dans son photoshoot d’album, on lui a demandé de se décrire lui-même en se comparant à un animal. Choix judicieux, il a convenu que le ratel et lui avaient quelques points communs : «C’est vraiment un p’tit criss. Il fonce la tête baissée sans trop se soucier de ce qui va arriver. Ça me ressemble ben gros ça je trouve!» Pour ceux qui ne connaîtraient pas la bête, l’auteur-compositeur-interprète nous l’a décrite brièvement : « C’est comme une mouffette africaine, mais ça n’a comme peur de rien ; ça se bat contre contre les ours et les gros serpents, pis ça s’en crisse un peu.»
On constate déjà, par ces réponses, le côté humoristique de Brach, qui jure avec une partie plus sombre de son art. Pour mieux comprendre cette apparente contradiction, on a creusé le sujet. Pourquoi mettre de l’humour dans des chansons si sombres ? Philippe explique qu’avec des chansons aussi tristes, l’humour aide à faire passer des messages difficiles : «Ça aide à mieux passer l’humour, c’est un très bon lubrifiant !» Il ajoute aussi qu’avec un bagage de 14 ans en improvisation théâtrale, il constate que l’humour fait essentiellement partie de lui : «J’ai toujours eu dans l’âme quand j’étais sur scène de vouloir faire rire le monde, et j’pense que ça a toujours été comme ça malgré moi.» En musique, son humour est donc aussi une façon de transmettre son identité à travers des pièces déjà débordantes d’authenticité.
Toujours est-il qu’en dessous du miel, il reste la pilule à avaler. Les textes de La foire et l’ordre, son premier album, traitent de sujets noirs tels que la mort, la folie, l’ivresse, les histoires d’amour tristes. «C’est vraiment ma zone de confort, explique Brach. C’est con, mais habituellement j’suis plus attiré par les univers qui sont crasses, sombres ou glauques. Ça vient comme naturellement.» Une fascination pour la noirceur, qu’il exploite pour créer. Les parties lumineuses de sa vie, explique-t-il, ne sont pas un matériel intéressant pour son écriture : «Quand j’suis en amour, j’écris des belles chansons et ça devient un peu trop crémeux, un peu trop kitsch assez rapidement. Généralement ces chansons-là ne font pas la cote. Pis j’suis quelqu’un qui peut être parfois down dans la vie, et reste que pour écrire j’aime mieux ça quand c’est très sombre.»
Un contraste ma foi intéressant entre l’humour et la noirceur, qui se retrouvera aussi certainement dans son nouvel album, Portraits de famine : «C’est clairement pas avec cet album-là que tu vas te recoudre les veines, Marie-Ève !» m’a-t-il lancé, presque avec enthousiasme. Mais il nous promet aussi, à travers un univers sombre, un album qui «groove un peu plus» et des chansons qui, même tristes, «sont vraiment bien habillées pour que tout passe vraiment bien». On aura d’ailleurs la chance d’en entendre un aperçu demain au Cercle, où il compte nous jouer trois ou quatre nouvelles chansons. Sur un total de douze ou treize, huit ou neuf pièces seraient déjà «en chantier», mais pas toutes assez prêtes pour être jouées : «On est en studio en ce moment, et on fait revirer les tounes de bord au complet. On en coupe, il y a des parties qui s’en vont, on en change, on change des structures de chanson, alors il y en a qu’on ne fera pas parce qu’elles sont trop en train d’être changées.» Reste que ce futur album, à sortir en septembre prochain (il faudrait aussi dire qu’il est réalisé par Louis-Jean Cormier, celui dont il faut prononcer le nom), paraît prometteur : «J’suis vraiment, mais vraiment satisfait de c’que ça donne. C’est de très très loin un meilleur album que le premier à mon sens», nous confie Philippe Brach.
En espérant que vous serez au Cercle demain pour découvrir vous aussi soit l’auteur-compositeur-interprète, soit ses nouvelles chansons ! C’est un spectacle qui promet, en plateau double avec le jeune et talentueux Simon Kearney. Philippe Brach nous a donné ses impressions sur ce dernier, même s’il avoue humblement n’avoir pas beaucoup écouté sa musique : «J’aime bien sa vibe, son playing de guit aussi. J’trouve ça cool, j’aime bien l’ambiance qu’il y a dans son EP et dans les deux nouvelles tounes qu’il a pitché. C’est vraiment un plaisir de partager la scène avec lui.» Il pense aussi que, les deux musiciens étant dans un style connexe, les deux publics se mélangeront bien et que la foule sera réceptive (moi, j’aurais dit comblée). «J’ai vraiment hâte,» ajoute-t-il en terminant. Nous aussi, puisqu’on couvrira le spectacle.
Dernière question, mais non la moindre, on lui a posé le traditionnel (du moins, pour moi) «quelle question rêves-tu de te faire poser en entrevue ?» D’abord, pris de court et fasciné, il a répondu que cette question elle-même était la réponse à la question. Mais par la suite, après réflexion, il a ajouté : «Sinon il y a aussi “avec qui j’aimerais jouer de vivant”, j’aime bien me faire poser ça parce que ça change souvent. Aujourd’hui, j’aimerais que ça soit le Soweto Gospel Choir : c’est une chorale gospel d’Afrique du Sud. […]C’est vraiment un buzz, mais…mon genre de buzz!»