Jeudi dernier, le comité Production Culturelle du baccalauréat en communication publique présentait son événement final Omerta sous le thème de la prohibition, où tous les fonds amassés étaient remis à la Fondation de Lauberivière, qui vient en aide aux sans-abris de la ville de Québec. En plus d’y découvrir plusieurs artisans et le groupe Swing Bazar durant le cocktail culturel, nous avons pu apprécier Gazoline, Caravane et Rednext Level, qui ont complètement enflammé la soirée.
Cocktail culturel
Verre de cidre rosé de la Cidrerie Michel Jodoin à la main, j’ai profité du début de la soirée pour découvrir les artisans exposants. Des artistes tatoueurs, des artistes visuels multidisciplinaires ainsi que Clav’s Workshop avec ses longboards personnalisés y étaient entre autres présents. Le groupe Swing Bazar a quant à lui assuré la partie musicale avec son jazz manouche.
Quoi de mieux pour commencer une soirée?
Gazoline
C’est avec une foule un peu timide que Gazoline est enfin monté sur scène en interprétant deux chansons de leur dernier album « Brûlensemble » : Parfaite et L’amour véritable est aux rebelles.
Un peu surprise d’entendre ces chansons dès le début, je me suis laissée emporter par leur rock’n’roll influencé par les années 80. Avec cet album, on peut ainsi remarquer la maturité du quatuor : un style un peu plus recherché qui sort assurément des sentiers battus. Le groupe a aussi franchement bien interprété la chanson When you were young de The Killers. En fin de spectacle, l’énergie du groupe était à son comble.
Caravane
Caravane a complètement fait exploser la salle Multi de Méduse ce soir-là. L’ambiance était à son apogée; la foule était très réceptive, et les musiciens ont donné une prestation à couper le souffle. Je qualifierais même ce spectacle de l’un des meilleurs jusqu’à maintenant, et ce, même avec un drummer en remplacement. On pouvait même croiser William, drummer actuel, à l’avant de la scène prêt à rocker malgré une blessure à la cheville.
Dominic, le chanteur du groupe, a littéralement tout donné, il était en feu!
Que dire de son maquillage noir dans le visage, déchirant son chandail tout en dansant à genoux au milieu de la foule? Une intensité très grande qui dépasse la mesure de l’ordinaire, du genre paroxysme! C’est aussi ça, LE rock.
Les musiciens, comme toujours, maîtrisaient à merveille leurs instruments. Évidemment, le groupe a interprété plusieurs chansons de leurs deux albums.
Quel show!
Rednext Level
Maybe Watson est arrivé finalement sur scène en s’installant sur une chaise de barbier prêt à se faire tailler la barbe.
Vous ne serez pas surpris d’apprendre que dès la première chanson, la foule était complètement déchaînée sous les airs du tropical gangsta house pop rap. Avec leur album « Argent Légal » qui fait preuve de légèreté, les deux MC d’Alaclair Ensemble y interprètent des chansons toutes aussi accrocheuses les unes que les autres. On a d’ailleurs pu entendre Get Lit, Baby Body, Sri Lanka et Passerelle.
Cette soirée où la musique francophone était à l’honneur fut franchement réussie!
Un comité étudiant du baccalauréat en communication de l’Université Laval, Production culturelle, présente OMERTA. Ce spectacle, qui aura lieu au Complexe Méduse, permettra de récolter des fonds pour la Fondation de Lauberivière.
Les billets sont 20 $ lors de la prévente sur lepointdevente.com
Un cocktail débutera les festivités à 18h. Les groupes Caravane, Rednext Level et Gazoline monteront ensuite sur scène pour un spectacle hors du commun.
Un DJ sera là en fin de soirée pour que la fête se poursuive.
Mercredi dernier avait lieu la quinzième édition du Show de la Rentrée à l’Université Laval. Pour cette occasion, les organisateurs ont inauguré une toute nouvelle scène. Située à l’extérieur sur le stationnement en face du pavillon Alphonse Desjardins, on y retrouvait aussi différents jeux gonflables et un assortiment de food trucks qui furent accessibles dès 15h pour bien commencer la soirée.
Chaque année un spectacle à grand déploiement, le Show de la Rentrée s’étalait cette fois-ci sur six scènes différences, totalisant un nombre de 17 performances. Trois membres de notre équipe sont allés explorer quelques scènes et apprécier la musique et l’ambiance de la soirée. On vous laisse ici nos compte-rendu et impressions pour les scènes Jazz, Folk, Rock et Festive. Hormis cela, il faut tout de même mentionner la présence de The Black Coffees et de Gab Paquet au 5 à 7 de la Terrasse ainsi que les DJ sets de BEAT SEXÜ et d’Alaclair Ensemble à la scène électro, auxquels nous n’avons malheureusement pu assister.
Scène Jazz
18h – Duo Grégoire Godin
Le duo Grégoire Godin, composé de Francis Grégoire et Laura Godin, deux étudiants en musique à l’université Laval, ouvrait la scène jazz. Le duo a interprété, au piano et à la voix, plusieurs classiques du jazz ainsi que leurs propres arrangements de chansons pop, le tout avec une belle énergie et présence sur scène. Le Fou Aelies s’est peu à peu rempli au cours de leur prestation, de gens venant y prendre une bière pour débuter la soirée, mais aussi de leurs amis, et d’amateurs de jazz.
Après une performance d’environ une heure, le duo Grégoire Godin a laissé place à la Troupe des Flâneurs Romantiques, ou plutôt «électroromantiques». C’est bien ce que nous a spécifié Gabriel Côté, guitariste et fondateur de la Troupe, faisant ainsi un clin d’œil à leur choix d’instruments pour la soirée. Les quatre musiciens jazz ont d’ailleurs aussi troqué leur cool jazz contre quelque chose de plus groovy et blues ce soir-là, en commençant en force avec un So What de Miles Davis bien revisité. Ils ont poursuivi dans cette lignée en reprenant différents standards bien à leur façon. Il était intéressant de les voir sortir des sentiers battus, ce qui s’est aussi senti dans leurs solos un peu plus hardis qu’à l’habitude. Ça a certainement plu aux spectateurs, qui n’ont su résister au groove bien longtemps et qui se sont spontanément mis à taper des mains pendant la mythique pièce de Herbie Hancock, Chameleon.
Tous Azimuts, groupe originaire de Québec, débutait la soirée sur la scène folk, située à l’extérieur, sous une lune brillante et presque pleine. À mon arrivée, un peu avant l’entrée musiciens, nous n’étions que quelques-uns devant la scène, mais le parterre s’est rempli dès les premières chansons. Ils ont interprété des compositions parues sur leurs deux albums, mais aussi quelques nouvelles pièces, qui se trouveront sur le prochain. Leur musique rock, folk et vivante fait rapidement oublier le froid. Un téléphone rouge dans lequel chantait Jordane créait des échos aériens, et la présence du violoncelle ajoutait une couleur intéressante. À la fin de leur prestation, ils ont été salués par une foule enthousiaste.
Véronique Parent
20h30 – The Seasons
De retour d’Europe depuis peu, The Seasons sont embarqués sur scène avec une pêche qu’on leur a rarement vue. Apparemment, leur voyage leur a aussi fait traverser les années, et leurs mélodies accrocheuses des sixties semblent avoir maturé elles aussi vers des accents plus psychédéliques de fin de décennie. Ils nous ont joué une version revisitée des pièces de leur album Pulp, paru il y a deux ans, mais ils se sont surtout concentrés sur leurs nouvelles chansons. On a ainsi pu avoir un aperçu de la nouvelle direction que prend le groupe, franchement plus assumée et plus rock.
Marie-Ève Fortier
21h30 – Plants & Animals
C’est Plants & Animals qui avait le mandat de clore la soirée sur la chouette scène folk, une nouveauté appréciée cette année pour son emplacement extérieur et ses food trucks. Le groupe présentait la matière de l’excellent Waltzed In From the Rumbling paru plus tôt cette année. Dès les premières notes de We Were One, le quatuor a démontré son impressionnante force de frappe, enchainant les différentes sections de cette complexe pièce avec brio. Sans être exaltée, la foule a apprécié la performance bâtie autour de nouvelles pièces. Puisque le groupe ne jouait pas devant un public nécessairement conquis d’avance, quelques ballades auraient pu être écartées au profit de pièces plus entrainantes de leur maintenant vaste répertoire. Le spectateur moyen à l’attention déficiente aurait peut-être accroché davantage. Le groupe a néanmoins offert une splendide performance, Warren Spicer ayant les atouts vocaux permettant de déployer une riche palette d’émotions. À ne pas manquer au Cercle en novembre lors d’une prestation complète qui sera présentée devant leur fidèle public qui saura profiter autant des bombes comme Fearie Dance et Lightshow que des superbes ballades telles Flowers ou l’hybride So Many Nights. Gros coup de coeur pour Je voulais te dire en rappel, brillante œuvre qui met en valeur tous les aspects qu’on affectionne chez le quatuor montréalais.
La scène rock, située dans le Grand Salon, s’anime dès l’arrivée sur scène de Medora. Cette formation, composée de quatre musiciens, au rock indie, aérien et flottant, faisait danser le public dont le nombre augmentait au fil du spectacle. Une partie de la foule, visiblement, les connaît et les apprécie, tandis que d’autres les découvrent.
22h – Fuudge
Le groupe montréalaisFuudgeprit ensuite la place, avec un son à la fois grunge et planant. Rapidement, un moshpit se formait devant la scène et l’enthousiasme festif persévérait malgré la forte présence des gardiens de sécurité. Le passage récent de Fuudge au Festival Off se ressentait dans le fait que leurs chansons étaient connues par les spectateurs, qui étaient venus les revoir.
IDALG (il danse avec les genoux), également venus de Montréal, mais ayant joué à Québec plusieurs fois récemment, leur succédèrent pour continuer de faire danser le public avec une grande énergie. Leur musique aux accents psychédéliques entretenait l’ambiance festive qui régnait dans la salle, de plus en plus ivre, mais toujours de bonne humeur.
Anciennement appelé Viet Cong, le groupe canadien Preoccupations est venu bien terminer la soirée. Bien que certains aient quitté à cause de l’heure tardive ou des autres spectacles, ceux qui y étaient toujours ne cessèrent pas pour autant de danser et le moshpit réapparaissait avec énergie et optimisme chaque fois qu’on le forçait à se disperser. La foule quitte finalement contente de sa soirée, bien qu’un peu contrariée de n’avoir pas pu danser tout à fait comme elle l’aurait voulu, pour rentrer chez soi, ou continuer vers les autres scènes.
C’est Floes a démarré la soirée à la scène festive de l’Atrium avec leur électro planant aux beats irrésistibles. À leur arrivée sur scène, une cinquantaine de spectateurs les attendaient patiemment, bière en main. Une bonne partie des gens sont ensuite arrivés à mesure que le groupe présentait ses pièces. Ils ont principalement joué celles qui figurent sur Shade & mirror, et ce avec une exactitude technique à souligner. Le public, timide mais attentif, semblait écouter avec intérêt. Le trio a ainsi performé pendant une trentaine de minutes, temps qu’on aurait bien aimé voir s’étirer un peu plus longtemps. Le groupe se produira en novembre à Gatineau en compagnie de KROY.
Bad Dylan a été accueilli par un public un peu plus nombreux, mais toujours aussi timide qu’au spectacle précédent. Cependant, au fur et à mesure qu’ils déballaient leur électro festif et complexe dans leurs beaux vestons et avec tout leur enthousiasme, ça a commencé à danser un peu partout dans la foule. Aux alentours de 22h50, heure pivot, on pouvait dire que l’Atrium était pratiquement plein. C’est là que le groupe nous a lancé ses sonorités les plus exotiques et suaves pour finir ça en beauté. On pouvait voir des gens danser de toutes les façons imaginables, le fun ayant pris le dessus.
La foule était bien réchauffée quand les gars de Rednext Level puis leurs amis sont montés sur scène. Pour plusieurs, ce groupe composait le clou du spectacle et l’ambiance a été à son paroxysme pendant toute la durée du show. Ils ont joué leurs compositions ainsi que des pièces tirées du répertoire d’Alaclair Ensemble, collectif de post-rigodon dont ils font aussi partie. En tant que tel, Rednext level se définit par son public cible et par son objectif : la classe moyenne. C’est un rap varié sur des beats électro-pop dignes des gros producers américains. Les textes comiques sur fond amer valent la peine qu’on s’y attarde, mais malheureusement l’Atrium produisait un effet d’écho qui rendait le tout difficile à déchiffrer, ce qui s’est heureusement replacé avant la fin.
La foule, elle, ne s’en est pas préoccupée et s’est donnée à fond tout le long du spectacle, sautant, chantant, buvant, fêtant. Le tout s’est étiré jusqu’à minuit trente, le groupe enjoignant les spectateurs à saisir la morale du spectacle : «faire de la vitesse dans le sens légal du terme» et «danser avec ses poignets».
Les premières notes de Upright jouées par Hologramme sont parvenues à rassembler les quelques fêtards qui restaient dans l’Atrium après le rap-de-marée. Le groupe a livré une belle performance, se donnant dans leurs solos et improvisant sur différents titres, se concentrant d’abord sur la musique de leur album homonyme. Le public, en état général d’ébriété, a su malgré son petit nombre maintenir une ambiance très festive. Pas un spectateur qui ne dansait pas ou ne hochait pas du moins de la tête. Plusieurs semblaient apprécier à juste titre la musique qui leur était présentée avec ses teintes électro-rock-psychédélique. Vers 1h45, le groupe a conclu quelle attitude avoir devant les circonstances : «On va buzzer», nous annonce alors le claviériste. On a eu droit, en guise de final triomphant, à des explorations musicales intenses ficelées autour des toutes dernières compositions du groupe. Et ainsi s’est clos la toute dernière édition du Show de la Rentrée 2016, sous les yeux des quelques survivants tenant encore debout.
Marie-Ève Fortier
Nos impressions générales
Un peu moins affluent que par les années précédentes, et ce peut-être en raison de la température incertaine pour la scène extérieure, le Show de la rentrée était réussi dans son ensemble.L’ajout d’un vaste périmètre extérieur permettait aussi de mieux répartir les spectateurs, offrant un peu plus d’espace pour danser, par exemple.
Il faut souligner le fait que plus de la moitié de la programmation était composée de groupes locaux (c’est-à-dire de la ville de Québec) et qu’elle était faite de façon à pouvoir voir au moins 15 minutes de chaque spectacle. Les groupes étaient assez bien agencés, mais on aurait trouvé avantage à mettre Hologramme avant Rednext Level pour la progression musicale ainsi que la rétention du public.
Question technique, les spectacles ont presque tous commencé à l’heure prévue. Le son était bon dans la plupart des salles, malgré quelques accrocs par exemple à l’Atrium, où l’on entendait pas toujours bien selon le groupe ou notre emplacement dans la pièce. Autrement, l’éclairage était particulièrement réussi dans son ensemble.
Côté organisation, quelques uns ont été dérangés par le blocage de la rue entre le Desjardins et la scène extérieure. En outre, la présence et la quantité d’interventions des gardes de sécurité à la scène rock a paru excessive pour plusieurs étant donné l’ambiance pacifique et chaleureuse.
Somme toute, malgré ces quelques commentaires, nous comme la plupart des spectateurs avons bien profité de la soirée, qui s’est déroulé dans la bonne humeur et la festivité.
Bien que le terme d’ovni musical commence à être galvaudé lorsqu’on parle de la musique produite par la grosse gang de chums qui gravite dans l’univers déluré de la seule troupe post-rigodon bas-canadienne, Alaclair Ensemble, force est d’admettre qu’il commence à peine à décrire la provenance conceptuelle de cette galette cosmique que nous offrait Rednext Level le 15 avril dernier, gracieuseté de Coyote Records. D’emblée, on se doutait que les sonorités allaient explorer d’autres territoires, que les thèmes et les textes seraient la suite logique du projet précédent et que globalement, le groupe serait le théâtre de toutes les audaces pour les deux MCs bien connus et appréciés du public québécois, Maybe Watson et Ogden AKA Robert Nelson, pour le DJ Tiestostérone ainsi que pour le producteur Tork, un ami d’enfance de Maybe Watson qui gravitait davantage dans les sphères électroniques que dans le territoire rap-queb-champ-gauche occupé d’habitude par nos deux moineaux lyricaux.
On pourrait dire qu’Argent Légal est un album concept, bien que les pièces réunies ici sont assez diversifiées, mais construites la plupart du temps autour d’un noyau dur fait d’un savant alliage de house, funk, rap, trap, r&b et pop. Les thématiques coulent d’une pièce à l’autre, le voyage, la fête et l’argent occupent le centre névralgique des textes, qui sont par ailleurs truffés de références et de pointes d’ironie. Des pièces pouvant rappeler Maroon-5, un autre verse rap emprunté à Madonna, amenant un côté électro et pop au rap que laissait déjà préfigurer des titres d’Alaclair Ensemble, notamment «Mon Cou», qui pastichait déjà la reine du pop et son phrasé saccadé. Ici, on pousse vraiment la dose jusqu’au niveau suivant, et même jusqu’à l’autre d’après, le post-post-rigodon étant une sorte d’enfant bâtard surdoué qui serait né de l’union entre le rap-queb et Rouge-FM. La seule raison pour laquelle l’enfant en question, on le trouve beau au final, c’est que les parents sont assez talentueux pour donner la cohérence, l’authenticité et la qualité à un projet aussi audacieux et risqué à la base. Les mélodies et les refrains risquent d’en faire sourciller plus d’un, advenant le cas où on en venait à prendre au pied de la lettre et au premier degré les compositions de Rednext Level, qui sont par ailleurs à peu près toujours caractérisées par un jeu d’ironie et de références pouvant rendre hommage et faire dommage aux sources d’inspirations. La simplicité apparente du produit cache pourtant un travail de confection et de création assez novateur et cohérent avec leur parcours.
Deux titresont été révélés au public cet hiver, accompagnés de clips mémorables et créatifs, et c’est d’abord l’hyperactive et watatatowesque «Sri Lanka»,infusée au dance et house des années 90 et bardée d’autotune, tout comme c’est d’ailleurs le cas de la majorité des onze titres réunis ici, qui a charmé les mélomanes en manques de sonorités estivales, au plus creux de l’hiver. Quelques semaines plus tard, ce fût au tour de ce qui est devenu entre temps le véritable hymne national de la classe moyenne, la géniale «40K», qui fait l’apologie d’un taxe-payeur, d’un costco-magasineur, d’un Ford-Escape-conducteur, d’un rapport-d’impôts-faiseur et d’un carnet-Desjardins-à-jour-metteur. La pièce, qui est à mon goût le titre le plus réussi, est aussi le porte-étendard du concept de l’album Argent Légal, axé de A à Z sur le contratste entre l’activité et le résultat, la lutte au quotidien et l’amour de la fête, la vie d’un quidam avec des rêves de jet privé, et finalement, le réalisme et la résilience qui vient avec le fait de rentrer dans les rangs, en quelque sorte, et adopter une activité mature et productrice en vue de s’assurer un confort matériel relativement modeste mais pourtant difficile d’accès pour un rapper voulant vivre de son art.
L’album a des visées commerciales évidentes mais n’a pas tout sacrifié à l’aune de son éventuel potentiel radiophonique, les titres gardant un caractère fort ludique, original, novateur, enjoué et vivant, qui manque souvent cruellement aux créations musicales de l’industrie culturelle qui occupent la majorité du temps d’antenne des radios commerciales. Deux habituels collaborateurs d’Ogden et Maybe viennent mettre l’épaule à la roue pour aider les gars, issus d’un milieu habituellement boudé par les radios commerciales, le hip hop, à pénétrer le coffre-fort des succès radiophoniques et entrer en rotation. Avec des refrains aussi accrocheurs et des mélodies estivales de ce type, si aucun de ces deux titres n’en vient à passer à la radio de manière assez soutenue, titres où apparaissent respectivement Claude Bégin et Karim Ouellet, deux chouchous des ondes ces dernières années, je ne sais pas comment les artistes de ce milieu pourront faire une percée dans le domaine grand public. Pour les deux collaborations, d’abord la très sucrée et funky «Faible pour toi» avec Claude Bégin au refrain et à la production, et ensuite, la mélancolique et mélodique «Partir» avec Karim Ouellet, les artistes ont concocté des refrains qui respectent les canons de la pop et se mémorisent à la vitesse de l’éclair pour rester bien incrustés dans les molles fibres du cerveau, même plusieurs heures ou jours plus tard, ce qui leur confère à mes yeux un potentiel radiophonique que j’aurais difficilement pu imaginer possible, en tous cas pas avec un tel aplomb, et tout autant compatible avec l’univers décalé et juvénile qui accompagne leur groupe Alaclair Ensemble depuis les tous débuts.
Argent Légal a parfois le défaut de ses qualités. Pour la plupart d’entre nous, les onze titres réunis ici sont très très sucrés, ce qui pourrait faire sourciller les plus réfractaires à la musique pop, dont j’ai longtemps fait partie. L’exploit réussi par Rednext Level, c’est de faire écouter et aimer une musique construite à la base sur du dance plutôt kitch et très 90s, à des gens qui n’auraient jamais osé imaginer qu’une musique de ce type aurait des chances de leur plaire. On succombe assez facilement aux charmes du groupe, mais l’expérience est assez contre-intuitive au début, surtout pour un mélomane aguerri qui écoute autant du grindcore que du free jazz. Le niveau de qualité ici est assez élevé pour justifier l’intérêt qui doit être porté à la galette pour bien l’apprécier. Celle-ci gagne sans contredit à être écoutée dans des écouteurs, sans quoi la production tonitruante de Tork et les références ludiques et brillantes mises sur la table par les deux MCs pourraient passer à côté de l’expérience et ôter la riche subtilité de leur bébé sucré. On se croirait souvent au beach-club de Pointe-Callumet ou dans les quartiers populaires de Laval, si on en restait au premier degré, mais le tout prend plus souvent des allures de caricatures pince-sans-rire de tout ce qui tombe dans leur mire. La pièce testament de l’album, «Tatouer» est un bon exemple de cette approche à la fois sérieuse et trollesque, avec sa faute d’orthographe (« le rap québécois, je l’ai tatouer »). Le résultat est une superbe pastiche d’une chanson qui aurait pu exister sérieusement, à quelques détails près, comme confession d’un rappeur-couleuvre.
La direction empruntée ici par Ogden et Maybe Watson pour ce projet parallèle est à des années lumières de celle préconisée par Eman et VLooper, lauréats hip hop à l’Adisq pour 2015, mais on peut facilement remonter à une source commune avec Alaclair Ensemble, dont les aspects constituants ont été hypertrophiés différemment par ces deux projets. Alors que les gars prévoient enregistrer un nouvel opus d’Alaclair Ensemble à l’automne, l’album Argent Légal semble pour eux un parfait mélange de 9-à-5 et de récréation, soit une très divertissante activité parallèle qui pourrait s’avérer lucrative. Le travail acharné et le plaisir coupable qui ont donné naissance à cet album très estival devraient permettre aux trois protagonistes de se payer des Ah! Caramel, des cannes de thon et de la Bud-light en masse, à condition que les gens osent les suivre dans cette aventure – et ils ont tout intérêt à le faire. Fake pas l’funk pis boude pas l’fun, prends une portion de ton salaire horaire et va chez le disquaire acheter ta copie pis payer tes taxes dessus, surtout que tu viens juste d’avoir ton retour d’impôts el gros.