Mercredi soir dernier, à la salle Anaïs-Allard-Rousseau de Trois-Rivières, les 250 places disponibles étaient pratiquement toutes prises. Harry Manx, accompagné du claviériste ontarien Mark Lalama, a offert toute une messe à ses fidèles qui ont écouté ses chansons religieusement ! Dès son entrée, Manx a fait de la salle de spectacle son temple. Les lumières de la scène, bien que généreuses, ont servi à accentuer l’ambiance bien cérémoniale.
Au-delà de ce contexte pouvant donner une impression d’austérité, le musicien né dans l’Île de Mans (situé entre l’Irlande et la Grande-Bretagne) s’est montré généreux, à l’aise et drôle. Entre les chansons, autodérision et boutades se sont succédé. Parler d’épreuves difficiles pour ensuite expliquer que c’est le style typique d’une chanson d’amour ; stimuler un « courrier du lecteur » dont la lettre concernait le niveau d’appréciation du chanteur par rapport à la bouffe québécoise ; expliquer que le blues, ça sert non pas à exprimer sa douleur, mais à faire souffrir les gens, etc. fait partie des moments cocasses permettant de consolider la complicité entre Manx, Lalama et le public.
La présence de seulement deux musiciens sur scènes était suffisante. Manx avait apporté avec lui cinq guitares différentes, son portable pour les rythmes et un harmonica (ce qui lui a permis durant le spectacle de jouer trois instruments à la fois !). De son côté, Lalama avait apporté son accordéon, son clavier Moog et sa mélodica (style de clavier qui se prend pour un instrument à vent n’ayant été utilisé qu’une seule fois durant le spectacle). Bien que le mariage entre les éléments de cette artillerie aurait pu s’avérer houleux, il apporte plutôt une touche différente aux chansons d’abord entendues sur disque. Les pièces très blues aux accents indiens de Manx prennent alors une couleur tantôt psychédélique, tantôt évoquant la Louisiane.
https://soundcloud.com/putumayo/putumayo-presents-acoustic-3
Les pièces de Manx sont des trésors de sorcelleries sur scène. Autant les pièces sur disques sont envoutantes, autant le temps d’un spectacle elles sont devenues des professions de foi pour les tympans ! Les pièces « Bring Than Thing », « Make Way for the Living » et « Coat of Mail » n’en étaient que plus puissantes. Quant aux reprises, il faut plutôt parler de réinvention et non de brebis sacrifiées sur le bucher malmené des reprises. « Voodoo Child » (Jimmy Hendrix), « I’m On Fire » (Bruce Springsteen), « Summertime » (Gershwin) et « Baby Please Don’t Go » (Willie Dixon) sont devenues en une soirée des pièces de Harry Manx !
L’appréciation du public envers Manx et son univers intégrant l’Inde, le blues sud-américain et le folk canadien était palpable avec trois ovations debout, justifiées par deux rappels. Certains fans nous ont avoué à moi et à Jean-François (notre photographe et fan de Manx) avoir été envoutés dès la première écoute, que ce soit chez l’esthéticienne ou à la télévision. Ils apprécient également sa capacité d’entretenir une belle relation avec son public et ses efforts pour lui plaire. Par exemple, une spectatrice a expliqué que la maîtrise du français de Manx s’est accrue depuis le dernier spectacle qu’elle a vu.
Pour apprécier Harry Manx, il faut accepter d’adopter une attitude très attentive, voire contemplative. Si vous voulez participer à un « mushpit », vivre dans un éclairage vous provoquant une crise d’épilepsie et danser jusqu’à mourir, ce spectacle n’est pas pour vous ! Il est bon parfois d’être simplement spectateur et de se laisser submerger complètement par un monde étant particulier lorsque non initié, mais qui devient vite un second chez-soi.
Photos : Jean-François Desputeaux