Vous vous en rendez sûrement compte, il est arrivé un moment où nous nous sommes dit « de la chenoute » et où nous avons choisi de profiter pleinement du Festif, quitte à sortir nos comptes rendus une semaine plus tard. Faut dire que pour cette troisième journée, nous étions gâtés! Safia, Basia, Yann, Ariane, Steve, Sunny, les Hôtesses et bien d’autres nous attendaient un peu partout à Baie-Saint-Paul pour cette troisième journée fort chargée.
Safia Nolin
Disons qu’il y a pire dans la vie que d’écouter Safia nous chanter la tristesse sur un quai, avec la splendeur du paysage Baie-Saint-Paulois en toile de fond. «J’ai zéro envie de vous regarder», a lancé à la blague l’auteure-compositrice-interprète qui faisait dos à la beauté de la nature. En toute intimité, sous le soleil cuisant, elle a livré plusieurs compositions mélancoliques avec son complice Joseph Marchand, dont La laideur, Si Seulement, Acide et Ce matin.
Fidèle à elle-même, Safia s’est adressée au public avec toute sa spontanéité et son grand sens de l’humour. Elle nous a raconté sa brève expérience de la nuit d’avant au Festif et son admiration pour Rihanna et Offenbach, avant d’entamer ses belles versions de leur succès respectifs, soit Work et Ayoye. «Je suis surexcitée de vivre !», a laissé tomber la jeune femme, émue par la grosse dose d’amour que lui envoyait l’assistance.
Pour contraster avec la chaleur de l’ambiance et de la météo qui enrayait toute froideur, la musicienne nous a offert ses pièces Igloo et Noël Partout. En guise de rappel, c’est une reprise fort réussie de My heart will go on qui nous a fait frissonner, malgré la sueur qui ruisselait sur nos visages. En regardant l’eau s’étendre à perte de vue, on se serait cru sur le titanesque bateau. (Marie-Thérèse Traversy)
Basia Bulat (prestation surprise au quai de Baie-Saint-Paul)
En début d’après-midi, tout au bout du quai, la gang du Festif nous réservait un moment extrêmement privilégié en compagnie de Basia. Aux abords du fleuve, un paysage enchanteur à couper le souffle et un piano en bois, celui sur lequel Mara Tremblay avait fait courir ses doigts l’année dernière. Alors que le soleil était à son zénith, elle est arrivée comme un rayon de plus, celui qui brillait encore plus fort que les autres.
Souriante et lumineuse, elle s’est assise puis, tout le monde s’est tu. Nul besoin de vous dire que je m’étais installée aux premières loges (autrement dit, à ses pieds) pour vivre à fond cet instant de pur bonheur. Se sont succédées, sous le ciel d’un bleu immaculé, les sublimes La La Lie, Time et Fool. Chaque fois que j’entends Basia chanter, je suis renversée par la pureté de son timbre vocal.
«C’est la plus belle place où j’ai fait un spectacle», a confié l’artiste, visiblement émerveillée par la beauté du lieu. Timide, elle a ensuite recueilli les demandes spéciales. À notre plus grand plaisir, c’est Tall Tall Shadow qui a remporté le vote. Tristement, on a dû s’éclipser avant la fin, mais on se consolait, car on avait la chance de la retrouver pour un spectacle en formation complète, à peine quelques heures plus tard. Je décerne tout de même à cette trop courte prestation, le point culminant, l’ultime coup de cœur de mon Festif. Un moment surréel, d’une simplicité désarmante. Un véritable rêve éveillé. (MTT)
Dumas (prestation surprise, Accommodation Baie-Saint-Paul)
C’est avec des splash de sueur que Dumas est grimpé sur le comptoir pour faire chanter les chanceux qui sont entrés dans le dépanneur. Le plafond a presque levé quand le charismatique chanteur a empoigné sa guitare pour nous régaler de ses succès (Miss Ecstasy) et d’une reprise de Leloup (Nathalie). Le tout nous a donné soif, comme la dame qui buvait sa bière de micro au goulot, sur le comptoir! On remercie Dumas pour sa générosité : il a permis à une 2e batch de remplir l’endroit, même si je suis sûre que ma cohorte était la plus expressive. On le revoit plus tard dans plus grand! (Marie-Laure Tremblay)
Sunny Duval
Après avoir enflammé le Mouton noir la veille, Sunny et ses acolytes étaient de retour, cette fois sur la scène Hydro-Québec, juste avant Canailles. Il faisait beau, il faisait chaud, de nombreux curieux étaient venus voir ce que Duval proposait et ils ont été servis, ce dernier plongeant surtout dans l’excellent New Wave de plage pour faire danser les festivaliers.
Nous sommes arrivés un peu en retard (au son de Bananana – danser en marchant nous a sûrement retardés davantage), soit juste à temps pour voir Mara Tremblay taper sur une noix de coco pour la délicieuse Noix de coco sur la tête. Ça tombe bien, il était 4:20 PM dans les Maritimes! Si Sunny et Marie-Anne (Arsenault) étaient habillés sobrement, Mara, elle, sortait du lot avec ses jeans déchirés, son haut léopard rose et son maquillage tout droit sorti d’une comédie musicale des années 1980.
C’était comme on s’y attendait : sympathique, festif, joyeux et bon enfant, même dans les moments les plus tendres. Seul bémol : même avec mes bouchons bien vissés dans mes oreilles, le son était un peu fort. Ça explique peut-être pourquoi les festivaliers gardaient une bonne distance et n’osaient pas trop s’approcher de la scène… (Jacques Boivin)
Basia Bulat
L’artiste et ses trois musiciens nous ont donné un spectacle mémorable sous un chapiteau bondé de festivaliers fébriles et enthousiastes. Parfois assise derrière son clavier, d’autres fois sa guitare au cou ou agitant vigoureusement sa tambourine, elle a interprété les pièces de son album Good Advice, en lice pour le prestigieux Prix Polaris. Nous avons également pu entendre Five, four, Wires et It Can’t Be You, tirées de l’opus Tall Tall Shadow.
Nos yeux se sont noyés quand elle a redonné vie à sa petite harpe âgée de 101 ans sur la délicate composition The Shore. «Ce n’est pas parfait, mais c’est très beau», a-t-elle dit en décrivant le son unique du précieux instrument. Puis, devant un auditoire qui l’acclamait bruyamment et qui lui a offert de multiples ovations, elle a à son tour essuyé quelques larmes avant de nous laisser un dernier cadeau dans la langue de Molière : la rêveuse Ballade à Toronto de Jean Leloup. Décidément, cette grande dame nous a fait passer par toute une gamme d’émotions ce jour-là. (MTT)
Anatole
Chose promise, chose due. Eh oui! On nous avait promis de la cuisse, puis on en a eu. Notre chouchou Anatole ne s’est même pas fait attendre pour se départir de ses étoffes féminines – étrange robe verte et chapeau noir à larges rebords – et révéler au grand jour sa blancheur partiellement dissimulée par un léotard noir. On imagine qu’il a sans doute été encouragé par le soleil, la chaleur et la beauté de la foule réunie derrière le Tony et Charlot pour l’occasion. Il faut dire que le personnage n’a pas l’habitude de laisser libre cours à ses pulsions à une heure aussi hâtive, parmi familles et non-initiés. On comprend qu’il se soit gardé une petite gêne dans les circonstances, mais on a quand même pu l’observer prendre d’assaut la terrasse du pub pour notamment déguster avec passion une frite dans l’assiette d’une cliente (pendant Le grand sommeil), puis s’adonner à des contorsions tendancieuses à proximité d’une vaillante spectatrice en chaise roulante. Nous avons malheureusement dû quitter tôt pour assister à d’autres prestations, mais nous sommes convaincus que les personnes présentes en ont eu pour leur argent jusqu’à la toute fin – même si c’était tout à fait gratuit! Mention spéciale au thé glacé rafraîchissant et autres bouchées offerts pour presque rien par le Pantoum. (Tatiana Picard)
Yann Perreau
Sur la scène principale, c’est un Yann en feu qui a servi son album Le Fantastique des astres et autres succès à une foule qui ne demandait qu’à danser. Tout juste arrivée du spectacle de Basia Bulat, j’ai malheureusement loupé les premières chansons, dont l’excellente Barcelone. J’ai quand même eu l’opportunité de me réchauffer au rythme de Momonna, Faut pas se fier aux apparences, Le président danse autrement, La vie n’est pas qu’une salope et Le bruit des bottes.
Comme si c’était arrangé avec le gars des vues, une volée d’oiseaux a traversé le ciel à l’arrière de la scène, quelques secondes avant que les premières notes de J’aime les oiseaux soient jouées. Un moment de tendresse dédié aux familles a suivi avec T’embellis ma vie puis, un saut en bas de la scène a vivifié la marée humaine sur un Baby Boom explosif avant de virevolter sur l’ode à l’amour, C’est beau comme on s’aime, en fin de parcours. Un apéro des plus dynamiques. (MTT)
Ariane Moffatt
En grande forme, la musicienne est apparue sur scène avec ses acolytes habituels et ses chansons électro-pop propices aux déhanchements. «Salut les festifs!», a-t-elle crié d’emblée. «Je vais d’abord vous hypnotiser pour ensuite pouvoir faire ce que je veux avec votre corps.»
La mise sous hypnose s’est amorcée avec 22h22 et Rêve. Sur Les tireurs fous et Je veux tout, les corps commençaient progressivement à se délier. Mention à Jonathan Dauphinais pour son invention audacieuse, le keybass. Acrobatie musicale sur Tous les sens quand il s’accroupit pour faire vibrer les cordes à l’aveugle pendant qu’Ariane se sert de son dos comme support à clavier.
C’est sur la pièce Debout (et son intro de Let’s Dance de Bowie) que le lâcher prise s’est pointé le bout du nez. À cette étape, on ne résistait plus. Seule à la guitare, la musicienne s’est ensuite groundée avec Je reviens à Montréal, version clin d’oeil «Je reviendrai à Baie St-Paul», avant de se dechaîner à la batterie sur In The Air Tonight de Phil Collins.
Un mix estival Soleil Chaleur/Eye Of The Tiger ainsi que l’exaltante Miami ont conclu sa prestation sur un high. La bande de joyeux lurons est sortie de scène en faisant quelques stépettes, laissant une phrase se répéter continuellement dans les haut-parleurs : «On n’est jamais assez festifs, Baie St-Paul.» On en a pris bonne note! (MTT)
(NDLR : Nous n’avons pas assisté à la prestation de Champion et ses G-Strings parce que nous savions qu’un marathon de nuit se préparait… on regrette un peu d’avoir manqué le party, mais nos corps, eux, nous remercient!)
Dumas
Une autre belle fin de soirée que celle passée avec le maître de la piste de danse, en formule trio. «On va faire comme si on jouait au Stade Olympique!», a lancé Dumas en début de concert, souhaitant faire les choses en grand. Il y avait de la nostalgie dans l’air alors que ce spectacle marquait la fin de l’aventure musicale du multi-instrumentiste Charles Robert avec l’artiste.
La Nuit et Alors, Alors ont donné le coup d’envoi à une prestation qui fut enlevante d’un bout à l’autre. Avant de jouer Une Journée Parfaite, Dumas a mentionné que le titre résumait plutôt bien sa journée, lui qui s’était produit à deux reprises dans un dépanneur rempli à pleine capacité l’après-midi même. Nous nous sommes ensuite retrouvés en 2005 avec J’erre et les pas de danse signature de la bête de scène.
C’était le dernier droit de notre Festif. On a sauté, hurlé, tout laissé sur le dancefloor de Dumas. Sous les lumières disco, la nuit s’est prolongée avec Ne me dis pas, Miss Ecstasy, Au gré des saisons et Le Bonheur. Nous scandions naïvement «Rien ne nous arrêtera», même si la fatigue commençait à se faire sentir et qu’on en doutait un peu. À titre de rappel, un medley acoustique parmi l’assistance, au milieu d’un chapiteau exténué, mais encore réceptif. (MTT)
Grimskunk
On poursuit le marathon musical au sous-sol de l’église avec Grimskunk d’abord. Spectacle à guichets fermés, la salle s’est remplie rapidement et nous étions déjà écrasés par la chaleur accablante avant même que le groupe ne foule les planches. C’est avec un plaisir rebel que je contemplais le crucifix drapé d’une image faisant clairement référence à la marijuana. Il y avait quelque chose dans l’air qui présageait une soirée décoiffante.
Formé en 1988, Grimskunk a prouvé qu’il a conservé sa véhémence. Vincent Peake (basse et voix), Franz Schuller (guitare et voix) et Joe Evil (clavier et voix) ont visiblement capturé l’énergie brute de la foule, leur permettant de chanter et de jouer avec autant d’intensité. Puisant dans leur catalogue exhaustif, Grimskunk a interprété plusieurs classiques dont Perestroïka et Gros tas d’marde qui a mis le feu aux poudres. Du public se dégageaient une violence contrôlée et une furie frénétique.
Même si le moshpit occupait une grande partie de la superficie devant la scène, on ne pouvait s’empêcher de flirter avec la frontière qui séparait les games des pas games; parce que cette fièvre qui défoule est contagieuse. Les spectateurs les plus crinqués tombaient sur le sol nappé de bière, sautaient et se bousculaient avec respect. Les gars de Grimskunk ont offert un rappel généreux et le spectacle s’est terminé sur la célèbre chanson Mange d’la marde, que le public chantait en choeur. (Valérie Vinet)
Les Hôtesses d’Hilaire
L’extravagant Serge Brideau (chanteur) est arrivé sur scène vêtu d’un apparat bleu sexy qui lui allait comme un gant. Appuyé par ses excellents acolytes, il a réussi à installer une atmosphère diablement Sex, Drug & Rock’n’roll, malgré la tâche ingrate qui lui incombait de jouer après Grimskunk. Défi relevé grâce à la puissance du son psycho-rock de ces Acadiens qui nous a carrément reconduits à l’époque des années 70. On plane sur le clavier aux sonorités de The Doors de Léandre Bourgeois et sur la guitare psychadélique de Mico Roy.
C’est toutefois l’humour irrévérencieux du front man et son habileté à nous entraîner dans ses histoires d’une absurdité manifeste qui donne au spectacle des Hôtesses d’Hilaire ses notes de noblesse. C’est sans équivoque, le groupe gagne à être connu en spectacle.
Les Hôtesses nous ont servi des chansons exécutées avec ferveur tirées de leur trois albums: Super Chiac Baby et Fais faillite de l’album Touche moi pas là, Je me souviens des p’tits bouttes de l’album Party de ruisseau et Eastbound and Down de l’album Hilaire à boire.
Mais c’est assurément le récit d’une soirée folle qui a servi de préambule à la chanson MDMA, et la chanson elle-même, qui ont créé le pont entre le groupe et la foule. Or, le moment le plus marquant du spectacle a eu lieu lors du rappel.
En effet, Brideau est revenu sur la scène avec un laminé de Ti-Cuir et nous a demandé si on connaissait Éric Lapointe. Des éclats de rire ont jailli de la salle, bien entendu, quand le chanteur s’est mis à répéter «Éric Lapointe» sur un air rock en brandissant le dit laminé.
Les gens qui me connaissent bien peuvent s’imaginer l’implosion qui s’est produite à l’intérieur de moi à ce moment-là… (VV)
La famille Ouellette (prestation surprise dans le stationnement de l’église)
Quand on pensait que l’heure de dormir était enfin arrivée, on nous apprend que la Famille Ouellette (et leurs «criss de beaux jackets») prépare un gig secret dans le stationnement de l’église, à deux heures du matin. Ça tombait à point, parce qu’au fond, on n’avait pas vraiment envie que le party prenne fin. Assis en indien devant le petit VR du groupe, dans un set-up style camping, on a veillé au son des harmonies ouelletiennes.
«Bon matin!», nous lance Jean-Sébastien en distribuant des canettes de bière au hasard parmi l’attroupement de quasi-zombies, collés pour contrer le temps frisquet. Les six gars nous ont notamment joué Tout ce vacarme, Jogging, Hey ça va ? et Ce ne sont que des mots.
À la demande générale, et de façon complètement imprévue, ils se sont approchés pour nous susurrer deux pièces unplugged, dont une dans une langue inventée, un genre d’hybride entre le français et l’inuit, baptisée le «frannuit» pour l’occasion. Un moment charmant et rassembleur pour clore cette dernière nuit de festivités et aller faire dodo avec un sourire étampé dans le visage. (MTT)