Il n’y a pas trente-six façons de mettre un terme à un festival magique comme Le Festif. Si, l’année dernière, la pluie avait quelque peu gâché l’apothéose, cette année, le soleil était de la partie et le quai de Baie-Saint-Paul était sur son 31 pour la grande finale avec Fred Fortin et tous ses complices.
Le site débordait de partout, mais ce n’est pas grave, rien ne pouvait gâcher ce moment magique. Fortin, Langevin, Lafontaine, Joly et Tellier avaient visiblement hâte de monter sur scène et donner ensemble ce premier spectacle de la tournée Ultramarr.
Bien entendu, le programme de la journée se concentrait sur ce sublime dernier album de Fred Fortin et c’est avec Oiseau que nous nous envolons avec le groupe. On ferme les yeux quelques instants, on a l’impression d’être dans le chalet des Fortin au Lac. Ça sent le bois, ça sent le feu de camp, ça sent… LA BRISE DU FLEUVE? Ben oui, on se réveille, on se rend compte qu’on est probablement au seul endroit au monde où Fred peut être plus magique que dans son patelin. On ne les refermera plus, question de profiter au maximum de ce rêve éveillé.
Pendant 10 $, la fatigue se fait sentir. On a beau apprécier le spectacle devant nous, les sourires qui s’échangent entre les musiciens qui ont donc l’air d’avoir énormément de fun (particulièrement Sam Joly, qui semble toujours en pleine extase derrière sa batterie), les émotions prennent le dessus. Ça goûte un peu le sel sur mes joues. Je sais pas si pleurer en arrière pendant que Fred Fortin chante 10 $, c’est viril, mais je m’en fous un peu, ça fait du bien.
Un peu plus loin, Fortin fait un petit tour sur Plastrer la lune. Madame Rose avait pris des couleurs (ça doit être le soleil) et la pièce-titre rentrait dans le dash. Après une sympathique Tapis noir, c’est l’heure de Molly. Ce joli blues-rock aux accents country et aux choeurs mâles à souhait qui vient tant me chercher par les tripes. Ému encore je suis. Je ne suis pas le seul, le soleil se reflète un peu plus dans les yeux du monde. L’humidité monte d’un cran.
Vient le tour des vieilles. Venus, du plus récent Gros Mené, réveille tout le monde. Sam Joly, qui tenait à ce que les gars jouent cette chanson, tapoche son drum en affichant un sourire 360 degrés. Les autres gars groovent autant. On s’échange des sourires, on hoche la tête. On fait pareil dans le public. Sur les planches en bois de l’allée à côté de la scène, les passants se font des high fives. Fortin lance Scotch qui, telle une bombe, nous explose en pleine face. C’est bon, c’est lourd, c’est sale. Ça donne soif. Ma blonde irait bien se chercher une bière. De mon côté, je prendrais bien une slush. Ça aide à faire passer le motton.
Je regarde à terre : un billet de dix dollars traînait, comme ça, et personne n’était autour. Comme un signe du destin. C’est pas HD, c’est ben plus fort.
Au rappel, Fred 1er chante Mélane, puis Dollorama. C’est l’orgasme. Même si on sait qu’on va tous être pris dans un immense bouchon de circulation, pas grave, on a trop de plaisir, on reste. Ça a valu la peine juste pour la finale : sur Ultramarr, nos voisins se mettent à danser un continental. On les regarde aller pendant que Fortin chante un peu comme Dylan pendant que Lafontaine martèle les touches de son piano. Que des sourires. Partout.
Et la septième édition du Festif s’est terminée exactement comme elle a commencé : par une ovation debout.
Bilan
Dès le lancement de la programmation l’hiver dernier, on savait que Clément Turgeon et ses complices allaient battre des records. L’affiche, la grille horaire, tout était parfait sur papier. Ne restait plus qu’à voir l’exécution, compter sur la participation des festivaliers et faire quelques sacrifices humains pour demander la clémence de Dame nature.
Sur le plan de l’exécution, nous avions peu d’inquiétudes. Cette bande de passionnés connaît son affaire et sait s’entourer non seulement des meilleurs, mais aussi de gens aussi passionnés qu’eux. À notre arrivée jeudi, tout était prêt, les artistes du jour faisaient leurs tests de son et malgré leur fatigue déjà fort évidente, les organisateurs étaient prêts avec un grand P. En passant, un gros bravo à l’équipe des communications qui, cette année, nous a donné un grand coup de pouce en mettant sur pied une salle réservée aux médias qui a été des plus utiles (ne serait-ce que pour son accès à Internet).
Puis le monde a commencé à arriver. On a été 28 000 personnes de tous âges et de tous lieux (mais principalement de Québec, de Montréal et du Saguenay) à participer d’une façon ou d’une autre au Festif. Pour une ville qui, d’ordinaire, en compte quatre fois moins, c’est mucho mundo! Pourtant, partout où nous sommes allés, nous avons été accueillis avec gentillesse et professionnalisme. Les gens de Baie-Saint-Paul sont de plus en plus heureux de voir arriver cette horde de jeunes et moins jeunes venus faire la fête dans leur belle petite ville. Le café à l’arrière de la confiserie/crèmerie était ouvert jusqu’aux petites heures du matin, tant qu’il y avait des clients, et on y accueillait les gens avec le même sourire à une heure du matin qu’au beau milieu de l’après-midi.
Vous savez ce qu’on a remarqué aussi? Le respect. C’est un bien grand mot, mais ici, il est appliqué à la lettre. Pendant la prestation surprise de Half Moon Run au FEQ, j’ai souvent vu davantage de téléphones cellulaires levés et en train d’enregistrer que de musiciens s’exécuter sur la scène. Au Festif? Même dans un moment unique comme Basia Bulat au bout du quai, on prenait une photo ou deux et on serrait le téléphone dans sa poche. En fait, les fatigants, c’étaient nous, les médias, et après quatre chansons à bombarder la chanteuse de tous bords, tous côtés, nous avons apprécié le spectacle nous aussi. Le moshpit était infernal au show de GrimSkunk. Le plancher était imbibé de bière et les guerriers se rentraient joyeusement dedans, perdant très régulièrement l’équilibre et se retrouvant souvent les quatre fers en l’air. Aussitôt, un paquet de mains apparaît pour aider notre nouvel ami à se relever.
L’exécution, donc, était excellente. Sauf pour une chose : il faudra vraiment insister sur l’existence de la navette entre le quai et le centre-ville. Il faudra ajuster son horaire : si on osait demeurer au rappel des shows, on risquait de manquer notre retour et de devoir marcher. C’est ce qui est arrivé au spectacle d’Avec pas d’casque, à notre grand regret. Ce petit coup de bol m’a fait manquer Saratoga et je m’en mords encore les doigts! L’an prochain, on aide le Festif à passer le mot et on remplit les gros autobus jaunes. De leur côté, les gens du Festif ont déjà promis d’apporter des améliorations!
Mais hé, si c’est ça notre principal point négatif…
Musicalement, ce qui est quand même la raison d’être d’un festival de musique, tout était parfait. Toujours ce savant dosage, ce crescendo qui commence en douceur au début de la journée (difficile de faire plus doux qu’Avec pas d’casque et Safia Nolin) pour terminer au beau milieu de la nuit en force avec des concerts complètement fous. Ajoutez à cela les nombreuses surprises et vous avez, à une heure de Québec, le festival le plus parfait auquel j’ai eu la chance d’assister. À un point tel que tant que je devrai choisir entre Le Festif, le Newport Folk Festival et Wayhome, ce sera toujours Le Festif qui va l’emporter.
Comment en serait-il autrement quand, en plus des spectacles réguliers, on me propose Tire le coyote sur le bord du feu, Saratoga sur un balcon, Kouna dans une ruelle, Basia Bulat au bout du quai, Dumas à l’Accommodation (où il a même offert une supplémentaire aux fans qui n’ont pas pu entrer… oui, oui, un show surprise en supplémentaire, du jamais vu!), David Marin dans le bois et La Famille Ouellette dans le stationnement de l’église, à deux heures du matin? Je croyais avoir vu le summum du beau l’année dernière au show d’Antoine Corriveau, mais Basia Bulat n’avait d’équivalent que cette prestation de Martha Wainwright au cap Bon-ami l’an dernier. Et encore, je crois que j’ai préféré Basia. Fallait la voir, les yeux au ciel, le sourire fendu jusqu’aux oreilles, en train de vivre le moment présent. Fallait l’entendre avec sa voix d’ange et ce vieux piano, qu’elle a caressé avec amour.
C’est aussi ça, Le Festif. Des images qui restent gravées dans la mémoire longtemps. Des souvenirs impérissables. Plein de nouvelles amitiés.
Parmi les spectacles réguliers, on retiendra la prestation magique de Gab Paquet, qui a inauguré la grande scène avec un aplomb et un showmanship qui montrent que ce gars-là a tous les outils pour réussir. Francis Faubert a aussi servi toute une leçon de rock (dommage qu’on l’ait si peu écouté – heureusement que le public s’est repris ensuite pour Les Goules). Plume Latraverse, accueilli par une ovation debout, qui chante quelques-unes de ses plus belles chansons. Avec pas d’casque qui fait pleurer tout le monde avec de magnifiques nouvelles pièces (on a tellement hâte d’entendre l’album!). Safia qui chante Ayoye au Quai. Mathieu Bérubé qui met tout le monde dans sa petite poche d’en arrière avec ses chansons d’été. Sunny Duval qui nous fait danser. La danse en ligne à Canailles. Basia qui pleure sous le chapiteau. Perreau qui essaie de sauter plus haut et plus loin que le chanteur de Busty and the Bass (va falloir mesurer à partir des photos, Yann) et qui, pendant la prestation de Beat Market, fait un brin de pole dancing. Grimskunk qui transforme le sous-sol de l’église en sauna. Serge Brideau, des Hôtesses d’Hilaire, qui a l’air du génie dans Aladdin (costume parfait pour un sauna). Klô qui accompagne VioleTT Pi. On pourrait continuer encore longtemps, mais à chacun ses souvenirs, et Le Festif en est une maudite belle source.
Je m’en voudrais de passer sous silence tous les efforts consentis par l’équipe à l’égard du développement durable. Encore là, toutes les bonnes décisions sont prises. Les ecocup, les gourdes, la navette, le ramassage très rapide des déchets, l’accent sur les produits locaux, alouette, tout ça, ce n’est pas du marketing, ce sont des valeurs que je sais très chères aux organisateurs.
En fait, c’est vraiment ça, Le Festif. Même après sept ans. Même après être passé de 2 000 à 28 000 visiteurs.
Il est resté comme ses organisateurs : même en étant devenu l’un des festivals les plus populaires au Québec, il demeure lui-même, bien modeste, les pieds bien ancrés sur Terre. Un festival qui refuse des dizaines de milliers de dollars par année de la part des grandes brasseries pour favoriser l’excellente micro de la place. Un festival qui offre la chance aux producteurs et aux commerces locaux de se mettre en valeur et d’offrir des produits de qualité à prix raisonnable. Je n’ai aucun mal à croire que si jamais Louis Bellavance et Arnaud Cordier quittaient le FEQ, un Clément Turgeon pourrait tirer son épingle du jeu à leur place. Mais vous savez quoi? Si on offrait une grosse job du genre à un des membres de l’équipe du Festif, je les sais assez attachés à leur coin de pays, à leurs familles, à leurs amis pour refuser poliment et travailler encore plus fort à continuer à faire du Festif l’incontournable qu’il est devenu.
Pas pour rien que même ceux qui avaient leur accréditation au sein de notre équipe avaient acheté leur passeport. On fait juste notre part.
Merci à Clément, Charles, Anne-Marie, Gabrielle, Marc, ainsi qu’à tous les employés, bénévoles et partenaires du Festif. Vous pouvez être fiers de vous. Chaque fois que je vais chez vous, je me surprends à avoir envie d’y déménager, moi qui suis plutôt du type urbain qui préfère le métro(bus) à l’auto. En grande partie à cause de votre dynamisme. Vous êtes contagieux.
Merci à mon équipe de guerrières : Valérie Vinet, Marie-Thérèse Traversy, Tatiana Picard et Marie-Laure Tremblay qui ont donné leur 110 % tout au long du Festif. Vos efforts ont donné toute cette série de souvenirs. Vous êtes précieuses, mesdames, et j’espère pouvoir compter sur vous encore longtemps.
Festif, il ne me reste plus qu’une chose à te dire : À l’an prochain.
#jaihâteaufestif