On atteignait samedi dernier le cœur de la 34e édition de festival de la chanson de Tadoussac. Au menu, plusieurs spectacles aussi alléchants les uns que les autres. En attendant d’être dotés du don d’ubiquité, nous avons sillonné sans relâche les rues de Tadoussac en quête de découvertes musicales et d’émotions fortes. On a parfois pu régaler pleinement notre appétit, et parfois on devait écourter le plaisir pour voler vers la prochaine destination. Compte-rendu d’un buffet de bouchées musicales qui a su égayer cette journée pluvieuse.
Joseph Edgar – Chapiteau Desjardins
Par Ludvig Germain Auclair
Outre son titre Espionne russe, Joseph Edgar nous a choyés avec d’autres chansons de son répertoire moins connues mais qui se voulaient tout aussi puissantes, que ce soit par son accent acadien bien assumé ou ses jeux de guitares énergiques, merveilleusement soutenus par l’accordéoniste (Geneviève Toupin) et le contrebassiste (Alex Pépin). Le public a été vite ravi par le talent et la présence scénique du trio acoustique, qui a livré une performance peut-être un peu courte, mais certes appréciable. Un spectacle qui méritait d’être vécu et qui donne envie de répéter l’expérience « Joseph Edgar ».
Sages comme des Sauvages – Café du Fjord
La prestation de Sages comme des Sauvages – un duo coloré et exotique venu tout droit d’Europe – a mis dans le cœur du public le soleil qu’il n’y avait pas dans le ciel. Ce dernier, qui remplissait à rebord le Café du Fjord, s’est montré enthousiaste et très participatif face aux deux oiseaux colorés. Derrière les musiciens, une panoplie de petits instruments à cordes (violon, mandoline, ukulélé, guitare) que manipulait savamment Ismaël Colombani. Ava Carrière, pour sa part, s’occupait d’assurer le rythme à coup de pied ou de tambourin. Le duo chantait aussi à parts égales, en harmonie, ensemble ou en contrepoint, ce qui donnait un résultat très complet pour si peu d’individus.
Leur musique métissée s’inspire de sonorités pigées un peu partout dans le monde : en les écoutant, on a l’impression que la chanson française perce à travers des myriades de couleurs indiennes, orientales, gitanes, latines, mais surtout créoles. Tout pour nous apprendre à nous faire danser sur nos chaises, comme l’a dit la chanteuse à la blague. Sages comme des Sauvages ont d’ailleurs rendu justice à cet univers éclaté avec leur performance assumée et leur agréable présence sur scène.
Urbain Desbois – Chapiteau Desjardins
Ses chansons blues rock s’avéraient être musicalement solides grâce au talent de ses musiciens : Philippe Dussault (guitare), Michel Dufour (batterie) et Annick Beauvais (basse). Les paroles sont aussi teintées de son humour intelligent, ce qu’on pouvait notamment constater sur Survicissitudes. Cela semble avoir fait plaisir aux spectateurs rassemblés sous le Chapiteau Desjardins, qui n’ont pas manqué d’exiger un rappel.
Matt Holubowski – Scène Québecor
Matt Holubowski a tôt fait de nous absorber dans son monde teinté de rêve et de mélancolie. Tel qu’il l’a recommandé dans l’une de ses chaleureuses interventions, on a pu tout simplement rentrer dans notre bulle et nous laisser porter par son indie-folk-pop. Timides, quelques sonorités blues délavé ressortaient parfois dans une touche d’harmonica ou dans les effets de la guitare. L’ensemble était bien équilibré et bien exécuté.
Pour couronner le tout, la voix soul et indie de Matt Holubowski montrait tour à tour sa douceur et son amplitude. On l’a senti sortir parfois des sentiers battus, notamment dans ses quelques titres en français ou encore sur Wild Drums, et on aurait voulu sentir plus de pareils dérapages.
Soucy – Gibard [OFF]
Les musiciens s’exécutaient malgré le bruit et ont livré une performance aussi travaillée que déjantée. Soucy, c’est d’abord un chanteur-diva au charisme sombre et déstabilisant. C’est ensuite ses trois acolytes tout aussi comédiens : deux choristes/danseurs et un claviériste, qui fait aussi office de tête de Turc lors des interventions foisonnantes du chanteur. Ensemble, avec leurs costumes, ils avaient vraiment des gueules de super vilains, ceux qu’on finit par apprécier plus que les héros !
La musique, quant à elle, semblait sortir tout droit d’une comédie musicale de style cabaret à la chicago. Paraît qu’ils ont aussi un set beaucoup plus dansant, mais on a dû s’esquiver avant la fin ! De quoi faire passer le fiel de leurs thèmes dérangeants avec un peu de miel-pop.
Les Hôtesses d’Hilaire – Site Belle Gueule
L’effet a été presque immédiat. Dès la deuxième ou la troisième pièce on a sauté, on a dansé, on s’est poussés, on est tombés, on s’est fait relever, on s’est débattu joyeusement dans les mêlées au son des nombreux hits du groupe : MDMA, Super Chiac Baby, Machine à bière, Fais Faillite (pour laquelle les Deuxluxes sont remontés sur scène), Regarde-moi, et j’en passe.
Le groupe a aussi présenté une nouvelle pièce, qui figurera sur son prochain album. Tout aussi juteuse, tout aussi énergique (mais aussi country), Acadie fut une belle découverte. L’apothéose a eu lieu sur Hilaire à boire, qui s’est étirée encore et encore dans la partie instrumentale.
Les spectateurs en ont redemandé pour un ultime rappel. On a senti que le public était prêt à en prendre d’avantage, et que les Hôtesses auraient encore pu en donner, mais toute bonne chose ayant une fin il fallait laisser la place aux autres artistes. On gardera de cette soirée d’heureux souvenirs d’ivresse, et aussi une couple de vers d’oreille.