La formation indie folk originaire de Québec qui s’est fait connaître sous le nom Harfang vient tout juste de dévoiler son nouveau single. La pièce, intitulée «Flatline», se trouve à être une composition transitoire entre Flood, paru il y a un peu plus d’un an, et le prochain album complet, que le groupe prévoit publier au début 2017.
« Flatline » explore le thème du deuil comme un passage salutaire. La pièce est dévoilée en même temps qu’un magnifique clip qui la met en images. Pensé comme un court-métrage musical, le clip qui offre, outre la pièce, une introduction cinématographique, présente la mort comme élément central et fixe la nature intouchable de celle-ci dans un assemblage d’animations tridimensionnelles et de scènes parfois dramatiques, parfois contemplatives.
Pour l’expérience audio-visuelle complète:
Pour écouter la pièce sans les images:
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Les mélomanes épris de beauté et de douceur se sont réunis hier soir au Maëlstrom afin d’assister au lancement de la version vinyle d’un superbe EP paru en janvier, intitulé Grief, et gracieuseté du projet folk local Ego Death. L’endroit, contrairement à ma précédente visite pour le lancement de Millimetrik, était dépourvu de tables et tout à fait adapté pour recevoir une foule hétéroclite et plutôt dense, mais qui s’est avérée très respectueuse.
Le groupe, mené par Joey Proteau qui prend les devants de la scène derrière son micro vintage, est complété par son frère Jesse, qui ajoute à la guitare acoustique de son frère des sonorités électriques issues de la sienne, et qui s’occupe de l’autre moitié des harmonies vocales dont sont parsemées les superbes compositions. Ils avaient d’ailleurs volé la vedette lors d’un récent concert en plateau triple au Pantoum.
Pour l’occasion du lancement, les vocaux des frères Proteau avaient droit à un magnifique coup de pouce, gracieuseté de la talentueuse Gab Shonk, connue pour sa voix chaleureuse et puissante, elle qui a par ailleurs déjà participé à l’émission-concours La Voix. La formation était complétée, comme c’est souvent le cas, par une section rythmique comprenant le batteur Kevin Robitaille, qui troquait souvent les baguettes pour le shaker lors des moments plus délicats, et le bassiste Symon Marcoux, qui s’occupait des basses fréquences, armé d’une magnifique Rickenbacker appartenant au protagoniste d’Ego Death. À tout ce beau monde s’ajoute aussi la violoncelliste Marie-Pier Gagné, qui contribue particulièrement bien à l’efficacité de la chanson la plus mémorable de cette parution, la magnifique «Troubles», dont la mélodie reste longtemps et facilement en tête même quelques jours ou heures après le concert.
Le EP Grief est paru sur bandcamp en janvier dernier mais c’est cette semaine qu’on pouvait enfin mettre la main sur la version vinyle, pressée en deux couleurs pour l’occasion, blanc et vert limette, et ornée de pochettes sérigraphiées à la main en deux couleurs, bleu et vert. Toute la confection, on la doit à l’auteur-compositeur-interprète Joey Proteau, mais aussi à l’illustrateur de QuébecMathieu Labrecque, qui signe les illustrations pour cette parution et ce qui l’entoure. Ils ont bricolé les pochettes à la main et se sont occupés de la sérigraphie qui sert d’enrobage aux galettes. Les dessins minutieusement créés par l’artiste honorent la dimension organique de la musique jouée par Ego Death, ainsi que sa délicatesse. Le dessin qui orne la couverture est à la fois chargé et épuré, l’utilisation du blanc permettant à l’ensemble de respirer, le regard pouvant circuler entre les divers points d’intérêt de l’illustration, truffée de détails et de beauté. La collaboration audio-visuelle entre les deux artistes ne se terminera pas tout de suite, l’illustrateur m’ayant avoué que le travail avançait très très bien pour ce qui devrait constituer la prochaine couverture, fût-ce pour un véritable long-jeu, déjà très attendu, ou pour des 7″ qui pourraient sustenter les mélomanes avant l’arrivée de l’album.
Ce EP, même s’il est relativement court, en se tenant tout juste sous la barre des vingt minutes, est une oeuvre très bien fignolée et un produit véritablement mature, ce qui est surprenant pour une première parution. Le coup de main donné par Simon Pedneault (ex Who Are You) à la réalisation n’a probablement pas dû nuire, mais l’exploit demeure tout de même impressionnant. Interprétée intégralement et dans le même ordre que sa version studio, la galette Grief a été présentée à un public qui avait une écoute quasiment religieuse, tout à fait de circonstance pour cette musique qui impose le respect. La musique d’Ego Death, délicate mais dynamique quand même, mérite qu’on s’y consacre corps et âme pour bien vivre l’expérience contemplative. Musicalement impeccable, la soirée a par ailleurs bénéficié du silence de l’assistance, qui s’interrompait seulement en même temps que la musique, pour offrir des applaudissements enthousiastes et mérités.
Finalement, le plus gros défaut de la soirée, c’est probablement sa durée. Je crois que l’assistance aurait pu en prendre beaucoup plus, mais la patience est de mise, les parutions subséquentes viendront élargir le répertoire et permettre au groupe d’occuper la scène plus longuement. Pour bien maintenir le niveau de qualité très élevé de la première parution, il va de soi que beaucoup de temps sera nécessaire à la réalisation d’un éventuel long-jeu. Quoiqu’il en soit, le rendez-vous est fixé pour la prochaine apparition sur scène d’Ego Death, qui aura lieu dans le cadre du Festival D’Été de Québec 2016, le 15 juillet prochain au District sur St-Joseph.
J’ai tenté tant bien que mal de prendre quelques clichés de la magnifique soirée d’hier, mais mon maigré équipement et mon faible talent, ajoutés aux éclairages timides et dépouillés de la scène, ne m’ont pas permis de rapporter de cliché représentatif de la soirée, seulement quelques trucs flous qui rendent plutôt mal justice à la magnifique soirée d’hier au Maëlstrom. J’ai donc emprunté des photos ailleurs pour agrémenter l’article.
Si vous voulez vous procurer la version vinyle ou numérique de l’album, ça se passe ici.
Pour une deuxième soirée d’affilée, je me suis ramassé pogné dans un pain avec une tonne de mélomanes permettant aux salles de spectacle de présenter le concert à guichets fermés. La soirée, même si elle avait en commun de présenter un groupe rock psychédélique au pedigree impressionnant et aux performances vantées de part et d’autre, différait du tout au tout. D’abord, il y a eu une première partie, et donc une entracte, deux choses absentes la veille, mais aussi, les shows des deux artistes ont passé très vite avec peu d’attente entre les chansons. Le premier de ces bands, c’est la formation Holy Data, qui a eu la chance d’obtenir le spot en ouverture des hyperactifs King Gizzard & The Lizard Wizard, tous droit venus d’Australie pour présenter leur nouvel opus. Par ailleurs, le show s’est déroulé dans un petit bar sympa, le Ritz PDB, au lieu d’une grande salle. Mais c’est pas parce que tout s’est passé très vite et que la batterie était généralement frénétique et implacable qu’on va sauter des étapes et traverser la description de la soirée à bride déployée.
Comme mentionnés précédemment, c’est Holy Data, un groupe de Montréal où on retrouve Alexis Dionne (Leafer, La Nature, Mom Jeans) qui ouvrait la soirée avec son synthpop psychédélique bien confectionné grâce à deux synthés, une guitare et une batterie. Le côté psychédélique vient parfois du rythme, parfois des touches et parfois de la guitare, qui se met de temps à autre aux effets. La performance est plutôt sentie, les pièces sont bonnes, mais la foule ne semble pas capter l’énergie transmise tout à fait, ménageant peut-être ses forces pour le groupe suivant, à tort ou à raison. Quoiqu’il en soit, ce set varié et cohérent présentait une musique de qualité, plutôt créative, et parfois inspirée, comme une pièce bien assumée qui rappelait Tame Impala. La vaste majorité du concert était dynamique et captivante, avec des rythmes inépuisables qui en font du bon rock de route, des mélodies intéressantes et un équilibre assez réussi entre les deux synthés et la guitare, point de vue sonorités. La dernière pièce avec un début un peu trop molo est venue ralentir la cadence en fin de concert, brisant un peu mon trip pendant un moment, avant que je comprenne que le table se mettait tranquillement pour un build-up très réussi qui a complètement sauvé la mise. Un mur de son assourdissant a progressivement mis un terme au spectacle de Holy Data, juste avant qu’un «merci beaucoup» robotique vienne officialiser le tout. Côté visuel, la performance était accompagné de projections multicolores s’apparentant à des reflets de soleil dans une piscine remplie d’eau couleur RGB variable. Ce fût donc somme toute une très belle expérience et une aussi belle découverte avec cette première partie dont je n’attendais rien et qui avait été annoncée très peu de temps avant la tenue du concert des lézards supersoniques.
Montés sur scène sur le coup de 23h, King Gizzard & The Lizard Wizard avait le matos et l’énergie nécessaire pour brasser la cage à tout le monde et faire lever le niveau d’intensité d’un bon cran. La performance défie un peu toute tentative de la décrire fidèlement, je vais quand même tenter un petit truc et tenter de vous faire comprendre que, la prochaine fois, vous devriez y aller, me dispensant de tenter de décrire une boule d’énergie. Il faut dire que leur plus récent opus, l’excellent Nonagon Infinity, y va vraiment à fond de train et se prête très très bien à la transposition sur scène. Du rock psyché angulaire, rapide, groovy, frénétique, énergique, varié, créatif, c’est assez fou ce que ces lézards là font et surtout au rythme auquel ils le font, ayant publié 7 albums plutôt excellents depuis 2013. Leur plus récent a eu la part belle dans le set list de ce show qui s’est par ailleurs déroulé pour la plupart dans la pénombre des modestes éclairages, sans aucune projection, ce qui devait changer la mise pour le groupe qui vient de tourner avec l’incroyable Lance Gordon et son projet visuel Mad Alchemy, qui a fourni les images pour la soirée du 15 avril aux Nuits Psychédéliques de Québec et qui avait épaté la galerie. Cet aspect plutôt sobre permettait de se concentrer sur la musique, fort spectaculaire et bien sélectionnée.
Les quatre premiers titres du nouvel album se sont enchaînés sans transition, de «Robot Stop» à «People-Vultures», les chansons empiétant presque l’une sur l’autre et le thème nonagonesque du premier titre a pointé son nez un peu partout et servi de leitmotiv pendant la majorité du show. Délaissant leur nouveau répertoire un moment, ils y sont revenus plus tard, interprétant la majorité sinon la totalité de ses titres, ils ont entre temps passé au plus vieux matériel, vieux étant utilisé à la légère. Ils ont d’abord sorti la flûte traversière et fait l’excellente «Trapdoor», qui n’a, contre toutes attentes, pas été la seule pièce de leur album précédent, Paper Mâché Dream Balloon, puis enchaîné avec « I’m in your mind », qui ouvre l’album du quasi même nom, I’m in your mind fuzz. La pièce « Cellophane » du même album a également eu droit au traitement succès-souvenir. Le groupe ponctuait son set très électrisant de pièces plus jazzées qui peuplent aussi son répertoire, comme celle qui ouvre Quarters et qui est intitulée «The River».
Le groupe semblait interpréter les chansons très fidèlement avant de s’adonner à des jams, de prolonger des thèmes, de modifier des transitions, de chambouler un truc ou deux, pour leur plus grand plaisir et le nôtre. Tout le monde semblait ravi par la performance, qui s’est toutefois terminée un peu abruptement, encourageant les gens à réclamer un rappel pendant de longues minutes après la fin du show. Le show avait peut-être duré la moitié de la durée de celui de BJM la veille, mais au moins autant de notes y avaient été jouées, tant le rythme était plus prononcé. L’absence d’interruptions entre les pièces a également permis à la soirée de garder sa dynamique effrénée, faisant paraître l’heure et demie passée en leur compagnie et les deux heures et demie depuis mon arrivée sur place en un claquement de doigts. Vous comprenez donc que la prochaine fois, vous devriez aller les voir s’ils passent près de chez vous, parce que le roi gésier et son magicien lézard a tout ce qu’il faut pour vous faire vivre une expérience enlevante et énergisante à souhait. Y a juste si vous voulez un rappel que vos prières ne seront pas exaucées, parce que sinon, le groupe livre une performance impeccable techniquement, mais en même temps spectaculaire et captivante de A à ZZ.
Il y a de ces concerts qui vous marquent pour longtemps et dont les souvenirs vous accompagnent possiblement pour le restant de vos jours et celui que j’ai eu la chance de voir hier soir en fait partie. C’est finalement un peu après 20h30 que la formation tant attendue, qui ne s’était pas encombrée d’un groupe en guise de première partie, a pris la scène sans grande pompe pour donner le coup d’envoi de ce show tout simplement baptisé «Une soirée avec The Brian Jonestown Massacre». Les fans de la première heure du groupe semblaient manifestement déjà comblés lorsqu’Anton et Joel, les deux meneurs, ont pris les devant de la scène, à la suite des cinq autres musiciens qui les auront accompagnés pour l’essentiel de cette épique soirée, également ponctuée par de brèves visites d’autres collaborateurs momentanés.
J’aurais pensé que leur plus récent album album Musique de film imaginé aurait eu droit à plus d’honneurs dans leur imposant set list, qui a couvert leur monumental répertoire en long et en large, outre cet album, pratiquement délaissé, hormis peut-être une pièce instrumentale qui s’y trouve, mais je ne suis plus trop certain de tout ce qui a pu se passer pendant ces trois heures. Il faut dire que l’absence, pour cette tournée, de la chanteuse Soko présente sur la majorité des titres du dit album, n’aidait en rien l’ambition éventuelle de lui faire une place de choix. Les fans du double album rétrospective de TBJM, Tepid Peppermint Wonderland, avaient la majorité du bagage nécessaire pour bien apprécier la soirée, mais même ceux qui n’avaient aucune idée des compositions du groupe avaient de fortes chances d’être ébahis par le généreux concert offert par les californiens d’origine qui roulent leur bosse depuis plus de vingt ans.
Le répertoire psychédélique et majestueux du groupe n’a pas occupé l’entièreté du concert, mais tout de même la majorité, avec quelques titres moins flamboyants concentrés surtout en début de set et faisant honneur à leur brève période résolument plus rock-alternative-des-années-90. Les pièces alternent avec des moments d’ajustements, les musiciens s’accordent ou changent d’instrument alors qu’Anton nous raconte des anecdotes sur le Canada et ses visites, dont il semble avoir gardé des souvenirs mitigés et un certain humour dérisoire. Une de ces histoires contées durant la soirée mettait en vedette le groupe, arrivé à Saskatoon, où une foule clairsemée s’était réunie pour deux raisons, la moitié pour écouter leur concert et l’autre moitié pour sacrer une volée à l’autre moitié. Une certaine défiance envers l’assistance ponctue la majorité de ses interventions, dont une où il explique qu’il fait un concert de trois heures mais qu’aucune demande spéciale ne sera acceptée parce que, d’abord, allez vous faire foutre et ensuite, parce que Spotify prend les demandes spéciales et que lui, c’est pas une machine, c’est un artiste.
De toute façon, ils choisissaient plutôt bien les pièces présentées, et la seule chose qu’on peut reprocher à la soirée est l’abondance de transitions un peu longues entre les pièces, qui venait un peu briser le rythme et empêcher la transe de s’installer véritablement. Les pièces choisies alternent entre le très planant et le très bruyant, Anton martyrise ses guitares pendant que Joel shake inlassablement sa tambourine, parfois troquée pour des maracas, parfois utilisée en tandem avec cette dernière.
Les chansons plus psychédéliques avec de grandes montées faisaient généralement appel à la guitare 12 cordes ou à la mandoline (le banjo de luxe ?). La femme d’Anton Newcombe s’est présentée sur scène pour interpréter Pish avec lui, s’occupant surtout des refrains, avant qu’une autre intermission n’incite Anton à parler du Canada et de s’interroger sur le fait que oui, ou non, on appelait parfois notre pays le Cananananananada. Après une pièce bien efficace, un membre de l’assistance a défié le groupe en réclamant une autre pièce du même album, en guise de demande spéciale, en plus de demander au groupe de se grouiller pendant les transitions, et avant de nous annoncer implicitement qu’il venait d’Ottawa et qu’il aurait voulu que le groupe s’y rende. La riposte d’Anton face à cette requête ne s’est pas fait attendre et allait à peu près comme suit: «hey le casse, tu me vois tu venir à ta job te crier des ordres, moé ? non, ça se fait pas!»
Le spectacle faisait contraster sa simplicité visuelle, alors que seuls quelques éclairages ont complété la musique, et son côté musical hyper chargé. Le groupe nous annonce que le concert est forcé de se terminer à 23h30, ce qui est incompréhensible pour eux comme les bars peuvent fermer à 3h, eux. Il a ensuite expulsé un technicien de scène avant de dire que tout le monde méritait quand même un happy ending pour cette soirée, et d’annoncer qu’il leur restait quelques as dans la manche, avec environ trois pièces toujours sur la liste.
Pour clôturer en beauté cette soirée intense, un membre influent et respecté de la scène rock psychédélique est venu joindre le groupe pour long jam en duo avec Anton d’abord, puis pour la pièce «She’s Gone» avec tout le groupe, qui les a rejoints ensuite. Le musicien en question a d’ailleurs foulé les planches de la salle Multi du complexe Méduse avec un nouveau projet solo qui devrait le voir tourner un peu partout, délaissant son groupe Elephant Stone pour un moment, bien qu’il nous rende visite cet automne. Pour ceux qui n’ont pas déjà deviné, je parle du joueur de sitar Rishi Dhir, compositeur et chanteur au sein de la formation éléphantesque en question. Un long build up finissant dans un mur de son assourdissant a servi d’au revoir entre le groupe et l’assistance, qui n’a pas cru bon demander un rappel lorsque les musiciens, d’abord Anton et Joel, ont quitté la scène, suivis de près par Rishi et les autres musiciens. Les lumières se sont allumées rapidement comme pour faire passer le message encore davantage, mais personne n’aurait pensé réclamer de rappel après un aussi généreux concert, qui semble-t-il, est en voie de devenir leur marque de commerce pour cette tournée. Le groupe qui prend la scène seul pour la majorité des dates se faisait un point d’honneur d’offrir au public quelque chose de substantiel en échange de leurs deniers. On peut affirmer que la soirée valait son pesant d’or et qu’elle a mis la barre haute pour le concert du lendemain alors que je retournais vers le rock psychédélique, gracieuseté cette fois des australiens King Gizzard & The Lizard Wizard.
Comme j’avais oublié mon appareil photo, c’est le collègue Joey Proteau qui a eu l’amabilité de me prêter celle que vous voyez au sommet de cet article.
Le psychédélisme a décidément la cote auprès des mélomanes ces dernières années. Le Montreal Psych Fest, maintenant défunt, a tenu trois éditions de 2013 à 2015. Ecoutedonc.ca avait d’ailleurs crû bon m’envoyer sur place pour donner un compte rendu de troissoiréesépoustouflantes ayant fait défiler une quinzaine de groupes sur les planches d’une salle vétuste de la métropole. Les Nuits Psychédéliques de Québec se sont établies au printemps suivant et ont tenu trois superbes éditions, pour le plus grand plaisir des mélomanes de la vieille capitale. La troisième édition des Nuits n’avait pas encore donné le coup d’envoi que le festival appelé à prendre la relève du MPF s’annonçait déjà avec un nouvel intitulé, tout simplement baptisé Distorsion. Ce festival aura lieu la fin de semaine prochaine, de jeudi à dimanche, mais ce n’est pas tout en ce qui concernele psychédélisme rocheux dans la bourgade de Denis Coderre.
Mardi soir, le Cabaret la Tulipe recevra la superbe formation The Brian Jonestown Massacre, qui présentera pour l’occasion le matériel de son imposante discographie, dont le plus récent, Musique de film imaginé, est une sorte d’hommage au cinéma français des années 50-60 (Truffaut et Godard bonjour). La soirée, présentée par Blue Skies Turn Black, Evenko et Greenland, devrait permettre aux mélomanes de faire le plein de musique lyrique et planante par moments, généralement épique et parfois très chargée. On n’annonce pas de première partie pour ce concert tout simplement intitulé « Une soirée avec The Brian Jonestown Massacre » et qui sera présentée à guichets fermés.
Même si le Festival Distorsion ne commence que le jeudi, une autre excellente formation psychédélique foulera les planches d’une salle de concert mercredi soir, et pas la moindre. Il s’agit en effet d’un septuor australien hyperactif qui vient de publier un album fort attendu et apprécié, son premier en 2016, lui qui avait publié deux albums par année depuis trois ans, et j’ai nommé King Gizzard & The Lizard Wizard. Ils seront donc à Montréal pour présenter les titres de Nonagon Infinity, le très énergique et abrasif nouvel album qui succède au quasi acoustique Paper Mâché Dream Balloon. Accompagnés par Holy Data pour cette soirée présentée par la boîte montréalaise Blue Skies Turn Black, KG&TLW, comme TBJM la veille, affiche complet.
Le coup d’envoi de ce nouveau Festival Distorsion se donnera donc jeudi, avec des formations locales et en visite. Toutes les célébrations sont prévues pour le Mathari Loft sur l’avenue du Mont-Royal) incluant une relecture d’Aladdin réunissant entre autres Macaulay Culkin, Devandra Banhart et Regina Spektor. Parmi les groupes devant se produire entre le 12 et le 16 mai dans le cadre du Distorsion, on note les fameux I.D.A.L.G., anciennement Il Danse Avec Les Genoux, que vous devriez voir cet été dans un festival près de chez vous. Les six musiciens ont publié l’excellent Post-Dynastie à la fin de l’année dernière et sillonnent les routes occidentales depuis pour annoncer la bonne nouvelle. Trois autres sensations montréalaises se produiront aussi durant le weekend, soit UUBBUURRUU, Technical Kidman et Adam Strangler, en plus des halifaxo-torontois Crosss et du rockeur pop-psyché montréalais Paul Jacobs.
Le reste de la programmation et le détail des soirées est disponible sur leur site internet ou encore sur leur page facebook.
C’est le lancement du nouvel album du vétéran de la scène électronique de Québec Millimetrik qui m’a donné l’occasion de me rendre au Maëlstrom pour la première fois, alors que le café/bar est ouvert depuis quelques mois dans le local de l’ancien Babylone. Manifestement pas tout à fait adapté pour les concerts, mais élégamment décoré et plutôt chaleureux malgré un style sobre, l’endroit est parsemé de tables, et elles étaient toutes occupées pour le set. Certains terminent un repas alors que l’artiste prend la parole pour se présenter et procéder aux habituels remerciements. On lui cède le silence avec courtoisie et il annonce que le set qui allait commencer incessamment comporterait exclusivement des pièces tirées de son plus récent album, Fog Dreams. L’album qui succède à Lonely Lights, lauréat électronique au GAMIQ, a été dévoilé au public il y a près de deux mois mais le lancement était l’occasion d’un contact privilégié avec le nouveau matériel.
Le setlist avait de toute façon été annoncé la veille et la prestation offerte s’est grosso modo déroulée comme annoncée, pour le plus grands plaisir des gens qui étaient là pour l’écouter. Les pièces sélectionnées étant les plus rythmées en général, elles se transformaient lorsque présentées devant public en « bangers », qui incitaient à hocher de la tête allègrement. Le style de Millimetrik, qui a généralement incorporé des sonorités électro-ambiantes et hip-hop-instru, on le trouve encore plus raffiné sur ces plus récentes compositions, qui adoptent des rythmes variés. La batterie a toujours fait partie du son et des performances de l’artiste, qui bat également les peaux au sein du quatuor stoner rock de Québec Les Indiens, mais il n’avait pas trimballé ses tambours pour l’occasion. Le style plus électro presque house qui s’incorpore parfois aux pièces du nouvel album justifiait la performance qui était donc somme toute plus standard pour un artiste électronique.
Les pièces du nouvel album sont parfois le fruit de collaborations avec des artistes d’ici et c’est une de ces collaborations qui a quasiment ouvert le set, la première partie de «Peninsula Mist», qui a été présentée juste après la seconde et qui mise sur la voix et les rimes de King Abid, son partenaire d’étiquette de disques chez la boîte de Québec Coyote Records, à qui on doit aussi les albums de Karim Ouellet, Claude Bégin et, tout récemment, D-Track et Rednext Level, entre autres. Millimetrik a toujours eu un côté hip hop, plus ou moins central selon les albums, et celui-ci y a encore recours comme sur cette excellente pièce. Avec le titre plus électro qui a terminé la performance en beauté, «Port Ellen Bass», où l’on peut entendre la voix éthérée de Maude Audet, il s’agissait à mon sens des deux moments les plus forts du set, ce qui n’est pas étranger au fait que ce sont aussi mes deux titres préférés sur le nouvel album.
Des applaudissements nourris sont venus conclure la performance et l’artiste a invité les convives à déguster un drink que le Maëlstrom avait eu l’amabilité de préparer en l’honneur du nouvel album, qui partageait son nom. Ce fût aussi l’occasion pour quelques uns d’entre nous de se procurer la magnifique galette sur vinyle. On avait quatre bonnes raisons de les imiter: l’album est excellent, probablement le meilleur de l’artiste ; nous n’avons pu entendre que la moitié de l’album en question ; les pièces interprétées lors du lancement gagnent à être écoutées avec des écouteurs ; le disque comme tel est magnifiquement orné de teintes de bleu qui lui donnent une belle surface marbrée.
Bien que le terme d’ovni musical commence à être galvaudé lorsqu’on parle de la musique produite par la grosse gang de chums qui gravite dans l’univers déluré de la seule troupe post-rigodon bas-canadienne, Alaclair Ensemble, force est d’admettre qu’il commence à peine à décrire la provenance conceptuelle de cette galette cosmique que nous offrait Rednext Level le 15 avril dernier, gracieuseté de Coyote Records. D’emblée, on se doutait que les sonorités allaient explorer d’autres territoires, que les thèmes et les textes seraient la suite logique du projet précédent et que globalement, le groupe serait le théâtre de toutes les audaces pour les deux MCs bien connus et appréciés du public québécois, Maybe Watson et Ogden AKA Robert Nelson, pour le DJ Tiestostérone ainsi que pour le producteur Tork, un ami d’enfance de Maybe Watson qui gravitait davantage dans les sphères électroniques que dans le territoire rap-queb-champ-gauche occupé d’habitude par nos deux moineaux lyricaux.
On pourrait dire qu’Argent Légal est un album concept, bien que les pièces réunies ici sont assez diversifiées, mais construites la plupart du temps autour d’un noyau dur fait d’un savant alliage de house, funk, rap, trap, r&b et pop. Les thématiques coulent d’une pièce à l’autre, le voyage, la fête et l’argent occupent le centre névralgique des textes, qui sont par ailleurs truffés de références et de pointes d’ironie. Des pièces pouvant rappeler Maroon-5, un autre verse rap emprunté à Madonna, amenant un côté électro et pop au rap que laissait déjà préfigurer des titres d’Alaclair Ensemble, notamment «Mon Cou», qui pastichait déjà la reine du pop et son phrasé saccadé. Ici, on pousse vraiment la dose jusqu’au niveau suivant, et même jusqu’à l’autre d’après, le post-post-rigodon étant une sorte d’enfant bâtard surdoué qui serait né de l’union entre le rap-queb et Rouge-FM. La seule raison pour laquelle l’enfant en question, on le trouve beau au final, c’est que les parents sont assez talentueux pour donner la cohérence, l’authenticité et la qualité à un projet aussi audacieux et risqué à la base. Les mélodies et les refrains risquent d’en faire sourciller plus d’un, advenant le cas où on en venait à prendre au pied de la lettre et au premier degré les compositions de Rednext Level, qui sont par ailleurs à peu près toujours caractérisées par un jeu d’ironie et de références pouvant rendre hommage et faire dommage aux sources d’inspirations. La simplicité apparente du produit cache pourtant un travail de confection et de création assez novateur et cohérent avec leur parcours.
Deux titresont été révélés au public cet hiver, accompagnés de clips mémorables et créatifs, et c’est d’abord l’hyperactive et watatatowesque «Sri Lanka»,infusée au dance et house des années 90 et bardée d’autotune, tout comme c’est d’ailleurs le cas de la majorité des onze titres réunis ici, qui a charmé les mélomanes en manques de sonorités estivales, au plus creux de l’hiver. Quelques semaines plus tard, ce fût au tour de ce qui est devenu entre temps le véritable hymne national de la classe moyenne, la géniale «40K», qui fait l’apologie d’un taxe-payeur, d’un costco-magasineur, d’un Ford-Escape-conducteur, d’un rapport-d’impôts-faiseur et d’un carnet-Desjardins-à-jour-metteur. La pièce, qui est à mon goût le titre le plus réussi, est aussi le porte-étendard du concept de l’album Argent Légal, axé de A à Z sur le contratste entre l’activité et le résultat, la lutte au quotidien et l’amour de la fête, la vie d’un quidam avec des rêves de jet privé, et finalement, le réalisme et la résilience qui vient avec le fait de rentrer dans les rangs, en quelque sorte, et adopter une activité mature et productrice en vue de s’assurer un confort matériel relativement modeste mais pourtant difficile d’accès pour un rapper voulant vivre de son art.
L’album a des visées commerciales évidentes mais n’a pas tout sacrifié à l’aune de son éventuel potentiel radiophonique, les titres gardant un caractère fort ludique, original, novateur, enjoué et vivant, qui manque souvent cruellement aux créations musicales de l’industrie culturelle qui occupent la majorité du temps d’antenne des radios commerciales. Deux habituels collaborateurs d’Ogden et Maybe viennent mettre l’épaule à la roue pour aider les gars, issus d’un milieu habituellement boudé par les radios commerciales, le hip hop, à pénétrer le coffre-fort des succès radiophoniques et entrer en rotation. Avec des refrains aussi accrocheurs et des mélodies estivales de ce type, si aucun de ces deux titres n’en vient à passer à la radio de manière assez soutenue, titres où apparaissent respectivement Claude Bégin et Karim Ouellet, deux chouchous des ondes ces dernières années, je ne sais pas comment les artistes de ce milieu pourront faire une percée dans le domaine grand public. Pour les deux collaborations, d’abord la très sucrée et funky «Faible pour toi» avec Claude Bégin au refrain et à la production, et ensuite, la mélancolique et mélodique «Partir» avec Karim Ouellet, les artistes ont concocté des refrains qui respectent les canons de la pop et se mémorisent à la vitesse de l’éclair pour rester bien incrustés dans les molles fibres du cerveau, même plusieurs heures ou jours plus tard, ce qui leur confère à mes yeux un potentiel radiophonique que j’aurais difficilement pu imaginer possible, en tous cas pas avec un tel aplomb, et tout autant compatible avec l’univers décalé et juvénile qui accompagne leur groupe Alaclair Ensemble depuis les tous débuts.
Argent Légal a parfois le défaut de ses qualités. Pour la plupart d’entre nous, les onze titres réunis ici sont très très sucrés, ce qui pourrait faire sourciller les plus réfractaires à la musique pop, dont j’ai longtemps fait partie. L’exploit réussi par Rednext Level, c’est de faire écouter et aimer une musique construite à la base sur du dance plutôt kitch et très 90s, à des gens qui n’auraient jamais osé imaginer qu’une musique de ce type aurait des chances de leur plaire. On succombe assez facilement aux charmes du groupe, mais l’expérience est assez contre-intuitive au début, surtout pour un mélomane aguerri qui écoute autant du grindcore que du free jazz. Le niveau de qualité ici est assez élevé pour justifier l’intérêt qui doit être porté à la galette pour bien l’apprécier. Celle-ci gagne sans contredit à être écoutée dans des écouteurs, sans quoi la production tonitruante de Tork et les références ludiques et brillantes mises sur la table par les deux MCs pourraient passer à côté de l’expérience et ôter la riche subtilité de leur bébé sucré. On se croirait souvent au beach-club de Pointe-Callumet ou dans les quartiers populaires de Laval, si on en restait au premier degré, mais le tout prend plus souvent des allures de caricatures pince-sans-rire de tout ce qui tombe dans leur mire. La pièce testament de l’album, «Tatouer» est un bon exemple de cette approche à la fois sérieuse et trollesque, avec sa faute d’orthographe (« le rap québécois, je l’ai tatouer »). Le résultat est une superbe pastiche d’une chanson qui aurait pu exister sérieusement, à quelques détails près, comme confession d’un rappeur-couleuvre.
La direction empruntée ici par Ogden et Maybe Watson pour ce projet parallèle est à des années lumières de celle préconisée par Eman et VLooper, lauréats hip hop à l’Adisq pour 2015, mais on peut facilement remonter à une source commune avec Alaclair Ensemble, dont les aspects constituants ont été hypertrophiés différemment par ces deux projets. Alors que les gars prévoient enregistrer un nouvel opus d’Alaclair Ensemble à l’automne, l’album Argent Légal semble pour eux un parfait mélange de 9-à-5 et de récréation, soit une très divertissante activité parallèle qui pourrait s’avérer lucrative. Le travail acharné et le plaisir coupable qui ont donné naissance à cet album très estival devraient permettre aux trois protagonistes de se payer des Ah! Caramel, des cannes de thon et de la Bud-light en masse, à condition que les gens osent les suivre dans cette aventure – et ils ont tout intérêt à le faire. Fake pas l’funk pis boude pas l’fun, prends une portion de ton salaire horaire et va chez le disquaire acheter ta copie pis payer tes taxes dessus, surtout que tu viens juste d’avoir ton retour d’impôts el gros.
Les groupes en tournée ne choisissent naturellement pas toutes les dates et certaines dates de tournée, si on veut optimiser, tombent un lundi malheureusement. En général, le même concert pourrait être donné à guichets fermés un soir de fin de semaine et devant une assistance éparse en tout début de semaine, sans que ce signe soit un gage de qualité (ou absence de) du groupe qui performe. C’est exactement ce qui est arrivé à la très réputée formation rock-métal-bizarroïde américaine Torche, qui était de passage à l’Anti, pour une des dates de la tournée qu’ils font en conjonction avec Wild Throne. Pour l’occasion, le promoteur avait demandé à une formation de Québec d’ouvrir les festivités, comme c’est souvent le cas, et il avait judicieusement choisi un tout nouveau groupe à cet effet, un dénommé Osvaldo. Je dois avouer de but en blanc qu’il aurait difficilement pu faire un meilleur choix, le groupe était tout désigné pour accompagner les deux groupes en tournée, pour différentes raisons, notamment le style, les influences du groupe et le niveau de qualité général de leur prestation, qui était très solide.
Osvaldo, c’est le nouveau projet de petits gars de Québec. C’était peut-être son premier show, à Osvaldo, mais les quatre gars qui en sont les membres cumulent près d’un demi siècle d’expériences musicales variées et ont fait de la scène avec des projets préalables, notamment le défunt groupe Mountains Unfold, qui a fait ses adieux à la scène durant le Festival OFF 2013 et dont trois membres se retrouvent dans Osvaldo, soit Luc Barrette (guitare), Hugo Ouellet (batterie) et Phil D’Amours (vocaux). Le quatuor est complété par le bassiste Alex Landry, qu’on a pu voir sévir et servir des basses fréquences au sein des groupes locaux Albatros et Khan, entre autres. Les premières notes se sont fait entendre vers 20h15 et la formation a d’emblée mis les cartes sur la table avec une pièce d’introduction lente et lourde qui a fait comprendre à l’assistance relativement restreinte en début de soirée de quel bois ils ont l’habitude de chauffer. Très stylé et atmosphérique aux premiers abords, leur musique opère des changements brusques et un gros paquet d’idées invoquées pendant le processus créatif se ramassent raboutées lorsque la pièce est parvenue à la ligne d’arrivée, simplifiant la composition et accélérant la publication de leur musique. Lors que je leur demande pourquoi ils sont là, Landry raconte à la blague qu’ils ont voulu jouer pour entrer voir Torche gratuitement, parce qu’ils sont ben fans. D’autres groupes parus sur la légendaire étiquette Hydrahead doivent aussi figurer parmi leurs influences, notamment Botch. Au compte de leurs influences, le chanteur évoque aussi Coalesce, Oxbow, Sweep The Leg Johnny, liste à laquelle j’ajouterais Converge, Carmen Campagne et pour certains passages furtifs et dissonants, The Dillinger Escape Plan. La musique offre une ambiance sombre et chargée d’émotions, la tempo est la plupart du temps assez long mais les pièces sont ponctuées de phases plus accélérées et extrêmes, quelques blast beats se glissant ici et là dans leurs créations.La frénésie propre au grind et au powerviolence vient poindre à l’occasion, certains passages ralentis ont des airs de doom, la dissonance est également présente dans les riffs mais le tout est très bien dosé, donnant une très belle cohérence à des pièces qui ont parfois pourtant été montées comme des courte-pointe. Le résultat est somme toute vraiment épique, quelques moments hardcore ou post-metal viennent compléter le portrait, procurant une dose supplémentaire d’atmosphères authentiques et envoûtantes. On voit que c’est le projet de musiciens techniquement très capables, mais aussi, de mélomanes, parce que les influences sont rarement dissimulées mais le métissage auquel elles donnent naissance est authentiquement intéressant et novateur. Les vocaux, très sentis, oscillent avec vigueur entre le désespoir et l’indignation, pour les émotions transmises. Les faibles prétentions du groupe par rapport à son travail jurent avec le haut niveau de qualité qui est atteint, ce qui est assez rafraîchissant comme attitude, quoique ça peut presque prendre des allures de fausse modestie, parce que c’est pas mal bon. Extrême, varié et accessible à la fois, grâce surtout au niveau de qualité et aux gros riffs bien groovys qui nous forcent de temps à autre à hocher de la tête un moment, avant que la rythmique ne change. Le groupe fondé à Québec il y a environ six mois a un bandcamp pour présenter deux extraits, dont un qui donne une très bonne idée de leur son. Surveillez-ça, vous risquez d’entendre parler d’eux à nouveau avant la fin de l’année. Mieux encore d’ici là, écoutez ça en lisant la suite![bandcamp width=100% height=120 track=944720823 size=large bgcol=ffffff linkcol=0687f5 tracklist=false artwork=small]
Avec les oreilles qui bourdonnent encore un peu, j’ai regardé Wild Throne prendre place sur scène et offrir aux gens réunis sur place un beau mur de son aigu d’une trentaine de secondes en guise d’introduction, laissant préfigurer les vocaux du chanteur qui étaient souvent assez aigus aussi, allant jusqu’à flirter avec le glam rock et se rabattant sur le scream plus rarement que sur le vocal clean. Le groupe, originaire de l’état de Washington sur la côte pacifique américaine, fait d’ailleurs la part belle aux mélodies, la plupart du temps la dissonance ne fait partie de leur éventail sonore, mais certains moments assez extrêmes viennent ajouter de la variété et de la surprise à des pièces qui autrement seraient plus rock que métal. Excentrique et variée, leurs chansons font parfois appel à des séquences électroniques et à des beats glitch pour appuyer le batteur, qui n’avait pourtant pas vraiment besoin d’aide et donnait une leçon de sport aux mélomanes ébahis devant lui. Les influences semblent graviter autour de l’étiquette californienne Three-One-G, notamment Melt-Banana, An Albatross, Blood Brothers, mais doivent aussi inclure des trucs variés comme les Melvins, Everytime I Die, en plus de certainement inclure, surtout pour le vocal, The Mars-Volta, dont le nom est apparu sur quelques lèvres lorsqu’on commentait le concert ensemble après. La plupart du temps assez colorée, leur musique est appuyée sur le vocal excentrique du chanteur et les chevauchées rock qu’il crée avec son powertrio. Les chants peuvent être émotifs et racoleurs et la mélodie douce, puis soudainement, devenir rauques et accompagner du rock-metal qui groove sur des riffs gras, puis passer au emo-core et au math-core par moments. Le résultat est souvent assez accrocheur, pas mal impressionnant, mais fait parfois sourciller par rapport au mélange souvent inusité des styles. C’est pas nécessairement pop parce c’est formaté dans un genre particulier, mais plutôt parce que le niveau de qualité est assez haut, mais le côté commercial ressort parfois un peu trop, donnant toutefois l’occasion au chanteur de prouver sa polyvalence, en passant avec aisance du scream au clean. Certains moments extrêmement syncopés agencés avec un stroboscope créent une ambiance survoltée, maximisant l’effet mutuel de la lumière et du rythme. À la fin de la performance, on retient que le groupe est très solide mais qu’il a de drôles de goûts, que le melting-pot de genres auxquels le groupe fait appel est en soi plutôt original, mais le fait qu’un mélange presque toujours similaire se retrouve dans presque toutes les pièces donne l’impression que cette originalité a été transformée en formule toute faite, prête à être répétée. Quoiqu’il en soit, la performance fût agréable et très solide, disons qu’on comprend pourquoi quelqu’un leur a donné un gros contrat de disque, et aussi une belle surprise, même si c’était le groupe que j’ai le moins apprécié des trois.
Le dernier et non le moindre à gravir la scène de l’Anti en ce lundi soir, peu après 22h, c’est Torche, un groupe de Miami en Floride qui a su s’attirer la faveur des critiques, des mélomanes et des néophytes, pour son équilibre parfois précaire mais souvent réussi entre l’extrême et l’accessible. Le répertoire du groupe a évolué et des riffs de plus en plus accrocheurs se retrouvent dans leurs compositions. C’est leur plus récent album Restarter qui a constitué le matériel pour la majorité du set, dont les pièces «Minions» et «Annihilation Affair» étaient des moments forts. La musique de Torche, je crois que je la qualifierais de «métal pour adultes», pour diverses raisons, bien que l’appellation semble étrange a priori. Des gros riffs, des structures progressives, une insistance sur la mélodie, des thèmes diversifiés et intrigants pour les textes et un vocal qui reste clean la quasi totalité du temps. Le groupe passe avec aisance du plus lourd au plus léger, tout comme le prédécesseur Wild Throne, mais avec une beaucoup plus grande cohérence et un résultat esthétiquement plus intéressant. Leur show est pas mal de type «dans tes dents» même si le groupe est plus accrocheur que les deux précédents par essence. Juste avant une pièce qui semblait imiter «Thunderstruck» d’AC/DC, une des rares interventions parlées plus soutenues du chanteur nous a appris que le groupe en était à sa première visite et qu’il ne s’attendait pas à un accueil aussi chaleureux de la part du public, pour un lundi soir en compagnie d’un groupe qui leur rend visite pour la première fois mais dont la bonne nouvelle semble parvenue à leurs oreilles. La performance s’est déroulée toute en intensité, plutôt captivante et elle semblait au goût des gens sur place, pour qui le hochage de tête était obligatoire pendant la plus grande proportion du concert. Après une transition faite d’un mur de son assourdissant et insistant, la pièce avec le plus gros riff du show (les riffs sont pas mal tous gros mais celui là était encore plus gras) commence, puis viennent s’y poser des harmonies vocales graves et bien appropriées. La basse donne rapidement l’impression que le tissu de nos vêtements va se déchirer tellement la vibration est intense. Le son est demeuré impeccable du début à la fin, les tonalités de guitare qui font la marque de commerce du groupe demeurent toujours très riches et la dernière pièce était tellement badass qu’elle dispensait le groupe de s’offrir en rappel. J’ai profité de l’occasion pour aller me faufiler dans mon lit, clôturant un cycle de concert amorcé huit jours plus tôt, au même endroit, pour le concert de Sarah Neufeld et poursuivi par Misc au Cercle, quatre soirs des Nuits Psychédéliques à Méduse et une virée au Club Soda à Montréal pour voir quelques uns des groupes invoqués plus haut comme influences de Wild Throne (Melt-Banana et les Melvins).
J’ai malheureusement oublié mon petit appareil photo compact et n’ai donc pas pu prendre de photos du concert, ce qui m’a forcé à me rabattre sur différentes images d’archive cueillies ici et là sur la toile, moins journalistiques par rapport à l’évènement rapporté, mais plus jolies que celles que j’aurais prises.
C’est à une magnifique soirée mettant le jeune jazz à l’honneur qu’Arté Boréal et le Cercle avaient convié les mélomanes de Québec. La formation qui avait la part belle de cette offre musicale vient tout juste de changer de nom, mais poursuit la trajectoire amorcée en tant que Trio Jérôme Beaulieu, désormais sous l’appellation modernisée MISC. Un autre trio avait la tâche d’ouvrir les festivités, Nouvelle R, en provenance de Québec, alors que Misc est basé à Montréal.
Comptant dans ses rangs Olivier Bussières à la batterie, Carl Mayotte à la basse et Sylvain St-Onge à la guitare, un musicien qu’on retrouve aussi au sein de la formation 5 for Trio de Québec, la formation Nouvelle R a donné une prestation tellement solide qu’elle donnait des allures de plateau double à la soirée, les deux groupes rivalisant en qualité tout en ayant des styles bien distincts. Leur jazz assez rock qui tire parfois vers le prog est très bien ficelé, l’interprétation est impeccable et dans la tradition jazz, on laisse des moments pour briller à chacun des musiciens et ils l’utilisent à bon escient. «Et puis il s’éteint » est la pièce servie en ouverture et on comprend que les six musiciens réunis ce soir veulent un peu revirer la patente de bord,en commençant leur show par des pièces dont les titres, tout comme «La fin» qui ouvrait le show de Misc, sont peu usités pour un début de concert. Le batteur adopte un jeu ludique et rugissant pouvant rappeler Brian Blade par moments, pour l’équilibre subtil qui est maintenu entre la sobriété et la flamboyance. En parlant d’éclat, c’est «Le butin du forban» qui enchaînait, une espèce de pièce aux sonorités folkloriques un peu gentilhomme-pirate, mais en version renouvelée avec walking de basse hypergroovy et solos de guitare. Leur son, inspiré un peu du prog et du jazz fusion peut-être, flirt avec le cheesy mais sans l’échapper, toujours pour créer un ludisme et un dynamisme dont les compositions font bon usage, en plus de leur procurer une esthétique recherchée. Les musiciens sont tous polyvalents et impressionnants chacun leur tour, le batteur pour ses techniques et les beats spéciaux qui en résultent, le guitariste pour ses solos complexes, soutenus et sentis et le bassiste pour sa versatilité, lui qui passe avec aisance du frénétique au délicat. C’est d’ailleurs lui qui a présenté, avec des allures de stand-up comique mais probablement surtout à cause de son enthousiasme, la pièce «Calembour équestre» qui a enchaîné, ramenant le côté jazz fusion à l’avant plan et misant encore sur la virtuosité des interprètes.
Si toute la première partie de la performance était instrumentale, le groupe a pu compter sur l’apport de la chanteuse Marie-Claire Linteau pour la seconde partie, et bien qu’il se débrouillait très bien seul, cette dernière avait le talent nécessaire pour justifier sa présence. Sur une pièce intitulée «Sans dieu ni maître» en esperanto, elle maîtrisait le scat comme Ella et se lançait souvent à la poursuite des instruments pour en chanter toutes les notes pendant des segments, ou encore, déballer des notes de son cru qui venaient complexifier la mélodie présentée et compléter efficacement l’ensemble. Le guitariste adoptait parfois un jeu rappellant celui de Marc Ribot, surtout dans ses collaborations avec John Zorn, avant de passer brièvement à un style résolument plus rock, en bon héros de la guitare, comme Steve Vaï et compagnie. C’est une composition de Chick Corea qui a servi d’au revoir pour le groupe, qui se devait de présenter une pièce avec des paroles tant qu’à avoir fait appel à une chanteuse pour agrémenter sa panoplie sonore. Cette première partie fort généreuse a bien mis la table pour la suite des choses, alors qu’on allait voir un autre trio offrant une cure de jouvence au jazz, Misc.
Après une entracte assez courte, apparut le batteur William Côté, que j’ai d’abord connu dans l’excellente et défunte formation JMC Project, suivi par Philipp Leduc pour la contrebasse et de Jérôme Beaulieu pour le piano. Comme le guitare-basse-batterie, le trio contrebasse-piano-batterie est assez classique dans le jazz, mais cette instrumentation apporte des possibilités lyriques vraiment plus développées et Misc en tirent profit abondamment. Alliant des sonorités typiques du jazz scandinave et une approche plus près de celle des américains The Bad Plus, ils oscillent entre des compositions et des adaptations d’artistes connus d’ici et d’ailleurs, des indie rockeurs Blonde Redhead («Messenger») au chanteur électro James Blake («Overgrown») en passant par un des auteur-compositeur-interprètes chouchou des québécois, Daniel Bélanger («Respirer dans l’eau»). Les pièces de l’album homonyme ont défilé, toute la Face A du vinyle à venir en fait, avant qu’un retour en arrière ne se glisse dans le set, avec le titre «La chûte», qui fût l’occasion d’un magnifique solo de contrebasse. Faisant appel à l’archet pour la pièce suivante, le contrebassiste voyait le batteur lui offrir la réplique en partie avec un drum électronique, ajoutant de la variété à l’inventaire de sonorités employées. Les gars de Misc, capables autant de finesse que d’impact, ont continué avec la face B de l’éventuel vinyle et la pièce «Les années molles», dont le titre est inspiré d’un recueil de Normand Baillargeon, procurant un second moment politisé à la soirée et donnant l’occasion à Jérôme Beaulieu de blaguer en disant qu’à force d’être un band engagé comme ça, ils allaient d’ici quelques années ouvrir pour les Cowboys Fringants. Je ne crois pas que cela arrive en fait, ils ont plus de chance de partager la scène avec les torontois Badbadnotgood par exemple, un autre trio qui donne un coup de pied aux fesses du jazz et qui a d’ailleurs également repris des compositions du britannique James Blake. Pour le rappel, c’est une autre reprise, cette fois gracieuseté du rappeur K-Os («Crabbuckit»), dont les paroles étaient repiquées, ou transcrites en musique, donnant un résultat très festif tout à fait digne d’un rappel. Il faut dire que le piano un peu ragtime qui est échantillonné sur la pièce originale est assez propice à faire swinger les bassins. Le tout ne s’est pas pour autant transformé en piste de danse, la déconstruction était encore au rendez-vous comme dans la plupart des pièces reprises ou composées à l’origine par Misc, lorsqu’interprétées sur scène.
C’est vraiment une superbe soirée que ces six musiciens au talent incroyable ont offert aux mélomanes réunis sur place, et on ne remerciera jamais assez les gens qui osent présenter des évènements d’une musique aussi précieuse pour agrémenter un mardi soir qui aurait pu être beaucoup moins extraordinaire. Malheureusement, mon piètre talent de photographe et mon petit appareil compact n’avons rapporté en guise d’images que ces petits clichés imparfaits. La prochaine fois que ces bands passent, je vous conseille de venir voir en personne, ce sera beaucoup mieux!
Quand je suis arrivé à l’Anti en ce lundi soir maussade, ça semblait s’enligner pour une soirée vraiment relax, la place était presque déserte et il restait à peine vingt minutes avant le début annoncé du concert. J’éprouve une profonde satisfaction à voir ce lieu, auparavant connu sous le nom de l’AgitéE, accueillir encore à l’occasion des concerts de musique champ gauche de haute qualité mais adressée à des clientèles-niches. Le concert dont il est question ici fait selon moi partie de cette catégorie et j’espérais qu’il y aurait du monde pour en profiter. Les gens sont finalement arrivés tranquillement jusqu’à ce que surgisse sur scène Eartheater, une artiste new-yorkaise qui en était à sa première visite dans notre vieille ville de Québec.
Pendant la première pièce, l’artiste utilisait des effets multiples pour créer une ambiance mystérieuse et captivante, tout en réconciliant des éléments plus liturgiques et d’autres plus païens dans sa performance vocale. La seconde présentait au public un jeu de guitare plus précis et au son clean et rapide qui contrastait avc le premier titre plus chargé et artificiel dans ses sonorités. Le vocal, baigné dans la réverbération, est tantôt constitué de sons aux allures de miaulements angéliques qui pourraient rappeler une certaine Claire Boucher, aussi connue sous le nom de Grimes, et tantôt ponctué de spasmes plus imprévisibles et torturés, mais toujours aussi sentis. Lorsque la troisième pièce commence, on a encore affaire à quelque chose d’original, qui s’inscrit d’une certaine manière en continuité avec les pièces précédentes tout en se distinguant radicalement par les rythmes et les sonorités employées, procurant une belle variété à l’enchaînement d’oeuvres sélectionnées. Si le vocal peut rappeler Grimes, la musique elle, est tout sauf linéaire, peu accessible à la base, souvent apaisante mais parfois syncopée ou encore groovy à d’autres moments. Certains segments résolument plus expérimentaux et hypnotisants donnent davantage une dimension tripative et hallucinante. L’artiste utilisait tout au long de la performance des boucles qui semblaient parfois pré arrangées en partie et qui étaient aussi parfois créées de toutes pièces. À un certain point du concert, une boucle assez développée lui a permis de délaisser son instrument tout en profitant de sa mélodie pour danser davantage en chantant, avant de s’adonner carrément à des figures de yoga et à de la danse contemporaine qui avait des allures d’art-performance. Cette danse l’a éventuellement amenée à retirer des couches de vêtement jusqu’à ce qu’elle n’arbore qu’un t-shirt portant l’inscription « Stop Cop Terror », le tout pendant une pièce évoquant une révolution. À la fin de la performance, on comprenait encore mieux l’art d’Eartheater, qui revendique une individualité sans compromis et dont le t-shirt portait, outre le message mentionné précédemment, la formule revendicatrice « Destroy all systems of control ». C’est vraiment une artiste incontrôlable qu’on a vu jouer, mettre sa musique en boucle, chanter, danser, faire le pont en yoga et finalement se rouler par terre avant de se dévêtir partiellement, avec tout le talent nécessaire pour assumer ses extravagances. Allez jeter un oeil à la superbe galerie photo concoctée par Llamaryon pour vous en convaincre, du moins pour l’aspect visuel. Eartheater a finalement été une belle découverte et un bris de glace très pertinent pour cette soirée mettant à l’honneur la virtuosité de musiciennes fortes, dont celle de la violoniste qui s’apprêtait à gravir la scène après une brève entracte.
Sarah Neufeld est membre d’Arcade Fire et conjointe d’un autre virtuose, le saxophoniste olympien Colin Stetson qui, disait-on, allait l’accompagner pour quelques uns des morceaux interprétés ce soir. Elle est apparue avec une grosse casquette et une veste camouflage surdimensionnée, sans tambour ni trompette pour amorcer le concert en solo. Offrir une performance très technique et sentie au violon ne l’empêche pas de pousser l’audace jusqu’à y ajouter une performance vocale impeccable. Après s’être adressée à la foule dans un français très correct et charmant, la violoniste invite son acolyte Stef Schneider qui l’accompagnera ensuite à la batterie surtout, mais aussi aux séquences, clavieret effets à certains moments. La pièce titre du premier album Hero Brother a permis d’introduire le batteur en force. À la fin de la pièce, de chaleureux applaudissements incitent Neufeld à inviter l’assistance à s’approcher pour mieux sentir son énergie, mais c’est davantage la foule qui avait quelque chose à gagner par ce rapprochement, parce que ce calibre de performance rarement offert d’aussi près avait de quoi plaire dans l’intimité de l’Anti, parmi la quarantaine de personnes qui avaient finalement affronté les intempéries pour aller apprécier un concert aussi enjoué que puissant, de la part de cette force de la nature. L’usage très créatif qu’elle peut faire de son instrument, avec des techniques et styles variés, n’a d’égal que celui que peut faire du sien Colin Stetson, son mari avec qui elle a d’ailleurs collaboré pour un album en duo qui vient compléter leurs discographies respectives. Il l’a d’ailleurs rejoint pour la suite du concert, après un long beat très soutenu fait sur le high hat qui agrémentait une note constante au violon et des vocaux aux allures de mantra. La plupart des pièces sélectionnées étaient interprétées fidèlement mais quelques écarts, extensions ou variations venaient agrémenter le tout à l’occasion. Neufeld, maintenant accompagnée de Colin Stetson, interprète d’abord le premier extrait de The Ridge, son nouvel album, un morceau intitulé « We’ve got a lot ». J’ai de la difficulté à identifier deux des instruments utilisés par le saxophoniste pendant son set, le premier s’apparentant à un saxophone soprano mais branché sur l’électricité et le second ayant la forme d’un trombone vertical mais sans pour autant coulisser, et qui au final semblait plutôt être une autre variante de saxophone. Les deux musiciens, qui ont une complicité impressionnante ensemble, en plus d’être tous deux virtuoses et créatifs, s’adonnaient à des échanges très captivants avec la batterie généralement bien présente à l’arrière plan, avant que cette dernière ne s’estompe pour les deux derniers titres. Le premier de ces derniers morceaux, officiellement le dernier en excluant le rappel, c’était «When The light comes in », qui est également la dernière pièce du plus récent album de Neufeld. Le second morceau, offert au public après un rappel vif et insistant, c’était « The Sun Roars Into View », la pièce monumentale qui ouvre l’album collaboratif avec son mari.
Lorsque les dernières notes se sont tues, on avait l’impression d’avoir partagé un moment précieux avec deux êtres d’exception jouant de leur instrument en symbiose totale, le tout dans une ambiance très sympathique et sans prétention, malgré le gros calibre que les hautes voltiges des interprètes apportaient à la soirée.