Sorti le 4 mars dernier, l’album solo de Marie-Ève Roy, Bleu Nelson, propose un univers totalement différent de celui des Vulgaires Machins.
Le projet d’album solo ne date pas d’hier. En effet, lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande en 2010, Marie-Ève Roy a commencé à écrire son propre matériel.
Le changement d’univers musical auquel nous étions habitués avec les Vulgaires Machins s’entend dès la première pièce « Dis-moi tout ». Roy a fait appel au multi-instrumentiste Julien Mineau (Malajube, Fontarbie) pour l’appuyer à la réalisation et à l’enregistrement de l’album. Ce faisant une ambiance feutrée berce les pièces de Marie-Ève Roy.
Le style indie-pop va à ravir à l’auteure-compositrice-interprète. L’instrumentation laisse place à la voix de Roy. Elle est feutrée et sous le son d’un Wurlitzer, mais pas trop. Inspirée de The XX et de Julian Casablancas, elle fait son propre monde. On se sent caressé par la musique de Marie-Ève Roy.
Golden Bay, c’est un de mes coups de cœur sur l’album. On sent malgré le rythme de la chanson la douleur vécue par l’artiste. La suite la très touchante et intimiste Pleure dans mon cou. On sent la vulnérabilité de l’artiste.
Un autre de mes coups de cœur personnels Qu’allons nous faire. Le son vaguement seventy se porte bien aux textes de Marie-Ève Roy. La dernière pièce Sans manteau, est tout en douceur, qui contraste avec son texte aigre-doux.
Il y a de ces formations bigarrées et intenses qui incarnent l’urgence de vivre avec un certain esthétisme. La troupe garage-punk montréalaise Red Mass en est un bon exemple et elle s’amène avec un nouvel opus fort surprenant qui prouve qu’il est possible de se réinventer et de garder ce qui fait leur succès, soit une forme d’énergie brute qu’ils déploient autant sur disque que sur scène. Pour ceux qui ont déjà suivi de près ou de loin la formation menée par Roy Vucino (CPC Gangbangs, Birds of Paradise, PyPy), les titres réunis ici surprennent principalement pour deux raisons. D’abord, les vocaux de ce Rouge No2 EP présentent des textes écrits dans la langue de Molière, ce qui n’est peut-être pas une première mais n’est certainement pas l’apanage de cette formation habituellement anglophone. Ensuite, différents styles viennent garnir le corpus d’influences thématiques et musicales de Red Mass, dont le nom fait maintenant penser autant à une masse (comme une masse de gens) qu’à une messe (ce phénomène culturel catholique du dimanche, habituellement…) qui prend plus des allures satanistes, comme en témoigne la pochette du disque d’ailleurs.
Les sonorités rétros ajoutées rappellent parfois des styles comme l’industriel avec une tournure métal, le new wave, le cold wave et le post punk, mais on garde aussi souvent un côté assez rock, très abrasif, lo-fi… garage quoi. La pièce « Possession » ouvre le bal, ou la danse macabre, avec brio, mettant tout de suite cartes sur table question de style, les paroles en français sont pro éminentes et agressives, les thèmes bien amenés, les images fortes. La batterie semble être un drum machine et le riff très répétitif rappelle presque Bérurier Noir, mais avec un beaucoup plus vaste registre sonore et rythmique ainsi que plus de métal dans les riffs. La pièce suivante, « Noir et blanc » ressemble plus à du Red Mass typique, mais toujours avec des vocaux en français. Les pièces continuent en alternant entre des tempos plus lents et rapides, comme sur la très stylée « Confession d’un Chacal », qui rappelle l’énergie d’Ed Schrader’s Music Beat, au tempo plus lent et dramatique et aux vocaux proéminents, qui cède sa place à « Infidèle », qui commence dans le prélart à la fast-punk ou trash-métal et qui varie assez dramatiquement par la suite vers des sons plus proches du noise adjoints de spoken word. Le punk-rock-psyché revient ensuite sur « KDAVR » alors que « Après Moi le Déluge » donne plutôt dans le rock commercial avec une tournure décalée.
Au final, l’EP est assez satisfaisant pour mériter plusieurs écoutes dans différents contextes, à la fois festifs et sombres, comme le EP d’ailleurs, qui présente un visage polymorphe mais en même temps étrangement cohérent. L’étendue des styles couverts permet d’espérer davantage d’expérimentations sonores pour le groupe, mais aussi, la réalisation du potentiel de certaines des avenues empruntées ici à toute vitesse.
Lien pour aller vivre ça en personne sur le bandcamp de leur étiquette, Slovenly:
https://slovenly.bandcamp.com/album/red-mass-ep-rouge-n-2-12
Pour aller vivre ça encore plus en personne à Montréal, leur lancement:
https://www.facebook.com/events/1523699927934998/
La formation originaire de la ville de Québec qui se présente sous le nom d’Anatole, et qui se trouve à être menée par l’alter ego d’Alexandre Martel, chanteur et guitariste de la formation Mauves, a pris son précieux temps entre le moment où elle s’est révélée au public et le moment où elle a finalement accouché de la galette qui nous intéresse ici. La transfiguration du musicien en Anatole est telle que le type est pratiquement méconnaissable, ce qui ajoute à l’impression de nouveauté totale. L’invitation lancée par l’artiste pour son accouchement public était à l’image des thèmes récurrents et de l’aura mythique qui l’entoure. Admettant avoir voulu recréer l’ambiance d’un studio-appartement de Los Angeles où l’alcool coulait à flot, le sexe était décomplexé et les drogues dures tombaient du plafond, l’amuse-gueule servi par le combo et ses acolytes au Pantoum pour le lancement qui se déroulait à la mi-mars a parfaitement atteint son objectif: offrir une soirée ludique et festive, gratuite de surcroît, dans une ambiance survoltée d’énergie sexuelle et qui a pris au final les allures d’un coït interrompu incitant à répéter l’expérience bientôt, un Apéro découverte FEQ étant déjà annoncé pour le 7 avril prochain. (Pour les curieux, ÉCOUTE DONCavait donné de ce lancement spécialement VIP un compte rendu détaillé en mots et en images, et il se trouve ici.)
Après une performance énigmatique et embryonnaire au Festival OFF, performance qui fût tout de même appréciée, le public a dès lors surveillé l’évolution d’Anatole, personnage de poète dandy excentrique et sexuel qui est au centre du groupe et qui est personnifié par Alexandre Martel. Une pièce, Baladeur Sony, avait été présentée au public pour l’occasion, sur la compilation préparée par CHYZ pour le Festival, et on la retrouve à nouveau sur l’album, en version évoluée. Par la suite, un court EP de trois pièces dont deux figurent sur l’album et la troisième, Grosse Massue, est une reprise très réussie et assumée d’un hitque l’on doit à Peter Gabriel et qui est emblématique des années 80, décennie dont Anatole se fait l’apôtre, tant dans sa version visuelle que musicale.
D’emblée, les pièces s’avéraient prometteuses et les musiciens qui donnent vie aux créations d’Anatole procurent aux titres réunis ici un puissant pouvoir d’attraction et une force de rétention. Des mélodies accrocheuses, des sonorités assez poussées et une petite armée de synthétiseurs d’hier et d’aujourd’hui, c’est tout ce dont les musiciens avaient besoin pour donner toute la crédibilité requise à un exercice de style aussi audacieux.
Certains pourraient catégoriser l’album dans la « musique ironique » ou « joke music » de par son aspect loufoque, mais tout comme c’est le cas pour les chansons de Gab Paquet, un autre artiste de la vieille capitale au style rétro et aux performances ambigues, il y a indéniablement un côté sérieux et réussi dans les créations, l’étiquette serait donc réductrice. Il s’agit plutôt d’un exercice de style qui à la base est assez banal de nos jours, soit se projeter dans les années 80, mais qui est réussi ici à un niveau qui légitime la démarche, vue la qualité des résultats.Comme pour Gab Paquet, Anatole pond des hits qui restent en tête longtemps après que la musique se soit tue, les paroles sont farcies de paraboles poétiques et de confessionssur le quotidien et l’existence de ces êtres d’exception. Toutefois la comparaison se termine ici, puisque les artistes sont vraiment distincts l’un de l’autre, le premier avec une instrumentation plus rock et le second, Anatole, qui semble davantage féru d’électro planant et captivant.
Afin d’avoir une bonne idée de ce qui a été entrepris ici, il convient naturellement d’écouter l’album intégralement. Le tempo varie d’une pièce à l’autre, l’intensité sonore peut souvent varier à l’intérieur d’une même pièce et plusieurs couches de synthétiseurs, lorsque superposées avec précision, permettent d’atteindre des sonorités captivantes et euphorisantes, surtout si l’album est dégusté avec des écouteurs et un niveau de concentration adéquat. Les plus mémorables et efficaces compositions sur l’album sont à mon sens souvent les plus mouvementées, qui cadrent mieux avec l’hédonisme d’Anatole, mais même les pièces plus tranquilles sont sujettes à des couches superposées qui leur procure de l’aplomb malgré le rythme lent.
Les performances d’Anatole semblent gagner en excentricité à chaque nouveau contact avec le public et bien que l’on doute que l’expérience du lancement VIP puisse être répétée à nouveau dans un contexte plus formel, l’invitation a été officiellement lancée lors de ce lancement-canapé et la majorité des gens réunis sur place semblaient déjà avoir inscrit à leur agenda la performance en apéro découverte du FEQ du 7 avril prochain ainsi que la véritable performance d’Anatole au FEQ, prévue pour le 13 juillet prochain. La stratégie voulant que la soirée de lancement VIP était une perche tendue pour la soirée du 7 avril et que celle du 7 avril en soit une pour celle du 13 juillet (ainsi que l’apparition surprise du 7 juillet dont on est en droit de rêver, l’instant d’une pièce qui aurait tout intérêt à être interprétée de concert par son créateur et son « réinventeur »), elle aurait pu en décourager plus d’un par son aspect marketing machiavélique, mais ce genre de manoeuvres qui raréfie sa musique et rend plus précieuses ses apparitions pour des longs concerts cadre parfaitement avec le personnage de dandy prétentieux d’Anatole.
Nous ayant fait attendre pendant près de trois mois avec leur unique piste Livin’ Free, la formation Gone Dogs de Montréal nous présente officiellement son court, mais combien efficace, EP de trois extraits à la saveur hard rock. Composé d’Alexandre Larocque (vocal), Alexandre Michaud (Guitare), Vince Jo (Guitare), Michael Wagner (Basse) et Dominic Ogden (Batterie), Gone Dogs nous offre une énergie hautement contagieuse.
On commence en force avec Expectations, une longue pièce de 5 minutes. Le tout débute avec une courte introduction avec des rythmes de guitare aux sonorités de rock classique des années 70-80 pour ensuite faire place au vocal d’Alexandre Larocque se démarquant par sa véhémence et sa tonalité rappelant Scott Hill de Fu Manchu, un cran plus agressif et détonnant dans les aigus. Suivent ensuite vers le milieu de la pièce des mesures d’orgues alternés de solos de guitare éclatants par Alexandre Michaud. Un peu cliché, mais toujours agréable à entendre.
S’enchaîne ensuite Finding My Way, composition qui tire ses racines du stoner mais qui, par ses tempos relativement rapides, dégage un caractère plus vif. Après les premières notes de guitare, on remarque la présence de l’orgue qui vient supporter certaines mélodies, donnant ainsi une légère touche psychédélique à la Deep Purple, tout en gardant sa lourdeur.
Enfin, Livin’ Free est, selon moi, la pièce qui se démarque du lot par son côté accessible et radiophonique, sans toutefois tomber dans la pop. Se laissant désirer de par son introduction à la basse fuzzy, elle tombe rapidement dans un style rock n’ roll et punk. Contrairement à sa version “démo”, celle sur leur EP est réenregistrée avec une guitare rythmique additionnelle, ce qui vient combler le vide du solo et ajouter de la puissance aux autres parties de la pièce.
Sans réinventer la roue Gone Dogs nous offre un style énergique et ferme qui fusionne le stoner le punk et le classic rock. On aime leur musique surtout pour leurs mélodies accrocheuses et les solos de guitare que pour les paroles qui profiteraient d’un peaufinage linguistique. La suite sera attendue avec impatience!
On avait hâte en titi d’entendre le premier album complet de notre pieuvre percussive! Eh ben voilà, Claudia Gagné alias L’Octopus lance son premier album jeudi au Fou-Bar (en 5 à 7).
Question de vous donner l’eau à la bouche, nous avons réussi à obtenir une copie de l’album et après de très dures négociations (du type « Ça te tente-tu? » « Oui! » « Cool! »), Claudia et la gang de Pantoum Records vous offrent la chance de l’écouter avant tout le monde ici même.
Bien sûr, Hugo LeMalt gratte la guitare comme lui seul sait le faire et Daniel Hains-Côté accompagne tout le monde à la batterie. L’album, enregitsré quelque part en Beauce, a été réalisé par Hugo Lebel (Les Goules). Bon, assez parlé, allons maintenant savourer les chansons intimistes de la pieuvre!
Bonne écoute!
Merci à Claudia, à La Palette et à Pantoum Records!
La période d’écoute de l’album est maintenant terminée, mais n’ayez crainte, vous pouvez le faire sur Bandcamp :
Depuis quelques années, au Québec, il n’est plus rare de voir des artistes faire des albums qui représentent la réalité et la jeunesse. Prenons Dead Obies, Koriass, ou encore Loud Lary Ajust. Mais où était l’album pop représentant la jeunesse joyeuse, colorée et pleine de vie ? C’est Laurence Nerbonne qui nous offre cet hommage à la jeunesse urbaine et vivante avec son premier opus XO (Coyote Records).
Qui est cette artiste si rafraîchissante? Laurence Nerbonne est une auteure-compositrice-interprète, et aussi peintre à ses heures. Elle est issue du groupe Hôtel Morphée, qui a connu un succès en 2014, mais qui n’a su en profiter assez longuement (malheureusement pour nous !). Le groupe annonçait en février 2015 sa séparation sans donner trop de raisons. Heureusement, la chanteuse n’a pas jeté l’éponge et s’est lancée tête première dans un projet solo. Étant auteure, compositrice, musicienne et beat maker à l’occasion, elle a su faire le tout d’une façon presque autonome. Seul Philipe Brault (Hôtel Morphé, Pierre Lapointe, Random Recipe) s’est greffé au projet comme réalisateur. Laurence Nerbonne lui signe d’ailleurs une magnifique dédicace dans les crédits de Montréal XO.
« Merci à Philippe Brault pour tout. Ton appel téléphonique rassurant au moment où j’en avais vraiment besoin m’a donné la force de faire un album complet. Merci pour ton talent et pour notre complicité. »
Remercions collectivement Philippe Brault d’avoir poussé Laurence Nerbonne à nous offrir cet album, car il est excellent. C’est dans un style électro-pop, parfois bonbon, que se dessinent les dix pièces de XO. Ce style totalement assumé par la chanteuse fait du bien au paysage musical québécois actuel. C’est beau de voir, et d’entendre, une femme assumer sa musique à fond sans censure et sans limites. Les textes ne sont pas des revendications, des textes engagés ou des sujets profonds; ce n’est pas le but ici. Quel est donc l’objectif des dix pièces? Se coller aux réalités de dizaines de milliers de jeunes adultes qui vivent au quotidien les pièces de Nerbonne.
Il est évident que l’amour, la ville, la technologie et l’amitié sont tous des thèmes qui ponctuent les chansons de la jeune chanteuse. Cette naïveté amoureuse, les premiers amours, les sentiments ressentis lors des balbutiements d’une relation, nous les ressentons sur chacune des pièces. Les images et la place à l’imagination sont mises de l’avant et sont adaptées par chacun des auditeurs dans sa propre vie, ses propres aventures. Les pièces Montréal XO et Tinder Love sont très collées aux réalités des jeunes adultes de 2016. Un trois minutes traitant d’amour à travers un écran, il n’y a rien de plus actuel. À l’ère de l’amour au numérique, Nerbonne dresse un portait dur et senti des nouvelles technologies pour trouver l’amour.
« Comme un Tinder Love
Qui ne guérit pas
Comme la foudre qui tombe
Sur nos écrans »
La sonorité sied aussi très bien à notre ère. Nous sommes dans l’électro pop avec beaucoup de rythme. La musique est d’ailleurs en avant-plan et laisse la voix de l’ex-Hôtel Morphée un peu plus en arrière-plan. Sa joie est, par contre, perceptible derrière ses paroles et ses cris. Toujours maniée avec justesse, sa voix est son instrument fort. Du côté des comparaisons, je ressens beaucoup de La Bronze, ou encore du Charli XCX à certains égards, dans cet album.
Plusieurs pièces valent le détour, dont le premier simple Montréal XO, qui a un rythme bien singulier qui donne le goût de danser à fond. Une belle pièce pour les néophytes du genre. Tel que mentionné précédemment, Tinder Love nécessite une écoute attentive pour bien y découvrir les subtilités du texte. Il est difficile de passer sous silence Rêves d’été, qui est, selon moi, la meilleure pièce de l’album. Le refrain est bien travaillé et contient un vers d’oreille qui pourrait très bien tourner sur toutes les radios à l’approche de l’été. Finalement, Lary Kidd fait une apparition sur Balade Luxueu$e, une pièce qui se laisse écouter, mais on a quand même déjà vu mieux en termes de collaboration.
Laurence Nerbonne nous offre un album bien léger et rempli de vie pour appeler l’été. Un hommage vivant à cette jeunesse urbaine remplie d’assurance et d’espoir. Dix pièces rythmées, dignes des grandes productions pop de ce monde, mais qui ne va pas dans le prémâché et dans la facilité. Un album coloré qui saura faire sourire une génération entière. Il faut lever notre chapeau à l’artiste, car l’album a été produit sous le sigle du DIY (Do It Yourself), soit d’une façon presque qu’indépendante, du moins dans la démarche artistique. Ça parait beaucoup dans l’introspection des mélodies et des textes.
Vous en voulez plus ?
Les pièces de XO seront présentées sur scène lors de deux lancements. Le 24 mars, elle présentera le tout à Québec en formule Apéro Découverte au District Saint-Joseph à 17 h. C’est gratuit! Que demander de mieux ? Laurence sera aussi de retour en ouverture de Karim Ouellet le 7 juillet 2016 au Festival d’Été de Québec !
À Montréal, ville ayant inspiré grandement l’œuvre, le lancement aura lieu au Belmont le 23 mars à 17 h.
Déjà six ans se sont écoulés depuis que Fred Fortin a « plastré» de nouvelles compositions en solo. Il y a bien eu le corrosif Agnus Dei signé Gros Mené, véhicule créatif permettant à Fortin de nous balancer des pièces plus sales et juvéniles, mais inutile de dire que le successeur de l’excellent Plastrer la Lune était attendu. Il semble d’ailleurs que l’aventure Gros Mené lui a servi d’exutoire parce que Ultramarr, son nouveau disque, fait la belle part aux chansons folk alors que l’auteur du Lac semble avoir abandonné les guitares grinçantes et les riffs bétonnés. Loin d’être un reproche, on se retrouve avec un album plus homogène et mieux ficelé. Homogène oui, mais pas dans la structure des chansons; une des grandes qualités de cet album étant justement sa richesse mélodique.
Fred Fortin a eu l’aide de Joe Grass pour le pedal steel guitar, de Brad et d’Andrew Barr (qui apparaissent sur 5 chansons) pour l’élaboration de ce riche paysage sonore. Quant à lui, Olivier Langevin, collaborateur depuis toujours, empoigne cette fois-ci la basse sur quelques chansons, tâche qui revient habituellement à Fortin. François Lafontaine aux claviers et Sam Joly aux percussions complètent le tableau avec l’aide de Pierre Girard pour la prise de son.
L’album s’ouvre sur la douce Oiseau, fable aviaire fidèle à l’univers spleenétique de Fortin soutenue par l’habile batterie d’Andrew Barr. Dans Douille, le protagoniste qui cherche d’abord ses cigarettes vit dans un univers qui s’effrite entre les murs d’une psychose. La mélodie chantée par Fortin (appuyé par les synthétiseurs) accentue l’inquiétude qui émane d’une telle débarque. 10$, la pièce qui a inspiré la magnifique pochette réalisée par Martin Bureau semble dépeindre un curieux parallèle entre les courses de char et la vie effrénée d’artiste. Il y a ensuite des pièces comme Gratte (superbe solo de guitare de Brad Barr) ou la fabuleuse Tête perdue qui sont de curieuses bêtes mélodiques. Il y a d’ailleurs sur cette dernière un petit côté progressif qui rappelle par moment son album Planter le décor (on pense entre autre à la puissante Châteaubriand). La touche country-folk est toujours présente grâce à l’envoutante Molly et à Tapis Noir, une sympathique ode à la procrastination. Gros coup de cœur aussi pour Grippe, une magnifique pièce au rythme particulier où Fred chante un certain mal de vivre dans un rendu qui rappelle un peu Leloup. Chanson ironique pour notre ancien premier ministre, L’amour Ô Canada est jouissive malgré sa courte durée. C’est un pièce qui porte définitivement la signature de Fortin par sa richesse mélodique. Ultramarr, pièce titre de l’album, apporte un peu de soleil avec son rythme honky-tonk qui illustre la vie d’un couple de garagistes qui attendent impatiemment l’arrivée de la fin de semaine pour s’éclater un peu. Tite dernière, brève chanson écrite pour la série Les beaux malaises évoque des adieux pour conclure cet album magistral.
Quelques écoutes suffisent pour comprendre que Fred Fortin a outrepassé les attentes. Sans renier son style habituel, il réussit à surprendre l’auditeur. Il y a toujours ce voile de fumée qui vient brouiller la frontière entre l’autobiographique et la fiction. Il y a toujours ces progressions d’accords inventives qui soutiennent des textes riches même si l’esprit juvénile d’autrefois fait place à une poésie plus rugueuse et recherchée. Il y a toujours ces tournures de phrases efficaces et d’une triste beauté comme dans Tapis noir: « J’ai un p’tit coeur patché au gaffeur tape loin du tien en hiver » ou Grippe: »Tu seras le fantôme de quelqu’un que t’étais et que t’as mis aux oubliettes ». Et il y a celui qui livre systématiquement des albums de qualité, mais qui atteint avec Ultramarr des sommets inégalés. C’est un disque somptueux et concis qui se dévoile tranquillement et qui a donc un très haut pouvoir de ré-écoute.
Ce sera d’ailleurs intéressant de voir la grille de chansons du spectacle puisqu’on risque d’avoir droit à un concert plus tranquille. Les bonnes candidates ne manquent pas sur les albums précédents… à moins que le principal intéressé en décide autrement?
Des concerts devraient être annoncés pour une tournée cet automne.
Le 18 mars prochain, le trio Misc (Trio Jérôme Beaulieu avant) sortira leur premier album homonyme suite au changement de nom. Au menu : du jazz moderne, rappelant les standards du genre, tout en lui donnant sa couche personnelle.
Misc a réalisé cet album avec Pascal Shefteshy au Studio PM, à Montréal. Le tout a été masterisé par Marc Thériault du Lab Mastering. La réalisation sonore est impeccable.
Si le groupe cherchait l’équilibre entre compositions et improvisations sur leur dernier opus, Misc est composé de compositions originales qui mettent en valeur les improvisations musicales de ses membres.
L’opus débute avec « La fin », pièce originale totalisant 8 minutes. Dès la première note de piano, l’auditeur est accroché par le jazz du groupe. Piano, percussions de tout genre et contrebasse se rivalisent notre attention et évoluent au fur et à mesure que la chanson progresse.
Sur « Messenger », une reprise jazzé de Blonde Readhead, c’est la contrebasse de Philipe Leduc qui est omniprésente avec le piano de Jérôme Beaulieu et la batterie de William Côté. La cohésion du groupe est solide, ce qui se voit dans les harmonies.
«Respirer dans l’eau» (une reprise de Daniel Bélanger) est un peu moins intense, mais elle compte aussi de beaux moments d’improvisation.
L’ambiance tantôt feutrée (Unlucky, Overgrown), tantôt plus intensivement rythmée (Les années molles) présente les diverses facettes du trio à son auditeur.
Sacré Révélation Radio-Canada 2013-2014, Misc a évolué depuis sa formation. Le groupe a su comment se tailler une place de choix et comment devenir un incontournable dans l’univers jazz québécois. Il s’agit d’une bonne initiation à ce style de musique.
Il y a quelques mois, j’étais en studio avec les gars de Rouge Pompier (Jessy Fuchs et Alexandre Portelance) pour une entrevue en plein processus d’enregistrement. C’est donc évident que j’avais plus que hâte d’entendre le résultat final, tout comme leurs fans qui n’en peuvent plus d’attendre, si je me fie aux commentaires sur la page Facebook du groupe.
Le duo rock a entamé un immense travail en 2015 en faisant des groupes d’écoutes pour déterminer les chansons qui seraient sur leur deuxième album, Chevy Chase. Au total, les groupes ont noté les 45 démos enregistrés. Au final, ce sont les 13 pièces avec les plus hautes notes qui ont été enregistrées aux Studios Piccolo en novembre dernier. J’ai moi-même eu la chance de faire partie de ces gens qui ont noté les démos et il y a des morceaux que je suis heureuse de retrouver sur l’album, tel que Oudepelaille, entre autres.
Ça fait un mois que j’ai l’album qui joue dans mes oreilles une fois par jour minimum et je dois vous dire que, malgré mes attentes qui étaient énormément hautes, je ne suis pas déçue du tout. On y retrouve le côté loufoque du premier album, le côté rock / trash aussi, mais à cela s’ajoute des pièces de type « Oshéaga » comme les gars le mentionnent dans une vidéo des coulisses de l’enregistrement. Sur cet album, on dirait que Jessy Fuchs a suivi des cours de chant tellement le vocal est impeccable et c’est d’autant plus plaisant à écouter.
Les premières secondes de l’album, ce sont des bruits de distorsion, des gros coups de batterie et la chorale Pompier en avant plan. La fébrilité d’écouter l’album pour la première fois s’ajoute à ça et le résultat est que je suis debout derrière mon ordinateur avec des frissons sur les bras.
Vers la fin de la première chanson, Autobus, c’est le moment où, en spectacle, il y aurait un « mosh pit ». Les morceaux un peu plus rock s’enchaînent avec Même si tu frottes, VHS et Chat. L’album effectue un petit virage « pop émotionnel » avec Perds pas ton temps pour revenir avec un élan encore plus rock avec Mercredi, qui me fait penser un peu à Bled de l’album Kevin Bacon. En plein milieu de l’album, on retrouve la chanson Oudepelaille, qui est sans aucun doute ma favorite grâce à sa mélodie et sa folie. Impossible de ne pas avoir envie de chanter avec la chorale qui fait des Ooouuuuoouuuu. L’album enchaîne avec La chanson de l’exercice, qui fait allusion au jeu Punch-out, pour continuer avec Red hot chilli pompier, une autre de mes chansons coup de cœur de l’album. Les deux pièces suivantes, Lana Lang et Lois Lane font visiblement allusion à Smallville, va savoir pourquoi, et sont surtout plus lourdes et tristes que les autres pièces de l’album. Sur Lois Lane, l’instrument principal est le piano, ce qui est une première je pense pour le groupe. Bye à demain et Ta peau, tu la brûles terminent l’album à merveille avec un soupçon de « revenez-y ».
Rien ne me déplaît de cet album qui nous fait passer par toutes les ambiances et émotions. Jessy et Alexandre disent souvent qu’ils font ça pour le plaisir et qu’ils ne sont pas des professionnels, mais ils se trompent. Ce qu’ils nous offrent avec Chevy Chase, c’est du solide et ça restera dans mes meilleurs albums de 2016, j’en suis déjà convaincue !
P.S : La pochette d’album est vraiment belle et, semblerait-il, pour les fins connaisseurs de Chevy Chase (l’acteur), ça vaut la peine d’acheter le CD avec le livret !
La sortie officielle de l’album est prévue pour le 18 mars !
C’est en 2014, dans la foulée de son album Fox, que le chanteur de Québec Karim Ouellet a atteint la trentaine. Fidèle à son habitude de s’inspirer de sa vie pour composer ses pièces, il nous propose son troisième opus Trente abordant, entre autres, l’amour, la rupture et la trentaine. En entrevue récemment avec le magazine Elle Québec, Karim affirmait : «Je me satisfais de moins en moins de mon travail. Je veux toujours faire mieux. Selon moi, les chansons de Trente sont les meilleures que j’ai composées jusqu’à présent». Est-ce vrai ?
D’un point de vue strictement lyrique, Karim Ouellet nous offre son œuvre la plus réussie de sa discographie. Les thèmes abordés, les métaphores et la poésie des textes sont évoquants et parfois émouvants. Nous ressentons la peine, voire une interrogation profonde sur l’amour en général, de sa plus récente rupture sur Cœur gros. Paradoxalement, sur Cœur de pierre, le chanteur espère qu’une fille « brisera son cœur de pierre » tout en s’aventurant par la suite sur un récit sexuel.
Malgré la force des textes, le mélange de genre et quelques prouesses audacieuses de la réalisation de Claude Bégin peuvent parfois être agressants. En effet, le mois dernier, les quelques centaines de spectateurs des spectacles Karim Symphonique présentés à Laval et Québec en collaboration avec Alain Trudel et l’Orchestre Symphonique de Québec ont pu entendre quelques pièces de Trente, interprétées de façon intime et pratiquement acoustique. Nous pouvions entendre la musique et les paroles d’une façon très simple (voix + guitare). Avec la réalisation de Trente, nous perdons parfois cette simplicité qui était présente sur Fox. L’émotion véhiculée des textes est parfois perdue dans une réalisation et des effets trop présents. Le meilleur exemple est probablement la pièce La mer à boire. La distorsion (?) de la voix de Karim Ouellet et les rythmes électroniques viennent nous éloigner de ce que nous avions vécu lors des deux spectacles symphoniques.
Outre cela, Karim Ouellet assume cette tournure électronique, parfois même reggae, visiblement inspirée de son complice King Abid, qui risque d’apporter un effet rafraîchissant à la version concert de cet album. Parlant de concert, les habitués des spectacles de Ouellet souriront au début de la magnifique comptine Il était une fois. Je n’en dirai pas plus, mais cette pièce plaira certainement aux amateurs du premier album du chanteur.
En résumé, pièce par pièce…
Prélude : Ouverture calme et tout en douceur avec les imperfections volontaires de la guitare pour nous ramener à la simplicité de la musique de Ouellet. Cette chanson aurait pu facilement être sur Fox, elle est dans le même esprit que son deuxième opus.
Oh ! Non : Magnifique chanson, qui risque fort d’être un des prochains simples de l’album. La mélodie reste ancrée en nous longtemps, avec la petite chorale en arrière-plan. Je vois déjà Karim se dandiner devant son pied de micro, guitare à la main et sourire aux lèvres en fredonnant le refrain.
Cœur gros : Cette pièce est très émotive dans ses textes, mais le produit fini peut laisser perplexe. Les répétitions des textes et la réalisation sont peut-être un peu grosses, mais il sera difficile de ne pas apprécier cette chanson quand même, car la voix de Karim est très juste et les textes sont magnifiques.
Il était une fois : Cette comptine est très agréable à l’écoute et nous présente un Karim Ouellet seul avec sa guitare nous récitant un poème de son cru et philosophant un peu sur la vie et sur les rêves. Les accords de guitare sont doux et en harmonie avec la voix du chanteur.
La mer à boire : Pièce rythmée et forte de l’album. C’est sans contredit la plus électronique du lot. Malgré le fait que je la considère trop complexe dans les arrangements et beaucoup trop grande dans la réalisation, j’ai bien hâte de voir quelles versions le chanteur choisira en concert. La version acoustique ? La version de l’album ? Un hybride entre les deux ? Je pencherais pour la dernière option, car elle a un potentiel monstre, cette Mer à boire.
Karim et le loup : Premier simple paru il y a quelques mois. Suivant le thème du renard de Fox, un animal se devait d’être présent dans Trente. C’est le loup qui est privilégié cette fois. Le mélange d’une chanson plutôt traditionnelle du registre de Karim et d’une chorale nous donne un petit bijou. Le refrain est un vers d’oreille sans fin.
Dans la nuit qui tombe : Nous avons ici une pièce qui plaira certainement aux amateurs de Fox. Nous sommes dans le même registre que le précédent album. La mélodie répétitive peut être agaçante par contre après quelques écoutes…
Trente : Pièce titre de l’album abordant évidemment le thème de la trentaine. Le chanteur ne voit pas cela d’un œil négatif du tout, mais plutôt comme une brève rétrospective de sa vie, et il y aborde son sujet préféré : l’amour. En prime, voici une version acoustique présentée par Ici Musique où on le voit dans son nouveau costume qui semble le suivre dans toute la promo de cet album. Est-ce le futur du masque de renard?
La course : Bonjour King Abid! Une pièce reggae très agréable qui nous rappelle que l’été approche à grands pas.
Cœur de pierre : Karim s’aventure dans un récit sensuel entre un homme et une femme qui s’aiment et qui vont faire tomber les inhibitions. Le refrain est très accrocheur et rempli d’espoir et de joie.
Les roses : Nous avons ici la pièce la plus dansante de l’album qui nous laisse sur une note bien joyeuse en fin d’album.
En conclusion, ce troisième opus de Karim Ouellet intitulé Trente comprend des petits bijoux qui se grefferont très bien à sa discographie. C’est encore une fois très réussi pour le chanteur qui risque de tourner beaucoup dans les prochains mois. Karim Ouellet s’aventure sur un terrain beaucoup plus rythmé et dansant qu’il nous a habitués au préalable. Il sera très intéressant de voir le résultat sur scène! D’ailleurs, seulement une date figure au calendrier du chanteur : le 17 juin prochain au Métropolis de Montréal dans le cadre des Francofolies avec son complice Claude Bégin.