[NDLR : Notre nouveau collaborateur, Macduff, est un auteur-compositeur-interprète chevronné de Québec. Pour son premier texte, il a choisi de s’attaquer à une vache sacrée de la scène rock mondiale : Radiohead. De quoi vous faire jaser un brin pendant votre brunch!]
Quand les deux oreilles ne s’entendent pas
La brique
Le fanal
A MOON SHAPED POO
A MOON SHAPED POOL
Belle galette livrée par nos génies mondiaux en titre du prog pop, et par les trois autres membres de Radiohead. À en croire les critiques, c’est objectivement leur meilleur à date depuis le dernier qui est aussi le meilleur mais bon, c’est pas de gagner qui compte souvenons-nous en.
Pour ma part j’inviterais bien Thom à prendre un verre, surtout durant la pièce Present Tense, pour qu’il chillax un peu. Tu n’es pas seul Thom à vivre ces moments difficiles, on les vit avec toi. À chaque fois que ton band héroïque nous pond un groove solide (latin!) tu arrives pour nous rappeler que tu es triste. T’es comme le gars qui braille devant les étoiles parce qu’elles te font penser aux points de beauté à ta blonde. Reviens-en tsé.
Je connais plein de gens qui chanteraient volontiers pour des musiciens comme ceux que t’as, pis j’suis certain que Phil Selway y serait content de troquer ton miaulage contre une couple de fills de drums non-séquencés.
Aussi essaie pas de m’avoir avec la consigne planétaire qu’il faut écouter A Moon Shaped Poo 15 fois avant de comprendre quelque chose, j’suis déjà chaud pis sur le bord de tuer mon chien. Il t’imite vraiment trop bien.
Alors le consensus est atteint, Radiohead est au sommet de son art et nous sommes tous émus. Mais j’irais plus loin. À la manière d’une analogie sportive, si Nickelback représente le Canada au soccer, Radiohead sont le Brésil, les meilleurs de tous, même quand ils ne le sont pas, parce qu’ils sont les plus beaux à voir et entendre jouer.
Merci à Radiohead de nous rappeler durant une ou deux semaines comment ils sont au-dessus de tous, intouchables. À savoir si nous devrions tout de même essayer de digérer les autres parutions misérables ou ben les laisser faire seuls le gros du travail. Ils sont en satellite, un téléscope qui scrute les confins de l’univers musical. Et nous les autres, nous sommes pris dans le traffic d’Henri-IV.
Au-delà des contributions orchestrales de Johnny Greenwood et la signature vocale impénétrable de Thom Yorke, largement commentés, il serait temps de souligner l’apport des autres. Nigel Godrich en premier lieu, lui qui par sa production transforme des pièces autrement pastiches en visions du futur. Mention spéciale à Colin Greenwood qui se cache à travers l’album avec des lignes de basse foutrement funky, jouant avec frénésie presque, et qui équilibre à lui seul les lignes mélancoliques des acteurs principaux.
Chambarde, c’est une formation qui mélange le bon vieux rock and roll et le folk. Si vous demandez au chanteur Jean-Sébastien Gasnier à quelle enseigne loge le groupe, il vous répondra qu’il fait du folkabilly. Sur C’est capoté, on vous avoue que cette étiquette est plus que convenable. Et comme la petite frette qu’on a envie de s’ouvrir en écoutant l’album, ça passe plutôt bien!
Accompagné de Diego Castillo, Laurie Harvey et Guillaume Lesage-Tremblay, Gasnier nous propose dix pièces alliant rock and roll, folk festif, traditionnel et chanson. Même si ce cadre est généralement rock, le violon de Harvey ajoute une petite touche qui attire l’attention. Sans réinventer la roue, Gasnier propose des mélodies originales qui, de pair avec les histoires qu’il nous raconte, ont le don de nous faire taper du pied en souriant.
On apprécie beaucoup le rock and roll simple de Blues des îles ou le petit côté chanson française du Syndrome du p’tit castor. Il y a parfois quelques éclats particulièrement lumineux, comme cette À la messe qui n’est pas sans nous rappeler quelques traits d’un Plume. On dit ça de même, votre opinion peut différer.
L’ensemble forme un tout assez homogène, qui s’écoute très bien d’une traite, avec ou sans modération. Un album prometteur. Si vous aimez Les Colocs et Adamus, vous allez être servis.
On aurait dû s’y attendre dès les premières notes du Prélude… ce deuxième long-jeu de Violett Pi, il allait tirer dans toutes les directions. N’est-ce pas le propre de cet auteur-compositeur-interprète capable de tout, du meilleur comme du plus imbuvable?
Si quelques morceaux plairont facilement au plus grand nombre (dont Héroïne, qui attire autant l’attention par ses textes que par sa musique amorphe… puis qui explose), d’autres demandent plus d’une écoute, ne serait-ce que pour bien saisir l’univers particulier de ce jeune homme torturé. Violett Pi partage même quelques instants son avec sa chum Klô Pelgag, qui vient chanter avec lui sur Les huîtres de Julie Payette, pièce un peu grungy sur les bords.
Fidèle à lui-même, Karl Gagnon (c’est son vrai nom) peut aussi être déroutant dans sa façon de se lancer dans toutes les directions. Hip-hop, musique de cirque, punk, pop, rock, heureusement que la basse est là pour donner une certaine ligne directrice rythmique!
Néanmoins, ce qui pourrait être déroutant pour certains risque de s’avérer un véritable coffre au trésor pour le mélomane averti.
Violett Pi sera à L’ANTI Bar & Spectacles ce mardi 3 mai. Portes : 19 h, spectacle : 20 h. 12 $ (porte) – Une belle occasion de voir ce talentueux auteur-compositeur-interprète à l’oeuvre!
Yann Perreau est de retour sur disque avec Le fantastique des astres, une célébration à la vie et l’amour des gens proches de lui. On retrouve l’auteur-compositeur-interprète dans une formule plus festive que sur son dernier album À genoux dans le désir.
Issu d’une collaboration à la réalisation avec Tante Blanche, qui signe aussi les mélodies, Perreau lance le ton à l’album avec la pièce instrumentale, Ayahuasca Waltz, qui ouvre l’album. Beaucoup plus de synthétiseurs et d’effets sonores.
Sur Baby Boom et Momonna, Yann Perreau est beaucoup plus festif. On sort de la zone de confort à laquelle on est habituée. Ce changement de style sort complètement de ce à quoi le chanteur nous avait habitué, mais il lui va bien.
Dans 2 pieds sur terre, le ton est plus vaporeux et beaucoup d’effets sonores sont utilisés. La pièce se transforme ensuite en J’aime les oiseaux, le premier extrait de l’album. C’est életro, c’est festif. Perreau y chante ce qu’il n’aime pas. À la première écoute, on ne sait plus où donner de la tête tellement c’est chargé sonore. À la deuxième, on s’y plaît et on aime.
Pierre Kwenders s’invite sur Faut pas se fier aux apparences, où Yann Perreau prend des allures à la Stromae. Des mélodies africaines et la voix d’Inès Talbi complète cette chanson parfaite pour l’été, la fenêtre baissée. Il s’agit d’un de mes coups de coeur sur l’album.
À l’amour et à la mer, l’auteur-compositeur-interprête est plus calme, plus introspectif. «J’voudrais t’emmener voir l’océan, t’emmener où le mal ne te suivra plus, te voir jouer avec mes enfants », chante-il à sa mère. Sur T’embellis ma vie, Perreau chante à sa copine et à ses enfants, accompagné de la guitare de Jean-Alexandre Beaudoin. Sur Le Tatouage, il demande à quelqu’un de lui faire un signe. Le ton est vaporeux, mais il demeure assuré dans ses paroles.
Mon amour est un loup, a toujours ce petite touche électro. Sur Barcelone, Yann Perreau collabore avec Laurence Nerbonne. Leurs deux voix font bon ménage et se mélangent bien ensemble.
Bref, l’album de Yann Perreau est un beau disque pour danser et pour les festivals. Il y a aussi des moments plus calmes, plus introspectifs. C’est une ode à l’amour des siens et aussi de la chair. Le nouveau son plus électro-pop lui colle à la peau. Cependant, l’auditeur peut avoir l’impression de ne plus savoir où donner de la tête tellement les sons y sont éclectiques.
Deux ans après l’excellent Gazebo, Joseph Edgar lance son sixième long-jeu intitulé Ricochets, un album résolument rock sur lequel on risque de taper du pied assez joyeusement pendant un bon bout de temps. Réalisé par André Papanicolaou, cette nouvelle offrande montre un auteur-compositeur-interprète en pleine maîtrise de ses moyens. En plus de Papanicolaou, Joseph Edgar a fait appel à José Major (batterie) et Alex Pépin (qui n’a qu’à s’occuper de la basse, cette fois-ci). Une brochette de musiciens à leur meilleur pour accompagner un auteur-compositeur-interprète particulièrement inspiré.
Sur Ricochets, Joseph prend vraiment tous les moyens pour réaliser ses ambitions. Les influences sont palpables, tant sur le plan mélodique que sur la qualité de la production. On se dit souvent à l’écoute de l’album que s’ils parlaient français avec un accent acadien, les Springsteen de ce monde hocheraient de la tête en signe d’approbation. Appel général lance les festivités avec un groove qui n’est pas sans rappeler l’homme d’Asbury Park. Chanson un brin engagée, mais surtout engageante, Appel général marque le rythme : cet album sera plus rock, plus incisif, plus grand que les précédents. Plus personnel, aussi. Alors qu’on s’était habitués à l’entendre parler des autres, le voilà qui parle de lui! Braises d’été poursuit dans la même veine, mais cette fois, Joseph Edgar se sert de sa magnifique plume pour nous raconter une de ses histoires. Maîtrise parfaite de son imaginaire. Oui, des fois, c’est léger, oui, des fois, il relate quelques évidences. Mais il le fait généralement dans une langue belle et vivante, sans nécessairement abuser du franglais ni du chiac.
Fille moderne aurait facilement pu se trouver sur Up ou Reveal de R.E.M. Balade résolument pop où Joseph se montre vulnérable, avec quelques craquements dans la voix, cette pièce au pont magique montre la grande qualité de la production. Tout est si clair, si cristallin, en même temps, chaque instrument trouve sa place bien à lui. Travail impeccable de Papanicolaou, ici.
Parmi les autres chansons à ne pas manquer, il y a Horizon, où Lisa LeBlanc se joint à Joseph Edgar et chante dans une harmonie qu’on n’aurait jamais crue possible. Ici, pas de surprise, on se trouve en plein folk-rock acadien au beau milieu duquel on a droit à un solo de guitare.
Ah, tiens, pourquoi pas ajouter quelques tonalités asiatiques sur Tout ce que j’ai pu dire? Encore là, Joseph Edgar montre le chemin parcouru depuis une vingtaine d’années en mélangeant allègrement indie pop, folk-rock américain et sonorités indiennes.
Le meilleur exemple de cette longue évolution est sans nul doute Chanson de dune (revisitée), qui nous ramène au premier album solo de Joseph Edgar, La lune comprendra. Dans ses nouveaux habits aux couleurs country-folk atmosphérique, la chanson brille de tous ses feux.
Sur Overdrive Voodoo, Joseph se lance dans un rock and roll fuzzé et énergique qui prend un peu par surprise. Ben oui, encore des surprises même si on approche la fin de l’album! Heureusement, sur Dormez, les enfants, Joseph ralentit le rythme avec une belle ballade aux accents country. Mashkoui termine l’album en deux temps : tout d’abord, la chanson commence doucement, mais elle gagne en intensité pour terminer comme nous avons commencer l’écoute de cet album : en hochant de la tête et en tapant du pied.
Non, Ricochets ne révolutionnera pas le monde de la musique. Du folk-rock un peu middle-of-the-road, très adulte, il y en a beaucoup dans notre paysage. Mais en mettant l’accent sur ses influences américaines comme il le fait ici, Joseph Edgar réussit à créer un ensemble qui lui colle à la peau. Non, il n’y a pas de ver d’oreille à la Espionne russe sur cet album. En revanche, il y a un équilibre qui nous pousse à écouter l’album du début à la fin. À plusieurs reprises.
À ajouter à vos listes de roadtrip.
Joseph Edgar sera au District St-Joseph le 26 mai prochain à 17 h 30 pour présenter Ricochets dans le cadre des Apéros découverte du FEQ. Allez faire votre tour, c’est gratuit!
Ça faisait longtemps qu’on avait eu des nouvelles du trio On a créé UN MONSTRE. On avait bien vu les gars en spectacle cet hiver et ils nous avaient bien offert quelques nouvelles chansons, mais on avait bien hâte d’entendre du nouveau matériel bien assis à la maison.
Eh bien voilà, le 6 mai prochain, François Larivière, Antoine Lachance (qui vient de présenter un album solo) et Ghislain Lavallée nous offrent Théâtre des catastrophes, EP qui marque un tournant qui s’entend bien : les chansons ont été composées au piano et au clavier.
Qu’est-ce que ça change? Beaucoup de choses, en fait : les chansons sont plus pop, moins éthérées, mais elles gagnent aussi en douceur sans perdre ces mélodies si propres au groupe. Pour vous montrer de quel bois nos amis se chauffent, voici en primeur les deux premiers extraits du EP : Par-dessus bord et Théâtre des catastrophes.
Sorti le 25 mars dernier, le premier album solo de Laura Sauvage, le nom de scène de Vivianne Roy déplace davantage d’air que les pièces de son groupe Les Hay Babies. Les paroles de Roy reposent sur un fond de rock bien assumé.
À la place du banjo, de la guitare acoustique et du français, Sauvage fait plutôt appel à la guitare électrique et à l’anglais pour son premier album. Elle s’est entourée de Dany Placard à la coréalisation et la basse, d’Olivier Langevin à la guitare, de Ben Bouchard aux claviers et de Mathieu Vézio à la batterie.
Empreinte de cynisme, Sauvage amorce l’album avec « Rubberskin », une histoire d’une vieille dame morte entourée de boîtes de nourriture pour chats. «… then I found out, she died », est ponctué des guitares électriques et de battrie.
Elle s’approprie ensuite à sa sauce grunge la chanson Cyanide Breath Mint de Beck.
Les guitares d’Olivier Langevin sur Have You Heard The Good News déplacent de l’air par leurs distorsions. La batterie de Mathieu Vézio en mène large et ponctue la voix de la chanteuse. Elle chante sur l’hypocrisie et on sent que ça ne lui plaît pas. Un coup de cœur pour moi sur l’album. On sent l’inspiration du groupe Blur sur ses chansons.
Elle amorce un petit virage country-folk sur Jesus wants to be My Buddy. Jésus lui offre des cigarettes et va à un party, raconte-elle.
White Trash Theatre School rappelle les années 80-90 par son sujet et son rock un peu psychédélique. Son œil observateur lui permet de raconter des histoires qu’on pourrait facilement croire. Cette chanson est parfaite pour les « road trips » sur de longues distances ou sur des chemins de gravelle.
« You think you’re ugly, you should look at me » , chante-t-elle sur Nothing to Something and Vice Versa. Dans la chanson No Direction Home, Sauvage est seule avec sa guitare. Il s’agit d’un des moments forts de l’album avec Dying Alone où l’on sent la solitude qui pèse sur Roy sur les deux chansons.
Sur Fucker (Stole my Phone), la malchance qu’elle a vécue dans les rues de New York est au centre de la chanson. Roy lui réserve un mauvais quart d’heure. Les guitares fortes en distorsion d’Olivier Langevin et la batterie s’éclatent sur cette dernière.
Dans la chanson, IDWYS Roy est un peu plus sentimentale, mais le ton reste baveux. La dernière pièce qui relit le tout est You’ve Changed, sorti sur son EP. Dépouillée de sa guitare, Laura Sauvage montre qu’elle peut aussi bien manié la guitare électrique que la guitare acoustique.
Bref, cet album inspiré du rock britannique à un mordant que l’on ne retrouve pas chez Les Hay Babies. Le changement va bien à la peau de Roy qui semble dans son élément.
Bien que le terme d’ovni musical commence à être galvaudé lorsqu’on parle de la musique produite par la grosse gang de chums qui gravite dans l’univers déluré de la seule troupe post-rigodon bas-canadienne, Alaclair Ensemble, force est d’admettre qu’il commence à peine à décrire la provenance conceptuelle de cette galette cosmique que nous offrait Rednext Level le 15 avril dernier, gracieuseté de Coyote Records. D’emblée, on se doutait que les sonorités allaient explorer d’autres territoires, que les thèmes et les textes seraient la suite logique du projet précédent et que globalement, le groupe serait le théâtre de toutes les audaces pour les deux MCs bien connus et appréciés du public québécois, Maybe Watson et Ogden AKA Robert Nelson, pour le DJ Tiestostérone ainsi que pour le producteur Tork, un ami d’enfance de Maybe Watson qui gravitait davantage dans les sphères électroniques que dans le territoire rap-queb-champ-gauche occupé d’habitude par nos deux moineaux lyricaux.
On pourrait dire qu’Argent Légal est un album concept, bien que les pièces réunies ici sont assez diversifiées, mais construites la plupart du temps autour d’un noyau dur fait d’un savant alliage de house, funk, rap, trap, r&b et pop. Les thématiques coulent d’une pièce à l’autre, le voyage, la fête et l’argent occupent le centre névralgique des textes, qui sont par ailleurs truffés de références et de pointes d’ironie. Des pièces pouvant rappeler Maroon-5, un autre verse rap emprunté à Madonna, amenant un côté électro et pop au rap que laissait déjà préfigurer des titres d’Alaclair Ensemble, notamment «Mon Cou», qui pastichait déjà la reine du pop et son phrasé saccadé. Ici, on pousse vraiment la dose jusqu’au niveau suivant, et même jusqu’à l’autre d’après, le post-post-rigodon étant une sorte d’enfant bâtard surdoué qui serait né de l’union entre le rap-queb et Rouge-FM. La seule raison pour laquelle l’enfant en question, on le trouve beau au final, c’est que les parents sont assez talentueux pour donner la cohérence, l’authenticité et la qualité à un projet aussi audacieux et risqué à la base. Les mélodies et les refrains risquent d’en faire sourciller plus d’un, advenant le cas où on en venait à prendre au pied de la lettre et au premier degré les compositions de Rednext Level, qui sont par ailleurs à peu près toujours caractérisées par un jeu d’ironie et de références pouvant rendre hommage et faire dommage aux sources d’inspirations. La simplicité apparente du produit cache pourtant un travail de confection et de création assez novateur et cohérent avec leur parcours.
Deux titresont été révélés au public cet hiver, accompagnés de clips mémorables et créatifs, et c’est d’abord l’hyperactive et watatatowesque «Sri Lanka»,infusée au dance et house des années 90 et bardée d’autotune, tout comme c’est d’ailleurs le cas de la majorité des onze titres réunis ici, qui a charmé les mélomanes en manques de sonorités estivales, au plus creux de l’hiver. Quelques semaines plus tard, ce fût au tour de ce qui est devenu entre temps le véritable hymne national de la classe moyenne, la géniale «40K», qui fait l’apologie d’un taxe-payeur, d’un costco-magasineur, d’un Ford-Escape-conducteur, d’un rapport-d’impôts-faiseur et d’un carnet-Desjardins-à-jour-metteur. La pièce, qui est à mon goût le titre le plus réussi, est aussi le porte-étendard du concept de l’album Argent Légal, axé de A à Z sur le contratste entre l’activité et le résultat, la lutte au quotidien et l’amour de la fête, la vie d’un quidam avec des rêves de jet privé, et finalement, le réalisme et la résilience qui vient avec le fait de rentrer dans les rangs, en quelque sorte, et adopter une activité mature et productrice en vue de s’assurer un confort matériel relativement modeste mais pourtant difficile d’accès pour un rapper voulant vivre de son art.
L’album a des visées commerciales évidentes mais n’a pas tout sacrifié à l’aune de son éventuel potentiel radiophonique, les titres gardant un caractère fort ludique, original, novateur, enjoué et vivant, qui manque souvent cruellement aux créations musicales de l’industrie culturelle qui occupent la majorité du temps d’antenne des radios commerciales. Deux habituels collaborateurs d’Ogden et Maybe viennent mettre l’épaule à la roue pour aider les gars, issus d’un milieu habituellement boudé par les radios commerciales, le hip hop, à pénétrer le coffre-fort des succès radiophoniques et entrer en rotation. Avec des refrains aussi accrocheurs et des mélodies estivales de ce type, si aucun de ces deux titres n’en vient à passer à la radio de manière assez soutenue, titres où apparaissent respectivement Claude Bégin et Karim Ouellet, deux chouchous des ondes ces dernières années, je ne sais pas comment les artistes de ce milieu pourront faire une percée dans le domaine grand public. Pour les deux collaborations, d’abord la très sucrée et funky «Faible pour toi» avec Claude Bégin au refrain et à la production, et ensuite, la mélancolique et mélodique «Partir» avec Karim Ouellet, les artistes ont concocté des refrains qui respectent les canons de la pop et se mémorisent à la vitesse de l’éclair pour rester bien incrustés dans les molles fibres du cerveau, même plusieurs heures ou jours plus tard, ce qui leur confère à mes yeux un potentiel radiophonique que j’aurais difficilement pu imaginer possible, en tous cas pas avec un tel aplomb, et tout autant compatible avec l’univers décalé et juvénile qui accompagne leur groupe Alaclair Ensemble depuis les tous débuts.
Argent Légal a parfois le défaut de ses qualités. Pour la plupart d’entre nous, les onze titres réunis ici sont très très sucrés, ce qui pourrait faire sourciller les plus réfractaires à la musique pop, dont j’ai longtemps fait partie. L’exploit réussi par Rednext Level, c’est de faire écouter et aimer une musique construite à la base sur du dance plutôt kitch et très 90s, à des gens qui n’auraient jamais osé imaginer qu’une musique de ce type aurait des chances de leur plaire. On succombe assez facilement aux charmes du groupe, mais l’expérience est assez contre-intuitive au début, surtout pour un mélomane aguerri qui écoute autant du grindcore que du free jazz. Le niveau de qualité ici est assez élevé pour justifier l’intérêt qui doit être porté à la galette pour bien l’apprécier. Celle-ci gagne sans contredit à être écoutée dans des écouteurs, sans quoi la production tonitruante de Tork et les références ludiques et brillantes mises sur la table par les deux MCs pourraient passer à côté de l’expérience et ôter la riche subtilité de leur bébé sucré. On se croirait souvent au beach-club de Pointe-Callumet ou dans les quartiers populaires de Laval, si on en restait au premier degré, mais le tout prend plus souvent des allures de caricatures pince-sans-rire de tout ce qui tombe dans leur mire. La pièce testament de l’album, «Tatouer» est un bon exemple de cette approche à la fois sérieuse et trollesque, avec sa faute d’orthographe (« le rap québécois, je l’ai tatouer »). Le résultat est une superbe pastiche d’une chanson qui aurait pu exister sérieusement, à quelques détails près, comme confession d’un rappeur-couleuvre.
La direction empruntée ici par Ogden et Maybe Watson pour ce projet parallèle est à des années lumières de celle préconisée par Eman et VLooper, lauréats hip hop à l’Adisq pour 2015, mais on peut facilement remonter à une source commune avec Alaclair Ensemble, dont les aspects constituants ont été hypertrophiés différemment par ces deux projets. Alors que les gars prévoient enregistrer un nouvel opus d’Alaclair Ensemble à l’automne, l’album Argent Légal semble pour eux un parfait mélange de 9-à-5 et de récréation, soit une très divertissante activité parallèle qui pourrait s’avérer lucrative. Le travail acharné et le plaisir coupable qui ont donné naissance à cet album très estival devraient permettre aux trois protagonistes de se payer des Ah! Caramel, des cannes de thon et de la Bud-light en masse, à condition que les gens osent les suivre dans cette aventure – et ils ont tout intérêt à le faire. Fake pas l’funk pis boude pas l’fun, prends une portion de ton salaire horaire et va chez le disquaire acheter ta copie pis payer tes taxes dessus, surtout que tu viens juste d’avoir ton retour d’impôts el gros.
À Limoilou, c’est bien connu, quand Robbob (Robert Rebselj) chante, le soleil se pointe le bout du nez. Que voulez-vous, son folk fantaisiste, qui mélange la chaleur de la Polynésie et de magnifiques harmonies vocales, est plutôt contagieux. Difficile en effet de rester indifférent devant l’imagination débordante de Robbob, surtout lorsqu’il se met en mode grivois…
La période d’écoute est terminée.
C’est d’ailleurs ce qu’il fait ici avec sa première offrande tout en français (Limoilou Libre et Godzilla vs. Poutine étaient surtout en anglais), le bien-nommé Horny-thologie. Quand on connaît l’amour de Robbob pour les oiseaux, on sait que les textes vont faire de la haute voltige (ce qui n’exclut pas quelques rase-mottes). Horny-thologie, c’est tout ça et plus encore!
Vous avez d’ailleurs peut-être vu son premier clip, Limoilou Lucha Libre :
L’album a été coréalisé par Simon Paradis et met en vedette le Limoilou Libre Orchestra (Samuel Poirier, Roxanne Chabot, Marie Dubois et Julie Morneau). Pour l’occasion, Robbob a aussi pu compter sur la batterie de Renaud Pilote, le piano et l’accordéon de Jane Ehrhardt et la participation de bon nombre d’artistes invités.
L’album sera lancé de façon tout à fait festive le 30 avril prochain à 21 heures à L’Anti Bar & Spectacles. Alexandre Duchesneau et ses complices assureront la première partie. Les billets seront en vente très bientôt – 7 $ en prévente, 10 $ à la porte.
Amis trifluviens, Robbob sera aussi chez vous le 6 mai au Zénob. Première partie : BOM. 8 $.
Trois ans après son premier album en français (le très bien reçu par la critique « Le résultat de mes bêtises»), Jason Bajada a proposé sa deuxième offre complètement en français en février dernier. Le résultat est vaguement rétro et très riche musicalement.
Suite à un voyage en Islande et à des épreuves particulièrement difficiles pour lui, Bajada a écrit un album aux sons lumineux, malgré ce qu’il se passait dans sa vie. L’auteur-compositeur-interprète s’est allié aux musiciens Jocelyn Tellier (Dumas), Olivier Langevin (Galaxie) et François Lafontaine pour faire cet album. On sent l’apport de ces derniers sur le premier extrait «Pékin (les amitiés)».
«J’ai beau rêvé, mais mon sommeil n’est pas paisible, mon cœur de pierre fait l’imbécile pour toi» , ainsi amorce « Demain vendredi », la deuxième pièce de l’album. Les voix féminines de Marie-Pierre Arthur et de Camille Poliquin (Milk and Bone) qui font le chœur, les guitares d’Olivier Langevin et de Jocelyn Tellier, se couplent à un refrain accrocheur, signal que la chanson est une belle réussite.
Sur « Si je craque », c’est la plume de Jason Bajada qui ressort. Il présente un folk à la Dumas ou qui ressemble à Louis-Jean Cormier dans certaines tournures de phrases. Le thème des relations amoureuses épineuses est présent, comme tout au long de l’album. On ne réinvente pas le style musical, mais Bajada sait y mettre sa couleur.
Les ballades «Je ne termine jamais l’histoire» et «Alors on recommence» vont bien avec le timbre chaleureux de voix de l’artiste. «Jean-François» fait partie des moments forts de l’album, tant par la fragilité que l’on ressent que par le thème de la chanson, soit le suicide d’un ami du chanteur.
On tape du pied sur «Tiens le coup» et la tension monte sur «Des grenades dans les yeux» par le biais des guitares d’Olivier Langevin et de Jocelyn Tellier.
Bref, l’album a plusieurs moments forts et en mérite largement l’écoute, malgré le fait qu’on ne réinvente pas le style musical de Jason Bajada.
Un extrait de «Demain vendredi». [bandcamp width=100% height=42 album=2278824401 size=small bgcol=ffffff linkcol=0687f5 track=1996031835]