Mardi dernier, après un lancement fort réussi à Montréal, Maude Audet lançait son deuxième album Nous sommes le feu à Québec dans le cadre des Lancements de la Ninkasi. À en juger par le nombre de spectateurs présents, le lancement était fort attendu.
Accompagnée du géant Navet Confit à la basse et de Mathieu Vézio à la batterie, Maude avait l’air toute menue derrière sa Gretsch! Même dépouillées du violoncelle, de l’orgue, du piano (et des castagnettes), les chansons de Nous sommes le feu interprétées mardi prenaient sans peine leur envol. Ne reste plus qu’à espérer quelques spectacles en formation complète, auxquels nous nous ferons un devoir (et surtout un plaisir) d’assister.
On a pris quelques photos de la soirée et du magnifique rideau doré (une touche digne de cette fine créatrice d’ambiances au théâtre). En voici quelques-unes des plus belles :
Vendredi 13 novembre, avait lieu la toute première soirée à jamais avoir lieu dans la toute nouvelle salle de spectacle le Ti-Petac (ça ressemble à spectacle non?) à Trois-Rivières. Pour l’occasion, les groupes Hardened, Kiss a of Shovel et The Black Years se sont défilé sur les planches du Ti-Petac.
Il faut dire que cette première soirée était un rodage pour l’équipe et le système de son. Alors, quoi de mieux pour tester cela qu’une soirée métal bruyante pour voir de quel bois se chauffe ces « speakers ». Mis à part un léger problème technique avec un micro, l’ensemble était impeccable.
Fait inusité, avant le spectacle, les gens présents sur place étaient conviés pour un « poser » de skate, oui drette sur le « flat » devant la scène. Y’a des gros tricks qui se sont fait là mon ami! Offrir ce genre d’évènement 2 pour 1 sortant de l’ordinaire c’est la philosophie que compte avoir le Ti-Petac pour sortir du lot. On veut donner une raison aux gens de venir avant les évènements que ce soit un show de musique, de l’impro, une soirée d’humour, tournois de tir au poignet, etc.
C’est le groupe de Drummondville Hardened qui a ouvert le bal sous une trame stoner métal. C’est ensuite le groupe loud rock, sludge sur les bords, Kiss a of Shovel (aussi de Drummondville) qui s’est produit pour le public du Ti-Petac. Bien qu’on assistait à de bonnes prestations musicales, le public semblait préférer prendre une bière au bar ou se griller une clope dehors. Pour finir cette soirée a saveur Rock’n’roule, les favoris de la foule, les trifluviens The Black Years ont clos le bal. C’est à ce moment précis qu’on a enfin pu voir un véritable intérêt des gens pour le show qui se donnait devant eux. Bien qu’il y’en a eu un peu, j’aurais aimé voir un plus de mise en échec et de coup d’épaule lors de cette soirée qui était justement excellente pour se défouler un peu.
Pour ce qui est du Ti-Petac, on leur souhaite un bon succès dans leur nouvelle et jeune aventure. Une très belle salle! Vous pouvez encercler la fin de semaine du 27 et 28 novembre pour leur ouverture officielle.
Jeudi dernier, nous sommes allés voir Les hôtesses d’Hilaire lancer leur excellent album Touche-moi pas là dans un sous-sol du Cercle chauffé à bloc. Il faisait chaud, la musique était bonne et Serge Brideau tenait les fans au bout de ses doigts. Nous étions ses ouailles, ses marionnettes, qui buvaient les paroles de l’abbé!
Le groupe est à Trois-Rivières ce jeudi, plus précisément au Nord-Ouest Café. Évidemment, notre équipe mauricienne y sera et si vous êtes dans le coin, on vous suggère de tout laisser tomber, de faire faillite et de vous pitcher au Nord-Ouest. Parce que la grand-messe des Hôtesses, c’est une expérience à vivre!
Passé un certain âge, la jeune génération semble perplexe quand on lui annonce, tout souriant, qu’on écoute du rap (ou du hip-hop, même affaire!). Il esquisse un sourire, pis toi tu vois ça et tu t’emballes : le cours d’histoire peut commencer. En vain : à la minute que tu namedroppes Grandmaster Flash, les kids décrochent. Loin de moi l’idée de me qualifier de puriste, mais j’aime bien savoir quelle route a été parcourue pour justifier que ma destination soit la plus populaire en 2015. C’est une fatalité : l’rap, c’est une musique de jeunes POUR les jeunes, point barre. Tout ça pour dire que je suis allé voir Loud Lary Ajust à l’Impérial Bell dans le cadre des NuitsFEQ.
Pendant qu’une odeur de post-puberté envahissait la salle et que le paysage qui se dressait devant moi devenait, lentement mais surement, un forêt de capuches su’a tête, ce cher Toast Dawg est monté sur la scène avec Monk.e pour commencer ce spectacle ‘drette à l’heure (une première, dans mon cas. Bravo!). En fait, le set de Toast Dawg était, dans mon cas, un livre d’histoire du « rapqueb » qui s’ouvrait devant moi. Une magnifique clash générationnel, avec des MCs de qualité qui se succédaient. Le fait que le public continuait d’entrer ou de vaquer à ses inutiles occupations me dérangeait, mais « Feeling Light » d’Egypto et Waahli m’a fait décrocher. Les MCs multipliaient les efforts afin de faire embarquer un public qui m’apparaissait irrespectueux. Les rappers louangeaient le légendaire producteur en se succédant sur diverses pièces des deux volumes de Brazivillain ainsi que quelques tracks plus personnelles (s/o à Ken’lo pour sa reprise de Sugar Hill Gang). Ce jeune public s’est fait entendre lorsque Yes McCan a interprété « Moi pis mes Homies », et à la venue de Koriass, qui conclut ce set en lion avec un « Sorry » très énergique.
Koriass ayant rendu la crowd hype (et quelques chants de « Olé » trés clichés), Eman est apparu, masque sur le visage, pour son set qui m’a déçu, dans l’ensemble. Pourtant, Eman et Vlooper sont une des forces tranquilles du rapquébécois : des productions soignées, soulful qu’Eman, un des meilleurs MCs bars-for-bars au Québec (son meilleur verse à vie est sur « Miracle Vivant », qu’il a fait), ride sans problème, avec une certaine désinvolture (presque). Mais ce duo manque de « charisme de scène » (ca existe tu, ça ), ce qui fait que je n’étais pas 100% dans leur performance. L’ajout de ModLee, pendant deux chansons, fut la bienvenue pour un « Back to Me » très senti. Eman s’est amusé avec ce jeune public assoiffé de meme en commençant un « Hotline Bling » qu’il a coupé court assez rapidement, sourire aux lèvres.
La foule devenait plus compacte : signe métaphorique pour moi de laisser la place à cette belle jeunesse qui voulait vénérer leur « rapqueb gods » : Loud Lary Ajust. C’est d’en haut, le sourire en coin que j’observais cette foule se dépêcher sur les nombreux hits de A-Justice, l’architecte du succès de LLA. L’énergie étais au rendez-vous : Loudmouth et Lary Kidd (et son dadbod) sautaient et s’appropriaient efficacement la scène de l’Impérial devant un public conquis d’avance. Leur performance puait l’assurance jusqu’au second étage : ils avaient la certitude que tout ce beau monde se sont déplacés pour eux et eux seulement. Les beats de A-Justice étais mis en grande valeur grâce à la batterie et la guitare (Elliot Maginot, by the way) afin que le tout soit à un autre niveau : celui de l’excellence. « Gruau » fut indécent (dans le bon sens du terme) et j’ai particulièrement apprécié l’implication d’A-Justice dans le spectacle, qui rendait le tout plus vivant et qui le valorisait comme membre du groupe à part entière (J’pas sûr, j’pense j’aime ben’ Ajust…). Loudmouth (qui as pris du galon au niveau charisme) et Lary Kidd n’ont pas pris leur public pour acquis et ont donné l’impression de tout donner pour le dernier tour de piste de leur Blue Volvo, tout en offrant deux nouvelles chansons de leur prochain projet, au passage.
Peu importe: mes élucubrations de old head qui sombre dans un certain élitisme, je souriais subtilement en regardant une scène vivante et éclectique à souhait, remuer la tête sur de la musique originale et actuelle. L’accessibilité de LLA permet de faire briller efficacement le « rapqueb ».
S’il y avait un spectacle de jazz parfait autant pour initier des gens au genre que pour surprendre les plus habitués, c’était bien celui qui a eu lieu samedi dernier au Cercle. Ce soir-là, c’était le lancement du troisième album de 5 for Trio : Garder la tension. Mais dans les faits, c’était bien plus que ça.
La première partie, assurée par le quartette de Nicolas Grynszpan (aussi membre du groupe vocal The Rainbows), en a tout d’abord mis plein la vue. Composé de Kenton Mail à la batterie, d’Alexandre Le Blanc à la contrebasse, de Guillaume Martel-Simard à la guitare et de Grynzspan lui-même au chant, le groupe a fait preuve non seulement de prouesses techniques, mais aussi de son lot de créativité. La première pièce, plus traditionnelle, préparait le terrain tout en douceur. On pouvait déjà y noter le scat tout à fait particulier de Grynzspan, qui semblait chanter comme on joue de la guitare ou du violon, ce qu’il nous a fait sentir en adoptant les poses de ces musiciens pendant sa prestation. Après une brève introduction et une reprise tout en jazz d’Englishman in New York de Sting, le groupe a joué une composition du guitariste intitulée Alex Dreams Dreams. C’est à partir de cette pièce que le public put savoir à quoi s’en tenir avec le quartette du jeune parisien. Sur un accompagnement humble et langoureux de ses musiciens, Grynzspan a entamé un solo vocal imitant la trompette. Mais ici, lorsqu’on dit «imiter», le mot n’est pas assez fort. C’est en tout cas ce que vous dirait sans doute le public alors visiblement impressionné par cette prestation, pendant laquelle le trompettiste improvisé passa à travers la gamme de styles de jeu de trompettes imaginables. Ce fut une performance d’autant plus notable qu’elle eut lieu un peu plus de 24h après les évènements tragiques arrivés la veille à Paris.
A suivi une composition du chanteur lui-même, pendant laquelle sa voix contrefit, à l’aide de quelques effets sans doute, la guitare électrique, voire le synthétiseur. Puis, en guise de pièce finale, on eut droit à une reprise de (croyez-le ou non) Toxic (oui oui !) de Britney Spears aussi entraînante que les autres pièces étaient captivantes. Cela va sans dire que le public applaudit chaleureusement le quartette qui a su réchauffer solidement les planches pour la prestation de 5 for Trio. Il faut mentionner, d’ailleurs, que malgré le talent et l’inventivité notables du chanteur, ce dernier ne faisait pas d’ombre à ses excellents musiciens, dont le guitariste semble être celui qui a le plus impressionné le public. Pour ma part, je crois qu’il ne manquait au tout qu’un solo de batterie pour compléter le tout.
Même avec une performance aussi solide de la part du quartette,5 for Trio n’ont rien eu à envier à leur première partie. Tous deux des spécialistes dans leur style, ces groupes abordent le jazz d’une façon très différente. En effet, si Nicolas Grynzspan fait du jazz avec autre chose (comme avec des pièces pop ou rock), 5 for Trio font autre chose avec du jazz. En effet, malgré leurs standards et leur instrumentation purement jazz, la musique du trio se rapproche bien plus souvent du progressif ou même du rock. Webster, invité à monter sur scène pour rapper sur As de trèfle, explique très bien le sentiment que j’avais notamment à l’égard du rythme de leur musique : alors qu’on est souvent habitué à de la musique en quatre temps, 5 for Trio nous sort de notre zone de confort avec de la musique «en cinq en trois en sept, en on ne sait plus quel temps». Et c’est toujours appelé à changer, même au sein d’une de leurs pièces, qui sont aussi changeantes sur plusieurs autres niveaux.
5 for Trio ont joué leur album d’un bout à l’autre, dans l’ordre, avec la participation de Webster, comme on l’a mentionné, ainsi que celle d’une violoniste et d’une violoncelliste pour la première pièce. On peut relever l’aisance du trio (Sylvain Saint-Onge, Guitare ; Mathieu Rancourt, Contrebasse ; Jean-François Gingras, Batterie) à s’adresser à son public, qui était, avouons-le, très nombreux pour une soirée jazz et très attentif pour un spectacle au Cercle, en plus d’être enthousiaste. Les chansons, variées et intenses, ont été rendues avec un sens du timing im
pressionnant et avec une belle énergie. J’ai particulièrement apprécié Captations clandestines avec ses teintes orientales et psychédéliques. Pour ceux qui étaient au festival OFF, ça m’a rappelé quelques instants la performance monstre de Yonatan Gat. Pour bien terminer la soirée après leurs quelques remerciements et des applaudissements à n’en plus finir, le groupe a fini avec Prevision suivie de Inner Revision, des pièces-suite de leur album précédent, Witness & reactions, personnellement mes préférées de ce disque.
Avec une série de morts et de résurrections sous la cravate, c’est finalement au sommet de sa forme qu’a pris place, et ce pour un troisième soir consécutif, devant un Palais comble, le Roi Écarlate. Il n’y avait pas que des fans purs et durs de musique progressive pour célébrer le retour de King Crimson à Québec, car l’assistance semblait manifestement issue de tous âges et milieux. Le groupe n’a pas tardé avant de faire déferler la musique cette dernière, après un réchauffement presque digne de l’orchestre symphonique, et sous un éclairage du type qui sied à celui-ci à merveille de surcroît. L’emballage visuel est d’une sobriété extrême, de même que la performance elle-même, outre l’aspect musical sur lequel tout le monde se concentre, le concert n’allait être ponctué d’à peu près aucune intervention parlée des protagonistes. Malgré cela, on voyait tout de suite qu’on s’était embarqués dans une aventure assez phénoménale, juste à voir la manière dont la scène était occupée par l’instrumentation impressionnante. Derrière une première ligne d’artillerie lourde formée de trois batteries bleues de marques différentes arborant l’illustration de cyclope de la tournée The Elements, on trouvait un guitariste-chanteur, le nouveau venu Jakko Jakszyk et un saxophoniste/flûtiste, le vétéran Mel Collins, en plus du prolifique duo formé de Tony Levin et Robert Fripp. Après un traditionnel 3-2-1-2-3 les premières notes du titre Lark’s Tongue in Aspic se sont fait entendre. Durant la pièce instrumentale, on a eu droit à un petit solo de saxophone soprano qui a fait quelques clins d’oeil à des pièces plus jazz avant de faire un très bref clin d’oeil à l’hymne national français, « la Marseillaise », probablement en hommage aux victimes de la tragédie parisienne du 13 novembre dernier. Comme les deux soirs précédents, ce n’est qu’avec le second titre qu’apparaît le vocal, l’excellente et frénétique Pictures of a city, tirée de In the wake of Poseidon, un album du début de leur catalogue, début sur lequel le groupe avait promis de mettre le point focal. La voix du chanteur est peut être parfois légèrement vacillante, mais elle demeure toujours juste et rappelle admirablement bien celle du chanteur des débuts de KC, Greg Lake, aussi juste que l’interprétation faite de main de maître par l’ensemble des musiciens réunis sur scène. Les batteurs Bill Rieflin, Gavin Harrison et Pat Mastelotto s’en donnaient à coeur joie pour réinterpréter ce classique, avec une stratégie qui les suivra toute la soirée: soit ils sont trois à jouer en bonne partie en synchro, soit ils complètent l’un l’autre des roulements amorcés ailleurs, faisant passer d’un côté à l’autre de la scène de séquences de coups sur les peaux et les cymbales, soit ils se séparaient le travail, un pouvant être soliste surtout occupé aux tambours et un autre, en appoint, qui se concentre sur un jeu entièrement constitué de cymbales, soit enfin, seulement deux batteurs nourrissent la section percussion alors que le troisième, celui du centre, se concentre sur les touches du clavier lorsque les pièces font appel à cet instrument. En général, ils créaient un effet polyphonique de par la manière dont ils occupaient l’espace sonore, la salle du Palais Montcalm s’y prêtait d’ailleurs admirablement bien, et un effet polyrythmique, avec de nombreux rythmes venant entrer en collision.
Tranquillement, la machine de guerre se réveille et les batteurs commencent à prendre plus de place dans le produit final, surtout avec les pièces conçues pour les mettre en valeur et les transitions qui arrivent rapidement, mais aussi déjà dans l’interprétation de la pièce assez kaléïdoscopique tirée de l’album du même nom, The ConstruKction of Light. Une pièce de batterie qui commençait ensuite impliquait que chaque batteur aie deux baguettes dans chaque main, pour un total de douze baguettes servant à martyriser tambours et cymbales. On arrivait à certains moments à y ajouter une dissonance qui créait un effet free avec les multiples rythmes qui se chevauchaient, mais le bassiste Tony Levin gardait toujours le cap au beau milieu du chaos, changeant d’ailleurs fréquemment d’instrument pour s’adapter aux divers morceaux choisis. L’ensemble était à la fois capable d’une finesse aussi adroite que subtile et de produire à d’autres moments des sons tonitruants. Le trio de nouvelles pièces s’est conclu avec un blues un peu étrange, qui jurait un peu avec les autres titres mais qui gardaient tout de même leur dynamisme et leur force de frappe, conservant mon intérêt malgré mon inimitié pour le blues en général, un genre dont je trouve généralement les canons artistiques trop présents au fil des occurrences. Les délires du saxophone venaient s’ajouter comme en bonus pour que la pièce ne vienne pas attaquer mon enthousiasme. Je constatais aussi au fil des morceaux que leur musique avait très bien vieilli et qu’elle était toujours actuelle, certains éléments pouvant furtivement évoquer Battles, pour le côté très mathrock, Tame Impala pour le côté psychédélique, certains moments évoquant aussi le pendant stoner du rock psychédélique. Mise à part quelques séquences de flûte traversière, qui nous ramenaient allègrement dans les années 70, sans que ce soit négatif, j’étais surpris de trouver que le reste sonnait très actuel, ce que j’ai apprécié comme une bouffée d’air frais.
Après quelques morceaux plus récents construits ces dernières années pour célébrer le retour sur scène de King Crimson, ils ont à nouveau abordé les premiers chapitres de leur discographie avec une première pièce issue de leur premier disque pour cette soirée, la ballade Epitaph tirée de l’excellent In the court of the crimson king, après un petit silence de circonstance de cinq ou six secondes, qui parût plus long à cause de la charge sonore à laquelle on commençait à s’habituer.Le batteur du centre s’affaire au clavier pendant que les deux autres ne peinent pas trop à garder le rythme de cette pièce plus tranquille. Lorsque la pièce s’est terminée, le groupe a eu droit à une première ovation debout précoce mais justifiée. Ensuite vint un début de morceau où deux des batteurs s’en remettaient plutôt à des percussions spéciales, qui avaient des allures de gamelan, afin de faire une transition ouvrant sur la percutante Easy Money, un autre titre qui nous prouvait que le chanteur était encore tout en voix. Tout au long du concert, les protagonistes laissaient une belle place aux musiciens d’accompagnement, comme au saxophoniste, mais aussi au guitariste d’appoint, qui ne servait pas que de faire-valoir. Levin pris d’assaut le chapman stick muni de ses funk fingers, des extensions de ses doigts dont il se sert pour faire des grooves rapides et précis. Le bassiste, qui aura 70 ans en juin prochain, n’y allait vraiment pas de main morte, c’est le moins qu’on puisse dire. Une seconde ovation debout bien méritée ne s’est pas fait attendre davantage, mais elle fût brève, le groupe enchaînant le titre Starless qui promettait de nous donner des sueurs froides avec son ambiance digne d’un film d’horreur. L’éclairage tourne tranquillement au rouge, un des seuls éléments de mise en scène intégrés au spectacle, mais avec un effet intéressant, passant du rose d’abord au rouge feu ensuite, valant au groupe une troisième ovation debout, moins précoce cette fois comme c’était la « fin » du concert.
Après quelques minutes d’applaudissement offerts par la foule apparemment ravie de son expérience, et une scène déserte qui nous ramenait les deux pieds sur terre et nous rappelait que le concert tirerait bientôt à sa fin. Les musiciens ont repris place sur scène et les batteurs ont relancé les festivités avec une portion où leur jeu de batterie prenait des allures de chorégraphie, tant il était beau de voir leurs mouvements respectifs se côtoyer et s’enchaîner dans une tempête de bras agités. Après ce titre,Vint enfin le temps où le groupe allait offrir au public les titres promis, soit la dernière et la première pièce du premier album paru il y a 46 ans, In the court of the Crimson King, respectivement la chanson titre et la pièce qui est probablement la plus emblématique du groupe, 21st Century Schizoid Man, que même Kanye West s’est permis d’échantillonner sur Power, c’est tout dire. La foule chanteur en choeur les lignes de chorale du premier titre, interprété magnifiquement, le troisième batteur, celui du centre, délaissait à nouveau les peaux pour les touches du clavier, comme chaque fois que le groupe jugeait bon d’avoir recours au synthétiseur pour élargir son arsenal sonore. Avec le retour de la flûte traversière, on se croyait vraiment revenus à la belle époque du progressif et ça laissait toute la place à des grooves méticuleusement montés par Levin, au lieu des sections plus frénétiques de la majorité du répertoire conçu avec Levin dans les années 80. Quand la pièce In the court s’est achevée, on savait que le roi n’avait pas dit son dernier mot et que le titre 21st allait enchaîner, et ce fût bel et bien le cas, après quelques secondes de grognements sourds et mystérieux qui permettaient au début très percutant de la pièce de rompre le mystère et de prendre les tympans d’assaut avec un véritable mur de son faisant la part belle aux agréables dissonances du morceau choisi pour clore les festivités. Le saxophoniste s’époumonait et contribuait allègrement à l’ambiance sonore, avec un dernier solo assez énergique qui a précédé des solos de batterie.
L’énergie du groupe ne réside pas dans leur enthousiasme à prendre la scène, et si c’est le cas, cet enthousiasme ils ne le partagent que rarement. L’économie des mots étant à peu près absolue, elle constate de manière virulente avec la générosité de la performance dans son aspect musical. Le seul moment où on a pu voir quelque chose comme du bonheur, c’était dans le gros sourire de Tony Levin qui, s’apprêtant à quitter la scène avant le rappel, prenait des photos de l’assistance qui s’était levée pour la troisième fois pour ovationner le groupe légendaire. Avec des titres soigneusement choisis, une instrumentation aussi atypique que percutante, une interprétation techniquement impeccable et malgré tout fort sentie, tous les éléments étaient réunis pour faire de la visite de King Crimson au Palais Montcalm un franc succès. La très généreuse ovation accordée après le rappel, alors que les techniciens s’affairaient déjà à remballer le matos, prouve que son passage a été plus qu’apprécié par les gens réunis sur place pour l’une et-ou l’autre de ces trois soirées de musique précieuse comme un butin royal.
Un vendredi 13 très rock au Bal du Lézard, effectivement, avec Prieur&Landry et Bronco. Il faisait chaud à Limoilou.
PRIEUR&LANDRY
C’est Prieur&Landry qui ouvre le show. Un amalgame parfait entre stoner et blues. Les gars sont deux dans le groupe, mais les gars sont vraiment intenses (surtout Eliot, le drummer, vous irez voir les photos). Ils transmettent rapidement leur énergie au public. Après les avoir découvert au SPOT cet été, j’adore les voir en spectacles. Leur musique « rentre », on ne peut pas dire autrement. Arrête de niaiser pis va écouter leur son sur Bandcamp.
BRONCO
Quand Bronco monte sur le stage, le Bal est rempli et prêt à les écouter. Le band a une vibe de rock pure : leur musique, leur look et leur attitude. On voyage entre un rock très propre et un son plus trash pendant le spectacle. On en a parlé plusieurs fois de Bronco sur écoutedonc.ca, mais je tiens à dire que Gab Bégin, elle rocke comme t’as jamais vu. Elle l’a, pis on voit qu’elle est passionnée par la musique. Ça se sent, pis elle le transmet merveilleusement bien à son public. Et le reste du groupe ne laisse pas sa place non plus; les gars ont l’air de tripper, et ils sont le fun à regarder. Fait que prochaine fois que t’as le goût de mettre ton jacket de cuir, va voir Bronco pis va rejoindre les autres rockeurs de la ville.
Hier soir au Cercle, on a eu droit à de la visite rare et à de la musique précieuse, gracieuseté de la formation montréalaise Esmerine. Le groupe donne généralement dans un savant amalgame de post rock et de musique de chambre, avec une dimension très lyrique et contemplative qui donne l’effet d’une véritable force tranquille issue tout droit de la nature.
C’est Millimetrik, le musicien et compositeur électronique ambiant, que le producteur a décidé d’engager pour ouvrir les festivités. Si le répertoire de l’artiste originaire de Québec est assez varié, allant du hip hop au quasi nouvel âge en passant par l’électro synth de son plus récent album, Lonely Lights. Il disait lui-même candidement que c’était sa musique froide qui devait réchauffer la foule, si on peut appeler ainsi la trentaine de personnes dispersés sur le plancher et au balcon. Rapidement les grosses basses s’installent et nous rappellent qu’on est devant un artiste électro, même si le côté live du set est mis à l’avant plan souvent, l’artiste prenant les peaux d’assaut à quelques reprises durant le concert. L’utilisation de la batterie rendait sa musique moins étrangère à ce qui était attendu en guise d’ouverture pour Esmerine. Le son très électro du plus récent album le rattrapait toutefois et ça donnait parfois une impression d’artificiel par contraste avec ce qui allait se produire ensuite. Il faut dire qu’il n’y a pas beaucoup de groupes de Québec qui auraient vraiment relevé le défi parfaitement. Même si le concert était bon et senti, le voisinage semblait parfois drôle, ce qui n’a pas empêché quelques pas de danse de s’enchaîner ici et là. Un peu avant la fin du concert, Millimetrik a offert une nouvelle fois au public un remix développé plus spécifiquement pour le concert en ouverture d’Hauschka au printemps dernier.
L’artiste, qui bat aussi les tambours pour le groupe stoner franco Les Indiens, compose actuellement l’album qui sera le successeur de Lonely Lights, et c’était d’ailleurs le dernier concert pour cet album. Dommage que celui-ci aie eu lieu en première partie d’un groupe un peu trop différent, malgré certains éléments communs, comme une structure progressive. Malgré un casting un peu étrange et les habituelles discussions de fond du Cercle, l’expérience de scène de l’artiste a permis de sauver les meubles et d’offrir un divertissement satisfaisant pour patienter pour le groupe principal.
C’est finalement aux alentours de 22h30 que la formation tant attendue s’est installée sur scène pour partager avec les mélomanes réunis sur place la petite magie de leur musique de chambre sur fond de post rock.Cinq musiciens devaient reproduire en direct le répertoire du plus récent disque ainsi que quelques autres titres plus anciens. La contrebasse, le violoncelle, le marimba, le violon et la batterie sont généralement les armes de prédilection des musiciens, mais il arrive à certains de les troquer pour autre chose. La harpe était toutefois absente de cette mouture. La prestance de leur musique suffit à imposer le respect dans la salle et l’ambiance est rapidement devenue propice à la contemplation.
Malgré l’absence de projections ou de tout support visuel externe, la performance méritait d’être observée attentivement. On a pu y voir le joueur de marimba employer un archet pour tirer des blocs de bois un son inusité qui servait à merveille à l’univers onirique créé par la musique d’Esmerine. La performance de tous les musiciens était intéressante, la précision et la finesse venaient compenser au besoin pour le faible tempo, afin de garder le niveau de divertissement assez élevé. La batterie était généralement plus présente en concert qu’elle n’a l’habitude d’être sur disque, ce qui est tout à fait compréhensible comme elle augmente aussi le niveau de dynamisme de la performance. L’assistance, bien qu’attentive, semblait un peu catatonique aux goûts du groupe, mais le côté contemplatif absorbe assez facilement l’attention. Les applaudissements fusaient quand même entre les morceaux, et encore davantage, quand ce fût le temps de réclamer un rappel. Celui-ci fut offert sans cérémonie, mais la pièce a permis au public de reprendre ses esprits et de comprendre que cette belle soirée tirait à sa fin.
C’est le type de concert qui aurait vraiment bénéficié de rangées de chaise, qui manquaient cruellement à l’expérience. Plusieurs personnes ont pu trouver refuge au balcon ou le long du bar, ce qui laissait le reste de l’assistance occuper tant bien que mal le plancher. Disposer des chaises aurait permis de regrouper les gens qui préféraient être assis et les gens qui souhaitaient être proches des musiciens pendant le concert. Ce n’est toutefois pas le genre de détail qui empêche la soirée d’être réussie d’un point de vue musical, car on a pu apprécier des beaux moments bercés par une magnifique musique interprétée avec brio.
Le 10 novembre dernier, j’ai eu la chance d’aller photographier Colin Moore lors de sa prestation au Gambrinus de Trois-Rivières. Les gens qui étaient sur place ont eu droit à un spectacle authentique et à un artiste dévoué et super attachant !
Il y a des ces spectacles qui nous donnent l’impression d’être dans une bulle qui nous coupe du reste du monde. De ces spectacles desquels on sort rêveur, avec l’impression d’avoir passé une soirée en tête-à-tête avec l’artiste. De ces spectacles aux accents uniques qui viennent chercher quelque chose au fond de nous. C’est ce genre de prestation qu’à livré Tire le Coyote, vendredi soir dernier, à salle Anais Allard-Rousseau de Trois-Rivières.
C’est devant un public varié que Benoit Pinette et ses musiciens sont entrés sur scène pour présenter les chansons de leur dernier opus : Panorama. On s’attache rapidement à cet homme qui transpire l’authenticité et qui est sympathie naturelle. C’est sur une touche d’humour que le spectacle a débuté. Y allant d’un «Bonjour, moi c’est Tire le Coyote. Je suis un chanteur pour ceux qui ne sauraient pas ce qu’ils sont venus voir et que leurs femmes auraient trainé ici..», il a donné le ton à ce qui allait être une soirée remplie d’humanité et de réconfort.
La voix particulière de Tire le coyote ne rejoint certes pas tout le monde, mais a la capacité d’émerveiller ceux qui se laissent rejoindre par ce bijoux québécois. Son folk solide, aux accents de blues et de country, en a charmé plus d’un. Ce qui fait la force de Benoit Pinette, c’est également la beauté de ses textes. Cet auteur-compositeur interprète a le don de faire transparaitre, à travers ses mélodies, subtilité et sensibilité. Sa poésie a le pouvoir de faire frissonner, de faire sourire et d’émouvoir à la fois. Peu d’artiste peuvent se vanter d’en faire autant.
Sur scène, on retrouve un Tire le Coyote en confiance, qui maitrise parfaitement son art et qui n’hésite pas à se mettre à nu. Il joue chacune de ses chansons avec une intensité déconcertante qui nous coupe le souffle. Quelques anecdotes racontées sur le vif parfois humoristiques, parfois plus humaines ont agrémenté cette soirée déjà presque parfaite. De plus, la complicité et le plaisir présents entre les cinq musiciens ainsi que l’intimité de la salle ont ajouté à ce spectacle aux intonations singulières et réconfortantes.
En somme, si vous avez la chance d’assister à une prestation de Tire le Coyote, n’hésitez pas une seconde. Il suffira de deux ou trois mélodies et d’un des ses sourires charmeurs pour que Benoit Pinette vous transporte dans son univers propre à lui et duquel on ne veut plus repartir.
Tire le coyote sera en spectacle le 5 décembre prochain au grand théâtre de Québec.
Pour plus de détails : http://www.tirelecoyote.com/spectacle/quebec/