L’amour. Y’a pas beaucoup de mots de cinq lettres plus forts que celui-là. Et y’a pas grand chose qui représente mieux ce mot que le couple Chantal Archambault/Michel-Olivier Gasse, du duo Saratoga. Le duo, qui en est aux dernières dates de la tournée Fleur, était de retour à Québec (presque un an après son passage au Théâtre du Petit-Champlain).
Nous avons été gâtés. Saratoga a fait le voyage à Québec avec le quatuor à vents et le dispositif d’éclairage (sobre, mais diablement efficace) qui avaient accompagné le groupe à son spectacle de Coup de coeur francophone à Montréal. On allait donc entendre les chansons de Fleur comme on les entend dans le confort de son salon avec, en prime, la complicité palpable de nos deux tourtereaux.
J’aimerais vous dire que mes attentes étaient stratosphériques, mais ce n’est pas le cas. Quand on va voir Saratoga, c’est comme si on allait voir deux vieux amis qu’on est juste trop heureux de retrouver. Et Chantal et Gasse avaient de nombreux amis samedi soir! De nombreux amis venus entendre leurs histoires tirées du quotidien (le leur, celui de gens qu’ils ont croisé et d’autres, sortis tout droit de leur tête). Des histoires pas toujours drôles racontées avec tendresse.
Bien sûr, le couple a « brisé la glace » (c’est leur jeu de mot poche, pas le mien) avec Brise-glace, la chanson qui ouvre si bien Fleur. Dès les premières notes de guitare et de contrebasse, tout le monde se tait, ouvre grand les yeux et tend l’oreille bien fort. On sait qu’on va passer un doux moment. Nouveau record : j’ai les yeux humides seulement 30 secondes après le début de la prestation, dès que les vents se font entendre.
Parce que oui, y’a ça : les mélodies de Saratoga font pleurer. De belles larmes de bonheur, du sel qui goûte bon. Ajoutez-y le timbre si riche et particulier des bois qui se mettent de la partie, et c’est avec un sourire béat que vous allez pleurer! Je me tourne vers ma copine. Zut, elle n’est pas là, je l’ai envoyée prendre les photos de la soirée!
Autre nouveau record : Gasse fait des commentaires sur la boucane après seulement une chanson! Les habitués le savent, c’est en train de devenir un running gag, la machine à boucane du Cercle est reconnue pour se faire envahissante (c’est beau, mais ça peut devenir un brin étouffant sur scène).
D’autres chansons profitent du traitement royal du quatuor à vents : Je t’attends dehors a l’air sortie tout droit de la bande sonore d’un film d’amour qui se passe l’hiver, en campagne. On n’est pas du monde, déjà si belle dans sa mélancolie, se voit donner des ailes, transportée par un vent venu des bois d’à côté. Pour vrai! La voix douce et tristounette de Chantal et celle d’un Gasse en parfaite symbiose s’allient parfaitement aux couleurs chaudes soufflées par ce quatuor à vent tout en subtilité. Ce sont encore les bois qui vont marquer la lenteur dans Danser lent. Même si cette pièce est fort sympa lorsque jouée uniquement par le duo, on va vous avouer bien candidement qu’avec les clarinettes et compagnie, elle est tout simplement parfaite. Si on hochait gentiment la tête pendant les couplets, celle-ci devenait langoureuse sous les invitations à danser lent.
Lent. Un autre mot qui définit bien Saratoga. Avec à peine un album et un EP, le duo réussit aisément à meubler près d’une heure et demie qui passe drôlement vite (et quelques gros morceaux ont été laissés de côté depuis leur dernier passage, notamment Madame Rosa et Noëla). Chantal et Gasse n’hésitent pas à prendre leur temps pour mettre leurs pièces en contexte. Les anecdotes parfois loufoques, souvent tendres, se dévorent même si certains, comme moi, les ont entendues pour la plupart un bon nombre de fois. C’est peut-être leur entrain dans leur récit, les regards aussi complices que la première fois qu’ils l’ont raconté, le ton posé de Gasse, qui parle lentement, mais avec autorité… c’est sûrement tout ça.
Après la « chanson de menstru SPM » (toujours aussi drôle Reste donc couchée, une chanson de Chantal que Gasse s’est appropriée) et cette reprise d’une chanson du répertoire hawaïen qui avait autrefois été adaptée et reprise par un certain Michel Louvain (Douce Leilani), ainsi que quelques autres chansons du répertoire saratoguesque, la soirée s’est terminée tout en douceur (pouvait-il en être autrement) avec Saratoga et Fleur.
Oui, on l’avoue, on est très fan de la simplicité de la formule duo de Saratoga. Seulement, il faut le reconnaître, les instruments à vent et le dispositif scénique (quelques lampes chinoises sur lesquelles on envoyait de jolies projections) ont ajouté une touche de magie à ce couple déjà capable de tirer un tas de lapins de son chapeau! Tout ça sans alourdir le spectacle, sans jamais sentir, ne serait-ce que l’espace d’une seconde, que c’était trop. C’est comme si on était dans SARATOGA : THE DIRECTOR’S CUT! On vivait un moment spécial. Un moment que Saratoga a eu la gentillesse de venir partager avec les gens de Québec.
C’est le fan qui parle : Merci Chantal. Merci Gasse.
Maude Audet
En première partie, Maude Audet a fait l’inverse : plutôt que d’être accompagnée de son groupe, Maude était toute seule. Nous avons donc eu droit à des versions toutes nues des magnifiques chansons de Comme une odeur de déclin paru cet automne. Vous savez ce qu’on dit, une bonne chanson, c’est une chanson qu’on aime autant toute habillée que dans son plus simple appareil, et les chansons de Maude tombent dans cette catégorie. Les mélodies peuvent très bien s’appuyer sur la guitare et la voix douce de l’auteure-compositrice-interprète, qui profite elle aussi de ses interventions pour bien présenter ses chansons à un public qui écoutait bien sagement.
Leo, une lettre adressée à Leonard Cohen, a semblé toucher une corde particulièrement sensible chez les spectateurs. C’était le genre de douce mélancolie qu’on était allé chercher, samedi.
C’est le cas de le dire : tout était parfait!
Photos : Marie-Laure Tremblay (sauf quelques-unes par Jacques Boivin)
Keith Kouna, héros local et poète sombre, nous revient avec un 4e album solo intitulé Bonsoir Shérif. Le dernier disque « régulier » de Kouna, Du plaisir et des bombes (l’incroyable projet de Voyage d’hiver étant une relecture de 24 lieds de Schubert), voyait le chanteur iconoclaste emprunter un virage plus pop. Pop ici est un terme relatif à la quantité de vers d’oreille encore bien ancrés dans le cortex de tout mélomane ayant donné quelques écoutes attentives à l’album; on est loin d’un artiste pop au sens aplaventrisme devant les radios commerciales pour plaire au plus grand nombre du terme.
Cette fois, malgré les airs pop d’une chanson comme Poupée, on retrouve une plus grande variété dans les sonorités, passant du post-punk style années 80 sur Vaches, aux brulots rock très Kounesque de Shérif, Madame ou Marie, au groove surprenant de Congo et à l’inclassable Doubidou. Cette dernière, un hymne de style cabaret dédié à la déchéance de l’homme capitaliste est accompagné d’un rythme de clavier que n’aurait pas renié Pierre F. Brault, créateur de la musique pour Passe-Partout. Cette dichotomie chère à l’oeuvre de Kouna entre une musique plutôt joyeuse et un texte furieusement cynique n’a jamais été aussi frappante. Malgré cette vaste palette sonore, l’album est assez linéaire côté thématique. On parle généralement de déchéance humaine (Poupée, Vaches et Pays) parfois vue sous la lentille de la guerre (l’excellente Marie et Congo), de la répression policière (la très évocatrice Shérif), de la dépression (Madame) et de l’apocalypse (Berceuse).
Si l’ensemble est très cohérent, la pièce d’ouverture Ding Dang Dong, laisse perplexe. La poésie énumérative de Kouna est aussi très présente, le procédé étant utilisé dans la plupart des chansons peut devenir irritant à la longue. Certaines chansons, comme Poupée et Pays, seront d’ailleurs de solides défis mnémotechniques pour l’interprétation en concert, mais Kouna n’a jamais été terrorisé par les longs textes (il suffit de penser à Godichons). Malgré ces petites doléances, Bonsoir Shérif, est un autre bon disque de Keith Kouna qui est heureusement devenu un incontournable de la scène musicale québécoise.
Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse du duo Saratoga présenteront un spectacle au Théâtre du Petit Champlain ce samedi, le 17 décembre prochain, dans le cadre de la tournée de l’album Fleur qui est paru sur les tablettes de votre disquaire préféré au mois d’octobre passé. Cet automne, j’ai eu l’occasion de réaliser une entrevue avec le bassiste dans laquelle nous avons creusé plusieurs sujets en lien avec la création de l’album. Nous avons notamment discuté des thèmes qui y sont abordés, du processus d’enregistrement, des spectacles à venir et inévitablement, nous avons parlé de musique. Très généreux et définitivement mélomane, Gasse s’est livré aux questions avec une sincérité authentique qui fait du bien.
L’écriture de l’album
La conception de Fleur, premier album entièrement écrit par les deux musiciens, a été de courte durée. La période d’écriture s’est d’ailleurs échelonnée sur quelques mois seulement, au début de l’année, le couple profitant alors d’une accalmie pour se cloîtrer dans leur nouvelle maison de campagne et travailler les textes : « On a découvert, au fur et à mesure, notre dynamique d’écriture à deux. Ça reste quelque chose qu’on était pas au courant. On a appris à travailler en équipe en écrivant les tounes de cet album là ». Gasse avoue que le duo a réellement atteint son groove après que la troisième chanson ait été composée. Ayant réussi à prendre leur air d’aller, chacun a trouvé la place qui lui revenait dans le processus de création : « Chantal c’est une créative dans tous les aspects de sa vie, elle crée sans arrêt. Moi, je suis pas mal plus relaxe sur ce côté là. J’suis bon pour retravailler les trucs, les peaufiner, les amener ailleurs. Fait que Chantale a souvent été la créatrice des mélodies et des thématiques. Après ça, on finissait par sabler et vernir les chansons à deux ». Or, l’impitoyable hiver québécois étant ce qu’il est, les deux musiciens ont ressenti le besoin de s’évader pour pallier leur incapacité à pondre de nouveaux textes : « Une fois, c’est arrivé qu’après souper on s’est assis pour écrire et ça marchait pas du tout. Chantal a dit »On va-tu dans l’Sud? » Je lui ai dit »Ok! » ».
Le couple a ainsi pris l’avion en direction de la République Dominicaine pour écrire les fenêtres ouvertes, comme le dit Gasse. C’est d’ailleurs dans ce décor tropical que la chanson titre de l’album a été créée : « Il y a quand même trois tounes qui sont nées de ce voyage là dont Fleur qui nous est tombé du ciel dans sa forme actuelle. Tsé quand tu dis que des fois, tu travailles tes affaires pis des fois t’es juste le médium, que tu fais juste amener quelque chose qui existe déjà et qui passe par toi seulement? Ben c’est le cas avec Fleur. Elle est arrivée de nulle part ». Par ailleurs, Fleur engloberait en elle-même le message derrière l’album, celui de prendre le temps de revenir à l’essentiel.
À l’image des deux musiciens de Saratoga, les thèmes exposés dans l’album sont imprégnés d’une authenticité incontestable: « On ne voulait pas faire un album cute. On ne voulait pas écoeurer le monde avec notre bonheur. C’est quand même fucking dull d’écouter des tounes qui parlent des gens qui sont heureux tout le temps », affirme candidement le bassiste. « On s’est mis à regarder autour de nous et on s’est dit qu’on ne se ferait pas à croire que ça va bien dans l’monde! C’est de la marde de bord en bord; la planète tombe en ruines et les gens évoluent le cou penché tellement ils regardent leurs cellulaires ». C’est donc sous les angles collectif et personnel que les musiciens ont voulu aborder le sujet des imperfections du monde moderne, notamment du culte de l’apparence, de la facilité, de la consommation rapide, de la culture du jetable et du rythme trépidant de nos vies. « C’est rendu que les appareils ménagers sont jetables, mais tes relations aussi sont jetables au final! Si toi, à la base, tu te cultives pas comme personne, que tu te groundes pas comme du monde, ce qui se passe autour de toi sera toujours éphémère et tu vas toujours patauger dans le vide », affirme Gasse. Le ralentis l’allure cité dans la chanson Fleur, qui est d’ailleurs devenu un hashtag sur Instagram, est au centre du message que le duo veut communiquer à son auditoire; capter les moments importants et vrais, regarder le ciel plutôt que le cellulaire, essayer d’être une meilleure personne dans le quotidien et retourner à l’essentiel.
Du fait que Saratoga s’adonne à une musique pleine de sensibilité et de délicatesse, l’enregistrement de l’album a présenté quelques défis techniques: « Les musiques de l’album ont été enregistrées à Montréal. C’est un studio situé au coin de la rue Bellechasse et de Saint-Laurent. C’est terriblement passant! Quand t’es un band de rock c’est pas un problème, mais nous autres, comme notre tech le disait, on joue avec le poil des yeux », raconte Gasse. Les micros étaient d’ailleurs réglés au plus fort pour capter la musique que le duo jouait avec douceur. Par conséquent, les bruits ambiants de la métropole empêchaient parfois l’enregistrement des chansons et imposaient un temps d’arrêt. Quant aux voix, elles ont été enregistrées dans leur maison, à la campagne. Or, encore fallait-il attendre la tombée de la nuit car les ronflements des moteurs des motos s’assuraient de se faire entendre: « Il fallait qu’on attende que les motos et les oiseaux se soient calmés un peu, parce que ça pissait dans les micros. Fait qu’on attendait d’avoir le silence radio dans le village et on a chanté ça, dans la nuit, dans le noir avec plein de couvertes de laine installées partout dans notre cave de béton », exprime Gasse.
Bourque, qui était à sa première expérience derrière la console à titre de réalisateur, a également composé les magnifiques arrangements qui enrichissent les mélodies. Gasse raconte que « Guillaume est parti dans un trip d’arrangements. Au début, on savait pas trop où s’enligner. On savait qu’on voulait habiller un peu l’affaire, parce que tant qu’à jouer la même formule qu’on présente en show et à la quantité de shows qu’on fait, on s’est dit que ça vaut pas la peine de faire un album vraiment juste à deux ». C’est ainsi qu’avant d’entrer en studio, Bourque aurait signalé au couple l’idée d’ajouter le son de la clarinette basse qu’il avait entendu dans une des lignes de basse que Gasse avait composée. À partir de ce moment, le duo s’est transformé en trio, la formule de prédilection de Michel-Olivier : « Cette formule là de trio avant, c’est une de mes formules préférées dans toutes les options que la musique classique peut offrir, de par la douceur des timbres. C’est tellement boisé et chaleureux ». Rapidement, Bourque a su livrer des arrangements qui ont conquis les musiciens impliqués et qui ont arraché des larmes.
J’ai demandé à mon interlocuteur de m’expliquer comment il projetait de jouer les pièces plus étoffées de l’album en concert. Comptait-il ajouter un musicien qui les suivrait en tournée? Ou allait-il préconiser la formule duo? « C’est un peu tough de traîner un trio classique pour cinq tounes », raconte Gasse. « L’idée c’est vraiment de rester tous les deux. Les tounes existaient avant d’avoir les arrangements. Au fond, le projet était aussi d’avoir des arrangements qui ne prennent pas la place de la chanson, c’est-à-dire que les chansons ne reposent pas sur ces arrangements là ». Selon lui, l’album est une chose, le spectacle en est une autre. Il faut cependant viser à créer une cohérence entre les deux, ce que Saratoga a réussi à faire. « Ça sera pas long qu’on va habiter nos tounes et qu’on va les livrer comme du monde. Il faudrait vraiment être de mauvaise foi pour penser qu’il manque quelque chose en spectacle », affirme l’artiste.
La proximité avec le public et l’ambiance intimiste qui s’installent dans la salle sont le propre des spectacles de Saratoga. Le bassiste dit prendre son pied dans cette atmosphère de recueillement et d’apaisement que le couple aime instaurer. Selon lui, elle serait en partie causée par l’utilisation de micro condensateur qui oblige les chanteurs de se placer à un pied du micro. L’espace permet à l’air de circuler et de laisser au silence le temps de prendre sa place. « On a cette chance de jouer dans des contextes où les gens comprennent ben assez vite qu’il faut que tu te fermes la yeule, sinon c’est toi qui a l’air cave. Les gens au Québec comprennent ça et on peut s’adresser à eux sur un ton pas fort ». De plus, la complicité des deux amoureux sur scène contribue sans doute à l’esprit chaleureux, presque familial, qui nous charme chaque fois : « C’est très facile sur scène parce que Chantal et moi, on se connaît beaucoup. Même si on est tellement différent à la base, comme personnes, au final on se rend compte qu’on se complète et qu’on fait une équipe du tonnerre dans la vie comme au hockey », confie Gasse. Il ajoute que « comme il ne se passe rien d’autre sur la scène que nous deux, un coup d’oeil entre nous ne passera pas inaperçu. Les gens voient qu’on se regarde pour vrai. Ça reste dans les petits gestes, dans les petites attentions que le monde voit que c’est vrai, pis que ça prend pas grand chose pour être amoureux. Notre projet, le spectacle, nos chansons sont profondément nous autres. On en met pas un chapeau de Saratoga avant d’entrer en scène ».
Michel-Olivier Gasse est un mélomane. Si vous ne me croyez pas, allez jeter un coup d’oeil sur son compte Instagram. Il s’est donc prêté au questionnaire avec beaucoup d’enthousiasme, ce qui a donné de belles réponses bien touffues.
Vinyles, CD ou Streaming?
« Ah! Vinyle. Vinyle. Vinyle! On sera pas bref là! Tu me poses des questions de musique – on sera pas bref! J’ai toujours une relation privilégiée et très profonde avec le médium qui me permet d’écouter de la musique et j’en ai rarement eu deux en même temps. J’ai été à fond dans les cassettes, osti, je me suis donné dans les cassettes! Elles étaient super bien classées, je remplissais les lousses sur les cassettes avec des tounes que j’aimais. Je faisais des demandes spéciales à la radio pour entendre les tounes que je voulais mettre sur les cassettes. Tsé, je suis allé loin là-dedans… Quand il y a eu la révolution des CD, je me suis lancé dans les CD. J’ai été disquaire fait que j’en ai eu une osti de chiée, en plus que j’en ai tout le temps achetés comme un mongol. Après ça est arrivé l’ordinateur pis iTunes, mais j’ai pas tant downloadé de musique dans ma vie, ça ne m’intéressait pas vraiment. Mais j’ai trippé à mettre ma collection de CD dans ma bibliothèque iTunes et pendant quelques années, j’ai écouté de la musique sur un random perpétuel. D’entendre les chansons dans un autre ordre, ça m’a fait découvrir un peu la musique que j’ai achetée au fil du temps. Au travers de ça, il y a plusieurs années, le vinyle est arrivé. Je te dirais que mon premier radio (sic) était une table tournante, parce que j’avais un oncle qui a travaillé à la radio toute sa vie, fait qu’il avait des milliers de vinyles. Je lui en empruntais tout le temps et ça commencé comme ça. Fait que ça fait plusieurs années que je suis là-dedans, mais là je suis exclusivement vinyles parce que c’est autant un statement qu’une question de goût. Je me suis remis à écouter des albums. J’ai lâché mon random éternel pour écouter des albums pis prendre le temps, surtout dans une époque où c’est le single qui prime. On se tue quand même pour faire des albums cohérents d’un boutte à l’autre! Il faut que tu prennes le temps, il faut que tu restes pas loin. Si je reçois du monde chez nous, prendre le temps de choisir la musique et aller changer le bord fait autant partie de toute l’affaire. Ben souvent, c’est une façon de te sauver d’une discussion dull! C’est l’idée de la manipulation aussi! J’aime bien l’idée d’avoir quelque chose de concret dans les mains. La pochette du vinyle te permet aussi d’exploiter l’approche visuelle et justement de faire appel à un artiste visuel. Avec le vinyle, on peut faire de quoi de beau et de grand. Encore là, c’est l’idée de prendre le temps de faire attention à ta musique. Je me rends compte au final que je n’écoute pas tant de musique à l’extérieur de chez moi. Je pars jamais prendre des marches avec des écouteurs. Dans le char, j’écoute la radio parce que c’est mon moyen principal de rester informé. On a fait des milliers de kilomètres en tournée sans écouter de musique, pendant que ma blonde tricote pis que moi je baisse la fenêtre et j’entends juste le vent. C’est ben en masse. Vraiment, j’écoute la musique à la maison, sur le support vinyle uniquement ».
Nomme-moi tes trois albums cultes.
« Ayoye! C’est tough en osti! J’ai envie d’y aller selon les albums fondateurs. Je vais avoir l’air chiant de parler de Paris tout le temps, mais j’ai trouvé Odelay de Beck la semaine passée. J’ai réalisé à quel point cet album là était vraiment fondateur. C’est le moment où l’album arrive dans ta vie aussi… Un album arrive d’un coup il va ouvrir tous tes horizons pis te montrer que ces choses-là se peuvent. Odelay a fait ça, terriblement. Quand l’album est arrivé en 1996, j’avais entendu Loser pis ça m’énervait. Mais quand j’ai écouté l’album, je venais vraiment de pogner de quoi. Je suis devenu quelqu’un d’autre. J’appliquerais le même traitement au premier album de Fred Fortin (1996 :Joseph Antoine Frédéric Fortin Perron). C’est quelqu’un qui est arrivé dans un moment assez terrible au Québec. Il y avait rien qui existait de cool, de jeune, de trippant, de challengeant dans se temps-là. Fait que nous autres dans la gang à Vallières dans le temps, quand on commençait à faire de la musique, Fred Fortin nous a donné une méchante volée. Mon Dieu! Le troisième… Je vais dire Exile on Main St. des Stones. Je suis un grand fan des Stones. Cet album là est dans les premiers albums doubles. Il est interminable. Il est excellent d’un bout à l’autre et il n’y a aucun hit dessus! C’est l’album de Keith Richards, enregistré dans des conditions terriblement difficiles parce que tout le monde était sur l’héro pis tout a déboulé à partir du moment où même les techniciens en faisaient. Cet album là j’y reviens, même s’il sonne comme de la marde. Il est tellement rock, tellement croquant, tellement vibrant que je ne me tanne pas ».
Qu’est-ce que tu écoutes quand t’es dans le mood for love?
« Dans le mood for love? J’écoute pas de musique, j’embrasse ma blonde! Dans le mood for love… Ben je te dirais Al Green ça reste un grand favori d’approche sensuelle et de swag. Fuck Barry White! Le band d’Al Green est reconnaissable de bord en bord. Il y a trois frères dans le band. C’était l’époque où il y avait des House Band dans les compagnies de disque. Le drummer me fait vibrer autant qu’Al Green lui-même. Fait que, ouais, Al Green.
As-tu déjà pleuré à l’écoute d’une chanson?
« C’est On veillera le feu, la dernière toune du dernier Ep de ma femme, qui parle de la maladie de son père. Tu comprendras que le lien est assez direct. Je l’ai pas braillée juste une fois. D’habitude, ça kicke quand elle dit »je sais qu’il ne suffit pas de mes mains près de ton cœur’’ »
Qu’est-ce que tu aimerais qu’on joue à ton enterrement?
« Qu’est-ce que j’aimerais qu’on joue à mon enterrement… Osti! J’aimerais qu’on joue de la musique de la Nouvelle-Orléans. Si je pouvais avoir une fanfare à mon enterrement, ce serait débile! On est allé deux fois en Nouvelle-Orléans et la première fois qu’on y est allé on a entendu une fanfare arriver au loin. On voit ça approcher et on se dit que c’est un mariage. Ça avance pis ça groove, c’est terrible! Deux jours après, on entend encore une fanfare et on se dit « tiens! Encore un mariage! » Mais là, le monde est habillé en noir et porte un T-Shirt de la face de leur ami, mais c’est la même joie qui ressort! Il y a un slogan qui vient de la Nouvelle-Orléans qui dit We put the fun in funerals. Fait que ça reste une célébration. Fêtez-moi en trippant, saoulez-vous câlisse! Soyez tristes que je ne sois pas là – parce que j’aurais aimé ça être là – mais trouvez moyen de vous faire du fun dans tout ça».
Fleur. Un mot qui évoque des tonnes d’images. Toutes plus belles les unes les autres. Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse n’auraient pas pu trouver plus parfait pour nommer le premier album de leur projet conjoint Saratoga.
Fleur, c’est aussi une dizaine de chansons qui évoquent elles-mêmes des tonnes d’images. Dix petites oeuvres universelles, intemporelles, qu’on risque d’écouter très, très, très longtemps.
C’est, entre autres, Brise-glace qui, comme une graine qui germe et sort de terre, annonce ses couleurs et donne de l’espoir. Ça commence tout doucement avec Chantal qui murmure presque J’ai l’hiver incertain, le corps qui dégèle et se refige le lendemain. Gasse réplique La fonte voit pas le jour, j’patine et vire de sourre, un brise-glace dans ta cour. Puis les deux chantent Le coeur comme un lac gelé qui cale avant le temps, la traversée est risquée, anyway, on s’attend. Fuck. Ça fait même pas une minute que l’album est commencé et j’ai déjà les yeux humides. Pis là, les maudits instruments à vent embarquent. Oui, j’ai dit maudits. Tout à coup, c’est mon coeur à moi qui fond. Tout est déjà parfait. La douceur, si caractéristique de Saratoga, est partout. Dans les mots. Dans la mélodie. Dans les voix. Dans les arrangements.
C’est Fleur, que j’ai entendue pour la première fois cet été, alors que je couvrais la prestation de Saratoga au FEQ. Une belle éloge de la lenteur (Ralentis l’allure, tu brûles à mesure, tu tournes les coins ronds, tu passes droit), comme un tournesol qui s’ouvre lentement en se tournant vers le soleil. Une chanson que tous les médecins devraient prescrire aux gens qui brûlent la chandelle par les deux bouts. Une invitation à prendre le temps. À savourer la vie. À ne pas passer à côté du bonheur.
C’est Jack et Noëla, deux tiges auxquelles il manque quelques pétales. On pourrait croire que ces deux fleurs sont moins belles que les autres, pourtant, il n’en est rien. Les écorchés se reconnaîtront dans ces deux chansons qu’ils prendront comme un baume sur leurs plaies. Et même si je les regroupe ensemble ici, ces deux chansons n’ont en commun que leur beauté. Jack est plus introspective alors que Noëla a un petit côté entraînant. J’aime cette façon qu’ont Chantal et Gasse de faire d’éléments plutôt banals des événements plus grands nature (on voit la poussière se lever quand Noëla se traîne les pieds!).
C’est Les derniers jours, sur une teinte bluesée, à la guitare électrique et au piano. Y’a de la tristesse dans la voix de Gasse. Cette chanson est encore toute neuve, mais elle me fait penser à une feuille morte qu’on garde dans un livre en souvenir de meilleurs moments : oui, elle est toute sèche, mais pour nous, elle est encore en vie. Non, ce n’est pas jojo, mais Saratoga réussit encore à faire de la mélancolie un onguent qui aide à cicatriser les plaies.
Pour conclure, Fleur, c’est les deux voix de Chantal et Gasse qui se marient à la perfection sur des mélodies qui ont l’effet d’un doux feu de foyer et d’un chocolat chaud sur nos coeurs. C’est aussi voir nos deux auteurs-compositeurs-interprètes nous montrer leur jardin (du moins, celui qui n’est pas secret), dont ils ont pris le plus grand soin. C’est enfin une dizaine de belles chansons soigneusement emballées comme des cadeaux qu’on donne aux gens qu’on aime. Et qui demeureront magnifiques une fois sur scène, sans les excellents arrangements (de Guillaume Bourque, aussi réalisateur). Parce que Fleur, c’est Saratoga, duo formé de deux superbes êtres humains qui font un bien énorme en étant eux-mêmes.
Si vous avez aimé l’album, il vous reste à vivre l’expérience Saratoga comme il se doit : en compagnie de ses deux membres. On pourra se gâter le 17 décembre prochain au Théâtre Petit-Champlain de Québec (billets) et le 11 février 2017 au Vieux Bureau de poste de Lévis (billets).
Vous le savez, on a un gros faible pour Saratoga, le projet commun de Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse. On adore leurs chansons intimistes, branchées sur le quotidien. On aime la douceur dans laquelle leurs textes sont enrobés.
Après un maxi qui a fait le bonheur de nombreux mélomanes en 2015, Saratoga nous offrira, le 14 octobre prochain, Fleur, le premier album complet du duo. Question de nous mettre l’eau à la bouche, on nous offre un premier extrait, la pièce-titre, qui nous avait tant charmés en spectacle.
On partage avec vous et on attend l’album avec impatience.
Il y avait une belle petite foule alors que le Pantoum ouvrait ses portes exceptionnellement un jeudi soir pour le spectacle de lancement de Rosie Valland. Un prof y avait même convié ses élèves pour leur apprendre à faire une critique de spectacle (j’aurais donc dû suivre ce cours, moi!). Beau petit public, donc, venu se faire charmer par une auteure-compositrice-interprète qui vient de lancer son premier album, Partir avant, qu’on a beaucoup aimé ici.
Comme j’avais raté sa prestation au Show de la rentrée, j’avais hâte de la voir défendre cet album sur scène. Mes camarades montréalais m’ont dit tellement de bien sur cette jeune femme, j’étais impatient de voir ce qu’elle avait dans le ventre.
C’est entourée de trois excellents musiciens que Rosie monte timidement sur scène pour nous interpréter ses chansons. Dès le départ, on sent que ça va rocker beaucoup plus que sur l’album. Dès qu’elle met les mains sur sa guitare, la jeune femme timide gagne en assurance. Rosie regarde constamment le public qui le lui rend bien en écoutant religieusement. Les interactions avec le public sont rares (« Si vous voulez en savoir plus, je vous dis tout dans mes chansons! »). On avait été prévenus : Rosie se concentre sur l’essentiel.
Mon agacement à la première écoute de l’album avait fait place à l’émerveillement. Les musiciens sont tight. Les arrangements sont magnifiquement rock. Les guitares, omniprésentes, enveloppent la voix parfois tendre, parfois un brin rauque, de Valland. Une chanson comme Nucléaire, déjà plutôt envoûtante sur disque, prend son envol sur la scène. Ce qui ne nous empêche pas d’apprécier les moments plus subtils, comme sur St-Denis, cette chanson résolument folk-pop sur laquelle personne n’a pu empêcher de se déhancher (en douceur).
Après une Olympe à la finale rock, riche en guitares, Rosie Valland nous termine ça avec une Finalement qui vient nous rappeler pourquoi on aime tant ce petit brin de femme. Capable d’allier subtilité et intensité, de rocker tout en finesse, de jouer avec les mots…
Après ce spectacle, il ne faisait aucun doute dans mon esprit que Rosie Valland a déjà trouvé sa place bien à elle dans notre univers. Un joli petit jardin qu’elle pourra cultiver longtemps. Très longtemps. Pour notre plus grand bonheur.
Après un premier maxi qui a fait tourner quelques têtes, voici le premier album, fort attendu, de la jeune auteure-compositrice-interprète Rosie Valland, Partir avant. Une très belle carte de visite folk nuancée aux accents atmosphériques qui s’écoute sans trop de mal du début à la fin, si ce n’est de cette impression constante qu’on a déjà entendu cette musique quelque part.
Album de rupture, un brin mélancolique, résolument atmosphérique, Partir avant a toutes les caractéristiques d’un album longuement mûri, peaufiné, travaillé. Accompagnée de Jesse MacCormack et de Jean-Philippe Levac (Pandaléon), Valland nous sert une collection de neuf chansons folk-rock sages, mais pas trop, qui lui ressemblent.
On a toujours peur quand on écoute un premier album, surtout quand il est fort attendu comme celui-ci. On a peur de se retrouver avec des chansons un peu naïves, un peu trop premier degré, remplies de rimes faciles et de jeux de mots primaires. Valland évite ces écueils : les textes sont beaux et touchants, le vocabulaire est riche, Valland chante ses émotions comme elle nous parle, et nous, ben nous restons là, suspendus à ses lèvres.
En musique, le power trio composé de MacCormack, Levac et Valland a réussi à envelopper ces textes avec de fort jolies musiques. Comme on l’a dit, c’est très atmosphérique, souvent très feutré, mais on n’a pas peur de sortir les sonorités plus rugueuses et intenses au besoin. Ce ne sont pas des chansons qu’on risque d’entendre très souvent à la radio (bien que Olympe et St-Denis ont un petit côté pop piqué des vers), mais ça, c’est surtout la faute des diffuseurs.
Seul hic, et dans mon cas, il est assez gros : dès les premières notes d’Oublier, on a une grosse impression de déjà entendu. Voilà, Rosie Valland a un timbre de voix qui ressemble beaucoup à une autre auteure-compositrice-interprète qui fait dans le folk-rock (Salomé Leclerc, pour ne pas la nommer). Ajoutons à cette (belle) voix un univers musical qui ressemble un brin à celui de Leclerc, et nous voilà un brin agacés. J’imagine que cet agacement sera moins grand chez ceux qui connaissent moins bien le répertoire de Salomé. J’imagine aussi qu’au fil des écoutes, cet agacement laissera sa place au plaisir d’écouter de bonnes chansons. Est-ce le fruit du hasard? Quand on lui demande de nous parler de ses influences, Valland parle plutôt de Cat Power, de Feist et de James Blake. Des influences que nous reconnaissons dans ces chansons, certes, mais pas aussi clairement.
Est-ce suffisant pour bouder son plaisir? Naaaah. Partir avant est un très, très chouette album qui, à notre avis, n’a qu’un vilain défaut. Combien d’artistes auraient rêvé pouvoir lancer leur carrière avec un tel album? Combien d’artistes ont des chansons qui frappent droit au coeur comme Finalement ou Nucléaire? Il y en a plein qui n’y arriveront pas, même en s’essayant pendant des années et des années.
Sur ce plan, Partir avant est une réussite. Rosie Valland est lancée et rien ne pourra l’arrêter. À 23 ans, elle livre déjà des chansons magnifiques, émouvantes, parfois un brin troublantes, qui parlent autant au coeur qu’à la tête. Une écoute est de mise.
Rosie Valland sera au Pantoum le 24 septembre prochain. Détails : https://www.facebook.com/events/878489625571511/